La procédure de passation des marchés en BIM

La procédure de passation des marchés en BIM

– La question du BIM dans les marchés publics de travaux. – Les maîtres d'ouvrage publics ont pu s'interroger sur la possibilité de lancer un projet en BIM et d'exiger de leur prestataire l'emploi de la technologie, sans contrevenir aux règles de mise en concurrence de la commande publique (ancienne appellation du Code des marchés publics).
En effet, l'ancien article 6, III du Code des marchés publics, dans sa version applicable avant son abrogation le 1er avril 2016, stipulait que : « Les spécifications techniques mentionnées au I permettent l'égal accès des candidats et ne peuvent pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l'ouverture des marchés publics à la concurrence ». Aussi le fait pour un adjudicataire d'obliger les candidats à restituer leur proposition au moyen d'une maquette BIM soulevait la question de savoir si cet outil était discriminant pour les candidats et un obstacle à la libre concurrence. Toutefois, aucun contentieux sur le terrain de la commande publique d'un projet en BIM n'a été médiatisé alors même que de nombreux maîtres d'ouvrage ont pris l'initiative et ont imposé le BIM V. étude du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) analysant le pourcentage de recours au BIM dans les avis de concours de maîtrise d'œuvre publiés depuis avril 2016 jusqu'à février 2018. L'étude conclut que le niveau était de 0,49 % en 2013-2014, et qu'au mois d'avril 2016, moment de l'entrée en vigueur du décret, le chiffre était tout de même déjà de 5,72 %. avant tout dispositif particulier.
– La consécration européenne du BIM dans les marchés publics de travaux. – Par suite de la transposition de la directive du 26 février 2014 par l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et son décret du 25 mars 2016 V. supra, no . , les maîtres d'ouvrage publics se sont vu officiellement octroyer la capacité de mener une opération de construction en BIM, dès la mise en concurrence pour l'attribution des marchés publics de travaux ou de maîtrise d'œuvre. Ce dispositif se retrouve aujourd'hui aux articles R. 2132-10 et R. 2132-14 du Code de la commande publique V. supra, no . .
Le Code de la commande publique s'applique à tous « contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques » (CCP, art. L. 2).
– La mise en concurrence dans les marchés publics de travaux en BIM. – Quelle que soit la procédure d'allotissement des marchés mise en œuvre par le maître d'ouvrage public, avec ou sans appel d'offres réglementé, elle est soumise à des principes généraux de respect du « principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique », et de la mise « en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures » (CCP, art. L. 3).
L'emploi du BIM ne permet pas de déroger à ces principes et l'article R. 2132-10 du Code de la commande publique dispose que : « L'acheteur peut, si nécessaire, exiger l'utilisation d'outils et de dispositifs qui ne sont pas communément disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires ». Ainsi afin de ne pas fausser l'accès au marché, l'acheteur qui initie une procédure en BIM « offre un ou plusieurs des moyens d'accès mentionnés à l'article R. 2132-14, jusqu'à ce que ces outils et dispositifs soient devenus communément disponibles aux opérateurs économiques ».
L'article R. 2132-14 du Code de la commande publique détaille les trois moyens d'accès alternatifs, en mettant à disposition une solution technique gratuite ou d'autres voies de présentation électronique. Ce texte, qui date de mars 2016 et transpose une directive européenne de 2014, était assez prudent en obligeant la mise à disposition des outils nécessaires au candidat dans l'attente que « ces outils soient communément disponibles ». Cinq ans après la promulgation de ce texte, il semble difficile d'affirmer que les outils du BIM ne sont pas devenus aujourd'hui communément disponibles. Il y a certes une barrière technologique et économique d'appropriation du BIM, mais les logiciels sont facilement accessibles à des niveaux de prix divers. À admettre que cette réserve soit toujours justifiée en 2021, il est raisonnable d'affirmer qu'un opérateur économique n'ayant pas l'expérience du BIM et non outillé d'un logiciel spécialisé ne sera pas retenu dès le stade de la candidature à une commande publique en BIM compte tenu de l'impact que cela pourrait avoir sur l'organisation du projet.
– Les candidatures en BIM. – Au stade des candidatures, l'acquéreur doit jauger la capacité professionnelle, technique et financière des candidats et sélectionner les candidats qui seront admis à présenter une offre. Ainsi le maître d'ouvrage projetant de développer son projet en BIM mettra généralement en place une procédure de mise en concurrence restreinte afin de s'assurer que les candidats justifient de compétences et références en BIM. Pour le moment, les formations diplômantes en BIM ne sont pas assez nombreuses pour que l'acheteur puisse exiger des diplômes spécifiques des candidats sans être discriminant. Suite à la création officielle des métiers de « coordinateur BIM du bâtiment » et de « BIM modeleur du bâtiment », il semble que l'acquéreur puisse exiger qu'un membre au moins de l'équipe du candidat justifie d'un de ces titres. S'agissant du BIM Manager, son rôle n'est à l'heure actuelle pas légalement défini ; aussi, si l'acquéreur exige une telle compétence, il devra parfaitement en définir le rôle et les missions dans le règlement de consultation.
– Le BIM, un critère à préciser dès le stade des candidatures. – Au stade de l'appréciation des offres, l'acheteur ne peut pas retenir des critères relatifs à la capacité des candidats eux-mêmes, qui relève de la sélection des candidats et non de la sélection des offres, qui sont deux étapes et deux taches différentes de la procédure CE, 29 déc. 2006, no 273783, Sté Bertele SNC : JurisData no 2006-071223 ; BJCP 2007, p. 97, concl. N. Boulouis, obs. R. Schwartz ; Contrats-Marchés publ. 2007, comm. 75. . C'est la raison pour laquelle il est fortement déconseillé de recourir à une procédure ouverte d'analyse des candidatures et des offres en commande de travaux BIM.
En pratique, l'acheteur va exiger du candidat qu'il produise une liste de références de projets conduits en BIM, et qu'il présente les moyens techniques qu'il utilise. L'acheteur ne peut pas exiger la consultation d'une maquette antérieure. L'absence de référence ou des outils BIM ne doit pas, à elle seule, justifier le rejet des candidatures.
– La remise des offres en BIM. – Au stade de la remise des offres, dès lors que le maître d'ouvrage exige un rendu en BIM, il devra déterminer dans le règlement de consultation les règles imposées aux candidats, en précisant le niveau de définition de la maquette et des objets y figurant, ainsi que des informations qui y sont attachées. L'exigence d'un rendu sous forme de maquette BIM implique que l'acquéreur, et le jury en cas de concours, disposent d'un outil de visualisation BIM. Dans le cadre des procédures de concours où la maquette BIM semble la plus pertinente, les maquettes et bases de données devront être anonymes.
La remise d'une candidature et d'une offre en BIM ne bénéficie pas d'une rémunération dédiée ; aussi, il est renvoyé au dispositif de droit commun de l'article R. 2172-4 du Code de la commande publique susvisé s'agissant des contrats de maîtrise d'œuvre.
– Les formats des offres en BIM. – L'acquéreur ne peut en principe pas exiger le recours à un logiciel ou une marque pour la remise de la maquette. La mention d'une marque n'est autorisée, à titre dérogatoire, que si une description suffisamment précise et intelligible du produit est impossible et doit, dans ce cas, être accompagnée de la mention « ou équivalent » Est ainsi illégal le fait pour l'acheteur public d'avoir mentionné dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), des références à des marques, sans être accompagnées de la mention « ou équivalent » comme le prévoit maintenant l'article R. 2111-7 du Code de la commande publique (TA Strasbourg, 24 juill. 2001, Préfet du Bas-Rhin c/ Dpt du Bas-Rhin et Sté SMAC Aciéroïd : Contrats-Marchés publ. 2001, comm. 184). et sous réserve de justifier que ce logiciel est le seul capable de remplir les fonctions assignées. Pour les mêmes raisons, il n'est pas possible de demander un rendu propre à une marque de logiciel, et le maître d'ouvrage ne peut pas exiger la remise de la maquette en format revit même s'il utilise Autodesk. Il semble préférable d'exiger la remise des offres au format IFC qui est reconnu en tant que norme ISO (16739 :2013) et est universel et interopérable.
En revanche, n'a pas été jugée illégale la référence à une solution logicielle dès lors qu'elle est libre, accessible et gratuite à tous les candidats qui disposent des compétences techniques pour l'adapter aux besoins de l'acheteur public CE, 30 sept. 2011, no 350431, Région Picardie : JurisData no 2011-020388 ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 316, note J.-P. Pietri. . Il ne semble pas exister de solution BIM performante entièrement gratuite répondant à ces critères. Certains maîtres d'ouvrage précisent que le rendu sera effectué au sein de l'« écosystème éditeur » qui traduit pudiquement l'obligation de proposer un « équivalent ».
Enfin, en cas de recours à un dictionnaire d'objets, ces objets doivent être neutres et ne pas être rattachés à un industriel, ce qui reviendrait à privilégier un fournisseur.

Vidéo de présentation d'un Logiciel d'architecture 3D / Logiciel BIM MicroStation

https://www.youtube.com/watch?time_continue=64&v=-ETMRB3kB_w&feature=emb_logo">Lien
– Le BIM et les contrats d'entreprise. – S'agissant spécialement des marchés des entreprises, l'emploi du BIM pose la difficulté des modalités de mise à disposition de la maquette BIM de conception aux entreprises candidates. Le maître d'ouvrage va devoir choisir la diffusion d'une maquette informative, non utilisable par les opérateurs, qui vont devoir ressaisir leur propre maquette pour émettre une offre en BIM, ou une maquette BIM directement opérable par les entreprises, qu'elles devront remplir. Les deux solutions ont leurs avantages et inconvénients, et dans les deux cas les entreprises devront être vigilantes sur la qualité des données qu'elles vont faire figurer dans la maquette.
– La sélection des offres dans les marchés publics de travaux. – Pour la sélection des offres, l'acheteur doit classer les offres par ordre décroissant et retenir « l'offre économiquement la plus avantageuse » en appliquant les critères d'attribution rendus publics, qui doivent garantir « la possibilité d'une véritable concurrence ». Seuls les critères fixés et publics dès l'initiation de la procédure, éventuellement affectés d'une pondération, ou à défaut hiérarchisés, peuvent fonder le jugement des offres émises par les candidats. Le maître d'ouvrage doit procéder au classement des offres, et l'offre économiquement la plus avantageuse est celle qui est la mieux classée aux termes de cette procédure.
Ces critères peuvent être uniques ; dans ce cas, ce critère ne peut être que le prix du marché public ou son coût, « déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l'article R. 2152-9 ». L'utilisation du critère de prix uniquement est réservée à des contrats simples, ce qui doit pouvoir être justifié par l'acheteur CE, 24 avr. 2007, no 298584, Dpt de l'Isère : JurisData no 2007-071748 ; Contrats-Marchés publ. 2007, comm. 171, note J.-P. Pietri. , et qui semble donc exclure les marchés publics de travaux.
L'article R. 2152-7 du Code de la commande publique CCP, art. R. 2152-7 : « 2o Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. Les critères d'attribution retenus doivent pouvoir être appliqués tant aux variantes qu'aux offres de base ». énonce une pluralité de critères non exhaustifs sous réserve qu'ils soient « non discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ». Compte tenu de la diversité des critères d'attribution autorisés et de la jurisprudence nationale ou communautaire, l'offre économiquement la plus avantageuse n'est pas nécessairement celle qui semble économiquement la plus rentable pour l'acheteur, mais celle qui répond le mieux aux critères d'attribution fixés par le pouvoir adjudicateur.
– Le BIM dans la sélection des offres. – Le maître d'ouvrage en BIM pourra ériger la maîtrise du BIM comme un critère à part entière ou au travers de différents critères techniques de passation du marché de travaux. Ainsi, bien que les qualités techniques du candidat ne puissent pas être un critère d'appréciation des offres, le critère de la valeur technique des offres peut conduire le pouvoir adjudicateur à analyser les moyens techniques et humains proposés par les candidats pour exécuter la prestation objet du marché CE, 11 mars 2013, no 367706, Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) : JurisData no 2013-004770 ; Contrats-Marchés publ. 2013, comm. 137, obs. M. Ubaud-Bergeron. . Par ailleurs, dès lors que le cahier des charges est suffisamment précis et le critère justifié, il semble que la qualité de la réponse en maquette BIM puisse également être un critère En ce sens A. Blandin et A.-M. Bellenger, Le BIM sous l'angle du droit, Eyrolles, 2e éd., 2019, p. 23. . La capacité à produire une maquette directement opérable en exploitation devrait également devenir un critère de sélection pour l'amélioration des performances énergétiques et la diminution des coûts de l'immeuble.
La référence à un label ou à une technique brevetée est également légale dès lors qu'elle est connue de tous les professionnels du secteur et qu'il est justifié par l'objet du marché CE, 10 févr. 2016, no 382153, SMC2 : JurisData no 2016-002222. . À l'heure actuelle, il n'existe pas de label dans le BIM, traduisant par exemple le respect des normes ISO. De tels labels auraient le mérite de traduire une méthodologie particulière et des critères de notation de performance comme en matière environnementale.
La légalité du choix des critères d'attribution opéré par le pouvoir adjudicateur peut faire l'objet d'un contrôle du juge. Mais l'illégalité d'un critère n'entraîne pas automatiquement la nullité de la procédure. Une telle illégalité ne provoque la nullité que si le critère illégalement retenu a pu avoir un effet sur la mise en concurrence et a lésé le candidat requérant, par exemple en dissuadant certains candidats potentiels de faire acte de candidature CE, 28 mai 2014, no 375941, Cne de Dijon c/ Sté Carrard Services : JurisData no 2014-011815 ; Contrats-Marchés publ. 2014, comm. 189, note W. Zimmer. .

Rappel des principes de la procédure de passation des marchés publics de travaux

La procédure de passation des marchés publics de travaux dépend de la valeur estimée du besoin, qui correspond au coût global des travaux et non pas à la rémunération attendue par l'opérateur économique CCP, art. R. 2121-5 : « La valeur estimée du besoin est déterminée, quels que soient le nombre d'opérateurs économiques auquel il est fait appel et le nombre de marchés à passer, en prenant en compte la valeur totale des travaux se rapportant à une opération ainsi que la valeur totale estimée des fournitures et des services mis à la disposition du titulaire par l'acheteur lorsqu'ils sont nécessaires à l'exécution des travaux ». . Le seuil de déclenchement des différentes procédures a été en dernier lieu modifié par un décret du 12 décembre 2019 D. no 2019-1344, 12 déc. 2019, modifiant certaines dispositions du Code de la commande publique relatives aux seuils et aux avances, aux termes duquel le seuil de publicité et mise en concurrence passe à 40 000 € hors taxe (CCP, art. R. 2122-8). . Il existe trois principales procédures en matière de marchés de travaux : la procédure sans publicité ou appel d'offres pour les marchés inférieurs à 40 000 € ; la procédure adaptée pour les marchés compris entre 40 000 € et 5 350 000 € Annexe no 2, Avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique – I. – Seuils de procédure formalisée pour les marchés publics : les seuils mentionnés aux articles L. 1321-1, L. 2100-2, L. 2123-1, L. 2124-1, L. 2324-1, L. 3126-1, R. 2122-2, R. 2123-1, R. 2124-1, R. 2172-8, R. 2172-16, R. 2172-17, R. 2183-1, R. 2184-1, R. 2184-7, R. 2194-8, R. 2323-1, R. 2324-1, R. 2383-1 et R. 2384-1 du Code de la commande publique. ; et la procédure formalisée pour les marchés au-delà de 5 350 000 €. Compte tenu du coût habituel des travaux de construction qui dépasse 1 500 €/m2 Source : www.cohesion-territoires.gouv.fr/economie-de-la-construction">Lien , ces seuils sont très bas et imposent une procédure de mise en concurrence quasi systématiquement, au moins au niveau de la procédure « adaptée ».
Certains contrats particuliers échappent aux règles de mise en concurrence quel que soit leur montant. C'est le cas notamment des contrats in house, issus de la jurisprudence communautaire CJCE, 10 nov. 1998, aff. C-360/96, Gemeente Arnhem et Gemeente Rheden c/ BFI holding BV. et maintenant codifiés aux articles L. 2511-1 et suivants du Code de la commande publique relatifs à la « quasi-régie », conclus avec des personnes contrôlées par l'adjudicateur.

Exemple de contrat échappant à la mise en concurrence

Les contrats conclus par une société d'économie mixte d'aménagement contrôlée par une collectivité locale avec laquelle elle conclut un contrat d'aménagement de ZAC échappent aux règles de mise en concurrence.
En dehors des cas d'exclusions particuliers, il faut principalement retenir que le pouvoir adjudicateur a la capacité de mettre en œuvre une « procédure adaptée » pour tous les marchés de travaux inférieurs à 5 350 000 € hors taxes (le seuil communautaire). Afin de favoriser le recours à des entreprises locales, elle peut également s'appliquer pour les « petits lots » inférieurs à un million d'euros hors taxes, sans que le montant cumulé de ces lots n'excède 20 % de la valeur de l'ensemble du marché, même si le total dépasse le seuil de 5 350 000 € susvisé.
Cette procédure est une procédure d'exception dérogatoire par rapport aux procédures de principe que doivent être les procédures formalisées. Les modalités de publicité et de mise en concurrence sont alors librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre, ainsi que des circonstances de l'achat. Le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures prévues par les appels d'offres du Code des marchés publics, sans pour autant que les marchés en cause soient alors soumis aux règles formelles applicables à ces procédures.
Les contrats inférieurs au seuil communautaire ne sont pas pour autant exclus du droit communautaire. Ainsi la Cour de justice des Communautés européennes a déjà jugé, à propos des concessions CJCE, 7 déc. 2000, aff. C-324/98, Telaustria. , que les pouvoirs adjudicateurs sont, en tout état de cause, tenus de respecter les règles fondamentales du traité. Cette position de la Cour de justice a été confirmée par le Conseil d'État, la passation de marchés sans formalités préalables préétablies impose toutefois de respecter les grands principes de la commande publique CE, avis, 29 juill. 2002, Sté MAJ Blanchisseries de Pantin, ▪▪V. supra, no 2-XXX▪▪. .
La passation des marchés en procédure adaptée bénéficie d'une procédure ouverte, mais compte tenu de l'obligation de publicité et de mise en concurrence, elle se déroule habituellement en trois temps :
La publicité préalable à la procédure de passation, par laquelle l'adjudicateur publie un avis d'appel public à la concurrence, soit dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics, soit dans un journal habilité à recevoir des annonces légales. Le Conseil d'État a jugé que la publication des principales caractéristiques du marché accompagnées du nom et des coordonnées de la personne responsable du marché est suffisante pour assurer une publicité adaptée CE, 22 janv. 2007, no 294290, Synd. des transports d'Île-de-France, ▪▪préc. supra, no 2-XXX.▪▪. .
L'acheteur doit fixer les délais de réception des candidatures et des offres, dans la mesure où les candidatures et les offres qui seraient reçues hors délai doivent nécessairement être éliminées.
Les critères d'appréciation doivent être précisés, notamment si l'adjudicateur décide d'utiliser d'autres critères que celui du prix, et le Conseil d'État a pu préciser que « l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en œuvre de ces critères » CE, sect., 30 janv. 2009, no 290236, ANPE : JurisData no 2009-074852 ; Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 121, note W. Zimmer. .
La phase de sélection des candidats, qui se décompose en deux phases de sélection des candidatures et de choix de l'offre lauréate. Le Conseil d'État a jugé que les pouvoirs adjudicateurs peuvent examiner simultanément les candidatures et les offres CE, 6 mars 2009, no 314610, Cne d'Aix-en-Provence : Dr. adm. 2009, comm. 69 ; JCP A 2009, 343. . S'opère ainsi une distinction entre des procédures « ouvertes » dans lesquelles tout candidat intéressé peut déposer une offre en déposant simultanément un dossier de candidature et d'offre, et des procédures « restreintes », lorsque l'acheteur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre avec une première phase de sélection des candidats qui pourront, dans un second temps, déposer un dossier d'offre. La procédure restreinte est ainsi une phase de « présélection » qui est généralement utilisée en matière de travaux.
La phase d'achèvement de la procédure de passation des marchés, aux termes de laquelle l'acheteur notifie à chaque candidat sa décision CCP, art. R. 2181-1. , sans obligatoirement indiquer les motifs, avec toutefois la possibilité pour le candidat évincé de demander les motifs du rejet de sa candidature dans les quinze jours. Il n'y a pas d'obligation de publier un avis d'attribution pour les marchés passés en procédure adaptée.
Pour les achats d'un montant égal ou supérieur à 5 350 000 €, l'adjudicateur devra recourir à l'une des « procédures formalisées » des articles R. 2161-1 et suivants du Code de la commande publique, à savoir :
– Un appel d'offres ouvert ou restreint (CMP, ancien art. 33 ; CCP, art. L. 2114-2). – C'est la procédure de principe qui devra être mise en œuvre par l'acheteur. Cette procédure implique une parfaite définition des besoins du maître d'ouvrage et une documentation détaillée de la programmation. Le pouvoir adjudicateur est tenu de publier un avis d'appel public à la concurrence dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne. La publication préalable d'un avis d'appel à la concurrence constitue une formalité substantielle à laquelle le pouvoir adjudicateur ne peut échapper, sanctionné par l'annulation du marché CE, 7 oct. 2005, Région Nord-Pas-de-Calais. . La procédure classique d'appel d'offres est celle mise en œuvre généralement pour les contrats d'entreprises.
Les contrats de maîtrise d'œuvre sont soumis par principe à une forme d'appel d'offres dite de « concours », qui est une technique particulière d'achat prévue aux articles R. 2162-15 et suivants du Code de la commande publique, et qui consiste pour l'acquéreur à choisir, après mise en concurrence et avis d'un jury, un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'architecture et de l'ingénierie ou du traitement de données. La technique du concours est obligatoire pour tous les marchés de maîtrise d'œuvre supérieurs aux seuils des procédures formalisées, sauf cas dérogatoires dont notamment les réhabilitations d'un ouvrage existant et les ouvrages de bâtiment réalisés par des organismes d'habitations à loyer modéré. Le texte impose que le concours soit restreint, ce qui implique une phase de présélection des candidats.
Ce mode de sélection des candidats est particulièrement adapté aux prestations d'architecture, où par principe le besoin peut bénéficier de plusieurs interprétations par l'artiste, mais le concours n'est pas limité aux marchés de travaux et peut être utilisé pour d'autres domaines (transports, prestations intellectuelles). Les maîtres d'œuvre qui participent à ces concours bénéficient d'une prime égale « au prix estimé des études à effectuer, affecté d'un abattement au plus égal à 20 % ». Si la maîtrise d'œuvre est désignée dans le cadre d'une autre procédure, la prime est librement fixée par l'acquéreur.
La procédure négociée (CMP, ancien art. 35 ; CCP, art. L. 2124-3), est la procédure par laquelle le pouvoir adjudicataire peut, dans certains cas, négocier directement les conditions d'un marché ou de l'accord-cadre avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Selon le cas, il peut être négocié après publicité préalable et mise en concurrence ou sans aucune formalité préalable. S'agissant des marchés de travaux, cette procédure plus rapide peut être engagée notamment pour des travaux complémentaires qui sont devenus nécessaires, à la suite d'une circonstance imprévue.
– Le dialogue compétitif (CMP, ancien art. 36 ; CCP, art. L. 2124-4). – Si la collectivité ne peut pas définir son besoin avec précision avant la mise en concurrence, elle peut recourir à la procédure de dialogue compétitif. Cette procédure permet au pouvoir adjudicateur de mener un dialogue avec les entreprises sélectionnées en vue de trouver des solutions permettant de répondre au mieux à ses besoins. Le recours à cette procédure, qui vise à optimiser la commande publique dans les cas de projets complexes et favorise l'innovation, n'est possible que dans les cas prévus à l'article R. 2124-3 du Code de la commande publique 1) La nécessité d'adapter les solutions immédiatement disponibles ; 2o) le caractère innovant de la solution ; 3) le marché de prestations de conception ; 4o) l'impossibilité d'attribuer le marché sans négociation préalable en raison de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou encore en raison des risques qui s'y rattachent ; 5) l'impossibilité de définir les spécifications techniques avec une précision suffisante, ou encore ; 6) l'échec d'un appel d'offres suite à la remise d'offres irrégulières ou inacceptables. . Elle a l'avantage de permettre au maître d'ouvrage de préciser sa programmation avec l'aide des candidats, même si la responsabilité de la programmation incombe toujours à l'acheteur/maître d'ouvrage, sur un format plus ouvert.

Exemples de projets justifiant, ou non, le recours au dialogue compétitif

Le projet d'un nouveau palais de justice a justifié le recours au dialogue compétitif du fait de ses dimensions exceptionnelles, ses fonctions très spécifiques et son environnement urbain contraint. Concernant le critère innovant, une cité municipale constituant un « bâtiment à énergie positive (Bepos) » présentant une forte dimension expérimentale dans une zone classée a valablement pu bénéficier d'une procédure de dialogue compétitif.
À l'inverse, la construction d'un hôtel de ville qui ne présentait pas de complexité technique particulière ni de caractère novateur, en dépit des objectifs fixés en matière de consommation énergétique et d'impact environnemental, n'a pas caractérisé une complexité suffisante pour recourir à ce type de procédure.
– Le dialogue compétitif se déroule en trois phases. – Une première phase de lancement de la procédure avec la publication des avis de marché et la sélection des candidats sur un modèle ouvert ou fermé. La phase de dialogue proprement dite au cours de laquelle les entreprises sélectionnées vont pouvoir proposer une réponse aux besoins exprimés par l'acheteur dans un règlement de consultation qui définit le programme fonctionnel du projet. Les modalités pratiques du dialogue et le déroulement des discussions sont ouverts, mais il existe deux formes principales de discussion avec les candidats, soit « de concert », quand tous les candidats participent aux échanges et formulent des propositions aux enjeux/besoins de l'acheteur en transparence, soit « en tunnel », quand chaque candidat propose de manière indépendante et confidentielle ses propres solutions. L'acquéreur peut prévoir une élimination des candidats au fur et à mesure du dialogue sur la base des critères d'attribution définis dans l'avis de marché ou l'un des documents de la consultation. Enfin, à l'issue du dialogue, se déroule la phase de remise et d'analyse des offres. Il revient à l'acheteur d'informer les candidats de la fin du dialogue en les invitant à remettre une offre finale. L'attribution est faite selon les critères objectifs de sélection prévus dès l'origine dans la consultation, selon les modalités propres aux procédures formalisées.