La phase d'entrée en négociation et d'avant-contrat dans un monde digitalisé

La phase d'entrée en négociation et d'avant-contrat dans un monde digitalisé

– La mise en vente par soi même. – La phase de commercialisation a été fortement impactée par le numérique avec l'émergence des plateformes d'annonces en ligne, qui représenterait aujourd'hui près de 80 % des transactions immobilières en France V. communication ENOVA www.enova-immobilier.fr/on-en-parle/mieux-communiquer-dans-l-immo/54-le-digital-dans-le-secteur-immobilier.html">Lien . Le numérique permet aujourd'hui aux vendeurs de proposer directement un bien à la vente, sans passer par un intermédiaire, en quelques clics, par des plateformes en ligne Tels que Le Bon Coin (leboncoin.fr">Lien) qui est leader, et PAP (pap.fr">Lien). , éventuellement assistés par des tutoriels, foires aux questions, voire par des assistants en ligne.
Deux principaux obstacles doivent être surmontés par le propriétaire qui va initier seul une démarche de vente : à quel prix doit-il proposer le bien à la vente ? A-t-il la maîtrise de l'environnement juridique d'une démarche de mise en vente (diagnostics, copropriété, modalités d'acceptation de l'offre, etc.) ?
– La recherche du juste prix. – Des plateformes commerciales permettent aujourd'hui d'assister en partie les propriétaires sur la valorisation du bien, mais ces propositions de valorisation oscillent souvent de +/- 20 % avec une fourchette haute et une fourchette basse. L'État Cartographie des mutations à titre onéreux, en descendant jusqu'aux parcelles, permettant d'obtenir les informations sur les mutations des cinq dernières années (https://app.dvf.etalab.gouv.fr">Lien). , en s'appuyant notamment sur les bases des notaires Bases Perval et Bien. , met également à disposition une cartographie des mutations à titre onéreux, en descendant jusqu'aux parcelles, permettant d'obtenir les informations sur les mutations des cinq dernières années. Pour autant cette connaissance des transactions antérieures peut ne pas refléter la dynamique de marché, et les agréments et caractéristiques d'un bien peuvent faire varier le prix en plus de la composante hédonique. À noter qu'il est également possible de faire réaliser une estimation payante en ligne Via notaires (www.immobilier.notaires.fr">Lien). . Au final, il semble que le numérique apporte actuellement une meilleure information au propriétaire sur la valeur possible de son bien, mais avec un indice de confiance relatif quant à la stratégie de vente à poursuivre.
– La maîtrise d'un contexte juridique complexe. – Des plateformes commerciales permettent aujourd'hui d'assister en partie les propriétaires dans la conduite d'un processus de mise en vente.
– Le recours à un commercialisateur. – Malgré l'essor de nouveaux outils, la capacité de vendre par soi-même ne semble pas avoir été significativement employée en termes de part de marché et, de manière surprenante, le secteur de l'intermédiation maintient une activité majoritaire représentant 69 % des transactions Le site immobilier.notaires.fr">Lien révèle que la part des transactions immobilières entre particuliers oscille depuis quinze ans entre 25 et 35 %. Le dernier chiffre connu en 2016 est de 31 %. . Ce chiffre traduit imparfaitement le pourcentage de transactions effectivement réalisées par des vendeurs seuls, car il intègre aussi les ventes hors marché (famille, amis, voisins, via notaire, etc.), sans passer par un véritable processus de commercialisation Selon une étude plus d'un tiers de ces ventes entre particuliers sont en réalité des ventes hors marché, ce qui laisserait une part de l'ordre de 20 % des ventes entre particuliers et 69 % des ventes entre professionnels. F. Larceneux, Th. Lefebvre et A. Simon. La perspective des coûts de transaction perçus : une explication de l'intermédiation immobilière : Rev. d'économie régionale et urbaine, Armand Colin, 2014, 3. .
Le critère le plus important pour le choix de l'agent semble être le prix de vente 59 % selon l'enquête « Les Français et les professionnels de l'immobilier : perception, usages et attentes ». sondage Ifop pour Optimhome mené en ligne du 19 au 23 janvier 2015 auprès d'un échantillon de 1 501 personnes représentatif de la population française âgée de vingt-cinq à soixante-cnq ans selon la méthode des quotas après stratification par région et catégorie d'agglomération. . Le coût de la prestation reste relativement stable, et les honoraires d'intermédiation immobilière représenteraient environ 4,8 % du prix Selon la caisse de garantie Galian, groupe spécialiste de la garantie financière des professionnels de l'immobilier, la moyenne française constatée est de 4,87 %. . Des modèles low costs minoritaires ont émergé en proposant des honoraires fixes, mais il semble que ces offres restent relativement peu plébiscitées www.capital.fr/votre-carriere/comment-les-agences-immobilieres-resistent-a-luberisation-1342100">Lien .
– La performance de la commercialisation. – En plus des plateformes de vente en ligne, le numérique apporte aux professionnels de nouveaux outils comme notamment un extranet de suivi de commercialisation, des outils de visite virtuelle, des visuels 3D, ou encore le home staging numérique. Ces outils améliorent globalement l'expérience client, mais les principaux critères de prix et de délai s'en sont-ils trouvés impactés ?
Sur le délai de vente, il ne semble pas que le délai de commercialisation s'en trouve significativement amélioré. Ainsi le délai moyen de commercialisation d'un logement reste stable autour de quatre-vingt-dix jours https://immobilier.lefigaro.fr/art./prix-ventes-delais-les-vrais-chiffres-du-marche-immobilier_92568454-f771-11e7-9648-3ee1f89ddf5f">Lien , qui reste loin du plus bas de 2004 (soixante-quatre jours). Le numérique ne semble pas avoir d'impact majeur sur cet aspect qui dépend fortement de la dynamique locale (offre/demande et tension sur le marché).
Contrairement à d'autres secteurs marchands qui ont été considérablement impactés par internet, souvent en devant baisser les prix, il ne semble pas que le numérique ait eu une incidence sur les prix de l'immobilier. L'évolution a été globalement favorable aux propriétaires Entre début 1999 et fin 2018, les prix de l'immobilier ont progressé de 153 %, selon l'indice des notaires et de l'Insee, soit cinq fois plus que l'inflation. pour des raisons qui semblent indépendantes du numérique, qui joue un rôle très secondaire.
Enfin, concernant le coût de la prestation des intermédiaires, l'éclatement du marché sans véritable leader www.ieif.fr/revue_de_presse/immobilier-secteur-sans-leader">Lien semble expliquer une faible concurrence sur les prix relativement stables et considérés comme trop élevés Selon un sondage de l'Ifop (pour le site Liberkeys, auprès de mille personnes, en mars 2019), 65 % des sondés jugent les frais d'agence trop élevés, et jusqu'à 71 % de ceux ayant fait appel à l'une d'entre elles. .
– La digitalisation de la phase de promesse de vente. – La phase de préparation et de signature de la promesse de vente peut se dérouler avec ou sans un professionnel. Si les clients décident de signer un avant-contrat sans l'assistance d'un notaire, ce contrat aura la forme d'un compromis de vente à cause de l'obligation, à peine de nullité, d'enregistrement des promesses unilatérales C. civ., art. 1589-2 : « Est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, (…) si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire ». . L'hypothèse de défaut d'accompagnement par un professionnel est très résiduelle compte tenu du contexte juridique complexe de l'acte, des obligations d'investigation et d'information qui se traduisent par des annexes, et un certain formalisme du contrat. Le client courageux peut se faire assister par des plateformes en ligne ou par des sites de vente entre particuliers, et éventuellement signer électroniquement via un prestataire agréé eIDAS Sur les signatures électroniques, V. supra, nos et s. et infra, nos et s. , mais le rapport bénéfice/risque semble défavorable. En effet, le coût d'une promesse de vente reste relativement faible La promesse donne généralement lieu à facturation d'honoraires libres convenus avec le notaire en fonction du temps de travail alloué au projet. Cette facturation est généralement de plusieurs centaines d'euros. rapporté à l'investissement global, alors que les conséquences d'une erreur sur une information ou une annexe essentielle peuvent conduire à la nullité ou à des situations de contentieux évitables. Ainsi, il n'est pas évident que le numérique puisse apporter un bienfait décisif sur ce point.
Si les clients font appel à un professionnel pour préparer et recevoir l'avant-contrat, deux scénarios principaux sont possibles : soit il s'agit d'un compromis de vente signé par l'intermédiaire d'un agent immobilier, soit il s'agit d'un avant-contrat reçu par notaire en la forme authentique (compromis ou promesse unilatérale de vente). Dans les deux cas, les professionnels vont réunir, sous leur responsabilité Y compris les agences immobilières, cf. not. Cass. 1re civ., 16 déc. 1992, no 90-18.151 : Bull. civ. 1992, I, no 316 : « L'agence est responsable du dommage subi par toutes les personnes parties à une opération dont l'échec est imputable à ses fautes professionnelles, le fondement de cette responsabilité étant contractuel à l'égard de ses clients et délictuel à l'égard des autres parties, et alors que cette responsabilité n'est pas effacée par les fautes du notaire qui a concouru à la réalisation du dommage ». , la documentation nécessaire et préparer le contrat à signer par les parties. La différence la plus notable entre les deux sera la forme du contrat (authentique ou sous seing privé) et la profondeur de l'étude du dossier. En effet, dès le stade de la promesse, le notaire est orienté vers la vente finale et va généralement pousser ses investigations sur le bien Par ex., la consultation d'un état hypothécaire hors formalités ou des fichiers publics en matière d'urbanisme et d'environnement. et le projet de l'acquéreur pour encadrer parfaitement les obstacles restant à lever jusqu'à la vente. L'agent immobilier est plus orienté transaction, et va généralement faire signer un contrat-type à large spectre sur la base de la documentation minimale, le travail d'investigation étant principalement reporté durant le délai entre la promesse et la signature de la vente elle-même. Les deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénients en termes de délai et de sécurité.
– La digitalisation de la phase de préparation de la promesse de vente. – Du point de vue du client, les principaux critères d'appréciation de la prestation de l'avant-contrat (préparation, signature) vont être la rapidité de signature et la qualité du contrat au regard de l'objectif des deux parties, afin d'aboutir à la vente finale. Quant à la rapidité de signature de l'avant-contrat, dont les parties sont souvent déçues, le point de blocage principal est le délai d'obtention de la documentation minimale de vente qui implique souvent des tiers (syndic de copropriété, service de la publicité foncière, etc.). Il faut supposer que les diagnostics privatifs, en principe obligatoires pour faire des annonces immobilières, auront été réalisés en amont La loi Grenelle II du 12 juill. 2010 (CCH, art. L. 134-4-3 [L. 126-33 à partir du 1er juill. 2021]) a rendu obligatoire l'affichage du diagnostic performance énergétique (DPE) sur toutes les petites annonces immobilières. . Sur l'aspect temporel, le numérique apporte des solutions afin de réduire considérablement le délai d'obtention des documents, avec un avantage certain pour le notaire et ses plateformes. Le plus évident est l'accès direct des notaires à la publicité foncière (dispositif dit « ANF ») V. supra, no . , qui va permettre au notaire d'avoir immédiatement l'information sur le bien vendu, là où l'agent immobilier aura besoin d'un aller-retour papier d'au moins une dizaine de jours. Cet avantage est encore plus décisif si des copies de titres doivent être obtenues (par ex., règlement de copropriété) dans la mesure où le notaire aura tout de suite leur référence et pourra immédiatement en obtenir la copie via ANF. Si l'agent devait en faire la demande, il perdrait à nouveau une bonne dizaine de jours avec une demande papier.
– L'importance de la documentation de copropriété. – S'agissant des informations de copropriété, la loi Alur L. no 2014-366, 24 mars 2014 (CCH, art. L. 721-2). a rendu obligatoire un certain nombre de documents dès la promesse (assemblées générales, carnet d'entretien, règlement de copropriété et modificatifs, questionnaire d'information, etc.), qui sont la principale source du retard pris dans l'organisation de la signature. L'accès à ces données a été facilité par l'obligation pour les syndics de déployer des extranets V. supra, no . , et il existe également le registre des copropriétés géré en ligne par l'État Le registre des copropriétés vise à recenser les copropriétés à usage d'habitat. Il permet de procéder en ligne à l'immatriculation d'une copropriété par son représentant légal ou par un notaire, et d'accéder à un annuaire et à des données statistiques (www.registre-coproprietes.gouv.fr">Lien). qui permet d'avoir accès à certaines informations. Pour les notaires, des plateformes comme Copronot ou le Portail notarial des copropriétés d'Île-de-France, leur permettent d'alimenter la documentation de copropriété par adresse.
– La digitalisation du contrat de promesse de vente. – La préparation du contrat est généralement administrée par logiciel sur support informatique. La procédure de signature des promesses de vente en elle-même a été digitalisée avec l'adoption massive de la signature électronique. Pour les notaires, cela résulte de l'adoption de l'acte authentique électronique dès fin 2008, avec la clé Real et le Micen. Pour les agents immobiliers, l'emploi de la signature électronique s'est généralisé à partir de 2017 avec l'arrivée des premières solutions logicielles employant des modules de signatures certifiés eIDAS. La principale différence pour les notaires est que l'acte authentique implique la présence des parties à l'acte devant un ou plusieurs notaires, sauf recours à la procuration à distance V. infra, nos et s. , alors que l'acte sous seing privé électronique peut être signé à distance selon le procédé de signature qui est le plus souvent une « signature avancée » au sens de la réglementation eIDAS via mail, portable, scan identité, visioconférence, code secret, etc., le plus souvent avec deux facteurs V. supra, nos et s, et infra, nos et s. .
– L'enjeu de la rétractation. – La perfection de la procédure de promesse de vente est indissociable de la purge du délai de rétractation dont bénéficie chaque bénéficiaire de promesse non professionnel pour les acquisitions d'immeuble d'habitation CCH, art. L. 271-1 : « Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte ». . Cette formalité doit être réalisée par l'envoi du contrat signé « par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise » CCH, art. L. 271-1. . Cette procédure est également digitalisée au moyen de « l'envoi recommandé électronique », procédé reconnu équivalent à l'envoi par lettre recommandée par la loi pour une République numérique L. no 2016-1321, 7 oct. 2016, pour une République numérique, art. 93 créant le nouvel article L. 100 du Code des postes et des communications électroniques : JO 8 oct. 2016, no 0235. dès lors qu'il est prodigué par un prestataire agréé eIDAS C. P et CE, art. L. 100 : « L'envoi recommandé électronique est équivalent à l'envoi par lettre recommandée, dès lors qu'il satisfait aux exigences de l'article 44 du règlement (UE) no 910/2014 du 23 juillet 2014 ». et que le destinataire, en l'occurrence le bénéficiaire de la promesse de vente, a « exprimé à l'expéditeur son consentement à recevoir des envois recommandés électroniques », ce qui est en général prévu dans les contrats avec mention des coordonnées électroniques des signataires.
– Bilan intermédiaire des phases de commercialisation et de promesse dans un monde digital. – Les phases de commercialisation et de signature de la promesse de vente ne sont pas, légalement, sujettes à un délai incompressible. Ainsi, dès lors qu'un propriétaire vendeur a réuni un dossier formellement complet, rien n'interdit que la phase de commercialisation et la phase de promesse ne prennent que quelques jours. Le numérique n'efface toutefois pas la phase d'incertitude, avec le droit de rétractation qui induit un délai irréductible de dix jours pour que l'engagement soit définitif Caractère d'ordre public de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation. .
Du point de vue du client, le numérique est un facilitateur de commercialisation et un outil qui va permettre d'accéder plus facilement aux documents, et in fine permettre une procédure de signature électronique en principe moins longue. La performance de l'ensemble (temps et qualité) va dépendre de facteurs extérieurs aux solutions informatiques elles-mêmes, à savoir la commercialisation, la réunion des pièces et la préparation/réception du contrat. Il n'a pas été identifié de lacune qui justifierait une évolution notable des outils ou de la procédure pour les clients, mais des améliorations sont toujours possibles.