Les conditions d'un mandat numérique spécial

Les conditions d'un mandat numérique spécial

Pour sa validité, le mandat devra a minima respecter les règles édictées par les articles 1984 et suivants du Code civil, règles générales du mandat. Au-delà de ces dispositions, concernant un mandat spécial, il convient de déterminer avec précision les personnes et les actions numériques concernées (§ I) ainsi que les modalités de sa mise en œuvre (§ II) .

Les personnes et les actions numériques concernées

– Le mandant. – Pour pouvoir conférer mandat, le mandant doit être pleinement capable, majeur ou mineur émancipé. S'agissant d'un mandat qui serait réservé à des personnes présentant une vulnérabilité numérique, le constat de cette vulnérabilité pourrait ou bien être déclaratif, auquel cas le mandant, en conférant mandat, déclarerait être dans une situation totale ou partielle d'illectronisme, ou bien être établi selon des critères factuels à déterminer, et par une personne compétente à déterminer également.
Concernant les personnes juridiquement protégées, il faut envisager l'hypothèse dans laquelle leur tuteur ou curateur est frappé d'illectronisme. En telle hypothèse, tout éventuel mandat numérique spécial qu'aurait confié ce tuteur ou curateur pour ses propres affaires ne pourrait avoir d'effet vis-à-vis de la personne protégée, la mission de protection qui lui est confiée par le juge étant personnelle. Un jugement spécial, désignant nommément un mandataire numérique spécial dans le cadre de la mission de tutelle ou de curatelle, serait alors nécessaire.
– Le mandataire. – Pour recevoir un tel mandat, le mandataire devrait également être pleinement capable. Le Code civil autorise le mineur non émancipé à être mandataire C. civ., art. 1990. . Cependant, compte tenu des enjeux du mandat en question, il vaut mieux écarter cette possibilité, ne serait-ce que pour des raisons de responsabilité. Concernant son aptitude au numérique, elle devrait être certaine. Toutefois, les critères seraient différents selon qu'il s'agit d'un mandat exercé par un professionnel ou non. Si ce mandat est délivré à un proche non professionnel, une aptitude seulement déclarative pourrait suffire ; en revanche, dans l'hypothèse où le mandat est conféré à un professionnel, il faudrait envisager une qualification technique.
– Les actions numériques concernées. – Le mandat devrait, d'une part, lister avec précision les sites internet, ou plus généralement les services numériques, auxquels le mandataire pourrait accéder pour le compte de son mandant et, d'autre part, établir pour chacun de ces services la liste des opérations autorisées et une éventuelle politique à respecter.
Par analogie avec le mandat de protection future, il peut être envisagé le recours obligatoire à un acte authentique lorsque le mandat numérique spécial ordonne ou permet des actes d'une certaine gravité.

La mise en œuvre du mandat

– La conclusion du mandat. – Pour être mis en œuvre, un tel mandat devrait être établi par écrit, afin d'être transmis par la suite aux organismes concernés, en plus des raisons de preuve évidentes en la matière. Compte tenu de la situation du mandant vis-à-vis de la chose numérique, il devrait être produit sur support papier, à moins qu'il ne soit établi en la forme authentique, auquel cas c'est au notaire qu'incomberait la charge de rendre l'opération la plus simple et transparente pour le mandant.
– La transmission du mandat. – Afin d'être en mesure de s'authentifier pour le compte de son mandant auprès des services numériques concernés, le mandataire devrait informer ces derniers de l'existence de ce mandat en leur en transmettant un exemplaire. En conséquence de quoi il faudrait certainement envisager que le mandat, s'il est établi en la forme sous seing privé, soit produit en autant d'exemplaires que de services concernés, majorés d'un qui serait conservé par le mandataire, ou bien qu'il soit établi un mandat pour chaque service numérique. Les difficultés que pourrait alors rencontrer le mandataire dans la réalisation des opérations de transmission sont proches de celles envisagées dans les développements sur les déclarations de dernières volontés auprès des services numériques V. infra, no . .
– L'ouverture de l'accès. – L'un des intérêts d'un tel mandat serait de permettre au mandataire d'accéder sous son nom, en sa qualité de mandataire, aux services numériques concernés. Il serait en conséquence nécessaire que les hébergeurs des services en question adaptent techniquement leurs systèmes d'accès à ce nouveau mandat. En pratique, après la signature du mandat et sa transmission aux différents hébergeurs, le mandataire devrait attendre que des moyens d'identification personnels lui soient transmis pour commencer à agir.