Les conditions de forme

Les conditions de forme

L'article 9 de la directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique PE et Cons. UE, dir. 2000/31/CE, 8 juin 2000, art. 9, § 1. dispose que : « Les États membres veillent à ce que leur système juridique rende possible la conclusion des contrats par voie électronique ». Les règles de forme internes à chaque pays ne doivent ainsi pas constituer un obstacle aux conventions passées électroniquement. Poursuivant cet objectif, le législateur français a opéré une assimilation progressive du support électronique au support papier (Sous-section I) . Le respect d'un certain formalisme imposé pour cette assimilation conduit toutefois à s'interroger sur l'abandon du principe du consensualisme à l'égard du contrat électronique (Sous-section II) .

L'assimilation progressive du support électronique au support papier

L'état des lieux du droit positif (§ I) , quant à la portée du support électronique, amène à envisager des perspectives de réforme (§ II) pour aller plus loin dans l'assimilation du numérique au papier.

Un état des lieux du droit positif

? L'article 1172 du Code civil ( C. civ., art. 1172 ">Lien ) pose le principe du consensualisme en droit français. ? Ainsi les contrats n'ont à respecter aucune règle de forme pour être valables, sauf exception. L'écrit n'est donc pas exigé en principe. A priori, rien ne s'oppose à l'utilisation d'un support électronique pour la conclusion d'une convention. Par dérogation, l'écrit est parfois imposé à peine de nullité. Il en va ainsi notamment de la cession de contrat (C. civ., art. 1216">Lien), de la cession de créance (C. civ., art. 1322">Lien), de la convention d'indivision (C. civ., art. 1873-2">Lien), ou encore du bail d'habitation (L. no 89-462, 6 juill. 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs, art. 3) Parmi tant d'autres contrats spéciaux. .
S'agissant des contrats pour lesquels l'écrit est exigé à peine de nullité, l'article 1174 du Code civil (C. civ., art. 1174">Lien) précise qu'« il peut être établi et conservé sous forme électronique ». Il faut pour cela que les conditions des articles 1366 et 1367 du même code soient respectées. C'est-à-dire « sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité » (C. civ., art. 1366">Lien). S'agissant de la signature électronique manifestant le consentement des parties, elle doit consister en « l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache » (C. civ., art. 1367">Lien) V. infra, no . .
? L'article 1175 du Code civil ( C. civ., art. 1175 ">Lien ) pose toutefois des limites à l'équivalence du support électronique au support papier. ? Certains contrats pour lesquels l'écrit est exigé à peine de nullité sont ainsi exclus de l'équivalence entre papier et électronique et ne peuvent être établis sous cette dernière forme. Cela concerne :
  • les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions, à l'exception des conventions de divorce par acte d'avocat devant être déposées au rang des minutes d'un notaire, pour lesquelles la forme électronique est ainsi admise ;
  • les actes sous seing privé relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s'ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession.
? Les actes authentiques peuvent donc toujours être reçus électroniquement. ? Des interrogations existent toutefois autour du dépôt du testament olographe dans les conditions de l'article 1007 du Code civil (C. civ., art. 1007">Lien). Pour certains, le testament devant être annexé au dépôt, seul l'original peut l'être, nécessitant ainsi un dépôt papier. Or cela semble ajouter une condition à l'article 1007 du Code civil V. infra, no . , aux termes duquel il est simplement prescrit au notaire de conserver l'original du testament au rang de ses minutes. Rien ne semble donc s'opposer à un dépôt électronique, à charge pour le notaire de conserver l'original du testament En ce sens : Échanges autour de l'acte authentique électronique, Entretien entre J. Espié, P. Murat et M. Farge : JCP N 17 nov. 2017, no 46, 1307. Sur les restrictions d'ordre technique à la signature de certains actes authentiques électroniques comme le testament authentique reçu par deux notaires ou un notaire et deux témoins : V. supra, no et infra no . .
S'agissant de la restriction relative au droit de la famille, elle concerne essentiellement l'établissement du testament olographe V. supra, nos et s. . Les actes en la matière sont en effet souvent soumis à certaines solennités L'acte authentique est en effet exigé à peine de nullité pour de nombreux actes relevant du droit de la famille ou des successions, comme cela est notamment le cas pour les donations, les consentements à adoption… ou à peine d'inopposabilité, comme cela est le cas pour les actes portant sur les biens immobiliers (attestation immobilière de propriété après décès…). et notamment la réception d'un acte authentique. Lorsque ce formalisme n'est pas imposé par la loi, la pratique conduit souvent au recours à l'acte authentique en la matière, notamment en droit des successions. En effet, l'usage est davantage de consulter un notaire lors d'un décès, qui recevra les actes qui en découlent (notoriété, déclaration d'option du conjoint survivant, acceptation de la succession, partage…) sous la forme authentique bien qu'elle ne soit pas imposée par la loi.
La restriction de l'article 1175 du Code civil est plus contraignante s'agissant des sûretés personnelles ou réelles. L'acte sous seing privé est courant dans ce domaine Notamment pour tout ce qui concerne les cautionnements, les gages, les nantissements. .
L'interdiction du recours à la forme électronique est justifiée par la protection des parties aux actes créant des engagements d'une particulière gravité. Cette forme serait moins protectrice que l'écrit papier Cf. M. Mekki, Le formalisme électronique : la « neutralité technique » n'emporte pas « neutralité axiologique » : RDC 2007, 681, nos 25 et s. , laissant davantage le temps de la réflexion.
Le législateur a considéré que certaines circonstances, par exception à l'exception, ne nécessitaient pas cette protection complémentaire :
  • les conventions sous signature privée contresignées par avocat en présence des parties et déposées au rang des minutes d'un notaire. Il s'agit exclusivement de la procédure du divorce par consentement mutuel, pour laquelle la participation de l'avocat de chaque partie, la présence des époux, et l'intervention du notaire ont convaincu le législateur de la protection du consentement des parties ;
  • les actes sous signature privée relatifs aux sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale « s'ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession ». Ici encore, le professionnel n'est pas considéré comme un intervenant nécessitant une protection renforcée. Pourtant, le domaine des sûretés peut s'avérer particulièrement dangereux pour celui-ci, notamment lorsque sa situation économique le pousse à tout tenter pour sauver son activité. La fluidité des affaires est ici préférée à la protection du consentement du professionnel.
Se pose également la question de la mention manuscrite parfois rendue obligatoire par la loi Par ex., l'article L. 312-17 du Code de la consommation impose la mention manuscrite de l'acquéreur d'un bien immobilier à usage d'habitation ou professionnel et d'habitation renonçant à recourir à un emprunt pour le financement de son acquisition. . Le principe de cette mention est d'être écrite « de la main », ce qui est simple pour un acte sur support papier, beaucoup moins sur un support électronique. L'article 1174 du Code civil (C. civ., art. 1174">Lien), en vue de transposer la directive du 8 juin 2000 et son article 9 précité PE et Cons. UE, dir. 2000/31/CE, 8 juin 2000, art. 9. , dispose que la mention manuscrite peut être apposée sur support électronique « si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par lui-même ». En théorie, l'exigence légale d'une mention manuscrite n'est donc pas un obstacle à la réception d'un acte sous forme électronique. Il en va de même de la mention de l'article 1374 (ancien art. 1326) du Code civil (C. civ., art. 1374">Lien) dont la rédaction a été modifiée, prévoyant désormais qu'elle doit être écrite par le débiteur « lui-même » et non plus de sa main. Reste donc à vérifier, lorsqu'une telle mention est exigée, que le procédé de signature électronique utilisé, et donc d'apposition de la mention, garantit l'identité de son auteur Sur ce point : V. infra, nos et s. .

La mention manuscrite dans le bail d'habitation

L'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 traitant de l'engagement de la caution dans le bail d'habitation a été modifié par la loi Elan. Auparavant, la caution personne physique devait reporter une mention manuscrite relativement longue sur chaque exemplaire du bail sous seing privé. Désormais ladite caution est dispensée d'une telle mention manuscrite : il suffit qu'elle signe « l'acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ainsi que la reproduction de l'avant-dernier alinéa du présent article » (L. n<sup>o</sup> 89-462, 6 juill. 1989, art. 22-1, dernier al.). La signature électronique d'un bail d'habitation semble ainsi facilitée, car les parties n'auront pas à se préoccuper d'une mention manuscrite à reproduire dans les conditions de l'article 1174 du Code civil. Toutefois, une question se pose dans l'hypothèse d'un bail consenti par un professionnel et cautionné par une personne physique. L'article L. 331-1 du Code de la consommation impose dans un tel cautionnement une mention manuscrite. Les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et du Code de la consommation semblent ici entrer en conflit : la première dispensant la caution de mention manuscrite et la seconde l'imposant. Cette discordance pourrait être prochainement supprimée par la réforme du droit des sûretés en préparation et destinée à « moderniser les règles du Code civil relatives à la conclusion par voie électronique des actes sous signature privée relatifs à des sûretés réelles ou personnelles » (loi Pacte, 22 mai 2019, art. 60).

La forme électronique a donc fait son apparition officielle en droit des contrats français au début des années 2000 Dans la loi no 2000-230 du 13 mars 2000, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique, puis la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. . La réforme du droit des obligations Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. n'a pas entraîné de modifications substantielles des dispositions qui y étaient consacrées. Il subsiste encore aujourd'hui des différences entre les formes papier et électronique, pour lesquelles des réformes sont envisageables.

Les perspectives de réforme

? Une hiérarchisation des formes. ? La directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique prévoit la faculté pour les États membres de créer des exceptions au recours à la voie électronique pour certaines catégories de contrats prédéterminées PE et Cons. UE, dir. 2000/31/CE, 8 juin 2000, art. 9, § 2. . Usant de cette faculté, le législateur a intégré à l'article 1175 du Code civil précité des différences de traitement entre les supports papier et électronique pour certains actes. Cette méfiance envers le support électronique, supposé moins protecteur du consentement que le papier, crée une hiérarchisation des formes.
? Ces exceptions qui subsistent affaiblissent le contrat sous forme électronique. ? En effet, s'il est impossible d'y recourir pour certaines conventions, est-ce parce qu'il a moins de force que le papier ? La protection qu'il apporte aux parties est-elle plus faible ? Dans ce cas, pourquoi l'autoriser pour certains contrats ? Une défiance persiste alors que la technique permet aujourd'hui de certifier l'identité des signataires et d'horodater l'écrit, ce qui semble être une avancée pour les conventions sous seing privé. La forme papier utilisée pour celles-ci ne présente pas les mêmes avantages et semble donc moins protectrice de l'intégrité du contrat. S'agissant du consentement, il est peut-être aujourd'hui illusoire de penser que les parties prennent davantage le temps de la réflexion en signant sur support papier. Dans toutes les hypothèses, les conventions ne sont tout simplement pas lues, quel que soit le support Deux exemples courants de conventions très peu lues et pourtant importantes : les contrats bancaires (prêt, ouverture de crédit), et les promesses de vente non authentiques, ou du moins non expliquées par un notaire. . Concernant la conscience de l'engagement créé par la convention, le formalisme accompagnant les procédés de signature électronique Qu'il s'agisse des vérifications d'identité pour les procédés de signature électronique sécurisés ou d'une signature apposée sur une tablette électronique ou un écran tactile. laisse penser que leurs utilisateurs ont tout autant l'impression de signer un contrat qu'en y apposant une signature manuscrite sur un support papier.
S'agissant du droit des sûretés, il faut espérer que la réforme en préparation sera l'occasion de supprimer l'interdiction du recours à la forme électronique pour les actes sous seing privé constituant des sûretés réelles ou personnelles, en matière civile et commerciale V. M. Bourassin, Quelle réforme pour la formation du cautionnement ?, in Quelle réforme pour le droit des sûretés, ss dir. Y. Blandin et V. Mazeaud, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2019, p. 104 et 105. .

Avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés (décembre 2020)

L'avant-projet d'ordonnance portant réforme du droit des sûretés diffusé en décembre 2020 propose la suppression de l'exclusion de la forme électronique pour les actes sous signature privée relatifs aux sûretés personnelles ou réelles. Il est avancé que : « La suppression du 2o de l'article 1175 permet de conclure l'ensemble des sûretés par voie électronique. Cette modification permettra notamment de dématérialiser les cautionnements, ce qui est aujourd'hui impossible.
Cette modification ne réduit pas la protection des constituants, les exigences formelles relatives à chaque sûreté devant toujours être respectées ; en particulier, pour le cautionnement, la caution personne physique devra toujours apposer une mention, mais elle le fera de manière électronique ».
S'agissant des actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions, l'utilisation de la forme électronique dans les conditions de l'article 1366 du Code civil C'est-à-dire « sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il [l'acte électronique] émane et qu'il [l'acte électronique] soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ». garantirait tant l'identité des signataires que l'intégrité et la conservation du contrat. La forme dématérialisée apparaît d'ailleurs plus protectrice sur ces trois points que la forme papier, qui ne garantit pas l'identité des signataires, et présente un risque de perte. Il reste un point délicat en matière de droit de la famille concernant le testament olographe Sur ce point : V. supra, nos et s. . Il est vrai que l'obligation d'écrire manuscritement son testament donne conscience de son contenu et semble être la meilleure manifestation de volonté que puisse exprimer le testateur. Les mentions manuscrites peuvent toutefois être portées électroniquement, alors qu'elles sont notamment prévues pour renforcer le consentement par la prise de conscience qu'elles emportent. Un raisonnement similaire pourrait amener à une réforme du testament olographe. Il faudrait en tout état de cause s'assurer que le testament est bien écrit en totalité par le testateur, et ne consiste pas en un simple « copier-coller » d'un modèle.
Les réticences du législateur en matière de contrat électronique et de protection du consentement semblent d'autant plus superflues que la loi impose un formalisme particulier en la matière. La question se pose d'ailleurs de l'abandon du principe du consensualisme pour le contrat électronique.

L'abandon du principe du consensualisme à l'égard du contrat électronique ?

Le législateur a imposé un certain formalisme à la conclusion d'un contrat électronique. La règle de forme principale réside dans l'exigence du double clic V. supra, no . .

L'inconnue subsistant aujourd'hui est la qualification de ce contrat :

reste-t-il un contrat consensuel comme il le serait sous forme papier, ou bien l'utilisation d'un procédé électronique le fait-il basculer dans la catégorie des contrats solennels ?
Traditionnellement en droit français, le principe est celui du consensualisme, « manifestation de la liberté contractuelle sur le terrain de la forme » F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 2018, p. 227, no 193. . Cela signifie qu'aucune forme particulière n'a à être respectée pour la conclusion d'un contrat. Par exception, certains contrats sont réels, c'est-à-dire parfaits non seulement par l'échange des consentements mais aussi par la remise d'une chose ; ou encore solennels, pour lesquels l'échange des consentements doit être doublé du respect de formes particulières. Dans le contrat solennel, la forme à respecter peut être l'emploi de l'acte authentique Comme par exemple la constitution d'une hypothèque. , mais pas uniquement Sont solennels tous contrats conclus à peine de nullité absolue selon un certain formalisme (sur la qualification de la nullité, V. le débat rapporté par F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 2018, p. 244, no 210). . Généralement le formalisme accompagnant les contrats solennels est dicté par un impératif de renforcement du consentement. Ainsi, respecter certaines solennités imposées par la loi permettrait aux parties de prendre davantage conscience de l'engagement pris. La lourdeur du formalisme lié au contrat solennel a pour effet d'allonger le processus de formation du contrat, et donc de ralentir l'activité économique. Au contraire, le consensualisme ne reposant que sur l'expression de la volonté des parties, la fluidité des affaires est assurée.
? La multiplication des contrats formels. ? Face aux déséquilibres de plus en plus fréquents entre les parties, le législateur multiplie les contrats formels.
Une distinction naît entre les contrats au formalisme direct ou substantiel et indirect ou atténué En ce sens, V. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 2018, p. 233, nos 198 et s. . Les premiers correspondent aux contrats solennels et réels, pour lesquels la forme est exigée à peine de nullité. Les seconds correspondent aux contrats dont une forme est exigée pour assurer leur preuve ou leur opposabilité.
S'agissant des contrats solennels et réels, la question délicate se pose de savoir si ce formalisme a pour objet la protection d'un intérêt privé ou public, et donc la nature de la nullité sanctionnant son non-respect Selon la théorie moderne des nullités s'attachant à l'intérêt préservé, théorie consacrée par l'article 1179 du Code civil. . Si les solennités imposées par la loi ont pour objet la protection du consentement de l'une des parties, alors la nullité serait relative. Si au contraire elles sont destinées à réguler l'activité économique, alors la nullité serait absolue. Le recours à la théorie classique des nullités facilite la qualification de la sanction du non-respect du formalisme : celui-ci étant attaché à un élément essentiel du contrat (la forme), la nullité est absolue. Toutefois, la réforme du droit des obligations de 2016 a consacré la théorie moderne des nullités (C. civ., art. 1179">Lien). Il convient donc de rechercher l'intérêt préservé pour déterminer la nature de la nullité.
Les contrats relevant du formalisme atténué sont soumis au respect de certaines formes, mais uniquement pour en assurer la preuve ou l'opposabilité. La sanction du non-respect de la forme prescrite par la loi n'est alors plus la nullité mais une absence de preuve ou une inopposabilité aux tiers.
? L'interrogation porte sur la qualification du formalisme correspondant à la règle du double clic V. C. Mangin, L'expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, nos 134 et s. . ? L'article 1127-2 du Code civil (C. civ., art. 1127-2">Lien) emploie le terme de « valablement conclu ». Certains auteurs en ont donc induit que le contrat conclu sous forme électronique et soumis à la règle du double clic était un contrat solennel En ce sens : H. Causse, Le contrat électronique, technique du commerce électronique, in Le contrat électronique. Au cœur du commerce électronique, Études réunies par J.-C. Hallouin et H. Causse, LGDJ, 2005, p. 11. Et M. Leveneur-Azémar, Commerçants en ligne. L'achat en un clic, une pratique triplement risquée pour les commerçants en ligne ! : Contrats, conc. consom. avr. 2018, no 4, étude 6. . Si l'on retient cette qualification tout en considérant que ce formalisme est prévu pour la protection du consommateur, du marché, et donc de l'économie, la nullité serait absolue. Il en va de même selon la théorie classique des nullités. Cela signifie que le professionnel soumis à la règle du double clic pourrait s'appuyer sur sa propre turpitude (dans la mesure où il ne respecte pas le formalisme qui lui est imposé) pour faire annuler une convention.
La qualification de contrat solennel n'emporte pas la majorité en doctrine Pour la qualification en contrat consensuel, V. : JCl. Civil Code, Art. 1125 à 1127-6, Fasc. unique, Contrat. Conclusion du contrat. Dispositions propres au contrat conclu par voie électronique, par N. Mathey. , les auteurs considérant que le terme « valablement » relève davantage d'une légèreté du législateur que d'une volonté de sanctionner par la nullité le non-respect du formalisme du double clic. Cette obligation est rapprochée des « néo-formalismes » ayant fait leur apparition en droit de la consommation V. A. Raynouard, La loi no 2004-575 pour la confiance dans l'économie numérique… ou comment disqualifier le consensualisme dans un élan d'harmonisation du droit des contrats européen sans le dire : RDC 2005, p. 565, et X. Linant de Bellefonds, La LCEN et le consensualisme : RDC 2005, p. 592. et relevant du formalisme atténué ci-dessus évoqué.
Ainsi la règle du double clic serait une modalité d'expression du consentement. Il faut y voir une simple technique normée de manifestation de la volonté entre deux parties physiquement absentes. Il ne s'agit pas d'une forme protectrice du consentement, mais d'une simple manière d'expression de celui-ci dans un monde où la poignée de main ou encore la signature manuscrite ne sont pas possibles. Le fait que le destinataire de l'offre puisse vérifier le détail de sa commande et son prix et corriger les éventuelles erreurs avant validation « [exprimant] son acceptation définitive » ne constitue pas en soi une solennité. Il s'agit du récapitulatif des conditions essentielles du contrat. Le second clic validant l'accord de l'utilisateur constitue l'outil de manifestation du consentement sur ces conditions essentielles, indispensable à la conclusion du contrat. La règle du double clic est l'outil d'extériorisation de la volonté sur les éléments fondamentaux du contrat, et non une forme destinée à attirer l'attention de la partie faible sur les conséquences de son consentement.
Le non-respect de ce formalisme entraînerait donc l'inexistence du contrat, faute de consentement. La responsabilité de l'opérateur pourrait également être mise en cause.

La règle du double clic

À l'exception des contrats conclus par échanges de courriers électroniques, les conventions passées sous la forme électronique doivent respecter la règle du double clic. Les professionnels ont la possibilité d'exclure cette règle dans leurs relations mutuelles.
Cette règle impose de permettre au destinataire de l'offre de vérifier le détail de sa commande et le prix total avant validation. Avant le second clic, le destinataire de l'offre peut encore sans frais modifier sa commande, ou ne pas la valider.
Une fois le second clic de validation donné par le destinataire de l'offre, son émetteur doit accuser réception de la commande sans délai et par voie électronique.
Une fois le contrat électronique conclu valablement, comme respectant tant les conditions de fond que de forme requises ad validitatem, se pose la question de sa force probante. Au-delà du contrat, certaines technologies présentent des qualités pouvant être exploitées dans le domaine du droit en matière probatoire. Cela est notamment le cas de la signature électronique et de la blockchain.