La conclusion et les effets de la transaction immobilière dans un monde digitalisé

La conclusion et les effets de la transaction immobilière dans un monde digitalisé

– Les risques des contrats dans un environnement numérique. – Dans un environnement numérique, le principal enjeu pour les parties est la confiance dans la réalisation des effets recherchés V. infra, nos et s. , qui doivent se réaliser concomitamment ou de manière sécurisée pour empêcher le risque d'inexécution. Dans une vente immobilière, il s'agit pour le vendeur d'avoir la certitude d'obtenir son prix, et pour l'acquéreur d'obtenir l'immeuble vendu conforme aux indications du vendeur (libre de toute occupation, libre de toute charge, ou au contraire loué, etc.). Comment ces risques sont-ils assumés par le vendeur et l'acquéreur ?
Pour le vendeur, la sécurité offerte par le service notarial obligatoire est absolue, il est certain que la vente ne sera pas reçue par le notaire sans que le prix et les frais soient versés dans sa comptabilité ou visibles sur ses comptes accessibles en temps réel via le portail CDC-NET-EDI, sous peine de responsabilité V. par ex. CA Rennes, 27 nov. 2012 et Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, no 13-24.984 qui reconnaît la responsabilité du notaire pour un cas de paiement du prix au moyen d'un chèque sans provision. . Il n'est plus question d'un chèque bien visible pour le vendeur, tous les flux interviennent par virement sur son compte, avec preuve d'envoi par avis d'opéré, et sont exécutés dans la journée.
Pour l'acquéreur, le risque que son prix soit versé sans que l'immeuble lui soit remis est en partie effacé par le versement au notaire en amont, qui conservera les fonds tant que l'acte n'est pas signé. Sur la partie juridique, le notaire fera toutes diligences jusqu'au jour de la vente pour s'assurer de l'absence de charge hypothécaire non soldée, de passif vis-à-vis de créanciers comme le syndic de copropriété ou encore de baux en cours, la limite de ses diligences étant une dissimulation volontaire du vendeur. Sur la partie pratique, la vérification que le bien est libre de tous meubles et de personnes incombe à l'acquéreur. Les notaires prévoient à ce sujet un droit de visite juste avant la vente, le matin même ou la veille, qu'ils préconisent à leurs clients de réaliser, avec l'aide éventuelle de l'agent immobilier. Dans ces conditions, le risque pour l'acquéreur est en pratique réduit à quelques heures ou jours de « non-surveillance » du bien, intervalle très court pendant lequel il ne faut pas qu'une occupation illicite intervienne. La remise des moyens d'accès au bien est faite à l'issue de la signature.
Sauf à imaginer des systèmes de serrures électroniques transmis à l'issue de la signature, et un système de surveillance validant l'absence d'occupation au moment de la vente, il n'existe pas véritablement de solution numérique permettant de chasser tout risque à cet égard sauf à signer la vente au sein même du bien vendu ou à conditionner la remise du prix, ce qui n'est pas la pratique courante. Toutefois, il semble qu'un tel risque soit dans la pratique quasi inexistant, et les situations de doute, par exemple pour un terrain ou immeuble susceptibles d'être squattés, peuvent se traiter via un tiers de confiance (gardiennage), ce qui rend l'intérêt du développement d'une solution peu attractif.
– Le paiement de taxes et la publicité de la transaction par le notaire. – Du point de vue des parties à l'acte comme du bénéficiaire final des taxes (État, collectivité, service de la publicité foncière, etc.), le système de transaction notarial est très sécurisé. En effet, le notaire est un débiteur direct des impôts afférents aux actes qu'il reçoit vis-à-vis du Trésor public, de telle sorte que s'il provisionne insuffisamment les taxes, il risque de devoir s'en acquitter sur ses deniers personnels. Cela fait du notaire une caution des parties à l'acte. Cette fonction est renforcée par les règles de publicité foncière, dans la mesure où le notaire a l'obligation de verser les taxes dans un délai d'un mois CGI, art. 647-III. à compter de l'acte de vente, sous peine de pénalités de 10 % en plus des intérêts de retard. Et il n'a pas la possibilité de refacturer ces pénalités à l'acquéreur CGI, art. 1705, les droits des actes à enregistrer sont acquittés par les notaires pour les actes passés devant eux. L'obligation de faire l'avance des droits cesse pour le notaire aussitôt que la formalité est effectuée. Le notaire est personnellement responsable des droits et amendes exigibles sur ces actes (BOI-ENR-DG-50-10-20). .
Le notaire sera garant vis-à-vis de l'acquéreur de la bonne exécution des formalités sans inscription intermédiaire au fichier immobilier pouvant amoindrir son droit, malgré la remise du prix au vendeur Explication du choix de remettre les prix. . Ainsi le notaire est garant de la période qui sépare la vente de sa publication, et, sous réserve d'avoir de manière diligente obtenu des renseignements assez proches de la vente Présentation du cas d'assurance. , le notaire sera couvert par sa caisse d'assurance contre un tel risque qui sera le plus souvent indemnisé aux termes d'une transaction.
Le notaire a également l'obligation vis-à-vis du vendeur de prélever sur le prix de vente toutes les taxes et impôts dont est redevable ce dernier, principalement l'impôt de plus-value, dont il est également responsable vis-à-vis du Trésor public. Là encore le notaire endosse une responsabilité renforcée, car le service de la publicité foncière est en droit de refuser la publication de l'acte si la plus-value a été mal calculée ou mal provisionnée. Or, malgré l'assistance logicielle, le calcul de l'impôt de plus-value est très complexe, avec une double liquidation des impôts et cotisations sociales selon les travaux, les frais, la durée de détention, etc., et avec des risques de sanctions en cas de retard de publication.
Toutes les écritures comptables sont passées informatiquement chez le notaire et effectuées par virement aux parties ou à l'État de manière sécurisée grâce à l'application CDC-NET-EDI et/ou la plateforme Planète.
En synthèse, le système actuel garantit, tant aux parties qu'à l'État, que les impôts seront formellement bien calculés et bien versés au moment de la vente sans avoir à attendre la déclaration d'impôt. Il ne semble pas qu'une solution alternative offre une sécurité équivalente avec des délais de traitement dans la journée et la garantie que les flux traités par le notaire le sont sous sa responsabilité, sans risque de restitution ou de réception de la contrepartie par les signataires.

Rappel des modalités de signature de l'acte authentique électronique

– La procédure de signature de l'acte authentique électronique. – Les notaires français ont été les premiers à pouvoir recevoir des actes authentiques électroniques, il y maintenant plus de dix ans.
Le caractère authentique de l'acte électronique reposait sur la réception des consentements et des signatures des parties par un notaire en présentiel, sur un support de signature agréé par le Conseil supérieur du notariat D. no 71-941, 26 nov. 1971, art. 16 à 20, relatif aux actes établis par les notaires. , en l'occurrence une tablette et les progiciels et applications agréés. Ce mode de signature électronique pourrait être qualifié de phygital dans la mesure où, malgré son support informatique, il impliquerait la présence d'un notaire aux côtés des parties au moment de la signature. Cette procédure de signature est dite « qualifiée » au regard de la norme eIDAS, le notaire participant à cette qualification V. supra, no . . Il n'est pas interdit au notaire de se déplacer hors de son office pour recevoir ponctuellement la signature de clients empêchés.
La présence physique de l'officier public aux côtés de chacun des comparants, bien qu'invoquée comme impérative par certains auteurs La présence réelle du notaire est incluse dans la notion même d'authenticité : « elle en constitue un élément substantiel. Elle en est, à la lettre, indissociable » (J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité : Defrénois 1972, art. 30159, p. 981). et mise en œuvre en pratique par les notaires, ne fait pas partie des conditions légales de l'authenticité posées par les textes V. M. Bourassin, La consécration opportune et légitime de l'acte authentique avec comparution à distance : JCP N 18 déc. 2020, no 51, 1257. , ouvrant la voie à la signature d'actes à distance consacrée par le législateur.
– La procédure de signature de l'acte authentique électronique à distance. – L'article 20 du décret du 26 novembre 1971 D. no 71-941, 26 nov. 1971, art. 20 : « Lorsqu'une partie ou toute autre personne concourant à un acte n'est ni présente ni représentée devant le notaire instrumentaire, son consentement ou sa déclaration est recueilli par un autre notaire devant lequel elle comparaît et qui participe à l'établissement de l'acte. Cet acte porte la mention de ce qu'il a été ainsi établi. (…) ». offre la possibilité aux parties et personnes concourant à l'acte de signer, non pas devant le notaire instrumentaire, mais devant un autre notaire qui participe alors à distance à la procédure de signature, « au moyen du système de transmission de l'information » agréé par le Conseil supérieur du notariat et garantissant l'intégrité et la confidentialité du contenu de l'acte. La procédure de signature a été pensée pour intervenir à distance mais dans une même cérémonie en visioconférence, afin que le conseil et la lecture s'exercent en même temps pour toutes les parties à l'acte.
Ainsi la procédure de signature de l'acte authentique peut impliquer des parties résidant dans des régions éloignées de France, chacune des parties signant devant son notaire un acte unique.
– La signature de l'acte authentique électronique à distance pendant la crise sanitaire. – Il a été vu que la procédure de signature à distance repose sur l'intervention de plusieurs notaires, recevant chacun la signature d'un client à son étude. Compte tenu de la crise sanitaire de la Covid-19, les notaires ont été autorisés, via un dispositif d'exception D. no 2020-395, 3 avr. 2020, autorisant l'acte notarié à distance pendant la période d'urgence sanitaire. et temporaire, à recueillir les signatures des clients à distance pour tous leurs actes, sans présence physique d'un notaire, au moyen d'un système agréé par le Conseil supérieur du notariat, couplé avec un procédé de signature « électronique qualifiée » au sens de la réglementation eIDAS, et ce pour les parties.
S'agissant des outils agréés par le Conseil supérieur du notariat, le système de visioconférence devait garantir « l'identification des parties, l'intégrité et la confidentialité du contenu ». À ce titre, et comme pour la réception des actes à distance entre notaires, le CSN a agréé le système de transmission Vidéo LifeSize www.lifesize.com/fr">Lien qui offre les trois critères de non-enregistrement, de cryptage et de paramétrage. L'usage d'autres applications grand public (« Skype », « Zoom », « WhatsApp », « FaceTime »…) étant strictement interdit sous peine de nullité de l'acte authentique non conforme au décret du 26 novembre 1971.
S'agissant du dispositif de signature électronique « qualifiée », au sens de la réglementation eIDAS, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui est l'autorité de confiance délivrant les certificats de signature en France, n'a délivré en France un tel certificat qu'à la société DocuSign. Le détail de la procédure, reprise pour les procurations est présenté ci-après.
– La signature des procurations authentiques électroniques à distance. – Le dispositif d'exception mis en place pour la crise sanitaire, et qui permettait de signer tous les actes authentiques, a été pérennisé par un décret du 20 novembre 2020 D. no 2020-1422, 20 nov. 2020, instaurant la procuration notariée à distance, créant le nouvel article 20-1 du décret du 26 novembre 1971. , mais uniquement pour les procurations authentiques.
En ce qui concerne le champ matériel d'application des procurations V. M. Bourassin, Consécration de l'AACD limitée à la procuration notariée : JCP N 8 janv. 2021, no 1, 1000. , le terme « procuration » est très large dans son objet et recouvre tous types de mandats donnés pour des actes de nature variée (par ex., vente, bail, prêt, etc.), et surtout pour les actes solennels soumis à l'exigence d'authenticité à peine de nullité (par ex., affectation hypothécaire, donation, vente en l'état futur d'achèvement, etc.). À ce sujet, le Conseil supérieur du notariat a une conception assez large des procurations visées par le dispositif, qui pourraient concerner à la fois des mandats spéciaux et des mandats généraux, comme le mandat général d'administrer une indivision (C. civ., art. 815-3, 2o) ou le mandat donné par un époux à l'autre de le représenter dans l'exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue (C. civ., art. 218) FAQ CSN, Pôle Mission notariale, Direction des affaires juridiques, 21 nov. 2020. . En pratique, le besoin de procuration authentique à distance est le plus fort pour ces actes solennels.
Concernant la procédure de signature des procurations, il faut tout d'abord rappeler que la procuration demeure un acte de délégation ne valant pas signature de l'acte lui-même, et implique la présence physique du délégataire lors de la signature de l'acte authentique final devant notaire.
Les outils employés sont identiques à ceux mis en œuvre pendant l'état d'urgence, avec le recours à LifeSize et à la signature de niveau qualifiée eIDAS, pour le moment offerte par DocuSign uniquement.
La procédure de signature électronique de la procuration repose sur deux temps : une première phase de vérification de l'identité des signataires, qui peut avoir été faite par le notaire en présentiel avec vérification d'identité dans les dix ans, ou par un prestataire IDnow La société IDnow fondée en Allemagne en 2014 permet de vérifier l'identité d'une personne à partir de documents provenant de cent quatre-vingt-quinze pays (passeport, carte d'identité, permis de conduire, carte de séjour…), bénéficiant d'un certificat ANSSI (www.idnow.io">Lien). intégré à la solution DocuSign, et une seconde phase de signature par la partie à l'acte d'une attestation de recueil du consentement via DocuSign, une copie dudit document étant annexée à l'acte de procuration signé par le notaire seul. Le Conseil supérieur du notariat travaille à l'élaboration d'outils de certification d'identité et de signature internes à la profession ▪▪État des travaux à préciser avec CSN. Idem, je relance▪▪. .