La classification des biens à l'épreuve du numérique

La classification des biens à l'épreuve du numérique

– Biens meubles ou immeubles. – L'article 516 du Code civil (C. civ., art. 516">Lien) énonce que « tous les biens sont meubles ou immeubles », faisant ainsi de la distinction des meubles et des immeubles la summa divisio autour de laquelle s'articule tout le droit patrimonial.
Il a été exposé dans une autre partie de la présente commission V. supra, no . que les actifs numériques ne sont pas des immeubles. Ils appartiennent donc à la catégorie des biens meubles.
– Meubles corporels ou incorporels. – Les biens meubles sont classés par le législateur (C. civ., art. 528">Lien et 529">Lien) en deux catégories : les meubles par nature et les meubles par détermination de la loi.
Le meuble par nature est un meuble corporel, qui a une substance matérielle, qu'elle soit liquide, solide ou gazeuse, même si elle se laisse parfois difficilement saisir par les sens. Cette corporéité du meuble par nature le différencie des meubles par détermination de la loi, qui sont des biens incorporels.
En d'autres termes, les biens corporels sont ceux qui ont une matérialité, à la différence des richesses immatérielles, biens incorporels, qui n'ont pas de réalité tangible.
L'activité humaine a fait naître des biens sans corporéité dont la valeur économique pousse à les doter d'une protection juridique. Mais ce sont tout de même des choses car, à la différence des droits, ils ne consistent pas en un rapport juridique mais se présentent comme des objets dématérialisés ayant une utilité économique propre pour ceux qui les exploitent.
Selon de nombreux auteurs, il est possible de voir les actifs numériques comme des biens meubles incorporels Cf. not. M. Roussille, Le bitcoin : objet juridique non identifié : Banque et droit janv.-févr. 2015, no 159. – T. Bonneau, Analyse critique de la contribution à la CJUE à l'ascension juridique du Bitcoin, in L'Europe bancaire et financière. Liber amicorum B. Sousi, Revue Banque éd., 2016, p. 295 et s. .
Aucun texte légal ne définit la notion de « bien immatériel » et ni le Code civil ni le Code de commerce ne fixent un régime applicable à ce type de bien.
De l'avis du professeur Hugues Périnet-Marquet Regard sur les nouveaux biens : JCP G 1er nov. 2010, no 44, doctr. 1100. , il n'existe pas de régime juridique commun aux biens incorporels. Le régime de la possession ou de la propriété ne saurait être identique à tous les biens meubles incorporels.
Le régime des biens immatériels ne peut être l'exact décalque de celui des meubles corporels et doit être adapté pour tenir compte de certaines spécificités de ces actifs.
– Distinction du bien et de son support. – Il est possible qu'un bien incorporel soit intégré dans un support matériel qui l'aide à circuler ou qu'il soit contenu, au moins en apparence, dans un objet matériel qui lui donne une forme tangible. L'intelligence artificielle peut ainsi se présenter sous une forme tangible (robot).
Faisons ici le parallèle avec les créations intellectuelles qui prennent la forme d'un support matériel constituant un meuble par nature : l'exemplaire de l'œuvre littéraire, la partition de musique, l'œuvre d'art plastique (dessin, peinture, sculpture, photographie, etc.).
Le bien incorporel n'est pas confondu avec le meuble corporel qui en est souvent le support. Le principe en est posé, en termes généraux, à l'article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel : « La propriété incorporelle (…) est indépendante de la propriété de l'objet matériel ».
L'autonomie des deux biens est ainsi consacrée.
Il semble que cette règle puisse être appliquée à tout actif immatériel, quel que soit son support. L'autonomie du bien par rapport à son support a toutefois des conséquences sur sa détention et sa possession.