Après le raisonnement juridique, le conseil personnalisé se traduira par la rédaction de clauses appropriées aux spécificités du contrat envisagé. Cela implique pour les professionnels du droit de contrôler les logiciels de rédaction d'actes (LRA) pour en maîtriser le contenu
(Sous-section I)
. Cela implique aussi d'être en mesure de modifier à loisir les trames et formules proposées par ces mêmes logiciels de rédaction d'actes pour les adapter aux particularités du dossier
(Sous-section II)
.
Des actes sur mesure
Des actes sur mesure
Des logiciels spécifiques à maîtriser
- Pour les avocats, les instances représentatives ne sont pas à l'origine de logiciels spécifiques de rédaction. Si certains ont vu le jour grâce aux incubateurs de la profession, la plupart ont une origine extérieure.
- Pour les huissiers de justice, le logiciel HDJBOX permet de faciliter la rédaction des constats sur site. Il a été validé par l'association GHJAI, qui a participé à son développement en tant que conseil.
- Pour les notaires, les progiciels fournis par les trois principales sociétés de services et d'ingénierie informatique (SSII) auxquelles recourent les notaires doivent tous respecter un cahier des charges strict établi par l'instance représentative. Ce cahier des charges permet ainsi de « maîtriser » et « aiguiller » autant que faire se peut les grandes orientations de la profession.
Le domaine de la rédaction des contrats pour les professionnels du droit est très impacté par les nouvelles technologies et notamment par l'IA
S. Moreil, IA et contrats Optimiser les potentialités de l'IA : CDE 2020, no 3, dossier 13.
. Une multitude de logiciels d'aide à la rédaction d'actes (LRA) ont été créés ces dernières années. Il continue d'en naître de nouveaux tous les ans pour assister les professionnels dans la rédaction de leurs actes. Jusqu'à récemment, ces LRA avaient peu d'interfaces avec les clients qui s'en remettaient aux intermédiaires professionnels. Depuis peu, ces LRA font évoluer leur offre de services en développant de nombreuses interactions avec les partenaires, les clients, d'autres prestataires
M. Blanchard, La révolution du marché du droit?Les nouveaux acteurs du droit : CDE 2018, dossier 15.
… Mais la plupart de ces LRA n'ont pas été créés par des professionnels du droit. Or, ce sont précisément ces derniers qui détiennent les clés de la connaissance et la logique du raisonnement juridique. Il est primordial que les juristes restent au cœur du système pour maîtriser les LRA et le contenu des contrats proposés
Y. Cohen-Hadria, Blockchain : révolution ou évolution ? : Dalloz IP/IT 2016, p. 537.?M. Mekki, Blockchain et métiers du droit en questions : Dalloz IP/IT 2020, p. 87.
. Les instances représentatives des professions juridiques tentent de réagir.
Le juriste professionnel de demain devra être en mesure de faire évoluer son offre de services en recourant à de nouveaux logiciels spécifiques. Ces logiciels du futur contiendront par exemple des smart contracts adaptés à certains types de dossiers avec clause pénale, ou un algorithme de calcul des dommages et intérêts. Pour élaborer ce langage de programmation de haut niveau, les professionnels du droit devront collaborer avec d'autres spécialistes, tels que des informaticiens, développeurs, codeurs
M. Dangeard, Technologies de l'information, Il est temps que les juristes deviennent des juristes codeurs et se mettent à collaborer sur les contrats : RPPI 2017, no 2, entretien 5.
. Ces derniers seront rémunérés par les professionnels du droit qui devront rester maîtres de leur outil pour que le raisonnement juridique constitue la base de la programmation. Le professionnel du droit deviendra alors un juriste-codeur qui devra s'assurer en conséquence
V. infra, no .
. La robotisation des contrats par les juristes eux-mêmes sera leur prochain Eldorado
P Ginestie, La robotisation des contrats par les juristes eux-mêmes sera leur prochain Eldorado : Dalloz IP/IT 2017, p. 527.
.
Des trames de formules à adapter
? Principe. ? Les logiciels de rédaction d'actes (LRA) proposent aujourd'hui aux juristes professionnels des contrats clé en main, contenant des clauses types prérédigées. Les contrats deviennent du prêt-à-porter alors même que les spécificités de chaque dossier devraient inciter à du sur-mesure. Ainsi les logiciels doivent rester une aide à la rédaction pour le juriste, en aucun cas un substitut
S. Moreil, IA et contrats Optimiser les potentialités de l'IA : CDE 2020, no 3, dossier 13.
. Ces logiciels laissent l'entière liberté aux rédacteurs de modifier les trames en ajoutant certaines clauses ou en en supprimant selon les particularités des actes sollicités par les clients. Les clauses proposées par le LRA peuvent aussi être réécrites. En pratique, il n'est pas rare que les rédacteurs complètent leurs actes de clauses spécifiques attirant tout particulièrement l'attention du signataire sur les conséquences de son engagement et les éventuels risques encourus
Par ex. : l'acquisition d'un terrain à bâtir avec un permis de construire affiché et purgé du recours des tiers mais toujours dans le délai de prévenance de quinze jours de l'administration, ou bien encore l'achat d'un immeuble ayant subi des travaux non autorisés par la copropriété….
. Ces précisions visent à satisfaire davantage le devoir de conseil du professionnel. Elles doivent toutefois se différencier de la reconnaissance de conseils donnés extérieure à l'acte, ayant plus particulièrement pour objet l'opportunité des solutions retenues dans l'acte
V. en ce sens 116e Congrès des notaires de France, Paris, 2020, Protéger Les vulnérables?Les proches?Le logement?Les droits, § 4060 et s., p. 829, préc.
. C'est alors, comme le souligne fort justement un auteur, que l'art de la formule retrouve tout son sens
M. Mekki, Propos introductifs sur l'art de la clause : JCP N 2015, no 21, 1156.
. Pour ce même auteur, cet art de la clause n'est pas qu'une simple formulation linguistique. Derrière ces termes se trouve l'âme du rédacteur, ce qui constitue une part de son identité
M. Mekki, Intelligence artificielle et contrat(s), in Droit de l'intelligence artificielle, LGDJ, coll. « Les intégrales », p. 156, § 287 ; L'intelligence artificielle et le notariat : JCP N 4 janv. 2019, no 1, 1001, § 30.
. Ainsi pour les notaires, l'acte authentique est celui reçu et dressé par un officier public
C. civ., art. 1369.
. Le terme « dressé » ne doit pas être interprété de façon trop réductrice
L. Aynès, L'authenticité, Doc. fr., 2e éd., 2013, p. 83.
. À travers sa mission, le notaire doit être perçu plus largement comme celui qui « fabrique l'acte, en façonne le contenu ». L'acte authentique est donc l'œuvre intellectuelle de l'officier public qui le rédige. Il apprécie la justesse et l'opportunité de chacune des clauses qui le composent. La suppression ou l'adjonction à la trame proposée de dispositions spécifiques nécessite des compétences juridiques apportées par les professionnels du droit.
? Atténuation du principe. ? Ceci étant, il faut bien admettre que les professionnels du droit font eux-mêmes du prêt-à-porter. Mais, même lorsqu'ils le font, ils restent présents et supervisent le prêt-à-porter en l'adaptant dans une sorte de « semi-mesure ». La robe montée par le notaire n'est pas de la haute couture dans chaque dossier, mais dans chaque dossier le notaire « couturier » est présent et permet d'assurer que le prêt-à-porter tombe bien et peut l'ajuster au besoin
O. Herrnberger, Entretien, Paris, janv. 2021.
. Il faut enfin reconnaître aussi que l'évolution rapide des logiciels fait que le sur-mesure d'aujourd'hui constituera le prêt-à-porter de demain. Le juriste devra continuer à s'adapter en élaborant alors un nouveau sur-mesure et ainsi de suite au gré des évolutions du droit positif, en remettant continuellement son ouvrage sur le métier.
IA et notaires.
Les notaires s'adaptent et se transforment à la bonne vitesse et de manière stratégique, en meute. Il se crée d'ores et déjà un écosystème de partenaires informatiques. S'ils continuent à progresser de la sorte, ils ne seront pas remplacés par les géants de l'IA.
Les professionnels du droit doivent poursuivre leurs efforts pour s'approprier les nouvelles technologies numériques et garder ainsi la maîtrise de la délivrance d'un conseil toujours plus avisé et personnalisé, élément indispensable de la sécurité juridique en matière contractuelle.