Le BIM constitue un protocole complexe qui est adopté progressivement par les acteurs de la construction sans nécessairement bouleverser les méthodes de travail actuelles. Cette adoption progressive se traduit par une graduation du stade d'adoption et de précision du BIM, selon des critères de niveau de collaboration de la démarche BIM
(Sous-section I)
, et des critères de niveau de détail de la maquette issue de la démarche BIM
(Sous-section II)
. Les deux sont interdépendants, un certain niveau de collaboration impliquant un certain niveau de détail des informations transmises pour produire la base BIM.
Les différents niveaux de BIM
Les différents niveaux de BIM
Le niveau de collaboration et d'intégration du BIM
– Les trois niveaux du BIM. – En tant que processus de construction et technologie de représentation vivante et ordonnée de toutes les composantes d'une construction, le BIM peut bénéficier d'un niveau de détail et de collaboration plus ou moins avancé, que l'on peut classer en trois niveaux (0, 1, 2). Ces niveaux sont en fait des étapes intermédiaires vers le BIM parfait dit « de niveau 3 », selon la classification définie par le Royaume-Uni
Classification issue des British standard (BS 1192 : 2007) utilisée par la Grande-Bretagne dans le cadre du programme Digital Built Britain initié en 2010 (parfaitement illustrée dans un graphique) (https://shop.bsigroup.com/upload/Construction_downloads/B555_Roadmap_JUNE_2013.pdf">Lien).
, qui est celle communément admise en Europe et reprise par la Fédération française du bâtiment
www.ffbim.fr/Portals/0/FFBim/bim-les-niveaux-de-collaboration.pdf">Lien
.
– Niveau 0 du BIM. – Au niveau 0 du BIM, les acteurs sont possiblement digitalisés, mais s'ils travaillent sur une maquette numérique de l'immeuble elle est le plus souvent en 2D et non structurée. C'est le niveau plancher où se trouve aujourd'hui globalement l'industrie immobilière, avec l'emploi d'outils de DAO/CAO, l'absence de normes et référentiels communs à tous les acteurs et avec une faible capacité de collaboration. Par exemple, les outils peuvent ne pas employer les mêmes unités ou une rotation a pu être appliquée sur un plan mais pas sur un autre, la nomenclature et les couleurs de calques peuvent être différentes, les fichiers et polices de texte hétérogènes… Ce niveau de BIM, si l'on peut le qualifier ainsi, permet simplement de matérialiser certaines informations sur plans au format numérique.
– Niveau 1 du BIM. – Au niveau 1, le BIM met en œuvre une maquette numérique en 2D ou 3D permettant une visualisation augmentée des constructions projetées, mais sans interaction possible avec les différents acteurs de la construction. C'est l'étape intermédiaire entre les outils de DAO/CAO et le véritable BIM collaboratif. Au niveau 1, la maquette n'est pas modifiable par tous les acteurs, mais toutes les données des différents livrables doivent être structurées, c'est-à-dire répondre à une norme comprenant par exemple la numérotation des plans, la géolocalisation, le système d'approbation et de diffusion des plans, la présentation, etc. Il n'y a pas de collaboration au sens strict, car chacun publie et met à jour ses données individuellement, et partage les plans habituellement 2D via un environnement de données commun.
– Niveau 2 du BIM. – Au niveau 2, le BIM met en œuvre une maquette numérique en 3D permettant une représentation augmentée des constructions et une interaction entre les différents acteurs de l'acte de construire, qui peuvent modifier la maquette mais pas simultanément. En pratique chacun produit sa maquette numérique 3D (architecte, ingénieurs, MEP, etc.), et les différents modèles sont améliorés de concert et échangés en utilisant un même format de fichier natif. Cet échange va permettre de fusionner tous les modèles en un seul modèle unique ou fédéré, permettant par exemple de détecter les conflits.
À partir du niveau 2, le BIM associe deux types de données :
- la maquette : un modèle graphique ou maquette numérique 3D créé avec un logiciel BIM ;
- une sorte de data room : des données non graphiques incluant des informations sur les matériaux, les composants, la maintenance, la fiche produit, mais également des rapports ou des dessins ou plans en 2D.
– Le niveau 2 implique un « architecte de la base BIM », le
BIM Manager
. – À partir du niveau 2, la démarche BIM collaborative impose de désigner un manager chargé d'administrer le processus d'alimentation de la base de données et sa traduction dans la maquette, en orchestrant les mises à jour et en veillant à la parfaite mise en œuvre de la procédure par les acteurs. Ce BIM Manager est devenu un nouvel acteur de la construction
V. infra, no
.
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– Niveau 3 du BIM (ou « BIM parfait »). – C'est le processus que l'on pourrait qualifier de « véritable BIM » ou de « BIM parfait », avec la mise en œuvre d'une seule et unique maquette numérique en 3D stockée sur un serveur centralisé permettant une représentation augmentée des constructions et une interaction simultanée entre les différents acteurs de l'acte de construire qui peuvent modifier la maquette en temps réel. À ce stade « ultime » du BIM, la collaboration est telle que la maquette devient un ouvrage collectif coconstruit qui se met à jour en temps réel au gré des modifications et alimentations apportées par les différents intervenants à l'acte de construire. La maquette n'est plus seulement un point de convergence de travaux individuels, elle devient le seul référentiel et la matérialisation du travail de tous collectivement.
Dans les faits, seul le BIM de niveau 2 est réellement pratiqué et contractualisé avec les entreprises, le niveau 3 étant uniquement en phase de test compte tenu des contraintes économiques, techniques et juridiques rencontrées pour sa mise en œuvre et reste réservé à des projets d'industrie de pointe comme l'aéronautique ou l'énergie
Le projet de réacteur thermonucléaire ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), situé à Cadarache (Bouches-du-Rhône) et qui implique trente-cinq pays est construit en BIM de niveau 3, avec pas moins de dix millions de composants numérisés et huit mille modèles 3D (Source : www.egis.fr/convictions/transition-numerique/iter-la-fusion-des-maquettes-numeriques">Lien).
. Le niveau 3 implique de travailler sur une seule et même maquette, ce qui rend son adoption très délicate compte tenu du séquençage de la construction et de la diversité des acteurs qui ont chacun leur interface habituelle.
Figuration des niveaux de BIM
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(source Vincent Bleyenheuft Hexabim https://www.hexabim.com/blog/les-niveaux-du-bim-ou-level-of-bim-partie-1">Lien</a>)
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(https://bee-eng.com/tout-savoir-sur-le-bim-building-information-modeling/">Lien</a>)
Les différents niveaux de détail de la maquette du BIM (LoD)
– Le BIM, un kit de montage numérique. – Quel que soit le niveau de la démarche BIM initiée au sens d'une procédure collaborative, la maquette est associée à une base de données d'objets et composants au format numérique plus ou moins détaillés. Si la maquette BIM était un lego©, les objets à assembler seraient des fichiers numériques contenant les attributs et informations de tous les objets permettant de construire virtuellement l'ouvrage à l'infini selon différentes vues logicielles. Mais le montage progressif de l'ouvrage (tant numérique que physique) n'est possible qu'avec une notice, spécifiant à chaque étape de la construction les besoins d'information quantitativement et qualitativement.
– Niveaux de développement du BIM. – En fonction de l'avancement d'un projet, on aura besoin d'un objet BIM avec une géométrie plus ou moins évoluée, et des données non géométriques en fonction des besoins de calcul, fabrication ou exploitation. Afin d'uniformiser la planification de la transmission de ces informations, il est fait référence au concept de « LoD » des objets du BIM, qui désigne en anglais le Level of Development, et en français le niveau de développement (ND) de la maquette numérique, qui classifie différents niveaux des détails des informations. En somme, le LoD ou ND d'un objet désigne la quantité d'informations pertinentes pour le développement du projet et nécessaires pour prendre des décisions concrètes selon un référentiel LoD/ND (classification US – LoD niveau 100/200/300/400/500). On parle de « granulométrie de l'information ».
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Source : Illustration spécifications des LoD – MediaConstruct – (BIM et la transformation numérique du secteur de la construction).
– Niveaux de détail. – Le niveau de développement renvoie à deux autres notions importantes : le niveau de détail (Level of Detail) qui désigne le niveau de détail géométrique d'un objet et le niveau d'information ou NDI (Level of Information [LoI]) qui désigne la liste des propriétés non géométriques associées à l'objet BIM. Ces notions sont à appréhender avec vigilance, car elles se confondent parfois et le LoD d'un projet peut avoir une signification graphique ou non graphique
L'acception de l'acronyme LoD varie selon les auteurs et la date d'emploi du terme, et peut faire référence au Niveau de Développement, Niveau de Définition ou simplement Niveaux de Détail. Ces changements dans la nomenclature sont le résultat de l'intégration des informations sur les fabricants et la production, ainsi que des caractéristiques graphiques. Pour beaucoup, le niveau de détail ne couvre que les détails graphiques, tandis que le niveau d'information (LdI) couvre les informations non graphiques. Par souci de cohérence, dans cet art., nous appellerons le LoD « Niveaux de développement », car nous allons passer en revue les deux types d'information.
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Actuellement il nʼy a pas de consensus international pour les niveaux de développements ou de détails, et différents pays emploient des dénominations et des échelles associées différentes (ND en France, LoD aux États-Unis…). Aussi les acteurs ont-ils décidé de promouvoir un nouveau concept de LoIN – Level Of Information Need (niveau d'information nécessaire) –, qui se focalise sur le besoin propre à chaque étape du projet, quel que soit l'objet de ce besoin
Dans le rapport « Le BIM et la transformation numérique du secteur de la construction » (cité supra, no
), Mediaconstruct précise que le but de l'adoption d'un nouveau référentiel en « LoIN » est de : réconcilier ces ensembles de vues dans un document commun harmonisé avec des définitions partagées de level of… : les level of geometry, level of information, level of abstraction, level of completeness… qui pourront être associés distinctement aux maquettes d'ouvrages et leurs composants.
. Ce concept est en cours de prénormalisation.