L'utilisateur d'un service numérique se connecte nécessairement depuis un lieu géographique. Si les règles de droit et les usages en vigueur dans ce lieu sont opposables à cet utilisateur, certaines évolutions techniques sont susceptibles d'en déjouer le principe. C'est le cas par exemple de l'utilisation de plus en plus fréquente de réseaux privés virtuels (Virtual Private Network, dits « VPN »), qui permettent de rattacher virtuellement un utilisateur à un réseau physique distant comme s'il était présent physiquement
(§ I)
. Il importe de souligner que ces évolutions techniques, couplées à de nouvelles habitudes, peuvent avoir une influence sur la pratique notariale et notamment sur le lieu de réception des actes et de la clientèle
(§ II)
.
Les effets du lieu d'utilisation d'un service numérique
Les effets du lieu d'utilisation d'un service numérique
Les réseaux privés virtuels
– Le VPN d'agrément. – Le grand public connaît les réseaux privés virtuels pour deux usages distincts. Ils permettent d'abord de « faire croire » à un hébergeur que le client se situe dans un lieu géographique différent de celui dans lequel il se situe réellement. Il en va ainsi d'un jeune Américain qui peut se connecter à une plateforme française de vidéo en ligne et visionner dès sa diffusion le dernier épisode de sa série française favorite, l'inverse étant également envisageable.
Les conditions générales d'utilisation des services numériques prévoient toujours l'existence d'un catalogue différencié selon le lieu de situation géographique du client. Elles prévoient également l'interdiction de l'usage de systèmes de contournement afin de respecter la réglementation sur la diffusion du contenu propre à chaque pays.
– Le télétravail. – De leur côté, les actifs utilisent notamment les réseaux privés virtuels dans le cadre du télétravail. Avec l'usage d'un tel système, un salarié ou dirigeant se connecte depuis son domicile au réseau de l'entreprise et peut travailler à distance en ayant accès à l'ensemble des données dématérialisées de l'entreprise.
Au-delà des problématiques propres à l'application du droit social dans le cadre du télétravail, ce second cas d'usage pose de nombreuses questions en matière de sécurité et de responsabilité. L'installation d'un tel système crée une porte d'entrée donnant accès aux données informatiques de l'entreprise, porte d'entrée pouvant se situer à l'autre bout du monde, sur la terrasse d'un café ou dans un aéroport…
– Problème de confidentialité. – La confidentialité des données personnelles détenues par l'entreprise étant en jeu, la Cnil, dans le cadre de l'installation massive et urgente de solutions de télétravail constatée lors du confinement du printemps 2020, a publié des recommandations le 12 mai 2020 à destination des entreprises
www.cnil.fr/fr/les-conseils-de-la-cnil-pour-mettre-en-place-du-teletravail">Lien
et des salariés
www.cnil.fr/fr/salaries-en-teletravail-quelles-sont-les-bonnes-pratiques-suivre">Lien
. Si les recommandations les plus lourdes pèsent sur l'entreprise, il est à noter que le salarié, devant être ici compris comme un utilisateur de système VPN, est principalement invité à faire la distinction entre les matériels, les logiciels et les usages professionnels et privés.
– Problème d'usurpation d'identité numérique. – L'existence de cette porte d'entrée sur le réseau informatique située à l'extérieur des bâtiments pose de réelles difficultés quant à l'identification des personnes qui utilisent le service VPN depuis leur domicile. En effet, cette porte s'ouvre potentiellement à toute autre personne ayant un accès physique audit domicile et connaissant les codes d'accès personnels de l'utilisateur du service VPN. Le conjoint et les enfants de l'utilisateur détiennent donc
V. supra, no
.
potentiellement cet accès. Pour pallier ce risque d'usurpation d'identité numérique, la Cnil recommande l'utilisation d'un système d'authentification à deux facteurs. Le principe de ce système est le suivant : l'utilisateur s'identifie avec un login ou une clé physique et un code PIN, reçoit un code d'identification sur un appareil personnel et entre ce code d'identification dans le portail d'accès.
– Problème de localisation. – Enfin, en posant comme deuxième recommandation « Ne faites pas en télétravail ce que vous ne feriez pas au bureau », la Cnil apporte une position claire sur notre problématique de localisation, et considère que le VPN constitue une extension géographique virtuelle du lieu de situation du réseau physique. Il peut ainsi être considéré qu'à compter du moment où le salarié en télétravail a branché son ordinateur et l'a connecté au réseau de l'entreprise, il doit agir comme s'il était dans les locaux de l'entreprise, notamment en matière de discrétion sur les données stockées et traitées par son entreprise auxquelles il a accès.
Le VPN constitue une extension géographique virtuelle du lieu de situation du réseau physique.
– Principe de double localisation de l'utilisateur d'un VPN. – Le VPN connaît bien d'autres usages, et seuls les usages licites et « grand public » ont été repris ici. Cependant, quel que soit l'usage qui est fait de ce système, il faut retenir un principe de double localisation de l'utilisateur du service numérique connecté : sa localisation géographique physique et sa localisation géographique virtuelle qui correspond à la localisation géographique du réseau auquel il est connecté virtuellement.
Le notaire à la rencontre de ses clients dans l'espace virtuel
– L'identité numérique du notaire. – La relation digitale entretenue entre le notaire et ses clients est en pleine expansion, aussi bien en matière de communication de l'office qu'en ce qui concerne le traitement des dossiers, voire la signature des actes
V. infra, Commission 3, Partie 2, nos
et s.
. Qu'il s'agisse de la présence du notaire dans l'espace de communication et d'échanges digital ou des outils d'identification et de signature électroniques de haute sécurité dont il dispose, le notaire possède une véritable identité numérique.
En matière de communication, le Conseil supérieur du notariat a publié un Guide pratique de la communication
https://intra.notaires.fr/csn/upload/docs/application/pdf/2019-12/guide_de_la_communication__pages_pour_livret.pdf">Lien
en juin 2019 confirmant ainsi que les notaires ont l'autorisation d'utiliser professionnellement les réseaux sociaux pour communiquer envers leur clientèle
L'article 2.5.2 de ce guide précise notamment que : « La publicité personnelle est prohibée mais pas la communication sur le web et les réseaux sociaux, à condition qu'il s'agisse d'information et non de promotion ou de sollicitation personnalisée. Il faut donc veiller, dans tous les contenus liés à un notaire ou à son office, à ce que ceux-ci ne puissent être interprétés à l'aune d'une démarche publicitaire : pas de référence aux services, aux clients, ou à toute autre information valorisant un notaire au détriment d'un autre ».
.
En matière d'exercice de l'activité professionnelle, les articles 12.1 et suivants du règlement national des notaires
https://intra.notaires.fr/csn/upload/docs/application/pdf/2014-08/reglement_national_-_reglement_intercours_-_arrete_du_22_07_2014_-_jo_du_01_08_2014.pdf">Lien
déterminent les lieux géographiques dans lesquels le notaire peut accueillir sa clientèle et recevoir ses actes. Il est en revanche taisant sur les réunions dématérialisées.
– Visioconférence sécurisée. – Hors signature d'acte authentique, l'autorisation de tenir des réunions dématérialisées résulte toutefois implicitement du déploiement par la profession notariale d'une solution de visioconférence sécurisée et fiable avec la mise à disposition des notaires d'un outil en ligne permettant d'adresser simplement des invitations à leur client. Pour reprendre des raisonnements précédents, le lien créé par l'outil de visioconférence peut alors être analysé comme une prolongation virtuelle de l'office notarial jusqu'au domicile du client.
– Actes authentiques électroniques à distance. – En ce qui concerne la signature d'actes authentiques électroniques, les articles 20 et 20-1 du décret du 26 novembre 1971, modifié par décret du 20 novembre 2020
D. no 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, mod. par D. no 2020-1422, 20 nov. 2020.
, prévoient deux hypothèses de réunion dématérialisée
V. infra, nos
et s., nos
et s.
.
D'une part l'article 20, en instituant l'acte authentique électronique à distance (AAED), autorise la comparution d'une partie ou plusieurs parties à l'acte chez leur propre notaire à condition que leur consentement soit reçu par celui-ci après que le notaire instrumentaire leur a donné lecture de l'acte en visioconférence au moyen d'un système homologué par le Conseil supérieur du notariat. Dans cette hypothèse, chaque partie se trouve en présence physique de son notaire lors de la lecture de l'acte et appose sa signature en présence de son notaire
Il convient toutefois ici d'observer que l'une des parties n'est pas en présence physique du notaire instrumentaire chargé d'authentifier l'acte et que l'acte n'est parfait que par la signature de ce dernier.
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Allant encore plus loin dans la dématérialisation des échanges, l'article 20-1 issu du décret du 20 novembre 2020 a institué la procuration authentique signée par comparution à distance. Ce dispositif permet à des clients de signer des procurations authentiques depuis un lieu géographique différent de celui dans lequel se trouve le notaire au moment de la signature ; c'est le lien virtuel créé par l'outil de visioconférence qui permet la rencontre entre le notaire et les parties.
L'un des apports majeurs de cette solution est la possibilité pour les clients de comparaître à distance depuis l'étranger : seul le notaire, officier public, doit se
D. no 71-941, 26 nov. 1971, art. 8 et 9.
trouver nécessairement en France pour instrumenter de tels actes.