Le décret tertiaire et la plateforme de recueil et de suivi des consommations d'énergie

Le décret tertiaire et la plateforme de recueil et de suivi des consommations d'énergie

– L'enjeu de l'impact énergétique des immeubles tertiaires et la loi Elan. – L'immobilier tertiaire (bureaux, commerces, entrepôts, hôtels, etc.) représente à lui seul 17 % de la consommation énergétique nationale Ce secteur représente en effet 17 % de la consommation énergétique nationale, le plaçant au quatrième rang derrière les transports (32 %), le résidentiel (29 %) et l'industrie (19 %). . Deux axes d'amélioration existent, d'une part en imposant que les bâtiments nouvellement construits respectent des standards de performance réglementaires (la construction) et, d'autre part, en imposant la rénovation et la réduction de la facture énergétique des bâtiments existants (l'exploitation).
Concernant la partie construction, la loi Elan V. loi Elan, art. 181 modifiant CCH, art. L. 111-9 : « Les performances énergétiques, environnementales et sanitaires des bâtiments et parties de bâtiments neufs s'inscrivent dans une exigence de lutte contre le changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de préservation de la qualité de l'air intérieur. Elles répondent à des objectifs d'économies d'énergie, de limitation de l'empreinte carbone par le stockage du carbone de l'atmosphère durant la vie du bâtiment, de recours à des matériaux issus de ressources renouvelables, d'incorporation de matériaux issus du recyclage, de recours aux énergies renouvelables et d'amélioration de la qualité de l'air intérieur » ; 2o Le troisième alinéa est ainsi rédigé : « À partir de 2020, pour les constructions nouvelles, en fonction des différentes catégories de bâtiments, le niveau d'empreinte carbone à respecter, évalué sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, en intégrant la capacité de stockage du carbone dans les matériaux ; ». contient la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs (« RE2020 ») pour une entrée en vigueur initialement prévue au 1er janvier 2020, mais repoussée à l'été 2021 pour les bâtiments d'habitation Pour une présentation de la « RE 2020 », V. www.ecologie.gouv.fr/re2020-nouvelle-etape-vers-future-reglementation-environnementale-des-batiments-neufs-plus#">Lien en raison de l'épidémie de la Covid-19. Concernant les bâtiments tertiaires, la date d'entrée en vigueur n'est pas encore connue, et devrait être encore plus lointaine compte tenu de la grande diversité des typologies d'activités. Cette partie du dispositif n'implique pas particulièrement le digital et concerne la construction ou la réhabilitation lourde des bâtiments.
La loi Elan contient également plusieurs mesures dédiées à la rénovation et à la performance énergétique des bâtiments, en prévoyant notamment la « réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030 ; 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 » (CCH, art. L. 111-10-3) Article abrogé à compter du 1er juillet 2021 par l'ordonnance no 2020-71 du 29 janvier 2020, remplacé par l'article L. 174-1. . Un décret du 23 juillet 2019 D. no 2019-771, 23 juill. 2019, dit « décret tertiaire » : JO 25 juill. 2019 entré en vigueur le 1er oct. 2019. , dit « décret tertiaire », a précisé le champ d'application de ce dispositif, les modalités de calcul de la réduction des consommations, la modulation des objectifs, ainsi que la mise en place d'une plateforme informatique de recueil et de suivi des consommations d'énergie, d'évaluation et de constat du respect de l'obligation de réduction des consommations d'énergie, et de publication ou d'affichage du suivi des consommations d'énergie Pour un historique détaillé et une présentation du décret tertiaire, V. J.-É. Fournier, Le décret tertiaire et ses projets d'arrêtés d'application (JO no 0160 du 13 juillet 2010) : Opérations Immobilières mai 2020, no 124, 37991656. .
Le nouvel article R. 131-38 du Code de la construction et de l'habitation a fixé, dans son premier alinéa, le champ d'application du décret tertiaire aux bâtiments privés ou publics, ou ensembles de bâtiments qui accueillent une activité tertiaire (marchande ou non marchande) à partir de mille mètres carrés. Y sont également soumises les parties d'un bâtiment à usage mixte qui hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher supérieure ou égale à mille mètres carrés. Le fait que l'immeuble soit occupé par un ou plusieurs occupants est sans incidence.

Histoire de la réglementation sur la rénovation tertiaire

L'intervention du législateur dans l'objectif de rénovation thermique des bâtiments tertiaires a commencé par l'article 5 de la loi du 3 août 2009 dite « loi Grenelle 1 », qui prévoyait une réduction de 38 % des consommations d'énergie des bâtiments existants d'ici 2020. L'année suivante, l'article 3 de la loi du 12 juillet 2010, dite « loi Grenelle 2 », porté à l'article L. 111-10-3 du Code de la construction et de l'habitation, a posé le principe que « des travaux d'amélioration de la performance énergétique [sont] réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s'exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012 », confirmant l'objectif de 2020. En 2015, alors que les décrets d'application n'avaient toujours pas été adoptés, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) avait réaffirmé l'obligation de rénovation dans le champ tertiaire. Un premier décret relatif aux obligations d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire a été publié le 9 mai 2017 sans réelle concertation avec la filière, et il fut aussitôt combattu devant le Conseil d'État qui l'annula le 18 juin 2018. C'est finalement la loi Elan qui apportera une nouvelle base légale à l'obligation d'amélioration de la performance énergétique pour les bâtiments tertiaires, publics et privés, rouvrant une large consultation du secteur conduite par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), en renvoyant à un objectif à dix ans, comme la loi Grenelle 1, avec un objectif de réduction de 40 % des consommations au plus tard en 2030. Attendu par le secteur immobilier et de la construction, le nouveau décret tertiaire no 2019-771 du 23 juillet 2019, rendant obligatoire la réduction des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires, a fait l'objet d'une consultation préalable qui s'est déroulée d'octobre 2018 à mai 2019 afin de prévenir un nouveau recours devant le Conseil d'État. Le décret doit être complété par des arrêtés d'application, dont une partie seulement est intervenue, notamment s'agissant de la méthodologie à respecter qui devra être précisée (l'arrêté « méthode » du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire). S'agissant des valeurs absolues, le premier des trois arrêtés définissant les valeurs absolues du décret tertiaire est paru au Journal officiel du 17 janvier 2021 (mais daté du 24 novembre 2020). Les modalités de gestion de plateforme numérique à déployer par l'État n'ont pas encore été précisées.
– Le numérique comme vecteur de contrôle de la réduction des consommations. – L'État a choisi de centraliser et de contrôler le dispositif de réduction des consommations au moyen d'une plateforme informatique Ainsi la loi Elan a inséré au 4o du III de l'article L. 111-10-3 du Code de la construction et de l'habitation le principe « d'une plateforme informatique permettant de recueillir et de mettre à disposition des personnes soumises à l'obligation prévue au même I, de manière anonymisée, à compter du 1er janvier 2020, les données de consommation et d'assurer le suivi de la réduction de consommation d'énergie finale, ainsi que les modalités de transmission de ces données ; ». en ligne, support obligatoire d'information pour les redevables de l'obligation. Le contenu de cette plateforme a été précisé par le décret tertiaire ayant créé les articles R. 131-41 à R. 131-41-3 du Code de la construction et de l'habitation Portant création dans le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la partie réglementaire du Code de la construction et de l'habitation, une section 8 ainsi rédigée : … « Sous-section 4 “Mise en place d'une plateforme informatique de recueil et de suivi de la réduction de la consommation d'énergie finale” ». .
La plateforme dénommée « Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire (Operat) » https://operat.ademe.fr/#/public/accueil">Lien est actuellement en phase de test dans l'attente de l'arrêté d'application fixant « les modalités de droits d'accès à la plateforme numérique, de transmission des données, d'exploitation, de capitalisation et de restitution de leur exploitation » CCH, art. R. 131-41-3. .
À partir du 30 septembre 2021, chaque propriétaire ou preneur à bail devra transmettre les données relatives à l'année précédente CCH, art. R. 131-41-1, 7o. , soit en principe les consommations de 2020 pour la première année.
– La responsabilité du propriétaire. – Les propriétaires des bâtiments ou des parties de bâtiments et, le cas échéant, les preneurs à bail sont soumis aux actions qui relèvent de leurs responsabilités respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations. Ils définissent ensemble les actions destinées à respecter cette obligation et mettent en œuvre les moyens correspondants chacun en ce qui les concerne, en fonction des mêmes dispositions contractuelles.
« L'évaluation du respect de l'obligation » CCH, art. L. 111-10-3-I, II : « L'évaluation du respect de l'obligation est annexée, à titre d'information : 1o En cas de vente, à la promesse ou au compromis de vente et, à défaut, à l'acte authentique de vente ; 2o En cas de location, au contrat de bail ». doit être annexée à la promesse de vente, à la vente et aux baux, sans qu'il soit précisé si cela vise l'attestation numérique de la partie réglementaire, auquel cas il faudrait l'annexer aux actes dès fin 2021, ou s'il s'agit de l'évaluation et du constat du respect de l'obligation de réduction des consommations d'énergie finale, à chacune des échéances de 2030, 2040 et 2050, auquel cas l'obligation ne serait effective qu'en 2030, ce qui priverait d'intérêt la disposition.
L'obligation de remplir la plateforme incombe aux propriétaires, occupants ou preneurs à bail « selon leur responsabilité respective en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations », ce qui implique de régler cette question dans les baux et contrats conclus avec les occupants de l'immeuble. Dans la mesure où il s'agit d'un dispositif réglementaire nouveau, il devrait légitimement fonder une demande du bailleur, même en l'absence de stipulations expresses du bail. La transmission des informations peut également être déléguée à un prestataire spécialisé, ou le preneur peut décider de la déléguer au propriétaire.
Classiquement dans les baux, le propriétaire supporte les grosses rénovations thermiques, l'isolation de l'enveloppe du bâtiment, l'équipement de CVC (chauffage, ventilation et climatisation) extérieurs, le chauffage collectif, et le locataire supporte de son côté les travaux d'entretien, d'optimisation liés à l'éclairage, au chauffage individuel, aux unités de climatisation intérieures, aux équipements électriques. Aussi l'établissement d'un plan de réduction d'énergie nécessitera le plus souvent une coopération entre le propriétaire et le locataire, qui sont ainsi incités à intensifier leurs échanges autour des enjeux énergétiques.
– La remise automatique d'une attestation. – Toutes les énergies consommées doivent être prises en compte et être renseignées annuellement sur la plateforme Operat, et les factures devront être tenues à disposition en cas de contrôle. La consommation énergétique de référence est établie à partir du moment où l'assujetti dispose des facturations ou de données mesurées inhérentes aux différentes énergies consommées, et ne pourra être antérieure à 2010.
En contrepartie, la plateforme génère automatiquement des indicateurs et calculs de consommation corrigés des variations climatiques, mais également une attestation numérique annuelle qui fixe les consommations d'énergie finale et les objectifs de consommation au regard des objectifs de réduction CCH, art. R. 131-41-2 : « La plateforme génère automatiquement, pour chaque bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments : 1o La modulation qui porte sur le volume de l'activité, sur la base des indicateurs d'intensité d'usage spécifiques à l'activité concernée ; 2o Les consommations annuelles d'énergie finale ajustées en fonction des variations climatiques, par type d'énergie ; 3o Une information sur les émissions de gaz à effet de serre correspondant aux consommations énergétiques annuelles, selon les différents types d'énergie ; 4o L'attestation numérique annuelle mentionnée à l'article R. 131-43. Chaque année, le gestionnaire de la plateforme numérique procède à l'exploitation et à la consolidation des données recueillies pour tous les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments soumis à l'obligation ». . C'est ce document qui sert de base à l'évaluation du respect des obligations.
– Sanctions du décret tertiaire. – En cas de non-transmission des données et de non-complétude du plan de réduction des consommations sur la plateforme, le préfet pourra mettre en demeure l'assujetti de respecter ses obligations dans un délai de trois mois. En particulier, le préfet pourra le mettre en demeure d'établir un programme d'actions en vue de respecter ses obligations. À défaut, les sanctions encourues pourront s'élever jusqu'à 1 500 € pour les personnes physiques et 7 500 € pour les personnes morales, et à une forme de mauvaise publicité sur un site internet indiquant les assujettis qui n'auront pas répondu aux obligations sans justification valable.
  • parmi les bâtiments non résidentiels, ceux qui sont soumis à l'obligation d'installation de systèmes d'automatisation et de contrôle ;
  • les fonctions minimales que doivent remplir les systèmes d'automatisation et de contrôle ;
  • les conditions de réalisation des opérations de maintenance desdits systèmes.
– L'administration numérique obligatoire de l'énergie des bâtiments tertiaires. – La loi Elan et le décret tertiaire obligent à réduire progressivement les consommations énergétiques sans imposer de moyens techniques pour y parvenir, même si l'information finale doit transiter par la plateforme réglementaire. Le législateur est allé au-delà de cette obligation en imposant, pour les bâtiments dépassant un certain seuil de consommation énergétique CCH, art. R. 111-22-5, I : « Sont munis d'un système d'automatisation et de contrôle, prévu à l'article L. 111-10-3-1, les bâtiments dans lesquels sont exercées des activités tertiaires marchandes ou non marchandes, y compris ceux appartenant à des personnes morales du secteur primaire ou secondaire, équipés d'un système de chauffage ou d'un système de climatisation, combiné ou non avec un système de ventilation, dont la puissance nominale utile est supérieure à 290 kW ». , l'utilisation d'outils informatiques d'automatisation et de régulation énergétiques Ord. no 2020-866, 15 juill. 2020, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de l'énergie et du climat et D. no 2020-887, 20 juill. 2020, relatif au système d'automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique de la chaleur. . Transposant une directive européenne PE et Cons. UE, dir. 2010/31/UE, 19 mai 2010, art. 8, 14 et 15. , ce dispositif figure aux nouveaux articles L. 111-10-3-1 et L. 222-10-6 CCH, art. L. 174-3 et L. 175-2 après le 1er juillet. et R. 111-22-4 à R. 111-22-9 du Code de la construction et de l'habitation qui traitent du « pilotage des systèmes techniques des bâtiments ». Ces nouvelles dispositions définissent :
– Une obligation assez vague de recourir au numérique. – Le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance explique que les propriétaires devront mettre en place des produits, logiciels et services d'ingénierie afin d'assurer un pilotage du bâtiment Rapport au Président de la République, relatif à l'ordonnance no 2020-866 du 15 juill. 2020 (JO 16 juill. 2020, no 173), précisant notamment que le texte va conduire à « l'obligation d'installer des systèmes d'automatisation et de contrôle (Building automatisation and control systems – BACS) dans tous les bâtiments tertiaires neufs et existants les plus consommateurs, lorsque cela est techniquement et économiquement réalisable. Cela se traduit par la mise en place de produits, de logiciels et de services d'ingénierie afin d'assurer un pilotage et un fonctionnement efficaces sur le plan énergétique, économique et sûrs des systèmes techniques des bâtiments tertiaires au moyen de commandes automatiques et en facilitant la gestion manuelle de ces systèmes techniques de bâtiment. , qui conduira à une digitalisation obligatoire de la gestion de l'énergie dans les bâtiments tertiaires au moyen, notamment, d'objets connectés et de logiciels spécialisés.
Ces nouvelles dispositions s'appliqueront aux immeubles neufs dont le permis de construire a été déposé après le 21 juillet 2021, et à tous les autres bâtiments, y compris les bâtiments anciens, au plus tard le 1er janvier 2025, « sauf si leur propriétaire produit une étude établissant que l'installation d'un système d'automatisation et de contrôle n'est pas réalisable avec un temps de retour sur investissement inférieur à six ans » CCH, art. R. 111-22-5, I. .