Les conditions de fond

Les conditions de fond

Le contrat sous forme électronique ne présente pas de particularité quant au contenu licite et certain de la convention Dans la mesure uniquement où il ne constitue pas un contrat d'adhésion. . En revanche, l'appréciation de la capacité et des pouvoirs des parties (Sous-section I) et de leur consentement (Sous-section II) posent des difficultés particulières.

La vérification de la capacité et des pouvoirs des parties à l'épreuve du numérique

L'absence de rencontre des parties dans le cadre d'un contrat conclu par voie électronique rend difficile l'appréciation de la capacité et des pouvoirs (§ I) . Des remèdes à ces difficultés peuvent être envisagés (§ II) .

Une difficile appréciation de la capacité et des pouvoirs des parties à un contrat électronique

? Le principe de capacité. ? L'article 1145 du Code civil (C. civ., art. 1145">Lien) dispose que : « Toute personne physique peut contracter sauf en cas d'incapacité prévue par la loi. La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d'entre elles. ». Par principe, donc, les personnes physiques sont capables, tandis que les personnes morales ont une capacité limitée. L'article 1146 du même code (C. civ., art. 1146">Lien) précise que les mineurs de dix-huit ans non émancipés et les majeurs protégés Faisant donc l'objet d'une mesure de protection au sens de l'article 425 du Code civil. n'ont pas la capacité de contracter, dans la mesure définie par la loi. Les actes réalisés par les incapables sont frappés d'une nullité relative (C. civ., art. 1147">Lien). Toutefois, les actes courants autorisés par la loi ou l'usage conclus à des conditions normales peuvent être souscrits même par des incapables (C. civ., art. 1148">Lien). S'agissant des mineurs, la seule mention par ceux-ci de leur majorité ne constitue pas un obstacle à la demande en nullité (C. civ., art. 1149">Lien). Outre ces incapacités d'exercice, il existe également des incapacités de jouissance, empêchant une personne d'être titulaire d'un droit et donc de l'acquérir Pour une étude détaillée des incapacités, V. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 2018, p. 185 et s. .
  • la première concerne l'acceptation par le mineur d'une clause autorisant le traitement de ses données personnelles, pour laquelle décision il n'aurait pas le discernement nécessaire ;
  • la seconde concerne l'acceptation tacite du représentant légal pour l'inscription du mineur. Cette autorisation ne peut être qu'expresse, la clause contraire est abusive.
La conclusion d'un contrat dans un environnement numérique empêche d'appréhender facilement la capacité de son cocontractant, à défaut de le rencontrer. Par exemple, un mineur de douze ans se présentant dans un supermarché pour acheter une bouteille d'alcool a de grands risques de se voir opposer un refus. Alors que ce même mineur faisant une commande sur internet n'aura qu'une case à cocher pour confirmer qu'il est majeur et parvenir à acheter de l'alcool. Or l'article 1149 du Code civil, précité, dispose que cette déclaration faite par le mineur n'empêchera pas la demande en nullité Au-delà de cette nullité, le commerçant risque des sanctions pénales pour avoir vendu de l'alcool à un mineur (C. santé publ., art. 3353-3). . De même, les sites marchands n'ont pas de moyen de vérifier la capacité de leurs utilisateurs majeurs.
La Commission des clauses abusives a pour sa part fait deux recommandations Comm. clauses abusives, Recomm. no 2014-02, 7 nov. 2014, relative aux contrats de fournitures de services de réseaux sociaux, nos 8 et 9. concernant la capacité des mineurs :
Le contrôle des pouvoirs du représentant légal ou contractuel est également délicat dans les contrats conclus électroniquement. L'article 1153 du Code civil (C. civ., art. 1153">Lien) dispose que le représentant n'est fondé à agir que dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés. Par ailleurs, « l'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant (…). Lorsqu'il ignorait que l'acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité » (C. civ., art. 1156">Lien).
Le sujet des pouvoirs existe non seulement pour les personnes physiques, mais également et surtout sur internet pour les personnes morales. C'est le cas notamment des achats et passations de commandes faits en ligne au nom de sociétés, par des personnes qui n'ont pas les pouvoirs de les représenter. La dématérialisation inhérente au numérique engendre en outre un risque lié à la disparition des originaux des pouvoirs, et donc au risque accru de falsification. En effet, par souci d'efficacité ou de rapidité, il est courant en pratique de ne se baser que sur des fichiers numérisés, les originaux étant dans le meilleur des cas transmis postérieurement à la régularisation du contrat.
La démultiplication des opérations facilitées par la forme électronique rend peu probable le contrôle de la capacité et des pouvoirs par les opérateurs. Au-delà du risque parfois pénal Comme celui évoqué ci-dessus pour la vente d'alcool à un mineur. , ce sont de très nombreux contrats qui peuvent être sanctionnés par la nullité ou l'inopposabilité. Une instabilité forte des conventions existe donc. Pour pallier ces faiblesses du numérique, plusieurs remèdes pourraient être envisagés.

Les remèdes envisageables

La vérification de la capacité liée à l'âge et des pouvoirs au moyen des outils existant pourrait être envisagée par un simple scan de la pièce d'identité et la transmission d'un Kbis pour les sociétés. Il resterait le risque de falsification des originaux et de l'usurpation d'identité des parents par leurs enfants mineurs. Mais cette obligation de transmettre une pièce d'identité et un justificatif de sa qualité de représentant légal pour la création de tout compte d'utilisateur aurait le mérite de permettre un premier contrôle de l'identité, et donc de l'âge des parties. Il est notamment imaginable une lecture automatique de la date de naissance pour une vérification de la majorité sans intervention humaine, et un blocage du compte utilisateur en cas de minorité La plateforme de ventes aux enchères Drouotonline.com impose ainsi, pour la création d'un compte utilisateur, la fourniture d'un justificatif d'identité. .
Certains opérateurs en ligne ont déjà recours à des prestataires externes Parmi lesquelles Adultcheck et Adultsign. chargés de contrôler la majorité des clients.
Il s'agit toutefois d'une complexification de la procédure d'achat ou de souscription de services en ligne. Or cela va à l'encontre du courant actuel de simplification et d'accélération des processus destinés à faciliter les actes compulsifs des utilisateurs. Ajouter cette étape de transmission d'une pièce d'identité risque de décourager des internautes et de les orienter vers des sites d'accès plus simple, ou leur donner un temps de réflexion qui les fera renoncer à l'opération. Seule une réglementation imposant, lors de la création d'un compte utilisateur ou toute opération en ligne, la fourniture d'un justificatif d'identité pour tous et d'un pouvoir pour les représentants permettrait, d'une part, de normaliser cette démarche et, d'autre part, de ne pas désavantager les sites ayant une attitude responsable.
Par ailleurs, si l'identité numérique était développée en France V. supra, nos et s. , celle-ci permettrait de détecter facilement les minorités et éventuellement les incapacités. Il suffirait pour cela de lier la création des comptes utilisateurs ou les opérations en ligne à l'utilisation obligatoire de cette identité numérique. S'agissant des personnes morales et de la question des pouvoirs, une identité numérique pourrait également être créée, avec le rattachement de leur représentant légal et l'identité numérique de ce dernier.
On pourrait même imaginer des souris ou pad « intelligents » avec reconnaissance d'empreinte digitale, permettant de rattacher une empreinte à une identité numérique. Cette identité numérique permettrait de vérifier non seulement l'identité de la personne mais également sa capacité avec une publication des éventuelles mesures de protection actives V. infra, nos et . .
Une fois la capacité et les pouvoirs établis pour garantir la validité et l'opposabilité du contrat électronique, reste à vérifier la réalité du consentement des parties.

Le consentement à l'épreuve du numérique

La conclusion du contrat sous un format électronique présente les mêmes difficultés en matière de consentement que de capacité lorsqu'il est signé à distance. Il y a lieu, dans un premier temps, de s'assurer de l'existence du consentement (§ I) et, dans un second temps, de son intégrité (§ II) .

L'existence du consentement

Les articles 1125 et 1126 du Code civil (C. civ., art. 1125">Lien et 1126">Lien) permettent la transmission des stipulations et informations contractuelles par la voie électronique, à condition que celle-ci ait été préalablement acceptée par leur destinataire. L'article 1127-1 du Code civil (C. civ., art. 1127-1">Lien) prévoit en outre l'utilisation d'un support permettant la reproduction et la conservation des stipulations contractuelles ainsi mises à disposition. Ces stipulations contractuelles ne se limitent pas aux conditions générales, mais s'étendent également aux conditions particulières et à tous les éléments nécessaires à la conclusion du contrat. S'agissant des conditions générales, l'article 1119 du Code civil (C. civ., art. 1119">Lien) précise qu'elles ne sont opposables aux parties qu'à la condition que celles-ci en aient eu connaissance préalablement à la conclusion du contrat et les aient acceptées.
Les méthodes employées par les sites internet pour la transmission des conditions générales et leur acceptation sont à trois niveaux :
  • le moins protecteur du consentement : l'acceptation des conditions générales, disponibles par lien hypertexte, est induite de la passation de commande ;
  • la mise à disposition des conditions générales par lien hypertexte, avec une case à cocher manifestant leur acceptation par l'utilisateur. Il s'agit de la méthode du click-wrapping ou de l'opt-in actif ;
  • la plus protectrice du consentement : l'ouverture automatique des conditions générales, avec un menu déroulant à faire défiler en totalité, avant de cocher une case manifestant l'accord de l'utilisateur sur ce texte. Cette technique peut être poussée plus loin en imposant un temps de lecture des conditions générales : celles-ci ne peuvent être acceptées via la case à cocher avant qu'une durée de lecture normale se soit écoulée.
? L'expression du consentement. ? Dans l'univers numérique, le consentement peut s'exprimer par la signature électronique, un échange d'e-mails ou encore un simple double clic V. supra, nos et s. . Lorsque les parties au contrat ne se rencontrent pas, la vérification de l'existence de leur consentement est délicate. L'immédiateté de certains processus contractuels amène à s'interroger sur la réalité du consentement donné avec précipitation.
La Commission des clauses abusives a considéré, s'agissant des réseaux sociaux, que la simple utilisation de ceux-ci ne permet pas de présumer l'adhésion à leurs conditions générales. En effet, la consultation de ces conditions doit être préalable à l'utilisation du réseau pour que le consentement puisse être exprimé en connaissance de cause Comm. clauses abusives, Recomm. no 2014-02, § 10. .
Il ressort toutefois de la pratique que les conditions générales ainsi mises à disposition ne sont que très rarement lues Conseil État, Étude annuelle 2014, Le numérique et les droits fondamentaux, Doc. fr., coll. « Les rapports du Conseil d'État », 2014, no 65, p. 261. . Cela ne diffère pas des contrats-papier, pour lesquels la problématique est identique En effet, quel que soit le support du contrat, les conditions générales sont acceptées sans lecture préalable par la plupart des utilisateurs. Il en va par exemple ainsi avec les conventions de cartes bancaires ou de comptes courants. . La question s'est donc posée de savoir si elles sont opposables aux utilisateurs alors que ceux-ci les ont acceptées mais n'en ont pas pris connaissance. La réponse est affirmative : il suffit de pouvoir démontrer que les conditions générales étaient accessibles sur un support durable permettant leur conservation et la possibilité de les reproduire, il n'est toutefois pas nécessaire de prouver que l'utilisateur les a lues En ce sens : JCl. Civil Code, Art. 1125 à 1127-6, Fasc. unique, Contrat. Conclusion du contrat. Dispositions propres au contrat conclu par voie électronique, par N. Mathey. .
L'acceptation des conditions générales a fait l'objet de nombreuses jurisprudences sur la méthode de transmission et la manifestation du consentement en leur faveur. L'enjeu essentiel est de savoir s'il suffit de mettre les conditions générales à disposition via un lien hypertexte disponible sur le site internet ou si une transmission directe et une acceptation expresse sont nécessaires à leur opposabilité. S'agissant des conditions générales en elles-mêmes, la cour d'appel de Paris a rendu un arrêt le 25 novembre 2010 CA Paris, 25 nov. 2010, no 08/22287, SA Karavel c/ C. : Comm. com. électr. 2011, comm. 56, note A. Debet. . Aux termes de celui-ci, les juges reconnaissent l'opposabilité des conditions générales de vente à un utilisateur alors que celles-ci étaient simplement disponibles via un lien hypertexte, et qu'il était précisé que la validation de la commande emportait approbation desdites conditions. Par un arrêt du 21 mai 2015 CJUE, 21 mai 2015, aff. C-322/14, Jaouad El M. c/ CarsOntheWeb Deutschland GmbH : Comm. com. électr. 2015, comm. 67, note G. Loiseau. , la Cour de justice de l'Union européenne s'est exprimée concernant une clause attributive de juridiction incluse dans les conditions générales disponibles par un lien hypertexte. Aux termes de cette décision, la clause a été opposée à l'utilisateur « L'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que la technique d'acceptation par « clic » des conditions générales d'un contrat de vente, tel que celui en cause au principal, conclu par voie électronique, qui contiennent une convention attributive de juridiction, constitue une transmission par voie électronique permettant de consigner durablement cette convention, au sens de cette disposition, lorsque cette technique rend possible l'impression et la sauvegarde du texte de celles-ci avant la conclusion du contrat. ». .
S'agissant au contraire des informations à communiquer au consommateur en matière de contrat à distance (C. consom., art. L. 221-5">Lien), il a été jugé qu'un simple lien hypertexte était insuffisant, comme ne constituant pas un support durable ni une information directement fournie par l'entreprise au consommateur CJUE, 3e ch., 5 juill. 2012, aff. 49/11, Content Services Ltd : Comm. com. électr. 2012, comm. 110. « L'article 5, paragraphe 1, de la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, doit être interprété en ce sens qu'une pratique commerciale qui consiste à ne rendre accessibles les informations prévues à cette disposition que par un hyperlien sur un site internet de l'entreprise concernée ne satisfait pas aux exigences de ladite disposition, dès lors que ces informations ne sont ni « fournies » par cette entreprise ni « reçues » par le consommateur, au sens de cette même disposition, et qu'un site internet tel que celui en cause au principal ne peut être considéré comme un « support durable » au sens dudit article 5, paragraphe 1. ». .

Décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 janvier 2017 (aff. C-375/15)

Il a en revanche été jugé que les informations transmises au consommateur via une boîte électronique sur un espace client du site d'une banque en ligne sont considérées comme fournies sur support durable, sous réserve de répondre aux exigences suivantes :
« Ce site internet permet à cet utilisateur de stocker les informations qui lui ont été personnellement adressées de manière qu'il puisse y accéder et les reproduire à l'identique, pendant une durée appropriée, sans qu'aucune modification unilatérale de leur contenu par ce prestataire ou par un autre professionnel ne soit possible, et ;
si l'utilisateur de services de paiement est obligé de consulter ledit site internet afin de prendre connaissance desdites informations, la transmission de ces informations est accompagnée d'un comportement actif du prestataire de services de paiement destiné à porter à la connaissance de cet utilisateur l'existence et la disponibilité desdites informations sur ledit site internet ».
? Le consumérisme prédictif. ? Au-delà de l'acceptation des conditions du contrat, la question de l'existence du consentement se posera avec l'utilisation accrue de l'intelligence artificielle Sur ce point, V. C. Mangin, L'expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, no 183. . Il est en effet envisageable, comme il existe aujourd'hui une justice prédictive, qu'« un consumérisme prédictif » se développe. L'intelligence artificielle pourrait servir, comme c'est déjà le cas, à étudier les habitudes de consommation, les goûts, les moyens financiers… Et entraîner ensuite des commandes automatiques, non initiées par l'utilisateur, sauf par ses précédents achats ou consommations. Il n'y aurait alors aucune manifestation de consentement pour cette commande automatique. L'accord donné sur une précédente transaction suffirait-il à considérer que le consentement existe pour ce nouveau contrat autonome conclu uniquement sur la base du précédent, sans démarche active de l'utilisateur ? En l'état du droit positif et de l'importance donnée au consentement dans notre système juridique, il n'est pas d'actualité de le présumer pour engager un utilisateur sur la base de ses habitudes de consommation Cependant, il est déjà admis que la règle selon laquelle le silence ne vaut pas acceptation puisse être écartée en présence de « relations d'affaires » (C. civ., art. 1120 ; Cass. com., 15 mars 2011, no 10-16.422). . En revanche, il semble tout à fait envisageable d'obtenir un accord préalable, donné à l'occasion d'une commande, pour des transactions futures prédictives. La prudence serait d'encadrer a minima cet accord avec une fourchette de prix et un type de bien ou de service, de manière à avoir un consentement sur les conditions essentielles du contrat.
Une fois le consentement exprimé, il convient qu'il soit intègre, c'est-à-dire qu'il ne présente aucun vice.

L'intégrité du consentement

? Le consentement n'existe pleinement que s'il est exempt de vices. ? L'article 1130 du Code civil (C. civ., art. 1130">Lien) en énonce trois :
  • l'erreur ;
  • le dol ;
  • la violence.
Il faut par ailleurs que ces trois vices soient de telle nature que, sans eux, une partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantielles différentes.
L'article 1131 du Code civil (C. civ., art. 1131">Lien) précise la sanction d'un consentement vicié de manière substantielle : il s'agit de la nullité relative du contrat.
Il n'existe pas de dispositions particulières au contrat conclu électroniquement et relatives à la qualité du consentement. Les articles 1130 à 1144 du Code civil s'y appliquent donc pleinement.
Tout d'abord, l'article 1132 du Code civil (C. civ., art. 1132">Lien) précise que l'erreur peut porter tant sur le droit que sur un fait. Elle entraîne la nullité du contrat si elle est excusable et porte sur une qualité essentielle de la prestation ou du cocontractant (dans les contrats conclus intuitu personae) Pour une étude détaillée du régime de l'erreur, V. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 2018, p. 309, nos 273 et s. . Dans l'univers numérique, l'erreur pourrait résulter de la description du produit, parfois insuffisante, et du fait que l'on ne prend connaissance du bien ou du service qu'une fois la commande faite, et non avant comme cela peut être le cas dans un magasin. La jurisprudence, très pauvre en matière d'erreur dans les contrats électroniques En matière de commerce électronique, a notamment été rendu un jugement du tribunal d'instance de Strasbourg le 24 juill. 2002 (TI Strasbourg, 24 juill. 2002 : Comm. com. électr. 2004, comm. 7, note L. Grynbaum ; D. 2003, p. 2434, note C. Manara) relatif à une erreur d'affichage du prix de vente sur un site internet d'un rétroprojecteur. Le vendeur a refusé de livrer la chose malgré l'accusé de réception de la commande qu'il avait adressé. Le tribunal lui a donné raison, estimant le contrat nul en raison de l'erreur matérielle d'affichage du prix. , démontre qu'il s'agit d'une situation rare en pratique. Cela s'explique par les très nombreuses obligations d'information à la charge tant des plateformes que des offrants V. supra, nos et s. , ainsi que de réglementations particulières comme celle condamnant les pratiques commerciales trompeuses PE et Cons. UE, dir. 2005/29/CE, 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »). . La règle du double clic permettant à l'utilisateur de vérifier les conditions essentielles du contrat conduit également à limiter les cas d'erreur. Par ailleurs, concernant le consommateur, il sera bien plus simple d'utiliser son délai de rétractation que d'entamer une procédure judiciaire en nullité du contrat fondée sur une erreur. Ce vice du consentement n'est ainsi invoqué en réalité que lorsque les autres recours offerts par les réglementations particulières, y compris le délai de rétractation, ne peuvent être employés, que ce soit notamment pour une question de prescription ou de qualité de l'utilisateur Le professionnel étant moins protégé que le consommateur, l'erreur peut s'avérer un moyen pour lui de faire annuler un contrat. . La question même de la possibilité de l'existence d'une erreur se pose lorsque les intervenants ont tous respecté leurs obligations d'information et le formalisme imposé par la loi V. sur ce point C. Mangin, L'expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, no 420. .
Ensuite, le dol consiste dans « le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges » (C. civ., art. 1137">Lien). Le dol peut également résulter d'un silence volontaire du cocontractant sur une information qu'il sait essentielle pour l'autre partie On parle alors de réticence dolosive. . Ici encore, la réglementation en matière d'obligations d'information, de pratiques commerciales déloyales et de droit de rétractation conduit à raréfier l'invocation du dol, dont la preuve peut être difficile à rapporter.
Le dol est commis soit par le cocontractant, soit par son « représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort » (C. civ., art. 1138">Lien). Dans la mesure où de nombreux marchands ont recours à des plateformes en ligne pour proposer leurs biens ou services, il y a lieu de s'interroger sur l'auteur du dol lorsque les informations erronées ou manquantes sont transmises par la plateforme. Faut-il considérer que la faute vient de l'offrant ou de la plateforme ? Dans l'hypothèse où elle vient de la plateforme, celle-ci peut-elle être considérée comme le « représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort » de l'offrant ? Tout dépend en réalité de la qualification retenue pour le contrat de marketplace V. supra, nos et s. . Dans le contrat d'entremise et de courtage, la plateforme a un rôle d'intermédiation, mais pas de représentation. Outre son obligation d'information V. supra, nos et s. , les conditions essentielles du contrat sont déterminées par l'offrant. Le dol est donc commis directement par ce dernier. Dans l'hypothèse où la plateforme serait en faute pour ne pas avoir communiqué l'ensemble des informations transmises par l'offrant, sa responsabilité contractuelle serait mise en cause à l'égard de ce dernier. Dans le contrat du mandat, plus rare en pratique, la plateforme ayant un rôle de représentation, elle peut elle-même être l'auteur du dol et engager son mandant sur le fondement de l'article 1138 du Code civil.
? Dans l'univers numérique, on peut également envisager des cas de dol liés à l' e-reputation et aux faux avis. ? Selon un sondage Ifop réalisé en 2014 L'impact de l'e-réputation sur le processus d'achat, Sondage IFOP pour Réputation VIP, déc. 2014 (www.ifop.com/publication/limpact-de-le-reputation-sur-le-processus-dachat/">Lien). , « 80 % des internautes déclarent avoir recours à internet pour se renseigner avant d'acheter un produit ou un service (…). Le recours à l'e-reputation fait partie intégrante de cette étape préalable à l'achat. Avant de réaliser un achat en ligne, 88 % des individus consultent des avis de consommateurs, des forums ou des blogs (dont 44 % « souvent »). Cette pratique est également très largement répandue avant un achat en magasin (73 %, dont 29 % « souvent »). Par ailleurs, la moitié des répondants consulte des avis sur les réseaux sociaux avant d'acheter en ligne (52 % au global, 70 % chez les 18-24 ans et 66 % chez les 25-34 ans) et 44 % avant d'acheter en magasin (59 % chez les 18-24 ans et 57 % chez les 25-34 ans). L'e-reputation peut constituer une force de frappe dissuasive à l'achat. À l'heure du « consommateur expert », très bien informé et mettant de plus en plus les marques en concurrence, la quasi-totalité des répondants (96 %) mettent en exergue l'impact négatif que peut avoir l'e-reputation sur leur décision d'acquérir un produit chez une enseigne ». Devant ce pouvoir de l'e-reputation, les offrants peuvent être tentés de manipuler les avis de manière à tromper les utilisateurs et les inciter à acheter leurs produits ou leurs services. La législation (C. consom., art. L. 111-7-2">Lien) encadre la publication des avis sur internet, en imposant un devoir d'information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis en ligne. Toutefois le dol conserve ici des avantages en matière de sanction, puisqu'il permettra de faire annuler le contrat, contrairement aux dispositions du Code de la consommation ne permettant qu'une mise en cause de la responsabilité V. supra, nos et s. . En pratique il ne sera cependant pas simple de prouver que les avis étaient non seulement faux, mais aussi publiés volontairement dans le but de tromper sur les éléments essentiels de la prestation ou du bien.
Enfin, s'agissant de la violence, elle est cause de nullité du contrat « lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. » (C. civ., art. 1140">Lien). Cette violence peut émaner d'une partie ou d'un tiers (C. civ., art. 1142">Lien). Elle doit être suffisamment grave au point de vicier le consentement et le faire disparaître, entraînant la nullité du contrat. Dans le cadre d'un contrat électronique souvent conclu entre absents, la violence physique semble peu probable. En revanche, il existe dans l'univers numérique des pressions pouvant être qualifiées de violences. Un marchand peut se retrouver, dans ses relations avec une plateforme en ligne assurant la commercialisation de tous ses produits ou services, dans une situation de dépendance économique le privant de sa liberté de négocier. La réalité du consentement dans une telle situation est remise en cause lorsque l'une des parties abuse de l'état de dépendance de son cocontractant à son égard en lui faisant souscrire des engagements auxquels il n'aurait pas adhéré en toute indépendance, et en tire un avantage excessif (C. civ., art. 1143">Lien) Cet article reconnaissant le vice de violence en cas de dépendance est issu de la réforme du droit des obligations du 10 février 2016, et de la loi no 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance. . Cette dépendance viciant le consentement n'est pas limitée à la dépendance économique. On peut donc imaginer de nouveaux cas de violence notamment pour les acheteurs compulsifs, leur état de dépendance conduisant à s'interroger sur un éventuel vice du consentement. Pour reconnaître l'existence d'une violence, il reviendra toutefois à ces acheteurs la difficile tâche de prouver l'état de dépendance à l'égard spécifiquement du vendeur. Il n'existe pas à ce jour de jurisprudence se basant sur la violence pour de telles situations. Par ailleurs, le droit de la consommation Avec la législation en matière de pratiques commerciales agressives et d'abus de faiblesse. et le droit de la concurrence Avec la législation en matière de pratiques anticoncurrentielles et l'article L. 420-2 du Code de commerce. offrent également des remparts à la protection du consentement du consommateur pour le premier, et des professionnels pour le second.
En plus des règles de validité sur le fond, le contrat doit également respecter un certain nombre de règles de forme, notamment celles particulières au contrat conclu électroniquement.