Le BIM dans la commande publique

Le BIM dans la commande publique

– Le BIM : un outil vecteur d'économies pour les acteurs publics – Le BIM s'adresse tout particulièrement aux maîtres d'ouvrage publics qui en sont les premiers utilisateurs afin non seulement de réduire les coûts de construction, mais également d'améliorer la performance des ouvrages, notamment en réduisant les consommations d'énergie. Le marché public de travaux représente plus de 60 % de la commande publique (47,7 milliards sur un total de 78,4 milliards d'euros en 2018) Baromètre de la commande publique : résultats 2018, ADCF/CDC : www.adcf.org/files/Finances-et-fiscalite/Barometre-commande-publique-ADCF-CDC-2018_040219.pdf">Lien , et les collectivités assument une grande partie de ces dépenses (58 % des dépenses effectuées dans ce secteur sont ainsi assumées par les communes).
Les normes contraignantes imposant le BIM adoptées à l'étranger et citées supra V. supra, no . s'imposent le plus souvent à des maîtres d'ouvrage publics, qui ont l'obligation d'expérimenter la technologie. Avant de présenter les différents contrats et leur objet qui ont globalement la même architecture pour les acteurs privés et les acteurs publics, il faut s'intéresser aux contraintes des travaux commandés par un maître d'ouvrage public en France.
– Le BIM optionnel pour les acteurs publics en France. – En France, les acteurs publics peuvent employer le BIM de manière discrétionnaire, mais cette démarche innovante doit composer avec les règles propres à la passation des marchés de travaux, qui sont régis non seulement par les règles habituelles de la mise en concurrence dans la phase de passation des marchés, mais également par les règles particulières aux contrats de maîtrise d'œuvre privée. Ces deux dispositifs se retrouvent aujourd'hui au sein du même Code de la commande publique qui remplace le Code des marchés publics, depuis la codification de la loi « MOP » L. no 85-704, 12 juill. 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée désormais codifiée aux articles L. 2410-1 à L. 2432-2 du Code de la commande publique (Livre IV : « Dispositions propres aux marchés publics liés à la maîtrise d'ouvrage publique et à la maîtrise d'œuvre privée »). intégrée aux règles de la commande publique.

La définition des besoins du maître d'ouvrage public en BIM

La définition de la programmation par le maître d'ouvrage public est particulièrement importante dans le domaine de la construction et précède nécessairement l'ouverture d'une procédure de mise en concurrence. Il n'est en effet pas souhaitable de permettre aux acteurs publics d'ouvrir à la concurrence des marchés en blanc sous peine de rendre la procédure de mise en concurrence totalement arbitraire, faute de cahier des charges précis. La loi MOP impose notamment que le maître d'ouvrage public soit à l'origine de la programmation, le maître d'œuvre et subséquemment les entreprises du chantier ne faisant qu'apporter une réponse à un besoin et une stratégie clairement exprimée. Cet impératif d'impartialité et la charge de la programmation qui pèse sur les acteurs publics les contraignent dans leur capacité à innover et à faire innover leurs prestataires À contre-courant, la ville de Paris a innové avec l'appel à projets urbains innovants « Réinventer Paris » – lancé en mai 2017 par la ville de Paris et sept partenaires (Efidis, Paris Habitat, RATP, Renault, la RIVP, SNCF et Gares & connexions), qui implique des fonciers publics, mais destinés à être vendus et portés par des maîtres d'ouvrage privés, donc sans commande publique de travaux. Ils sont donc d'inspiration publique, mais sans la contrainte des marchés publics. . Mais qu'en est-il des marchés en BIM ?
Le BIM en phase programmation n'impacte pas directement la nature et la qualité de l'objet à construire, mais la maquette constitue déjà en tant que tel un objet. Aussi un maître d'ouvrage qui souhaite commander un ouvrage à édifier en BIM doit se soucier de la construction de deux ouvrages, l'immeuble à construire et son avatar numérique en BIM. L'impact du BIM va dépendre du niveau du BIM mis en œuvre Niveaux du BIM décrits supra, nos à . . Si le BIM n'est employé qu'à un faible niveau de collaboration et/ou de détails, notamment en niveau 0/1, il n'y a pas d'impact organisationnel significatif sur la séquence. Mais à partir du niveau 2, le BIM devient une procédure collaborative et un outil de conception et de représentation de l'ouvrage qui doit être pensé dès la programmation afin que la conception puisse traiter en BIM la réponse aux besoins du maître d'ouvrage.
La maquette BIM doit être très précise dès le stade de conception, ce qui déplace une grande partie du travail en amont du projet. Le BIM impacte également la manière de construire l'ouvrage en brouillant la séquence habituelle d'intervention des acteurs et du maître d'œuvre, tout en faisant émerger de nouveaux acteurs tels que le BIM Manager.
C'est cet impact particulier du BIM qui pose le plus de difficultés au regard de la loi MOP qui délimite le rôle, la responsabilité et les missions respectives du maître de l'ouvrage et du maître d'œuvre, en définissant des périmètres et séquences de missions qui n'ont pas évolué depuis sa promulgation en 1985, malgré sa récente codification à droit constant. Avec l'emploi du BIM, il est encore plus difficile de dessiner la frontière entre ce qui relève de la programmation, ce qui pèse sur le maître d'ouvrage, et ce qui relève de la mise en musique par la maîtrise d'œuvre.
– La loi MOP, un dispositif ancien, avant informatisation. – Bien qu'aucune disposition de la loi MOP, rédigée avant adoption de l'informatique dans la construction, n'interdise l'utilisation du BIM, elle semble aujourd'hui inadaptée au BIM en distinguant de manière étanche programmation, conception et réalisation des constructions. La phase programmation repose sur le maître d'ouvrage. La phase conception pèse sur le maître d'œuvre avec la séquence obligatoire de la mission du maître d'œuvre (ESQ, APS, APD, PRO, ACT, DET, AOR), qui se veut progressive dans la définition de l'objet et des prestations, mais qui ne correspond pas à l'enchaînement des tâches dans un projet en BIM. Ainsi, l'emploi du BIM bouleverse une séquence légale dont le maître d'ouvrage public et le maître d'œuvre ne peuvent pas sortir en confiant une mission particulière, même optionnelle, car elle ne figure pas dans le Code de la commande publique qui est exhaustif. Faute de texte particulier, le recours au BIM ne justifie pas à lui seul une rémunération supplémentaire. Aussi le maître d'œuvre se trouve-t-il dans la situation de ne pas pouvoir être payé spécifiquement pour cette mission, qui peut toutefois être incluse dans sa mission globale. Cette situation explique en partie la réticence des architectes à adopter la technologie BIM sans une refonte des modalités de fixation et de facturation de leur mission pour les contrats soumis à la loi MOP.
– Le problème du format des livrables en BIM. – Le support même du BIM, qui est une base de données informatique représentée par une maquette, ne correspond pas du tout aux livrables obligatoires prévus par l'annexe 20 A. 22 mars 2019, ann. 20, précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé. du Code de la commande publique. À titre d'exemple, l'annexe 20 prévoit des « plans des niveaux significatifs établis au 1/500 » ou encore « des plans établis au 1/200, avec certains détails significatifs au 1/100 », ce qui semble avoir peu de sens par rapport au bénéfice d'une représentation complète en trois dimensions. La codification de la loi MOP n'a pas donné lieu à une évolution de la matière, et il semble impératif d'intégrer la possibilité d'un rendu exclusivement numérique et d'une maquette numérique BIM pour éviter, à terme, de devoir doubler les livrables BIM d'un rendu papier pour les opérations de constructions publiques.
– La séparation entre maîtrise d'œuvre et entreprise. – La séparation stricte entre la maîtrise d'œuvre et les entreprises imposée par la loi MOP rend encore plus difficile la collaboration en amont autour d'une même maquette CCP, art. L. 2431-1 : « La mission de maîtrise d'œuvre est distincte de celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux, sous réserve des dispositions relatives aux marchés globaux du chapitre Ier du titre VII du livre Ier ». . À ce titre, toute intervention de l'entreprise en phase de conception est formellement prohibée. Ce qui fait peser sur le maître d'ouvrage la responsabilité d'organiser la transition entre la maquette BIM élaborée en phase de conception à celle élaborée en phase de réalisation par les entreprises, sauf à imposer cette mission à la maîtrise d'œuvre avec le problème de la rigidité des missions et de la facturation de la loi MOP. En l'état actuel, les entreprises devront très souvent effectuer un travail de ressaisie de leur propre maquette BIM construction/réalisation, sauf à avoir une parfaite confiance dans la maquette de conception, ce qui semble ne pas être le cas actuellement.

Témoignage : Quel est l'intérêt du BIM dans la transition numérique du bâtiment ?

https://www.youtube.com/watch?v=w7pHU2YFgIw">Lien
Témoignages d'intervenants de la filière de la construction sur les enjeux et intérêts du BIM dans le bâtiment.
– Le cumul des missions conception-réalisation dans le cadre du BIM. – En préambule, il faut rappeler que l'emploi d'un marché de conception-réalisation est un régime d'exception qui n'a pas pour effet de modifier la charge et la responsabilité de la programmation, qui pèsent toujours sur la maîtrise d'ouvrage et dont elle ne peut se défaire. Ainsi le marché de conception-réalisation ne permet pas une association en amont du projet entre le maître d'ouvrage, le maître d'œuvre et des entreprises ; cette collaboration n'étant possible qu'en matière de marché privé de travaux. L'intérêt du recours à un contrat global de conception-réalisation est certain pour favoriser une approche homogène de la conception-réalisation des travaux.
En dehors des contrats sectoriels et des ouvrages d'infrastructures visés supra V. supra, no . , le maître d'ouvrage public ne peut recourir au marché global « que si des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique ou la construction d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage ». Un usage erroné du contrat marché de conception-réalisation peut entraîner la nullité du contrat CAA Lyon, 29 mai 2008, no 06LY01546, Ville de Lyon : Contrats-Marchés publ. 2008, comm. 185, note G. Eckert. . Le BIM pourrait-il être un motif de recours au marché global ?
– Recours au marché global, critère de technicité en BIM. – Le juge administratif fait une interprétation très stricte des critères d'application du marché global, qui est un contrat d'exception. Concernant le critère de technicité, ne peuvent pas faire l'objet d'un marché de conception-réalisation :
  • la réalisation d'un complexe multisport qui, malgré une superficie très importante, « ne présente toutefois pas des dimensions exceptionnelles pouvant être regardées comme constituant un motif d'ordre technique au sens des dispositions du Code des marchés publics » ;
  • la réalisation d'un centre de secours hospitalier « dont les spécifications ne diffèrent en rien des contraintes auxquelles est assujetti tout bâtiment de même importance ».
Le BIM n'est pas en lui-même le témoignage d'une technicité particulière d'un projet de construction. Même si le BIM en tant qu'outil présente une certaine technicité, il ne préjuge pas d'un besoin technique sur le projet de construction justifiant une approche globale de la conception-réalisation.
– Recours au marché global, critère de performance énergétique en BIM. – Concernant le critère de la performance énergétique, le juge exige également une forme de spécificité particulière du projet au-delà même de l'ambition énergétique du projet. Ainsi la cour administrative d'appel de Nantes, aux termes de trois arrêts du 9 novembre 2018, a annulé trois marchés de conception-réalisation au motif notamment que l'objectif de performance énergétique supérieure de 10 % à la norme thermique RT 2012 invoqué par le département n'était pas, « au regard de la nature de la construction envisagée comme du procédé constructif retenu et des matériaux dont l'emploi était prévu », « une contrainte ou une complexité telle qu'elle exigeait d'associer nécessairement les opérateurs de maîtrise d'œuvre et les entreprises de construction dès le stade de l'établissement des études ».
Même si cette jurisprudence a été rendue avant la loi Elan L. no 2018-1021, 23 nov. 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, JORF no 0272, 24 nov. 2018. V. infra, no . , il semble que le juge recherche toujours si l'ouvrage justifie objectivement une coopération des entreprises dès le stade des études. Le BIM ne participe pas directement en phase de construction à la réglementation thermique et ne semble pas à ce titre justifier en lui-même le recours au marché global. Toutefois, s'il accompagne un projet avec des procédés constructifs novateurs reposant sur le BIM exploitation, comme par exemple des bâtiments à énergie positive (parfois abrégé en « Bepos ») La spécificité de tels ouvrages a pu justifier le recours à la procédure de dialogue compétitif dans le cas d'une cité municipale (cf. CAA Bordeaux, 15 sept. 2015, relatée infra, no ). , il nous semble que le maître d'ouvrage pourrait avoir un intérêt à passer un contrat groupé avec la maîtrise d'œuvre et des entreprises spécialisées.

LE BIM n'est pas un critère de recours au marché global

En l'état actuel de la jurisprudence, il nous semble prudent d'affirmer que l'utilisation du BIM dans un projet ne répond, à lui seul, à aucun critère autorisant le maître d'ouvrage public à recourir systématiquement au marché de conception-réalisation.
– La loi MOP, un frein au développement du BIM ? – Le maître d'ouvrage privé est libre de définir sa démarche BIM comme il l'entend, avec le séquençage, la répartition et la rémunération des tâches qui lui sembleront à propos, sans aucune contrainte réglementaire. Le maître d'ouvrage public est soumis à la loi MOP qui lui impose un formalisme particulier dans la conclusion, la conduite et le périmètre des marchés qu'il peut passer avec ses conseils, la maîtrise d'œuvre et les entreprises.
Compte tenu de la rigidité actuelle de la loi MOP et de l'incapacité pour le maître d'ouvrage d'associer la maîtrise d'œuvre à la programmation, ou de mieux associer la maîtrise d'œuvre aux entreprises, des auteurs appellent à une évolution de la loi MOP P. Devillers, in Contrats-Marchés publ. janv. 2019, no 1, dossier 10 : « Critiquée aussi en raison de sa rigidité, inadaptée à des petits projets telles la mise en accessibilité ou l'amélioration de la performance énergétique. En raison encore du bouleversement des pratiques induit par la nouvelle méthodologie du « Building Information Model » (BIM), méthode de travail collaborative de modélisation électronique des données du bâtiment, susceptible d'être exigée des pouvoirs adjudicateurs pour les marchés publics de travaux (Dir. 2014/24/UE, art. 22.4) ». afin de tenir compte de l'évolution de la filière et du BIM. Dans certains cas, des marchés de conception-réalisation peuvent être envisagés pour faire collaborer en amont maître d'œuvre et entreprise.
La loi MOP fait peser sur la maîtrise d'ouvrage public la responsabilité de l'initiation de la démarche BIM, le plus souvent avec un maître d'ouvrage délégué et/ou un assistant au maître d'ouvrage ayant la compétence en matière de BIM, de manière indépendante de la maîtrise d'œuvre et des entreprises. Il serait souhaitable d'initier une réflexion sur une atténuation circonstanciée de la délimitation entre ces trois phases de programmation/ conception/ réalisation et leurs acteurs respectifs afin de permettre un emploi collaboratif et plus efficient du BIM. L'incitation au BIM pourrait passer par un assouplissement ciblé des règles de la loi MOP et des dérogations ponctuelles pour permettre une intervention plus en amont du maître d'œuvre et de l'entreprise, en prévoyant par exemple qu'un projet en BIM niveau 2 V. supra, no . avec un objectif précis de BIM exploitation bénéficie automatiquement de dérogations, comme l'accès au marché de conception-réalisation avec des entreprises spécialisées.
Il serait également souhaitable de prévoir une nouvelle mission de BIM Management / maquette BIM dans le dispositif de la loi MOP, qui pourrait être une mission optionnelle pour la maîtrise d'œuvre ou les entreprises, afin d'y associer une rémunération et d'encadrer en annexe du Code de la commande publique une liste de livrables adaptés aux opérations en BIM.

Rappel des principales dispositions de la loi MOP intéressant le BIM

– Quels sont les contrats entrant dans le champ d'application de la loi MOP ?
1) Quels maîtres d'ouvrage ? Article L. 2411-1 du Code de la commande publique : les contrats conclus par l'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et autres EPCI, ou encore les organismes publics et privés d'HLM.
2) Quels travaux ? Article L. 2411-1 du Code de la commande publique : toutes opérations de construction neuve ou de réhabilitation d'un ouvrage qui « est le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique ». Des exceptions sont prévues concernant notamment les infrastructures situées dans le périmètre d'une zone d'activité concertée (ZAC) ou d'une opération d'intérêt national (OIN). Les travaux de maintenance ou d'entretien ou portant uniquement sur un équipement technique destiné à l'exploitation d'un bâtiment sont également exclus.
Le champ d'application de la loi MOP est plus large que celui des marchés publics, en soumettant à la loi l'État et ses établissements publics, sans autre précision, en ce compris les établissements publics nationaux qui présentent un caractère industriel et commercial qui sont exclus du champ d'application des dispositions relatives à la passation des marchés publics (CCP, art. L. 1211-1).
– Présentation du régime de la loi MOP. – La loi MOP définit les attributions du maître de l'ouvrage public, sa responsabilité propre et les fonctions qu'il doit assumer personnellement Loi MOP, art. 2 ; CCP, art. L. 2421-1. , sauf à les déléguer à un mandataire dans certaines limites et conditions. Le maître d'ouvrage public a ainsi la responsabilité de s'assurer lui-même de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée, de sa localisation et de sa programmation, dans un budget prévisionnel et selon des modes de financement donnés. Le maître d'ouvrage assume ainsi « la direction technique des actions de construction » CE, 17 juin 2009, no 297509, SAEMN Bibracte : JurisData no 2009-075623. et un manquement à ses obligations est susceptible d'engager sa responsabilité ou d'amoindrir la responsabilité de ses prestataires en cas de contentieux (par ex., mauvais choix du lieu d'implantation de l'ouvrage CE, 25 nov. 1987, nos 50179 et 50620, Sté pour l'incinération des résidus de l'agglomération caennaise. , ou encore l'introduction d'indications erronées dans les documents de la consultation CAA Nantes, 7 févr. 1996, no 95NT00163. ).
Le maître d'ouvrage public se trouve ainsi obligé d'assumer des missions et responsabilités en matière de travaux alors qu'il est souvent dépourvu en interne de personnes ayant les compétences, tant juridiques que techniques, nécessaires à la programmation d'un projet de construction. Pour cette raison, le maître d'ouvrage public a la faculté de se faire assister, soit par un conducteur d'opération (assistant au maître d'ouvrage [AMO]), qui est une forme de conseil qui apporte une assistance générale à caractère administratif, financier et technique (CCP, art. L. 2422-3), soit par un mandataire externe Loi MOP, art. 3, 4 et 5 ; CCP, art. L. 2422-5 et s. , qui va pouvoir exercer une partie de ses missions de maître d'ouvrage aux termes d'un mandat (maître d'ouvrage délégué [MOD]). Le mandat ne peut cependant pas porter sur les missions relatives à la définition du programme des travaux ou à la fixation de l'enveloppe financière, qui relèvent de la responsabilité obligatoire du maître d'ouvrage CAA Nancy, 27 janv. 2005, no 98NC02300, Cne d'Amnéville. . Aussi, si le maître d'ouvrage a besoin d'assistance pour définir la programmation et le chiffrage des travaux, il devra recourir aux services d'un conducteur d'opération.
Le maître d'ouvrage délégué et le conducteur d'opération ont l'interdiction de cumuler leur mission avec celle de maîtrise d'œuvre, de réalisation de travaux ou encore de contrôle technique, tant directement qu'indirectement par des « entreprises liées » Les entreprises liées sont celles couvertes par la notion « d'influence dominante ». . Le contrat de mandat et le contrat de conduite d'opération sont des marchés de prestation de services, soumis aux règles générales du Code de la commande publique et des directives communautaires quant à la passation des marchés.
Le maître d'ouvrage public, même s'il se dote d'une compétence particulière en maîtrise d'œuvre intégrée à ses équipes, doit obligatoirement recourir à un maître d'œuvre pour la réalisation des missions obligatoires de conception. Le maître d'œuvre fait l'objet du titre II de la loi MOP CCP, art. 7 à 11-1, nouveau titre III (CCP, art. L. 2430-1 et s.). . Cette dernière assigne à la maîtrise d'œuvre la mission de « permettre d'apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme » défini par le maître d'ouvrage.
Le contrat de maîtrise d'œuvre inclut une mission de base faisant l'objet d'un contrat unique, dont le contenu est fixé réglementairement selon la catégorie d'ouvrage ou la nature de l'opération neuve ou de réhabilitation Loi MOP, art. 8 ; CCP, art. R. 2431-3. . Ainsi la mission de construction neuve inclut obligatoirement un pack de sept missions distinctes CCP, art. R. 2431-4 : « 1o Les études d'esquisse ; 2o Les études d'avant-projet ; 3o Les études de projet ; 4o L'assistance apportée au maître d'ouvrage pour la passation des marchés publics de travaux ; 5o La direction de l'exécution des marchés publics de travaux ; 6o L'assistance apportée au maître d'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement ; 7o L'examen de la conformité au projet des études d'exécution et leur visa lorsqu'elles ont été faites par un opérateur économique chargé des travaux et les études d'exécution lorsqu'elles sont faites par le maître d'œuvre ». (ESQ, APS, APD, PRO, ACT, DET, AOR), parmi les dix missions possibles définies par l'article R. 2431-1 du Code de la commande publique Les missions non obligatoires pour les constructions neuves sont les études préliminaires, les études de diagnostic ainsi que l'ordonnancement, le pilotage et la coordination du chantier. . Il n'est ainsi pas possible de confier à un maître d'œuvre une mission complémentaire non prévue par le Code de la commande publique.
L'article L. 2432-1 du Code de la commande publique dispose que : « Le marché public de maîtrise d'œuvre privée prévoit une rémunération forfaitaire du titulaire qui tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux », dont le montant est fixé selon les modalités prévues à l'article R. 2432-6 du même code. ▪▪Exceptionnellement le maître d'œuvre peut bénéficier d'honoraires supplémentaires, en cas de « modification de programme ou de modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage », en cas d'exécution de « missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'œuvre, non décidées par le maître d'ouvrage » si « elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art » ou encore si le maître d'œuvre a été confronté à « des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat » CE, 29 sept. 2010, no 319481, Sté Babel : Rec. CE 2010, tables p. 851. .▪▪
Enfin, les contrats de maîtrise d'œuvre et des entreprises sont obligatoirement distincts et séparés. Il est ainsi prohibé de confier à un même prestataire à la fois la conception et l'exécution des travaux d'un ouvrage public.
Par exception le maître d'ouvrage public peut recourir à un marché global intégrant les missions de la maîtrise d'œuvre et des entreprises, dit « marché de conception-réalisation » en application des articles L. 2171-2 et suivants du Code de la commande publique. « Le marché de conception-réalisation est un marché de travaux permettant à l'acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux » (CCP, art. L. 2171-2, al. 1).
Le recours à ce type de contrat n'est autorisé que « si des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique ou la construction d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Un tel marché est confié à un groupement d'opérateurs économiques. Il peut toutefois être confié à un seul opérateur économique pour les ouvrages d'infrastructures » (CCP, art. L. 2171-2, al. 2).
Le recours à ce type de contrat est également autorisé dans certains secteurs sous le qualificatif de « marchés globaux sectoriels » aux termes des articles L. 2171-4 et suivants du Code de la commande publique. Parmi les secteurs les plus notables autorisant les marchés globaux sectoriels, on peut citer certains ouvrages construits par l'État (locaux affectés à la police nationale, gendarmerie nationale, aux armées ou aux services du ministère de la Défense), les locaux affectés aux établissements publics de santé, ou encore les équipements construits par la Société du Grand Paris.
La stricte séparation entre maîtrise d'œuvre et entreprise de travaux s'oppose à ce que la mission facultative d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des travaux (OPC) puisse être confiée à une entreprise de travaux CAA Lyon, 26 nov. 2009, no 06LY00786, Sté Pygmalion SA : JurisData no 2009-018197 ; Contrats-Marchés publ. 2010, comm. 71 et 75, obs. F. Llorens. .

La procédure de passation des marchés en BIM

– La question du BIM dans les marchés publics de travaux. – Les maîtres d'ouvrage publics ont pu s'interroger sur la possibilité de lancer un projet en BIM et d'exiger de leur prestataire l'emploi de la technologie, sans contrevenir aux règles de mise en concurrence de la commande publique (ancienne appellation du Code des marchés publics).
En effet, l'ancien article 6, III du Code des marchés publics, dans sa version applicable avant son abrogation le 1er avril 2016, stipulait que : « Les spécifications techniques mentionnées au I permettent l'égal accès des candidats et ne peuvent pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l'ouverture des marchés publics à la concurrence ». Aussi le fait pour un adjudicataire d'obliger les candidats à restituer leur proposition au moyen d'une maquette BIM soulevait la question de savoir si cet outil était discriminant pour les candidats et un obstacle à la libre concurrence. Toutefois, aucun contentieux sur le terrain de la commande publique d'un projet en BIM n'a été médiatisé alors même que de nombreux maîtres d'ouvrage ont pris l'initiative et ont imposé le BIM V. étude du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) analysant le pourcentage de recours au BIM dans les avis de concours de maîtrise d'œuvre publiés depuis avril 2016 jusqu'à février 2018. L'étude conclut que le niveau était de 0,49 % en 2013-2014, et qu'au mois d'avril 2016, moment de l'entrée en vigueur du décret, le chiffre était tout de même déjà de 5,72 %. avant tout dispositif particulier.
– La consécration européenne du BIM dans les marchés publics de travaux. – Par suite de la transposition de la directive du 26 février 2014 par l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et son décret du 25 mars 2016 V. supra, no . , les maîtres d'ouvrage publics se sont vu officiellement octroyer la capacité de mener une opération de construction en BIM, dès la mise en concurrence pour l'attribution des marchés publics de travaux ou de maîtrise d'œuvre. Ce dispositif se retrouve aujourd'hui aux articles R. 2132-10 et R. 2132-14 du Code de la commande publique V. supra, no . .
Le Code de la commande publique s'applique à tous « contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques » (CCP, art. L. 2).
– La mise en concurrence dans les marchés publics de travaux en BIM. – Quelle que soit la procédure d'allotissement des marchés mise en œuvre par le maître d'ouvrage public, avec ou sans appel d'offres réglementé, elle est soumise à des principes généraux de respect du « principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique », et de la mise « en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures » (CCP, art. L. 3).
L'emploi du BIM ne permet pas de déroger à ces principes et l'article R. 2132-10 du Code de la commande publique dispose que : « L'acheteur peut, si nécessaire, exiger l'utilisation d'outils et de dispositifs qui ne sont pas communément disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires ». Ainsi afin de ne pas fausser l'accès au marché, l'acheteur qui initie une procédure en BIM « offre un ou plusieurs des moyens d'accès mentionnés à l'article R. 2132-14, jusqu'à ce que ces outils et dispositifs soient devenus communément disponibles aux opérateurs économiques ».
L'article R. 2132-14 du Code de la commande publique détaille les trois moyens d'accès alternatifs, en mettant à disposition une solution technique gratuite ou d'autres voies de présentation électronique. Ce texte, qui date de mars 2016 et transpose une directive européenne de 2014, était assez prudent en obligeant la mise à disposition des outils nécessaires au candidat dans l'attente que « ces outils soient communément disponibles ». Cinq ans après la promulgation de ce texte, il semble difficile d'affirmer que les outils du BIM ne sont pas devenus aujourd'hui communément disponibles. Il y a certes une barrière technologique et économique d'appropriation du BIM, mais les logiciels sont facilement accessibles à des niveaux de prix divers. À admettre que cette réserve soit toujours justifiée en 2021, il est raisonnable d'affirmer qu'un opérateur économique n'ayant pas l'expérience du BIM et non outillé d'un logiciel spécialisé ne sera pas retenu dès le stade de la candidature à une commande publique en BIM compte tenu de l'impact que cela pourrait avoir sur l'organisation du projet.
– Les candidatures en BIM. – Au stade des candidatures, l'acquéreur doit jauger la capacité professionnelle, technique et financière des candidats et sélectionner les candidats qui seront admis à présenter une offre. Ainsi le maître d'ouvrage projetant de développer son projet en BIM mettra généralement en place une procédure de mise en concurrence restreinte afin de s'assurer que les candidats justifient de compétences et références en BIM. Pour le moment, les formations diplômantes en BIM ne sont pas assez nombreuses pour que l'acheteur puisse exiger des diplômes spécifiques des candidats sans être discriminant. Suite à la création officielle des métiers de « coordinateur BIM du bâtiment » et de « BIM modeleur du bâtiment », il semble que l'acquéreur puisse exiger qu'un membre au moins de l'équipe du candidat justifie d'un de ces titres. S'agissant du BIM Manager, son rôle n'est à l'heure actuelle pas légalement défini ; aussi, si l'acquéreur exige une telle compétence, il devra parfaitement en définir le rôle et les missions dans le règlement de consultation.
– Le BIM, un critère à préciser dès le stade des candidatures. – Au stade de l'appréciation des offres, l'acheteur ne peut pas retenir des critères relatifs à la capacité des candidats eux-mêmes, qui relève de la sélection des candidats et non de la sélection des offres, qui sont deux étapes et deux taches différentes de la procédure CE, 29 déc. 2006, no 273783, Sté Bertele SNC : JurisData no 2006-071223 ; BJCP 2007, p. 97, concl. N. Boulouis, obs. R. Schwartz ; Contrats-Marchés publ. 2007, comm. 75. . C'est la raison pour laquelle il est fortement déconseillé de recourir à une procédure ouverte d'analyse des candidatures et des offres en commande de travaux BIM.
En pratique, l'acheteur va exiger du candidat qu'il produise une liste de références de projets conduits en BIM, et qu'il présente les moyens techniques qu'il utilise. L'acheteur ne peut pas exiger la consultation d'une maquette antérieure. L'absence de référence ou des outils BIM ne doit pas, à elle seule, justifier le rejet des candidatures.
– La remise des offres en BIM. – Au stade de la remise des offres, dès lors que le maître d'ouvrage exige un rendu en BIM, il devra déterminer dans le règlement de consultation les règles imposées aux candidats, en précisant le niveau de définition de la maquette et des objets y figurant, ainsi que des informations qui y sont attachées. L'exigence d'un rendu sous forme de maquette BIM implique que l'acquéreur, et le jury en cas de concours, disposent d'un outil de visualisation BIM. Dans le cadre des procédures de concours où la maquette BIM semble la plus pertinente, les maquettes et bases de données devront être anonymes.
La remise d'une candidature et d'une offre en BIM ne bénéficie pas d'une rémunération dédiée ; aussi, il est renvoyé au dispositif de droit commun de l'article R. 2172-4 du Code de la commande publique susvisé s'agissant des contrats de maîtrise d'œuvre.
– Les formats des offres en BIM. – L'acquéreur ne peut en principe pas exiger le recours à un logiciel ou une marque pour la remise de la maquette. La mention d'une marque n'est autorisée, à titre dérogatoire, que si une description suffisamment précise et intelligible du produit est impossible et doit, dans ce cas, être accompagnée de la mention « ou équivalent » Est ainsi illégal le fait pour l'acheteur public d'avoir mentionné dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), des références à des marques, sans être accompagnées de la mention « ou équivalent » comme le prévoit maintenant l'article R. 2111-7 du Code de la commande publique (TA Strasbourg, 24 juill. 2001, Préfet du Bas-Rhin c/ Dpt du Bas-Rhin et Sté SMAC Aciéroïd : Contrats-Marchés publ. 2001, comm. 184). et sous réserve de justifier que ce logiciel est le seul capable de remplir les fonctions assignées. Pour les mêmes raisons, il n'est pas possible de demander un rendu propre à une marque de logiciel, et le maître d'ouvrage ne peut pas exiger la remise de la maquette en format revit même s'il utilise Autodesk. Il semble préférable d'exiger la remise des offres au format IFC qui est reconnu en tant que norme ISO (16739 :2013) et est universel et interopérable.
En revanche, n'a pas été jugée illégale la référence à une solution logicielle dès lors qu'elle est libre, accessible et gratuite à tous les candidats qui disposent des compétences techniques pour l'adapter aux besoins de l'acheteur public CE, 30 sept. 2011, no 350431, Région Picardie : JurisData no 2011-020388 ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 316, note J.-P. Pietri. . Il ne semble pas exister de solution BIM performante entièrement gratuite répondant à ces critères. Certains maîtres d'ouvrage précisent que le rendu sera effectué au sein de l'« écosystème éditeur » qui traduit pudiquement l'obligation de proposer un « équivalent ».
Enfin, en cas de recours à un dictionnaire d'objets, ces objets doivent être neutres et ne pas être rattachés à un industriel, ce qui reviendrait à privilégier un fournisseur.

Vidéo de présentation d'un Logiciel d'architecture 3D / Logiciel BIM MicroStation

https://www.youtube.com/watch?time_continue=64&v=-ETMRB3kB_w&feature=emb_logo">Lien
– Le BIM et les contrats d'entreprise. – S'agissant spécialement des marchés des entreprises, l'emploi du BIM pose la difficulté des modalités de mise à disposition de la maquette BIM de conception aux entreprises candidates. Le maître d'ouvrage va devoir choisir la diffusion d'une maquette informative, non utilisable par les opérateurs, qui vont devoir ressaisir leur propre maquette pour émettre une offre en BIM, ou une maquette BIM directement opérable par les entreprises, qu'elles devront remplir. Les deux solutions ont leurs avantages et inconvénients, et dans les deux cas les entreprises devront être vigilantes sur la qualité des données qu'elles vont faire figurer dans la maquette.
– La sélection des offres dans les marchés publics de travaux. – Pour la sélection des offres, l'acheteur doit classer les offres par ordre décroissant et retenir « l'offre économiquement la plus avantageuse » en appliquant les critères d'attribution rendus publics, qui doivent garantir « la possibilité d'une véritable concurrence ». Seuls les critères fixés et publics dès l'initiation de la procédure, éventuellement affectés d'une pondération, ou à défaut hiérarchisés, peuvent fonder le jugement des offres émises par les candidats. Le maître d'ouvrage doit procéder au classement des offres, et l'offre économiquement la plus avantageuse est celle qui est la mieux classée aux termes de cette procédure.
Ces critères peuvent être uniques ; dans ce cas, ce critère ne peut être que le prix du marché public ou son coût, « déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l'article R. 2152-9 ». L'utilisation du critère de prix uniquement est réservée à des contrats simples, ce qui doit pouvoir être justifié par l'acheteur CE, 24 avr. 2007, no 298584, Dpt de l'Isère : JurisData no 2007-071748 ; Contrats-Marchés publ. 2007, comm. 171, note J.-P. Pietri. , et qui semble donc exclure les marchés publics de travaux.
L'article R. 2152-7 du Code de la commande publique CCP, art. R. 2152-7 : « 2o Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. Les critères d'attribution retenus doivent pouvoir être appliqués tant aux variantes qu'aux offres de base ». énonce une pluralité de critères non exhaustifs sous réserve qu'ils soient « non discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ». Compte tenu de la diversité des critères d'attribution autorisés et de la jurisprudence nationale ou communautaire, l'offre économiquement la plus avantageuse n'est pas nécessairement celle qui semble économiquement la plus rentable pour l'acheteur, mais celle qui répond le mieux aux critères d'attribution fixés par le pouvoir adjudicateur.
– Le BIM dans la sélection des offres. – Le maître d'ouvrage en BIM pourra ériger la maîtrise du BIM comme un critère à part entière ou au travers de différents critères techniques de passation du marché de travaux. Ainsi, bien que les qualités techniques du candidat ne puissent pas être un critère d'appréciation des offres, le critère de la valeur technique des offres peut conduire le pouvoir adjudicateur à analyser les moyens techniques et humains proposés par les candidats pour exécuter la prestation objet du marché CE, 11 mars 2013, no 367706, Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) : JurisData no 2013-004770 ; Contrats-Marchés publ. 2013, comm. 137, obs. M. Ubaud-Bergeron. . Par ailleurs, dès lors que le cahier des charges est suffisamment précis et le critère justifié, il semble que la qualité de la réponse en maquette BIM puisse également être un critère En ce sens A. Blandin et A.-M. Bellenger, Le BIM sous l'angle du droit, Eyrolles, 2e éd., 2019, p. 23. . La capacité à produire une maquette directement opérable en exploitation devrait également devenir un critère de sélection pour l'amélioration des performances énergétiques et la diminution des coûts de l'immeuble.
La référence à un label ou à une technique brevetée est également légale dès lors qu'elle est connue de tous les professionnels du secteur et qu'il est justifié par l'objet du marché CE, 10 févr. 2016, no 382153, SMC2 : JurisData no 2016-002222. . À l'heure actuelle, il n'existe pas de label dans le BIM, traduisant par exemple le respect des normes ISO. De tels labels auraient le mérite de traduire une méthodologie particulière et des critères de notation de performance comme en matière environnementale.
La légalité du choix des critères d'attribution opéré par le pouvoir adjudicateur peut faire l'objet d'un contrôle du juge. Mais l'illégalité d'un critère n'entraîne pas automatiquement la nullité de la procédure. Une telle illégalité ne provoque la nullité que si le critère illégalement retenu a pu avoir un effet sur la mise en concurrence et a lésé le candidat requérant, par exemple en dissuadant certains candidats potentiels de faire acte de candidature CE, 28 mai 2014, no 375941, Cne de Dijon c/ Sté Carrard Services : JurisData no 2014-011815 ; Contrats-Marchés publ. 2014, comm. 189, note W. Zimmer. .

Rappel des principes de la procédure de passation des marchés publics de travaux

La procédure de passation des marchés publics de travaux dépend de la valeur estimée du besoin, qui correspond au coût global des travaux et non pas à la rémunération attendue par l'opérateur économique CCP, art. R. 2121-5 : « La valeur estimée du besoin est déterminée, quels que soient le nombre d'opérateurs économiques auquel il est fait appel et le nombre de marchés à passer, en prenant en compte la valeur totale des travaux se rapportant à une opération ainsi que la valeur totale estimée des fournitures et des services mis à la disposition du titulaire par l'acheteur lorsqu'ils sont nécessaires à l'exécution des travaux ». . Le seuil de déclenchement des différentes procédures a été en dernier lieu modifié par un décret du 12 décembre 2019 D. no 2019-1344, 12 déc. 2019, modifiant certaines dispositions du Code de la commande publique relatives aux seuils et aux avances, aux termes duquel le seuil de publicité et mise en concurrence passe à 40 000 € hors taxe (CCP, art. R. 2122-8). . Il existe trois principales procédures en matière de marchés de travaux : la procédure sans publicité ou appel d'offres pour les marchés inférieurs à 40 000 € ; la procédure adaptée pour les marchés compris entre 40 000 € et 5 350 000 € Annexe no 2, Avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique – I. – Seuils de procédure formalisée pour les marchés publics : les seuils mentionnés aux articles L. 1321-1, L. 2100-2, L. 2123-1, L. 2124-1, L. 2324-1, L. 3126-1, R. 2122-2, R. 2123-1, R. 2124-1, R. 2172-8, R. 2172-16, R. 2172-17, R. 2183-1, R. 2184-1, R. 2184-7, R. 2194-8, R. 2323-1, R. 2324-1, R. 2383-1 et R. 2384-1 du Code de la commande publique. ; et la procédure formalisée pour les marchés au-delà de 5 350 000 €. Compte tenu du coût habituel des travaux de construction qui dépasse 1 500 €/m2 Source : www.cohesion-territoires.gouv.fr/economie-de-la-construction">Lien , ces seuils sont très bas et imposent une procédure de mise en concurrence quasi systématiquement, au moins au niveau de la procédure « adaptée ».
Certains contrats particuliers échappent aux règles de mise en concurrence quel que soit leur montant. C'est le cas notamment des contrats in house, issus de la jurisprudence communautaire CJCE, 10 nov. 1998, aff. C-360/96, Gemeente Arnhem et Gemeente Rheden c/ BFI holding BV. et maintenant codifiés aux articles L. 2511-1 et suivants du Code de la commande publique relatifs à la « quasi-régie », conclus avec des personnes contrôlées par l'adjudicateur.

Exemple de contrat échappant à la mise en concurrence

Les contrats conclus par une société d'économie mixte d'aménagement contrôlée par une collectivité locale avec laquelle elle conclut un contrat d'aménagement de ZAC échappent aux règles de mise en concurrence.
En dehors des cas d'exclusions particuliers, il faut principalement retenir que le pouvoir adjudicateur a la capacité de mettre en œuvre une « procédure adaptée » pour tous les marchés de travaux inférieurs à 5 350 000 € hors taxes (le seuil communautaire). Afin de favoriser le recours à des entreprises locales, elle peut également s'appliquer pour les « petits lots » inférieurs à un million d'euros hors taxes, sans que le montant cumulé de ces lots n'excède 20 % de la valeur de l'ensemble du marché, même si le total dépasse le seuil de 5 350 000 € susvisé.
Cette procédure est une procédure d'exception dérogatoire par rapport aux procédures de principe que doivent être les procédures formalisées. Les modalités de publicité et de mise en concurrence sont alors librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre, ainsi que des circonstances de l'achat. Le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures prévues par les appels d'offres du Code des marchés publics, sans pour autant que les marchés en cause soient alors soumis aux règles formelles applicables à ces procédures.
Les contrats inférieurs au seuil communautaire ne sont pas pour autant exclus du droit communautaire. Ainsi la Cour de justice des Communautés européennes a déjà jugé, à propos des concessions CJCE, 7 déc. 2000, aff. C-324/98, Telaustria. , que les pouvoirs adjudicateurs sont, en tout état de cause, tenus de respecter les règles fondamentales du traité. Cette position de la Cour de justice a été confirmée par le Conseil d'État, la passation de marchés sans formalités préalables préétablies impose toutefois de respecter les grands principes de la commande publique CE, avis, 29 juill. 2002, Sté MAJ Blanchisseries de Pantin, ▪▪V. supra, no 2-XXX▪▪. .
La passation des marchés en procédure adaptée bénéficie d'une procédure ouverte, mais compte tenu de l'obligation de publicité et de mise en concurrence, elle se déroule habituellement en trois temps :
La publicité préalable à la procédure de passation, par laquelle l'adjudicateur publie un avis d'appel public à la concurrence, soit dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics, soit dans un journal habilité à recevoir des annonces légales. Le Conseil d'État a jugé que la publication des principales caractéristiques du marché accompagnées du nom et des coordonnées de la personne responsable du marché est suffisante pour assurer une publicité adaptée CE, 22 janv. 2007, no 294290, Synd. des transports d'Île-de-France, ▪▪préc. supra, no 2-XXX.▪▪. .
L'acheteur doit fixer les délais de réception des candidatures et des offres, dans la mesure où les candidatures et les offres qui seraient reçues hors délai doivent nécessairement être éliminées.
Les critères d'appréciation doivent être précisés, notamment si l'adjudicateur décide d'utiliser d'autres critères que celui du prix, et le Conseil d'État a pu préciser que « l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en œuvre de ces critères » CE, sect., 30 janv. 2009, no 290236, ANPE : JurisData no 2009-074852 ; Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 121, note W. Zimmer. .
La phase de sélection des candidats, qui se décompose en deux phases de sélection des candidatures et de choix de l'offre lauréate. Le Conseil d'État a jugé que les pouvoirs adjudicateurs peuvent examiner simultanément les candidatures et les offres CE, 6 mars 2009, no 314610, Cne d'Aix-en-Provence : Dr. adm. 2009, comm. 69 ; JCP A 2009, 343. . S'opère ainsi une distinction entre des procédures « ouvertes » dans lesquelles tout candidat intéressé peut déposer une offre en déposant simultanément un dossier de candidature et d'offre, et des procédures « restreintes », lorsque l'acheteur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre avec une première phase de sélection des candidats qui pourront, dans un second temps, déposer un dossier d'offre. La procédure restreinte est ainsi une phase de « présélection » qui est généralement utilisée en matière de travaux.
La phase d'achèvement de la procédure de passation des marchés, aux termes de laquelle l'acheteur notifie à chaque candidat sa décision CCP, art. R. 2181-1. , sans obligatoirement indiquer les motifs, avec toutefois la possibilité pour le candidat évincé de demander les motifs du rejet de sa candidature dans les quinze jours. Il n'y a pas d'obligation de publier un avis d'attribution pour les marchés passés en procédure adaptée.
Pour les achats d'un montant égal ou supérieur à 5 350 000 €, l'adjudicateur devra recourir à l'une des « procédures formalisées » des articles R. 2161-1 et suivants du Code de la commande publique, à savoir :
– Un appel d'offres ouvert ou restreint (CMP, ancien art. 33 ; CCP, art. L. 2114-2). – C'est la procédure de principe qui devra être mise en œuvre par l'acheteur. Cette procédure implique une parfaite définition des besoins du maître d'ouvrage et une documentation détaillée de la programmation. Le pouvoir adjudicateur est tenu de publier un avis d'appel public à la concurrence dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne. La publication préalable d'un avis d'appel à la concurrence constitue une formalité substantielle à laquelle le pouvoir adjudicateur ne peut échapper, sanctionné par l'annulation du marché CE, 7 oct. 2005, Région Nord-Pas-de-Calais. . La procédure classique d'appel d'offres est celle mise en œuvre généralement pour les contrats d'entreprises.
Les contrats de maîtrise d'œuvre sont soumis par principe à une forme d'appel d'offres dite de « concours », qui est une technique particulière d'achat prévue aux articles R. 2162-15 et suivants du Code de la commande publique, et qui consiste pour l'acquéreur à choisir, après mise en concurrence et avis d'un jury, un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'architecture et de l'ingénierie ou du traitement de données. La technique du concours est obligatoire pour tous les marchés de maîtrise d'œuvre supérieurs aux seuils des procédures formalisées, sauf cas dérogatoires dont notamment les réhabilitations d'un ouvrage existant et les ouvrages de bâtiment réalisés par des organismes d'habitations à loyer modéré. Le texte impose que le concours soit restreint, ce qui implique une phase de présélection des candidats.
Ce mode de sélection des candidats est particulièrement adapté aux prestations d'architecture, où par principe le besoin peut bénéficier de plusieurs interprétations par l'artiste, mais le concours n'est pas limité aux marchés de travaux et peut être utilisé pour d'autres domaines (transports, prestations intellectuelles). Les maîtres d'œuvre qui participent à ces concours bénéficient d'une prime égale « au prix estimé des études à effectuer, affecté d'un abattement au plus égal à 20 % ». Si la maîtrise d'œuvre est désignée dans le cadre d'une autre procédure, la prime est librement fixée par l'acquéreur.
La procédure négociée (CMP, ancien art. 35 ; CCP, art. L. 2124-3), est la procédure par laquelle le pouvoir adjudicataire peut, dans certains cas, négocier directement les conditions d'un marché ou de l'accord-cadre avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Selon le cas, il peut être négocié après publicité préalable et mise en concurrence ou sans aucune formalité préalable. S'agissant des marchés de travaux, cette procédure plus rapide peut être engagée notamment pour des travaux complémentaires qui sont devenus nécessaires, à la suite d'une circonstance imprévue.
– Le dialogue compétitif (CMP, ancien art. 36 ; CCP, art. L. 2124-4). – Si la collectivité ne peut pas définir son besoin avec précision avant la mise en concurrence, elle peut recourir à la procédure de dialogue compétitif. Cette procédure permet au pouvoir adjudicateur de mener un dialogue avec les entreprises sélectionnées en vue de trouver des solutions permettant de répondre au mieux à ses besoins. Le recours à cette procédure, qui vise à optimiser la commande publique dans les cas de projets complexes et favorise l'innovation, n'est possible que dans les cas prévus à l'article R. 2124-3 du Code de la commande publique 1) La nécessité d'adapter les solutions immédiatement disponibles ; 2o) le caractère innovant de la solution ; 3) le marché de prestations de conception ; 4o) l'impossibilité d'attribuer le marché sans négociation préalable en raison de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou encore en raison des risques qui s'y rattachent ; 5) l'impossibilité de définir les spécifications techniques avec une précision suffisante, ou encore ; 6) l'échec d'un appel d'offres suite à la remise d'offres irrégulières ou inacceptables. . Elle a l'avantage de permettre au maître d'ouvrage de préciser sa programmation avec l'aide des candidats, même si la responsabilité de la programmation incombe toujours à l'acheteur/maître d'ouvrage, sur un format plus ouvert.

Exemples de projets justifiant, ou non, le recours au dialogue compétitif

Le projet d'un nouveau palais de justice a justifié le recours au dialogue compétitif du fait de ses dimensions exceptionnelles, ses fonctions très spécifiques et son environnement urbain contraint. Concernant le critère innovant, une cité municipale constituant un « bâtiment à énergie positive (Bepos) » présentant une forte dimension expérimentale dans une zone classée a valablement pu bénéficier d'une procédure de dialogue compétitif.
À l'inverse, la construction d'un hôtel de ville qui ne présentait pas de complexité technique particulière ni de caractère novateur, en dépit des objectifs fixés en matière de consommation énergétique et d'impact environnemental, n'a pas caractérisé une complexité suffisante pour recourir à ce type de procédure.
– Le dialogue compétitif se déroule en trois phases. – Une première phase de lancement de la procédure avec la publication des avis de marché et la sélection des candidats sur un modèle ouvert ou fermé. La phase de dialogue proprement dite au cours de laquelle les entreprises sélectionnées vont pouvoir proposer une réponse aux besoins exprimés par l'acheteur dans un règlement de consultation qui définit le programme fonctionnel du projet. Les modalités pratiques du dialogue et le déroulement des discussions sont ouverts, mais il existe deux formes principales de discussion avec les candidats, soit « de concert », quand tous les candidats participent aux échanges et formulent des propositions aux enjeux/besoins de l'acheteur en transparence, soit « en tunnel », quand chaque candidat propose de manière indépendante et confidentielle ses propres solutions. L'acquéreur peut prévoir une élimination des candidats au fur et à mesure du dialogue sur la base des critères d'attribution définis dans l'avis de marché ou l'un des documents de la consultation. Enfin, à l'issue du dialogue, se déroule la phase de remise et d'analyse des offres. Il revient à l'acheteur d'informer les candidats de la fin du dialogue en les invitant à remettre une offre finale. L'attribution est faite selon les critères objectifs de sélection prévus dès l'origine dans la consultation, selon les modalités propres aux procédures formalisées.