Les risques de la dématérialisation sur l'application des règles du droit

Les risques de la dématérialisation sur l'application des règles du droit

– La compréhension des notions juridiques. – La compréhension du droit et particulièrement celle des droits fondamentaux nécessite un apprentissage des notions juridiques. Elle mobilise le juriste plusieurs années afin d'en connaître toutes les subtilités, lui permettant également de bâtir un raisonnement fondé sur le syllogisme juridique fondamental : mineure (les faits), majeure (la règle de droit), conclusion (application de la règle de droit aux faits). L'accès au droit suppose non seulement la connaissance des lois, des règles et des procédures régissant nos sociétés mais également d'apprivoiser les moyens de les mettre en œuvre. Le danger du numérique est l'illusion d'avoir de telles connaissances grâce à internet http://enetter.fr/introduction/ii-le-numerique-et-le-droit/#1_8211_Lacces_a_linformation">Lien .
Cette accessibilité numérique est loin de signifier l'assimilation juridique des données récoltées A. Meissonnier, Risque juridique et dématérialisation : Gaz. archives 2016/2, no 242, p. 71-80 (www.persee.fr/doc/gazar_0016-5522_2016_num_242_2_5354?q=le+droit+dematerialise">Lien). . Pour illustrer le propos, il suffit de s'intéresser à la notion de faute. En matière civile, aucune définition n'existe, ni légale ni jurisprudentielle. La Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur le sujet. Sa caractérisation relève de la compétence des juges du fond. La Haute Cour contrôle en dernier ressort la qualification juridique donnée par les premières instances Cass. civ., 15 avr. 1873 : S. 1873, p. 174. . La doctrine en a déduit que la faute s'analyse en un manquement à une obligation préexistante M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. II, 3e éd., no 947. . En droit pénal, la faute est dépendante de la notion d'intention. La loi de programmation 2018-2022 L. no 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : JO 24 mars 2019, no 0071, texte no 2. s'oriente vers une justice sur dossier. Dans l'exemple cité, le profane peut être leurré par une lecture sommaire d'une définition trouvée sur internet, et estimer à tort qu'une erreur de conduite ou une défaillance sont constitutives d'une faute pénale. Par ailleurs, des LegalTech Pour exemple : www.caselawanalytics.com/">Lien proposent de sonder ses chances de réussite ou de perte au procès en fonction des éléments qu'il aurait lui-même fournis. Il sera sans doute tenté de saisir la juridiction compétente via une plateforme d'accès. Cela participera à terme soit à l'engorgement des tribunaux, soit à la création de e-tribunaux.
– Le risque de déshumanisation. – La digitalisation est présentée comme une opportunité entraînant une mutation dans les procédures d'accès aux droits. Sous couvert de faire entrer la justice dans le XXI e siècle, tous les domaines du droit sont touchés par une transformation numérique. L'inquiétude kafkaïenne d'éloigner le justiciable du juge est fondée. Les citoyens expriment leurs demandes en utilisant des termes courants. Leur traduction en termes juridiques se conçoit difficilement en cochant des choix parfois inappropriés à leur situation sur des formulaires en ligne. Conçue comme un gain de temps et d'économie, la multiplication des démarches en ligne pour accéder aux droits déconnecte les justiciables de la société en pleine progression.