Les contrôles propres aux actes à distance
Les contrôles propres aux actes à distance
Les actes sous seing privé à distance
L'e-acte sous signature privée proposé par les avocats (e-ASSP)
Le processus de l’e-ASSP
- l'avocat se connecte à e-ASSP en utilisant son compte e-dentitas et dépose son acte (au stade de projet avant signature à ce stade) sur la plateforme https://e-actesoussignatureprivee.avocat.fr/ ">Lien) ;
- avant la signature, le projet d'acte peut être validé ou non par un signataire ou par l'avocat validateur (si un confrère ou une consœur représente l'une des parties, on le désigne « avocat validateur ») ;
- l'avocat rédacteur rentre les coordonnées des validateurs s'il en existe et des signataires ;
- si le projet d'acte est validé, ou si l'étape de validation n'a pas été requise, le (ou les) signataire(s) peuvent signer l'acte ;
- l'avocat initie alors la signature ;
- c'est par e-mail que les parties sont prévenues et reçoivent un lien leur permettant de consulter le projet d'acte afin de le valider ou de le signer directement.
Les actes sous seing privé à distance et les notaires
Le notaire confronté aux actes sous seing privé établis par des tiers et signés à distance par les parties
La validité d'un contrat sous seing privé électronique
Cautionnement et instrumentation
À ce jour, si un notaire a à connaître d'un acte de cautionnement sous signature privée électronique dans le cadre par exemple de la vente d'un logement faisant l'objet d'un bail d'habitation garanti par un tel cautionnement, il doit rappeler aux parties les dispositions de l'article 1175 du Code civil et attirer spécialement l'attention de l'ancien et du nouveau propriétaire du logement sur la nullité du cautionnement.
Le type de signature dématérialisée utilisé
- L'ANSSI tient à jour la liste de l'ensemble des produits et services qualifiés en France. Au jour de la rédaction de ces lignes, il s'agit de la liste no 35 éditée le 17 février 2021. On y retrouve pour les plus connus, la CDC, ChamberSign France, le CSN, DocuSign France, YouSign, EquiSign…
- L'Union européenne établit une liste de confiance regroupant tous les prestataires de services de confiance qualifiés (SCQ) ainsi que ceux qui proposent en plus du SCQ des services de confiance non qualifiés dans l'Union européenne, pays par pays. Le site communique les adresses mail de chaque prestataire spécifique. Avec la reconnaissance mutuelle dans tous les États membres des signatures électroniques qualifiées, une signature électronique effectuée via un prestataire certifié par l'autorité de certification belge aura la même valeur qu'une signature électronique qualifiée française.
Mise en place d'un outil de contrôle automatisé du type de signature électronique utilisé
Aujourd'hui, compte tenu de la multiplication des signatures à distance et des prestataires de services en ce domaine, il pourrait être utile que la profession notariale se dote d'un <strong>outil de contrôle de la signature électronique, automatisé, intégré, identique à tous les progiciels et mis à jour continuellement par la profession</strong>. Une sorte de veille permanente de la validité des certifications permettant ainsi de déceler plus aisément d'éventuelles fraudes.
- Si la signature électronique est qualifiée, elle est alors présumée fiable . C'est alors à celui qui conteste la signature de démontrer qu'elle n'est pas fiable. La dénégation de signature est dans ce cas quasi impossible. L'acte final peut donc être instrumenté.
- Si la signature n'est pas qualifiée, elle n'est alors pas présumée fiable. Pour autant, selon le droit français plus large que le règlement eIDAS en la matière, les signatures non qualifiées sont dotées, à certaines conditions, d'une valeur juridique. La signature électronique peut constituer un commencement de preuve par écrit si les conditions des articles 1366 et 1367 du Code civil sont remplies. Si les parties ne contestent pas leur signature, l'acte peut être instrumenté. Dans le cas contraire, le notaire devra refuser d'instrumenter en attendant le résultat de la procédure de dénégation d'écriture.
Compromis d'agence et instrumentation de la vente immobilière
En cas de signature électronique qualifiée donc présumée fiable d'un compromis d'agence, la vente immobilière peut être instrumentée. En cas de signature électronique non qualifiée, donc non présumée fiable, l'acte peut être instrumenté tant qu'aucune procédure de dénégation n'est engagée.
Le notaire chargé d'établir un acte sous seing privé signé à distance par les parties
Signature à distance d'un acte sous seing privé rédigé par le notaire
On peut penser qu'il serait de bonne pratique que la signature des actes sous seing privé rédigés par le notaire et transmis aux parties pour signature à distance repose sur un procédé de signature électronique <strong>qualifiée</strong> afin d'offrir le même niveau de sécurité qu'une certification de signature.
Les autres documents établis par un notaire
Signature qualifiée
On peut penser qu'il serait de bonne pratique que les attestations de vente, de partage, les attestations de mesurage… soient signées à l'aide de la signature électronique <strong>qualifiée</strong> détenue par le notaire faisant apparaître le numéro de certificat.
Signature avancée
On peut penser qu'il serait de bonne pratique que la signature <strong>avancée</strong> soit utilisée toutes les fois que le document signé par le client est corroboré par un agissement de ce dernier confortant implicitement ledit acte et la signature électronique qu'il renferme.
Signature simple
La signature <strong>simple</strong> sera utilisée pour les documents dénués de portée juridique.
Les actes d'avocat à distance (e-AA)
Les actes authentiques à distance
L'acte authentique électronique à distance (AAED)
L'acte authentique par comparution à distance (AACD)
Généralités
Environ 100 000 AACD auraient été signés du 15 avril 2020 au 10 août 2020.
- Tout d'abord, l'existence d'un « système de communication et de transmission de l'information garantissant l'identification des parties, l'intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat ». Comme le rappellent justement trois auteurs, ce procédé doit permettre une communication entre le notaire et le client. Le logiciel Life Size est le seul à ce jour à avoir été agréé par le CSN. Il est doté d'un boîtier de chiffrement dénommé Codec et offre les trois garanties de non-enregistrement, de cryptage et de paramétrage voulues par la profession. Il est opérationnel depuis plusieurs années dans les études équipées et permet ainsi aux notaires de transmettre informations et conseils à leurs clients préalablement à la signature de l'acte et au cours du rendez-vous de signature. Au 1er octobre 2020, près de 3 300 salles sont installées dans 3 027 offices. Compte tenu de la progression attendue, la profession aura au 31 décembre 2020, plus de 4 000 offices équipés de matériel de visioconférence.
- Ensuite, l'identification des parties et le recueil de leur consentement et signature doivent s'effectuer « au moyen d'un procédé de signature électronique qualifié répondant aux exigences du décret du 28 septembre 2017 susvisé ». Ce dernier décret précise qu'est « une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ». Il s'agit du règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 déjà largement cité, dit « règlement eIDAS ». La signature qualifiée se distingue des autres signatures électroniques en ce qu'elle est certifiée par un tiers de confiance qualifié par l'ANSSI. En mars 2020, un seul prestataire de services de confiance qualifié offre aux parties une solution de signature électronique dite « qualifiée », la société DocuSign (s'appuyant sur le module de la société IDnow pour l'identification à distance).
- Enfin, l'usage de la clé Real, bien connu, vient parfaire le processus « lorsque le notaire instrumentaire [y] appose sa signature électronique sécurisée » et rend ainsi l'acte parfait.
Opinion des notaires sur les modules de signature et d’identification
L'AACD confronté aux exigences de l'authenticité
- Un premier pour qui l'acte reçu sans la présence physique du notaire aux côtés des parties est imparfait et ne se justifie que le temps de l'urgence sanitaire. Sans s'opposer radicalement à l'usage d'un acte entièrement à distance, mais en l'admettant uniquement en période de crise sanitaire et dans les cas très spécifiques de nécessité avérée, les auteurs pointent ses imperfections en détaillant plusieurs arguments (I) .
- Un second courant pour qui l'AACD ne remet pas en cause les fondamentaux de l'authenticité au sein de laquelle il doit trouver sa place d'aujourd'hui et de demain. Les arguments avancés sont autant juridiques que pratiques et prospectifs. Ils concernent tant le contrôle de l'identité que celui du consentement (II) .
Les arguments à charge
- Le consentement par écrans interposés ne peut pas être vérifié avec les mêmes garanties et sécurité que lors d'une présence physique en face à face avec le notaire. Pour ces auteurs, il est impossible d'être certain de la parfaite compréhension des enjeux par les parties, de l'absence de contrainte ou pression de l'une d'elles, d'une attention continue satisfaisante et du respect de la confidentialité, le tout dans un champ focal fermé.
- La dissociation supposée entre le recueil du consentement (le fait du notaire) et la certification de la signature (le fait d'un prestataire informatique) apparaît contraire à l'essence même de l'authenticité. Deux arguments sont développés en ce sens :
- au vu des développements qui précèdent, l'AACD ferait courir le risque d'un démembrement de l'authenticité, « la distanciation ne permettant pas au notaire d'accomplir par ses seuls sens les vérifications qui traditionnellement lui incombent » ;
- l'acte authentique en tant qu'instrumentum est entouré de solennités qui sont l'expression de l'autorité publique qui s'incarne dans la magistrature notariale. Pérenniser et généraliser l'AACD (signature hors de l'étude et sans la présence physique du notaire), c'est risquer de voir reculer la solennité constitutive de l'acte notarié et avec elle des garanties de bonne réception de conseils prodigués, d'existence et d'intégrité du consentement et de confidentialité des échanges ;
- l'AACD aura également pour effet, pour ces mêmes auteurs, de miner les attributs exceptionnels de l'authenticité qui tirent leurs justifications de la réception des consentements par l'officier public en présentiel. Au fil du temps, dans l'esprit des usagers, l'acte notarié pourrait finir par se détacher de la qualité d'officier public de celui qui le reçoit. Il se rapprocherait ainsi de l'acte sous seing privé contresigné par avocat dont la signature ne nécessite pas la présence physique du professionnel. Le risque de banalisation de l'acte authentique a été repris par plusieurs intervenants lors d'une journée de réflexion organisée par l'Association Capitant regroupant plusieurs universitaires et praticiens.
Les arguments à décharge
- Le notaire conserve toujours les prérogatives fondamentales de contrôle attendues d'un officier public. Il les effectue aussi bien au cours de rendez-vous et d'échanges préparatoires que lors de la séance de signature proprement dite. En effet, le notaire prendra soin de vérifier que la personne en face de lui par écrans interposés correspond bien à celle figurant sur le titre d'identité en sa possession. Le notaire reste donc le seul décisionnaire quant à la signature de l'acte. Il garde le premier rôle dans le contrôle de l'identité du signataire et encore plus dans le contrôle du consentement.
- L'intervention du tiers certificateur se limite à doter les parties d'un outil de signature électronique. Il ne constitue pas un substitut aux contrôles du notaire. Il constitue plus précisément pour ce dernier une aide numérique ou humaine lui permettant de conforter ses propres vérifications et de déjouer d'éventuels cyberrisques.
Il ne résulte d'aucune disposition législative que la mission du notaire instrumentaire ne puisse être accomplie que dans le cadre d'une comparution physique des parties.
- Comme l'a rappelé le rapport du professeur Aynès, l'authenticité est la résultante d'un enchaînement qui ne se limite pas à la seule signature. Cette dernière n'est que le « symbole de l'aboutissement d'un processus relationnel, conventionnel ou transactionnel ». Or, le processus de contrôle préalable mis en place dans le cadre de l'AACD participe de l'authenticité. La comparution à distance n'affecte pas les contrôles effectués par le notaire en amont de la signature et les diligences de ce dernier lors de la signature. Toutes les vérifications utiles à la perfection de l'acte sont accomplies par le notaire instrumentaire.
- L'essentiel d'un acte notarié réside dans la signature du notaire, celle des parties n'étant que secondaire. Ce qui importe, c'est que le notaire ait pu, par ses vérifications et diligences préalables, s'assurer tant de l'identité que du consentement des signataires. Dès lors, l'acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique sécurisée. Il donne à l'acte qu'il signe la force probante et la force exécutoire attachées aux actes publics.
L'authenticité confrontée au provisoire et à l'expérimental
- Le caractère provisoire était ici rattaché à la notion d'urgence. Or, l'urgence dans laquelle les textes réglementaires ont été élaborés par nos gouvernants dans un contexte anxiogène est source d'incertitudes. Même si, sur le fond, l'acte notarié à distance avait déjà fait l'objet d'une réflexion par la profession, les décideurs politiques ont pu manquer de recul dans son élaboration pour en apprécier toute la portée. D'une façon générale, il n'est jamais bon de légiférer dans l'urgence. Sur la forme, il faut reconnaître que le texte, concis, aborde l'essentiel et ne présente pas d'incohérence.
- Le provisoire peut paraître antinomique avec la notion même d'authenticité. Pour assurer l'efficacité pleine et entière dans le temps des effets de l'acte produit (force probante quasi parfaite, date certaine et force exécutoire), les règles gouvernant l'authenticité doivent être stables pour en garantir la pérennité. Toute (r)évolution des règles pouvant avoir un effet sur l'un des éléments caractéristiques de l'authenticité est susceptible de fragiliser dans le temps la sécurité juridique de l'acte reçu.
- Le caractère provisoire de la règle nouvelle trouve sa source dans la situation exceptionnelle que le pays a traversée. Cela signifie que l'usage de la règle nouvelle ne se justifie plus lorsque les conditions qui ont amené à sa création disparaissent. Cependant, pour certains auteurs, cet allègement des exigences naturelles de l'authenticité, accepté momentanément dans un contexte exceptionnel, porte un coup à l'authenticité. Pour d'autres, le décret du 3 avril 2020 constitue indéniablement une avancée importante vers une évolution nécessaire et souhaitée. Il sera alors difficile pour nos gouvernants de défendre l'idée qu'un progrès reconnu comme tel par une majorité et mis en pratique dans un contexte d'exception, doit être malgré tout purement et simplement abandonné lorsque l'exceptionnel disparaît.
Opinion des notaires sur l’AACD
- Le caractère temporaire de la règle nouvelle serait ici bien différent de celui résultant de la Covid-19. Le texte de loi sur les Français de l'étranger ne serait établi ni dans l'urgence, ni dans un contexte de crise sanitaire. Il serait donc très étonnant que la règle soit décrétée temporaire lorsque l'on sait à quel point le caractère temporaire d'une loi peut nuire à la sécurité juridique.
- Quand bien même le caractère temporaire serait admis car trouvant son fondement dans l'expérimentation dont la règle proposée fait l'objet, il serait étonnant qu'une durée aussi longue de cinq ans soit retenue. Une durée plus courte de deux ans eût été préférable pour préserver la sécurité juridique des actes reçus.
- Sur le fond, le caractère expérimental pose question. Ainsi, l'article 18 précise que : « Cette expérimentation fait l'objet d'une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement six mois avant son terme ». Nul doute que si l'expérimentation s'avérait profitable, elle serait pérennisée et les résultats entérinés. Mais que dire si l'expérimentation s'avérait finalement génératrice de difficultés pratiques et de failles juridiques ? Si les difficultés pratiques pourraient être surmontées au fil du temps, les conséquences juridiques des actes passés seraient difficilement réparables.
- Il n'en demeure pas moins que l'opportunité d'une telle proposition de loi était indéniable : elle répondait à une demande forte et justifiée des Français vivant à l'étranger depuis l'arrêt, dans la quasi-intégralité des postes consulaires et diplomatiques, des missions notariales?arrêt rendant impossible la continuité du service public de l'authenticité. Si l'intention était louable, les événements récents liés à la Covid-19 rendaient la proposition quelque peu mal venue. Pourquoi autoriser un tel procédé pour les expatriés, alors même qu'il ne l'est pour les Français de métropole qu'à titre exceptionnel et temporaire et non sans contestation ? Le décret du 20 novembre 2020 instituant la procuration notariée à distance est venu clore le débat.
La procuration notariée à distance (PND)
Le champ du décret du 20 novembre 2020
- la simplicité de la procuration tenant au nombre limité de participants, ce qui réduit les risques inhérents aux difficultés techniques du procédé ;
- la souplesse de la procuration résultant de ses caractères préparatoire et librement révocable ;
- la sécurité juridique apportée par la procuration notariée à distance comparativement aux procurations sous signature privée et aux procurations établies à l'étranger.
La portée de la PND
- sous réserve du respect des prérequis techniques, la PND permet au notaire de s'assurer que le consentement délivré est libre et éclairé, alors que personne ne contrôle la compréhension du document signé par le mandant dans la procuration sous seing privé. Il en va de même pour la capacité juridique du signataire en l'absence de mention « RC » sur l'extrait d'acte de naissance ;
- avec la PND le notaire s'assure de la compréhension de l'intégralité du contenu de l'acte à régulariser avec la procuration dès lors que le projet d'acte y est annexé. Alors que seules les informations figurant dans la procuration sous seing privé sont en mesure d'être comprises par le mandant ;
- la PND et les nouveaux outils développés par la profession permettront au notaire de s'assurer de l'identité du signataire, là où un doute subsiste lorsque la signature figurant sur une procuration sous seing privé n'est pas certifiée.
Disparition des procurations sous seing privé ?
Réflexions prospectives sur l'AACD
Signature à distance dans le monde
Les adaptations technologiques et pratiques du procédé actuel
- Il pourrait ainsi être imposé des prérequis quant à la qualité du matériel utilisé par le signataire. Le nouveau texte généralisant éventuellement l'AACD imposerait que le matériel informatique utilisé par le client dispose d'une qualité de son (micro) et de résolution de l'image (caméra) minimale. Ces qualités seront vérifiables à distance par le notaire lors de la première connexion avec son client. La précision ainsi apportée donnerait au professionnel un fondement juridique pour refuser éventuellement la signature à distance. Il paraît toutefois difficile d'exiger de ce dernier la justification de matériels techniques spécifiques (une marque ou un logiciel en particulier…).
- Compte tenu des reproches formulés par une partie de la doctrine à l'encontre de l'intervention d'un certificateur privé, la profession notariale doit se doter de ses propres outils permettant 1) une identification à distance (en remplacement du module IDnow) mais en maintenant une intervention humaine pour y procéder, 2) une signature qualifiée à distance (en s'émancipant ainsi de la société DocuSign). Il semble possible de décorréler ces deux étapes et d'avancer en parallèle avec des partenaires compétents. Le 1er mars 2021, l’ANSSI vient de publier ses exigences en matière de vérification d’identité à distance. Il est toutefois précisé qu’un arrêté, devant être publié le 1er avril 2021, définira l’ensemble des documents devant former le schéma de certification en complément du référentiel ainsi publié. « Fort d'une expérience significative dans la mise en œuvre de la signature qualifiée et du maintien de sa reconnaissance au regard du règlement eIDAS, le notariat possède les atouts et la crédibilité nécessaires pour arriver au bout de ce genre de solution ».
L'oralité comme seul mode de recueil du consentement
- La procédure de l'oralité replace le notaire au centre de l'authenticité :
- L'oralité n'est pas opposée à l'authenticité dans notre droit latin. Si l'authenticité repose, depuis le XII e siècle, sur des documents écrits établis par des officiers publics, à l'aune de l'histoire de l'authenticité, il semble que cette exigence d'instrumentum semble pouvoir être respectée lorsque le negotium est exprimé oralement par les parties à l'acte authentique.
- La preuve du consentement libre et éclairé exprimé pourrait être confortée par la conservation d'un flux audio et vidéo de la séance de signature. Il faut toutefois reconnaître que cette option irait à l'encontre des conséquences tirées de la qualité d'officier public du notaire.
Les adaptations juridiques
- Il conviendra d'abandonner une idée, un temps suggérée, selon laquelle l'AACD ne serait pas utilisable dans les pays connaissant le droit latin (pays de l'Union internationale du notariat [UINL]), mais uniquement dans les pays anglo-saxons, à la suite d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 14 avril 2016. Dans cette décision, il a été jugé que l'intervention d'un notary public ayant simplement apostillé la procuration à l'effet de constituer hypothèque, ensuite transmise à un notaire français, ne revêt pas les solennités requises en France pour un acte authentique, dès lors que la forme suivie n'était pas équivalente à celle du droit français.
- Certains auteurs préconisent que seuls les ambassades et consulats (« enclaves » françaises à l'étranger) puissent accueillir la réception d'un AACD depuis l'étranger. Il doit s'agir d'un lieu public contenant un local dédié et spécialement équipé. Ce faisant, c'est reconnaître implicitement que le procédé de recueil du consentement à distance sans la présence d'un notaire peut néanmoins produire ses effets. Ceci étant, la nature du consentement n'est sans doute pas impactée par le lieu de son émission. En revanche, la densité et la liberté du consentement peuvent être accrues dans un lieu spécialement équipé.
- Côté client, faire coexister les deux modes de réception (à distance ou « corps présents ») permettra de satisfaire le plus largement possible les attentes des clients. De plus, si un client s'interroge et doute du procédé de signature d'un acte à distance, la liberté devrait prévaloir. En effet, on ne saurait imposer au signataire l'usage de techniques qu'il ne connaît pas et envers lesquelles il peut exprimer une légitime méfiance. Si en revanche, le refus porte uniquement sur la signature même de l'acte, les sanctions prévues en cas de rupture déloyale de négociations précontractuelles ou de non-respect d'un avant-contrat devraient jouer.
- Côté notaire, de par son statut et les obligations qui y sont attachées, il revient au seul officier public de décider s'il estime possible de signer l'acte à distance ou préférer le présentiel. En effet, la réception d'un AACD fait nécessairement appel au discernement du notaire quant à la qualité du consentement recueilli dont l'appréciation s'avère encore plus difficile qu'en présentiel. Imposer au notaire une obligation d'instrumenter pourrait entraîner, en cas de refus, l'application de sanctions disciplinaires ou l'engagement de sa responsabilité civile totalement contraire aux obligations qui découlent de son statut.
- il pourra, préalablement à la signature de l'acte, multiplier les échanges écrits et surtout oraux en visioconférence pour s'assurer aussi bien de la réalité du consentement à exprimer que de la bonne qualité de l'équipement utilisé ;
- il pourra demander que le signataire ne se trouve pas dans un lieu public. Les restrictions de l'article 12.1 du règlement intercours du 22 mai 2018 pourraient ainsi être étendues par analogie à l'AACD. Cela éviterait la tentation de délivrer un consentement à l'aide de son smartphone dans un jardin public, un café, ou même un transport en commun… Mais, une signature au domicile même du client (en France ou ailleurs) doit rester possible ;
- il pourra aussi, par exemple, s'assurer qu'aucune autre personne n'est présente dans la pièce pour éviter toute pression, en demandant au signataire de faire tourner la caméra à 360o.
Le discernement du notaire