Les professionnels du droit ont tous bien compris la nécessité de maîtriser eux-mêmes les outils s'appuyant sur l'IA. Ces outils numériques élaborés par les mêmes usagers/professionnels restent au service de la profession concernée, seule juge de son usage et de ses limites. Maîtriser l'outil numérique utilisant l'IA, c'est défendre l'identité de la profession et accroître ses chances de survie.
- Les huissiers de justice ne disposent pas de bases de données propres suffisantes pouvant entraîner une IA. Ils réfléchissent actuellement à l'usage et l'objet qu'ils pourraient trouver à l'exploitation de leur Minutier central. Ils devront préalablement régler diverses questions juridiques liées à l'anonymisation des données et au secret des affaires. En attendant, leur incubateur Syllex a investi dans une société utilisant l'IA pour exploiter les décisions de justice disponibles sur l'open data du ministère de la Justice. Cet investissement, à l'origine purement intuitif, a permis à la profession d'identifier quelques besoins qu'elle n'a pas souhaité divulguer à ce jour.
- Pour les avocats, il semble que le CNB n'ait pas initié de projet spécifique, car ne disposant pas directement de bases de données pouvant l'alimenter. Cependant, l'open data judiciaire et l'open data des décisions de l'ordre administratif pourraient constituer demain des données largement suffisantes pour être traitées par une IA. Ces bases de données étant aujourd'hui sous le contrôle de l'État et la responsabilité de la Cour de cassation et du Conseil d'État, il conviendra préalablement de définir avec ces derniers les termes de leur exploitation.
- Pour les notaires et son instance représentative (CSN), si l'IA répond à un besoin, alors la profession doit promouvoir les idées innovantes provenant de startups labellisées. Certaines des suggestions d'usage développées par l'Assemblée de liaison dans son rapport de 2018 doivent être encouragées. Peuvent être cités la valorisation de certaines données figurant dans les actes déposés au Micen pour déceler des incohérences relatives au bien, le traitement des données clients pour améliorer le suivi de la clientèle. Plus précisément, l'IA permettra d'accroître le traitement des informations nécessaires à la rédaction d'un acte. Ces dernières proviennent tantôt des registres numériques existants (Micen, FCDDV…), tantôt des documents obtenus d'administrations diverses (DIA, CU, Safer…). Toutes ces informations dûment identifiées et croisées grâce à l'IA permettront de déceler d'éventuelles erreurs, incohérences, voire contradictions lors de la rédaction de l'acte. La Chambre des notaires de Paris a, quant à elle, lancé deux projets à l'aide d'un fonds d'innovation créé en 2018 doté originairement de 6,2 millions d'euros. Ce fonds a pour objectif de développer de nouveaux outils numériques?notamment avec l'IA et la technologie blockchain?pour enrichir son offre de services, améliorer sa qualité de service et les outils mis à disposition de ses clients.
Ceci étant, les professionnels concernés gardent tous l'idée essentielle selon laquelle les outils numériques restent au service du professionnel, seul à même de décider de leur usage. La décision finale doit rester strictement humaine.