? Principe. ? Les logiciels de rédaction d'actes (LRA) proposent aujourd'hui aux juristes professionnels des contrats clé en main, contenant des clauses types prérédigées. Les contrats deviennent du prêt-à-porter alors même que les spécificités de chaque dossier devraient inciter à du sur-mesure. Ainsi les logiciels doivent rester une aide à la rédaction pour le juriste, en aucun cas un substitut
S. Moreil, IA et contrats Optimiser les potentialités de l'IA : CDE 2020, no 3, dossier 13.
. Ces logiciels laissent l'entière liberté aux rédacteurs de modifier les trames en ajoutant certaines clauses ou en en supprimant selon les particularités des actes sollicités par les clients. Les clauses proposées par le LRA peuvent aussi être réécrites. En pratique, il n'est pas rare que les rédacteurs complètent leurs actes de clauses spécifiques attirant tout particulièrement l'attention du signataire sur les conséquences de son engagement et les éventuels risques encourus
Par ex. : l'acquisition d'un terrain à bâtir avec un permis de construire affiché et purgé du recours des tiers mais toujours dans le délai de prévenance de quinze jours de l'administration, ou bien encore l'achat d'un immeuble ayant subi des travaux non autorisés par la copropriété….
. Ces précisions visent à satisfaire davantage le devoir de conseil du professionnel. Elles doivent toutefois se différencier de la reconnaissance de conseils donnés extérieure à l'acte, ayant plus particulièrement pour objet l'opportunité des solutions retenues dans l'acte
V. en ce sens 116e Congrès des notaires de France, Paris, 2020, Protéger Les vulnérables?Les proches?Le logement?Les droits, § 4060 et s., p. 829, préc.
. C'est alors, comme le souligne fort justement un auteur, que l'art de la formule retrouve tout son sens
M. Mekki, Propos introductifs sur l'art de la clause : JCP N 2015, no 21, 1156.
. Pour ce même auteur, cet art de la clause n'est pas qu'une simple formulation linguistique. Derrière ces termes se trouve l'âme du rédacteur, ce qui constitue une part de son identité
M. Mekki, Intelligence artificielle et contrat(s), in Droit de l'intelligence artificielle, LGDJ, coll. « Les intégrales », p. 156, § 287 ; L'intelligence artificielle et le notariat : JCP N 4 janv. 2019, no 1, 1001, § 30.
. Ainsi pour les notaires, l'acte authentique est celui reçu et dressé par un officier public
C. civ., art. 1369.
. Le terme « dressé » ne doit pas être interprété de façon trop réductrice
L. Aynès, L'authenticité, Doc. fr., 2e éd., 2013, p. 83.
. À travers sa mission, le notaire doit être perçu plus largement comme celui qui « fabrique l'acte, en façonne le contenu ». L'acte authentique est donc l'œuvre intellectuelle de l'officier public qui le rédige. Il apprécie la justesse et l'opportunité de chacune des clauses qui le composent. La suppression ou l'adjonction à la trame proposée de dispositions spécifiques nécessite des compétences juridiques apportées par les professionnels du droit.
Des trames de formules à adapter
Des trames de formules à adapter
? Atténuation du principe. ? Ceci étant, il faut bien admettre que les professionnels du droit font eux-mêmes du prêt-à-porter. Mais, même lorsqu'ils le font, ils restent présents et supervisent le prêt-à-porter en l'adaptant dans une sorte de « semi-mesure ». La robe montée par le notaire n'est pas de la haute couture dans chaque dossier, mais dans chaque dossier le notaire « couturier » est présent et permet d'assurer que le prêt-à-porter tombe bien et peut l'ajuster au besoin
O. Herrnberger, Entretien, Paris, janv. 2021.
. Il faut enfin reconnaître aussi que l'évolution rapide des logiciels fait que le sur-mesure d'aujourd'hui constituera le prêt-à-porter de demain. Le juriste devra continuer à s'adapter en élaborant alors un nouveau sur-mesure et ainsi de suite au gré des évolutions du droit positif, en remettant continuellement son ouvrage sur le métier.
IA et notaires.
Les notaires s'adaptent et se transforment à la bonne vitesse et de manière stratégique, en meute. Il se crée d'ores et déjà un écosystème de partenaires informatiques. S'ils continuent à progresser de la sorte, ils ne seront pas remplacés par les géants de l'IA.
Les professionnels du droit doivent poursuivre leurs efforts pour s'approprier les nouvelles technologies numériques et garder ainsi la maîtrise de la délivrance d'un conseil toujours plus avisé et personnalisé, élément indispensable de la sécurité juridique en matière contractuelle.