Les professionnels du droit vont devoir gérer les risques inhérents aux bases de données (alimentation et exploitation)
(Sous-section I)
et ceux plus généraux en termes de fonctionnement et de responsabilité
(Sous-section II)
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Les difficultés à surmonter
Les difficultés à surmonter
Les faiblesses des bases de données
Pour être efficaces et bénéfiques aux professionnels du droit, les logiciels s'appuyant sur l'IA doivent être maîtrisés de bout en bout, de leur création à leur exploitation, par lesdits professionnels. Ces derniers élaborent, façonnent à leur image l'outil numérique répondant à l'attente de leurs clients.
? Alimentation de la base de données. ? Pour fonctionner, l'IA a besoin de données, des milliers, des millions de données. De la qualité et de la quantité des informations transmises dépend la pertinence de l'IA. Plus ces données sont nombreuses et de bonne qualité, plus le résultat qui en découlera sera précis et fiable. Si, en revanche, les données sont insuffisantes et/ou de mauvaise qualité, alors le résultat sera imprécis et suspicieux. Quelle image donnerait une profession qui utiliserait un logiciel s'appuyant sur l'IA duquel résulteraient des conclusions douteuses pour l'opinion ? Dès lors, les professionnels du droit doivent, autant que faire se peut, maîtriser la fiabilité des organes/personnes qui alimentent la base de données ainsi que les processus d'alimentation et de contrôle des informations transmises.
- La profession de notaire alimente et/ou gère déjà dans l'exercice de ses missions, directement ou indirectement, de nombreux registres (FCDDV, Micen, Vidoc, SPF, Pacsen…). Une fois l'interopérabilité de ces registres mise en place, des logiciels basés sur l'IA apporteront toute la fiabilité attendue en termes d'alimentation.
- Les professions d'avocat et d'huissier de justice ne gèrent pas, seules, des registres interopérables. Elles utilisent l'open data du ministère de la Justice et sont donc tributaires de leur fiabilité. À titre d'exemple, le mauvais référencement des mots résumant une décision judiciaire peut fausser le résultat attendu si l'erreur se multiplie. Le défaut d'alimentation par une région tout entière de la data judiciaire aura un impact sur le résultat national. Admettons pour les besoins du raisonnement que les bases de données alimentant l'IA soient en quantité et qualité suffisantes. Par qui et comment doivent-elles être exploitées ?
? Exploitation et maîtrise de la base de données. ? À l'instar des LegalTech
V. Glossaire : « Legal Tech » ; V. supra, nos et s.
, c'est aux professionnels du droit de créer eux-mêmes les logiciels de demain utilisant l'IA. Il est impératif de connaître toutes les spécificités de son métier pour savoir comment programmer l'algorithme au plus près de la réalité. Il faut avoir l'humilité de s'entourer de professionnels compétents en la matière tels qu'informaticiens, programmateurs…. Mais laisser à ces seuls professionnels l'opportunité de créer les outils de demain, c'est prendre le risque d'avoir des programmations erronées par méconnaissance de la pratique et des spécificités de la profession qui en font toute sa singularité. C'est pourquoi la Chambre des notaires de Paris a pris soin d'assurer la propriété et de préserver l'usage du projet VictorIA. Ainsi, sera protégé le savoir-faire des professionnels ayant participé à l'optimisation des algorithmes qui ne seront accessibles qu'aux seuls notaires. La même instance a également tenu à maîtriser la totalité des infrastructures techniques d'IA, tant pour l'apprentissage des algorithmes que pour leur utilisation par les différents services qui les exploiteront. Ces infrastructures sont toutes hébergées en France dans des data centers français et ainsi n'utilisent notamment aucune ressource cloud des Gafa (opérateurs américains).
Éthique et responsabilité
? L'élaboration d'une charte éthique. ? En l'absence de règles législatives ou réglementaires propres à l'IA
V. supra, nos et s.
, il est nécessaire d'établir des règles éthiques conventionnelles. À ce jour, il semble qu'aucune des trois professions n'ait élaboré de telles chartes spécifiques à l'IA
V. supra, no , néanmoins sur une information des usages possibles des données pour la profession de notaire.
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? Les effets en termes de responsabilité. ? Prenons l'exemple d'une valorisation d'un bien immobilier effectuée par le client vendeur lui-même via AVM
V. supra, no .
qui, pour des raisons de programmation et d'algorithme, tient compte systématiquement de la superficie d'une loggia existante pour la détermination du prix. Or, le terme loggia est fréquemment mal utilisé dans les actes selon l'ampleur des travaux de fermeture. Elle peut même n'avoir aucune existence juridique faute d'accord de la copropriété, voire en l'absence d'autorisation d'urbanisme. L'acquéreur constate quelques mois après son acquisition que la loggia n'avait pas été autorisée et ne peut régulariser la situation. Le différentiel de superficie n'est pas suffisant pour exercer l'action en diminution du prix de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965. Contre qui l'acquéreur se retournera-t-il ? Malgré l'absence de lien contractuel entre ce dernier et les professionnels ayant développé l'IA (programmateur, propriétaire d'AVM), rien n'empêche l'action en responsabilité délictuelle de droit commun, voire la responsabilité du fait des produits défectueux
V. supra, nos et s. ; V. égal. pour plus de précisions, A. Bensamoun et G. Loiseau, La gestion des risques de l'intelligence artificielle?De l'éthique à la responsabilité : JCP N 13 nov. 2017, no 46, p. 2068 et s.
. Le vendeur pourra, lui, se retourner contre le professionnel garant de la fiabilité de l'information qu'il transmet. Il pourra également le faire contre le programmeur, s'il est différent, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile ou celui de la responsabilité des produits défectueux
V. supra, nos et s.
. À ce sujet, tant la Chambre des notaires de Paris que Paris Notaires Services ont souscrit une assurance cyberrisques qui les couvre pour l'ensemble des sinistres qui seraient liés à la fourniture de leurs services en ligne.
Les professionnels du droit vont devoir poursuivre leurs efforts pour maîtriser les outils de contrôle de l'acte afin d'imposer les valeurs qu'ils promeuvent et ainsi assurer une meilleure sécurité juridique.