Les inconvénients de la détention d’un logement en société

Les inconvénients de la détention d’un logement en société

Les inconvénients résultant de la détention du logement en société sont de nature juridique (§ I) et de nature fiscale (§ II).

Les inconvénients juridiques

Toute personne physique qui choisit de détenir son logement en société doit avoir pleinement conscience du fait que ce choix emporte d’une part la privation de certains droits et avantages (A), d’autre part la soumission à certaines contraintes (B).

La privation de certains droits et avantages

Le choix d’une société pour détenir le logement peut pénaliser l’accédant, tant en termes de protection qu’en termes financiers.

Un déficit de protection

Par rapport à la personne physique, la société se caractérise à bien des égards comme étant à l’origine d’un déficit de protection.
– Protection altérée du logement en cours d’union. – Le logement de la famille fait l’objet d’une protection particulière dans le Code civil. En effet, l’article 215 impose l’accord du conjoint pour disposer « des droits par lesquels est assuré le logement de la famille ». Si le conjoint n’a pas consenti à l’acte de disposition, il pourrait demander la nullité de l’acte dans l’année du jour où il en a eu connaissance, sans que l’action ne puisse être intentée plus d’un an après la dissolution du régime matrimonial.
Lorsque le logement de la famille est détenu par une société, la Cour de cassation refuse d’appliquer ces dispositions à la vente du logement par son gérant, à moins que l’époux associé ait été autorisé à occuper le bien en raison d’un droit d’associé (objet social ou dispositions statutaires) ou d’une décision prise à l’unanimité des associés.
La société civile est souvent présentée comme un écran de protection supplémentaire. L’immeuble étant « transformé » en parts sociales, il deviendrait plus difficilement saisissable et la vente aux enchères des parts sociales serait illusoire. Cette affirmation est à relativiser.
– D’une part, la détention d’un logement en société lui fait perdre son insaisissabilité. Comme l’a confirmé une réponse ministérielle, il ne peut, en ce cas, bénéficier ni de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale ni de l’insaisissabilité optionnelle des autres biens immobiliers qui ne sont pas affectés à usage professionnel.
– D’autre part, les associés d’une société civile encourent une responsabilité indéfinie et conjointe (obligation au passif), même si l’article 1844-1 du Code civil autorise une dérogation statutaire à la répartition du passif, normalement proportionnelle (contribution à la dette) aux apports. La seule limite est celle des clauses léonines. Cette difficulté peut être contournée par l’adoption d’une forme commerciale à responsabilité limitée, de type SARL ou SAS.
Enfin, la société ne permet pas de frauder le droit des créanciers. Comme l’écrivaient Jean Prieur et Arnaud Houis : « Il n’est pas interdit de faire choix de mesures protectrices résultant du jeu de la liberté contractuelle. Ce qui est condamnable, c’est de prendre ces dispositions lorsque l’incendie est déclaré, que le débiteur à la situation obérée entend mettre son patrimoine à l’abri ».
L’apport du logement à la société pourrait être attaqué par les créanciers sur le fondement de l’action paulienne (C. civ., art. 1341-2) ou des articles L. 632-1 et L. 632-2 du Code de commerce qui traitent des actes accomplis par un débiteur au cours de la période suspecte.
– Protection altérée du logement au décès. – La détention indirecte de la résidence principale peut avoir des effets négatifs sur les droits qui sont accordés par la loi au conjoint survivant et dans une moindre mesure au partenaire pacsé. Pour que le droit temporaire au logement s’applique au conjoint survivant (C. civ., art. 763) ou au partenaire pacsé (C. civ., art. 515-6), il faut que le logement soit la propriété unique du défunt ou soit détenu par les deux époux ou partenaires. Le droit viager du conjoint survivant impose également que le logement appartienne aux époux ou dépende totalement de la succession (C. civ., art. 764).
L’article 831-2 du Code civil prévoit que le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle « de la propriété ou du droit au bail qui lui sert effectivement d’habitation s’il y avait sa résidence à l’époque du décès ». L’article 831-3 du même code précise que cette attribution préférentielle est de droit lorsqu’elle est demandée par le conjoint survivant. Le mécanisme d’attribution préférentielle n’est pas applicable si l’habitation est détenue en société ? La cour d’appel de Paris avait ordonné l’attribution préférentielle des parts de la SCI à l’ex-mari, considérant que « l’attribution préférentielle des parts sociales n’est exclue par aucun texte ». La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge que la cour d’appel aurait dû rechercher si l’attribution préférentielle à l’ex-époux des parts de la SCI dépendant de la communauté emportait dévolution exclusivement à celui-ci de la pleine propriété du seul local, et de ses accessoires, qui servait d’habitation aux époux.
– Protection altérée de l’acquéreur du fait de l’exclusion du champ de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation. – La protection de l’acquéreur de titres sociaux d’une société détenant le logement peut être altérée, car il ne bénéficie pas des dispositions protectrices et des garanties légales applicables à la vente immobilière.
L’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation accorde à l’acquéreur non professionnel d’un immeuble à usage d’habitation un délai de rétractation ou de réflexion de dix jours à compter de la signature de l’avant-contrat. La doctrine était partagée quant à l’application du délai de rétractation ou de réflexion au profit d’une personne morale. La Cour de cassation a refusé d’appliquer ce dispositif à une SCI, jugeant qu’elle ne pouvait pas être qualifiée d’acquéreur non professionnel et que la vente avait un rapport direct avec son objet social. Par ailleurs, la rédaction de l’article L. 271-1 semble exclure de son champ d’application les acquéreurs de titres de société qui seraient propriétaires d’un logement.
– Protection altérée de l’acquéreur du fait de l’exclusion du champ de l’article L. 312-1 du Code de la consommation. – Lorsque la SCI sollicite un emprunt pour l’acquisition ou la construction de son logement, est-elle un « consommateur » pouvant bénéficier des règles protectrices du Code de la consommation (art. L. 312-1 et s.) ? Pour la Cour de cassation, la société ne peut bénéficier de ce dispositif protecteur lorsque, par son objet social, elle procure sous quelque forme que ce soit des immeubles en propriété ou en jouissance. L’enjeu est ici particulièrement important : délai de validité de l’offre de prêt, délai de réflexion de dix jours, prescription biennale…
– Protection altérée de l’acquéreur des parts sociales exclues du champ des garanties accordées aux ventes immobilières. – L’acquéreur « en direct » d’un logement bénéficie d’un dispositif d’information complet : diagnostic technique (amiante, saturnisme, électricité, gaz, état des risques naturels et technologiques), contrôle de l’assainissement collectif ou individuel. Si l’achat porte sur un lot de copropriété, s’ajoutent le certificat de mesurage au titre de la « loi Carrez » ainsi que les documents de la copropriété. Enfin, l’acquéreur d’un logement bénéficie de garanties légales telles que l’action en rescision pour lésion, la garantie d’éviction, la garantie des vices cachés sauf pour le vendeur non professionnel à s’en exonérer.
Il en va différemment de la cession des titres d’une société détenant un logement, qui relève du droit commun de la vente. Les parties sont tenues à une obligation d’information générale et à une obligation de confidentialité. Les textes réglementent certains aspects de la cession tels que l’agrément du cessionnaire, l’intervention du conjoint commun en biens et les formalités d’opposabilité à la société et aux tiers, mais aucunement les garanties accordées au cessionnaire de titres de société.
Le cessionnaire sera tenu indéfiniment responsable du passif social échu à la date de la cession. Le cédant, quant à lui, supporte le passif échu antérieurement à la cession ; le tout sous réserve de stipulations contraires des cessions qui pourraient prévoir une garantie d’actif et de passif au profit du cessionnaire.
La Cour de cassation a rappelé que le cédant n’était tenu que de la garantie d’existence des titres sociaux et non de la réalité et de la valeur des actifs sociaux. La responsabilité du cédant ne peut être engagée qu’en cas de réticence dolosive ou sur le fondement de la garantie des vices cachés si les titres de la société sont impropres à leur destination.

La perte de certains avantages financiers

– Aides au logement. – Jusqu’à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, la SCI était une technique utilisée pour contourner l’impossibilité pour un enfant locataire d’un logement appartenant à ses ascendants de prétendre au bénéfice de l’allocation logement. En effet, l’article R. 831-1 du Code de la sécurité sociale prévoyait que « le logement mis à la disposition d’un requérant par un des ascendants ou de ses descendants n’ouvre pas droit au bénéfice de l’allocation ». N’étant pas logé par ses parents, mais par la société civile immobilière, cette dernière jouissant d’un patrimoine distinct de celui de ses associés, le locataire pouvait bénéficier de l’allocation logement.
Depuis le 1er janvier 2014, suite à la modification de l’article L. 351-2-1 du Code de la construction et de l’habitation, le recours à une « société écran » ne permet plus au descendant ou à l’ascendant d’un associé de bénéficier de l’aide personnalisée au logement à moins que l’associé détienne moins de 10 % du capital social.
– Prêt à taux zéro. – La loi de finances pour 2012 a créé à partir du 1er janvier 2012 un dispositif de prêts ne portant pas d’intérêts, dits « prêts à taux zéro » (PTZ), réservés au financement de la résidence principale des personnes physiques. La lettre de l’article L. 31-10-2 du Code de la construction et de l’habitation et l’objectif du dispositif en excluent les sociétés.
– Éco-PTZ. – L’article 244 quater U, I, 3, 2° du Code général des impôts permet aux sociétés civiles immobilières de bénéficier d’une avance remboursable destinée à financer des travaux d’économie d’énergie (« éco-PTZ ») sous certaines conditions.
D’une part, la société civile immobilière doit relever du régime des sociétés de personnes, c’est-à-dire ne pas avoir opté pour l’impôt sur les sociétés et comporter au moins un associé personne physique.
D’autre part, la SCI doit mettre l’immeuble faisant l’objet des travaux gratuitement à la disposition de l’un de ses associés personnes physiques ou le donner en location.
Les avances remboursables sans intérêt sont destinées au financement de travaux de rénovation afin d’améliorer la performance énergétique des logements anciens qui sont listés par l’article 244 quater U 2 du Code général des impôts.
Enfin, le logement doit demeurer affecté à l’habitation principale de l’occupant.

La soumission à certaines contraintes

– Il faut « jouer le jeu » après en avoir posé les règles ! – La détention du logement en société ne se limite pas à la rédaction de statuts. Bien au contraire, quelle qu’en soit la forme, le fonctionnement d’une société doit à tout moment pouvoir être attesté, à peine de fictivité (I). En outre, s’il s’agit de construire le logement, ce choix emporte des contraintes spécifiques (II).

Le risque de société fictive et ses remèdes

La société fictive
Un risque transversal
La fictivité de la société a des incidences en droit commercial, en droit des sociétés et en droit fiscal.
– Droit des procédures collectives. – L’article L. 621-2, alinéa 2 du Code de commerce permet au tribunal compétent d’étendre la procédure collective du professionnel « à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale ». Cette demande d’extension de procédure peut émaner de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou être soulevée d’office par le juge.
La procédure collective du débiteur peut être étendue à la société civile en cas de confusion de patrimoines qui s’entend de relations financières anormales (dette de loyer demeurée impayée ou prélèvements irréguliers de la société) ou d’une imbrication des éléments d’actif et de passif des sociétés civiles et d’exploitation (prise en charge par la société d’exploitation de travaux de rénovation devant revenir à la société civile en fin de bail sans indemnité). L’extension de procédure peut être également sollicitée en cas de fictivité de la personne morale.
– Droit des sociétés. – La société est fictive si l’un des éléments constitutifs de l’article 1832 du Code civil fait défaut. Pour que la société civile naisse viable, cela suppose de réunir quatre critères : l’affectio societatis (la volonté de s’associer), la recherche d’un bénéfice ou d’une économie, la réalité des apports et une pluralité d’associés.
La Cour de cassation a jugé que la société fictive était une société nulle (et non inexistante). Toutefois, selon l’article 1844-15 du Code civil, cette nullité opère sans rétroactivité et est inopposable aux tiers de bonne foi.
La société civile nécessite la présence de deux associés, contrairement à d’autres sociétés qui peuvent être unipersonnelles (SARL, EARL, SAS). Le recours à un associé de complaisance fait donc également courir un risque de nullité. Si la société civile devient unipersonnelle en cours de fonctionnement, elle peut faire l’objet d’une action en dissolution selon les termes de l’article 1844-5 du Code civil. La Fédération nationale du droit du patrimoine (FNDP) propose l’introduction de la société civile unipersonnelle (SCU) en ajoutant un troisième alinéa à l’article 1845 du Code civil : « La société civile peut être instituée par une ou plusieurs personnes ». Cette mesure « aurait le grand mérite de consacrer une réalité déjà parfaitement établie et d’améliorer les possibilités existantes pour gérer ou transmettre un patrimoine dans des conditions optimisées ».
Un créancier tel que le Trésor public pourrait, face à une société fictive, intenter une action en déclaration de simulation, sur le fondement du nouvel article 1201 du Code civil. Il pourrait se prévaloir soit de l’acte apparent, soit de la contre-lettre. Récemment, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait retenu la simulation dans une affaire de société civile constituée entre deux enfants mineurs ayant apporté des fonds provenant d’une donation consentie par leurs parents, en vue d’acquérir un immeuble dont les véritables bénéficiaires étaient les parents.
– Droit fiscal. – Au titre de l’abus de droit (LPF, art. L. 64 et L. 64 A), l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables :
  • les actes qui sont effectués dans un but exclusivement ou principalement fiscal en recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;
  • les actes qui ont un caractère fictif.
L’abus de droit obéit à des règles procédurales précisées aux articles R. 64-1 et R. 64-2 du Livre des procédures fiscales. Si l’abus de droit pour simulation est retenu, le contribuable encourt, outre le rappel des droits et des intérêts de retard, une majoration de 40 % pouvant être portée à 80 % s’il est établi que le contribuable est à l’initiative principale des actes ou en a été le principal bénéficiaire.
Les critères de la société fictive
La fictivité de la société peut être appréciée tant au stade de sa formation qu’au stade de son fonctionnement.
– Formation de la société. – C’est essentiellement dans les montages d’apport en nue-propriété d’un immeuble à une société civile avant donation que le Comité de l’abus de droit fiscal ainsi que la Cour de cassation ont considéré que la société était fictive faute de réunir tous les critères de l’article 1832 du Code civil.
Par deux arrêts rendus le 15 mai 2007 et le 13 janvier 2009, la Chambre commerciale a considéré qu’une société civile était fictive faute de pouvoir réaliser son objet social (gestion des biens) compte tenu des apports qui n’avaient été réalisés qu’en nue-propriété. Dans l’arrêt du 13 janvier 2009, elle est allée jusqu’à considérer qu’un patrimoine social détenu exclusivement en nue-propriété rendait la réalisation de bénéfices impossible. Pour écarter ce risque d’abus de droit, notre confrère, notre Confrère Bruno Rivière suggère d’adapter la clause d’objet social en distinguant une première phase, où la société ne sera que nue-propriétaire et dont l’activité se limitera à la détention des biens en nue-propriété, d’une seconde phase après extinction de l’usufruit où la société civile retrouverait une activité classique de propriété et de gestion de biens immobiliers. La réalisation de bénéfices résultera dans la première phase de l’augmentation de valeur de la nue-propriété puis des opérations de gestion des biens immobiliers dont elle serait devenue pleine propriétaire.
– Fonctionnement de la société. – La fictivité de la société civile peut également résulter d’un défaut de fonctionnement et d’une absence d’autonomie financière.
Dans un avis du 14 janvier 2021, le Comité de l’abus de droit fiscal avait constaté que le gérant de la société civile n’avait pas pu présenter à l’administration fiscale ni les documents et pièces listés aux articles 46 B à 46 D de l’annexe III au Code général des impôts, ni un registre coté et paraphé permettant de justifier de la réunion régulière de l’assemblée générale.
L’absence d’autonomie financière de la société peut être un signe de sa fictivité. C’est ce qu’avait relevé la Cour de cassation dans ses arrêts des 15 mai 2007 et 13 janvier 2009. Le Comité de l’abus de droit fiscal, dans son avis de 2021, avait constaté que la société civile ne disposait d’aucune autonomie financière et ne détenait pas de compte bancaire. La société doit disposer des moyens suffisants pour accomplir les actes correspondant à son objet social (financement des gros travaux en cas de détention de la seule nue-propriété), qui pourront résulter d’apports en numéraire, d’apports de biens productifs de revenus, d’avances en comptes courants.
Les remèdes à la société fictive
– Fonctionnement réel de la société. – La consultation des associés est essentielle dans le fonctionnement de la société civile. Différents modes de consultation sont prévus : les décisions sont prises en principe en assemblée générale et sur consultation écrite si les statuts l’ont prévue. L’article 1854 du Code civil prévoit que la décision pourrait résulter du consentement unanime de tous les associés dans un acte. Toute autre modalité de consultation ne serait pas recevable.
La convocation à l’assemblée générale est soumise à des règles strictes tant en termes de délai que de contenu. Les associés doivent être convoqués quinze jours au moins avant la réunion de l’assemblée par lettre recommandée. La convocation comprendra l’ordre du jour. Le texte des résolutions proposées ainsi tout document nécessaire à l’information des associés sont tenus à leur disposition au siège social. Le non-respect de ces règles est sanctionné par la nullité de l’assemblée, sauf si tous les associés ont été présents ou représentés à l’assemblée.
Le décret du 3 juillet 1978 encadre l’établissement du procès-verbal de délibération et impose que les procès-verbaux soient établis sur un registre spécial tenu au siège de la société et paraphé soit par un juge du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire, soit par le maire ou un adjoint de la commune du siège de la société.
– Tenue d’une comptabilité. – Si la société civile relève de l’impôt sur les sociétés, elle doit obligatoirement tenir une comptabilité commerciale. Le résultat de la société sera déterminé selon les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
Si la société relève du régime des sociétés de personnes, des textes tant du Code civil que du Code général des impôts imposent la tenue d’une comptabilité sans en déterminer la forme (soit une comptabilité de caisse, soit une comptabilité commerciale en partie double). Les articles 1855 et 1856 du Code civil organisent les modalités d’information des associés. Les articles 46 B à 46 D de l’annexe 3 du Code général des impôts précisent les documents qui doivent être produits ou présentés à l’administration par les sociétés immobilières non soumises à l’IS donnant leurs immeubles en location ou en conférant la jouissance à leurs associés. Il s’agit notamment de « tous documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l’exactitude des renseignements portés sur les déclarations ».
Comme l’ont indiqué certains auteurs, la comptabilité d’une société civile ne permet pas seulement de justifier de l’existence réelle de la société et d’éviter le risque de fictivité et de confusion de patrimoines. Elle est un outil d’information des associés et des tiers. Elle permet de sécuriser les flux financiers intervenant entre la société et les associés (comptes courants, affectation des résultats, opérations sur le capital). C’est enfin un instrument de valorisation de la société lors de la transmission des parts, qui permet également de pratiquer un amortissement des immeubles de la société.
Outre la tenue d’une comptabilité, les sociétés sont aussi soumises à des obligations déclaratives qui dépendent du régime fiscal applicable.
– Obligations déclaratives d’une SCI non soumise à l’IS. – La société civile non soumise à l’IS doit déposer dans les trois mois de sa constitution une déclaration d’existence ainsi que deux exemplaires de ses statuts au service des impôts dont elle relève.
La société civile doit également souscrire chaque année une déclaration de résultats sur imprimé n° 2072 à déposer avant le 1er mars de chaque année. Si la SCI met gratuitement des logements à la disposition de ses associés ou de tiers, la déclaration n’est à souscrire qu’au titre de l’année de constitution.
– Obligations déclaratives d’une SCI soumise à l’IS. – Si la société civile est soumise à l’IS, de plein droit ou sur option, elle devra fournir une déclaration détaillée de résultats sur un imprimé no 2065, complétée par les annexes 2065 bis et 2065 ter dans les trois mois de la clôture de chaque exercice.

Les contraintes supplémentaires en cas de construction

– Obligation de recourir à un architecte. – L’article L. 431-1 du Code de l’urbanisme impose le recours à un architecte pour établir le projet architectural qui sera déposé à l’appui de la demande de permis de construire. L’article L. 431-3 du même code dispense d’architecte les personnes physiques qui veulent édifier ou modifier une construction d’une surface de plancher ne dépassant pas 150 mètres carrés ou les exploitants agricoles qui souhaitent édifier ou modifier des constructions à usage agricole ou des serres de production ne dépassant les seuils fixés à l’article R. 431-2, b et c.
Il résulte d’une lecture a contrario des exceptions prévues à l’article R. 431-2 du Code de l’urbanisme que si l’édification ou la modification de la construction est réalisée par une personne morale, il est obligatoire de recourir à un architecte, quelle que soit la surface de plancher créée ou modifiée.
– Absence d’assurance dommages-ouvrage sanctionnée pénalement. – La loi « Spinetta » de 1978 rend obligatoire la souscription d’une assurance dommages pour tout maître d’ouvrage. L’obligation est désormais codifiée à l’article L. 242-1 du Code des assurances. Le particulier qui construit un logement pour l’occuper lui-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint n’encourt pas de sanctions pénales à défaut de souscription de l’assurance dommages. En revanche, si une société fait construire un immeuble, qu’il s’agisse de le faire occuper par un tiers ou un de ses associés, elle encourt une amende de 75 000 euros si elle ne souscrit pas d’assurance dommages.

Les contraintes fiscales

La SCI à l’IS

– La soumission à l’IS de plein droit (CGI, art. 206-2). – Les sociétés civiles immobilières ne sont pas passibles de plein droit de l’IS : en principe, leurs résultats sont imposés au nom personnel des associés à l’impôt sur le revenu si ce sont des personnes physiques.
L’article 206-2 du Code général des impôts, « le traquenard » ou « l’attrape-nigaud » de Cozian, soumet à l’IS de plein droit les sociétés civiles qui se livrent à des opérations commerciales au sens des articles 34 et 35 du même code.
Il en est ainsi des sociétés civiles qui achètent des immeubles en vue de les revendre (activité de marchand de biens). Pour prouver valablement l’activité de marchand de biens, l’administration fiscale doit démontrer l’intention spéculative au moment de l’acquisition et le caractère habituel des opérations d’achat et de revente.
Il en est de même pour les sociétés civiles qui donnent en location des locaux meublés ou équipés. La location de locaux d’habitation meublés sans prestations hôtelières est considérée au regard du droit privé comme une activité civile alors qu’au regard du droit fiscal, il s’agit d’une activité commerciale. Il n’est pas nécessaire que l’activité soit exercée en continuité, le caractère habituel de l’activité pouvant résulter de contrats répétitifs. Ainsi, le Conseil d’État, dans un arrêt du 28 décembre 2012, a donné raison à l’administration fiscale qui avait soumis à l’IS une société civile qui avait loué en meublé des locaux à raison de deux semaines par an les deux premières années et pendant un mois la troisième année.
L’article 206, 2 du Code général des impôts tolère seulement qu’une société civile puisse exercer une activité commerciale accessoire, n’excédant pas 10 % du montant total de ses recettes.
La société civile immobilière peut également opter pour l’impôt sur les sociétés à la constitution ou en cours de vie sociale. Il est important de bien cerner les incidences de cette option.

Point d’attention lorsque les associés d’une SCI envisagent une activité de location meublée

Si les associés envisagent une activité de location meublée, même ponctuellement (pour couvrir les charges fixes d’une maison de famille, par exemple), la constitution d’une société civile est à exclure. L’on préfèrera préconiser la constitution d’une SARL, qui peut rester semi-transparente si les associés optent pour le régime de la SARL de famille (CGI, art. 239 bis AA).

– Les contraintes de l’IS. – Nous ne viendrons pas contester les avantages que peut présenter une SCI assujettie à l’IS :
  • imposition d’un résultat réduit ;
  • taux de taxation inférieurs aux taux de l’impôt sur le revenu : 15 % jusqu’à 42 500 € puis 25 % au-delà contre 11 à 45 % ;
  • non-assujettissement des résultats de la société aux prélèvements sociaux, dès lors qu’ils ne sont pas distribués aux associés et laissés en réserve.
La SCI est aussi source de contraintes qui peuvent s’avérer pénalisantes pour des associés qui n’en auraient pas conscience. Outre la fiscalité de la cession des parts ou de l’immeuble (V. supra, Sous-titre I, nos et s.), l’IS est coûteux lorsque la société met gratuitement un logement à la disposition de l’un de ses associés.
En matière de revenus fonciers, l’article 15 du Code général des impôts exonère d’impôts « les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ». A contrario, si le propriétaire se réserve la jouissance d’un bien qui n’est pas à usage d’habitation, il est tenu de déclarer un revenu fictif qui sera imposé à l’impôt sur le revenu et soumis aux cotisations sociales. En contrepartie, les charges se rapportant au bien seront alors déductibles.
Le BOFiP étend cette exonération aux sociétés de personnes, non soumises à l’IS, ne relevant ni des BIC ni des BA, qui mettent gratuitement à la disposition de leurs associés ou de tiers des logements dont elles sont propriétaires. La société n’est pas imposée sur la valeur locative des logements qu’elle met gratuitement à la disposition de ses associés ou d’un tiers, mais elle ne peut pas déduire les charges afférentes au logement.
En revanche, cette tolérance ne s’applique pas aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés. La société est alors imposée sur une « somme représentant la valeur locative réelle des locaux » réservés à l’usage de ses associés ou d’un tiers, sans qu’il y ait à faire de distinction selon l’usage du bien (habitation ou professionnel).

Les droits de succession

– Non-application de l’abattement de 20 %. – L’article 764 bis du Code général des impôts permet un abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de l’immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt lorsqu’il est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant, le pacsé ou un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt, de son conjoint ou de son partenaire. L’administration fiscale refuse d’appliquer cet abattement lorsque l’immeuble est détenu par l’intermédiaire d’une société dont le défunt est associé.

L’IFI

– Évaluation brute des titres de la société. – L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est dû par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France qui détiennent des biens et droits immobiliers d’une valeur supérieure à 1 300 000 €. Sauf à bénéficier d’une exclusion ou d’une exonération, les titres de la société détenant un logement seront soumis à l’IFI.
Dans son guide d’évaluation, l’administration fiscale distingue selon la nature de la société civile. Pour la SCI, sans revenus, c’est la valeur mathématique ou patrimoniale qui sera retenue. Si, par contre, la société perçoit des revenus, l’administration retient une approche multicritère, par une pondération de la valeur mathématique (VM) et de la valeur de productivité (VP).
L’article 973, II et III du Code général des impôts interdit de tenir compte, dans l’évaluation des titres sociaux, de certaines dettes que la société a contractées, directement ou indirectement auprès du redevable, d’un membre de son foyer fiscal ou de son cercle familial ou d’une société qu’il contrôle. En vertu d’une clause de sauvegarde, le contribuable pourrait tenir compte du passif de la société s’il justifie que le prêt n’a pas été contracté dans un but principalement fiscal ou que le prêt contracté auprès d’un membre du groupe familial l’a été à des conditions normales.
– Décotes applicables. – L’article 885 S du Code général des impôts pour l’ISF, puis l’article 973 du même code pour l’IFI, ont autorisé un abattement de 30 % sur la valeur réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. Dans sa décision n° 2019-820 QPC du 17 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l’article 885 S qui limitaient cet abattement aux résidences principales détenues directement par leur propriétaire, excluant les résidences principales détenues par une société de personnes ou une société opaque.
La décision du Conseil constitutionnel ne fait pas obstacle à l’application d’autres décotes déjà validées tant par l’administration dans son guide d’évaluation que par les tribunaux : abattement pour non-liquidité de 10 à 15 %, pour minorité de 10 %, pour agrément de 10 %, pour occupation de 10 à 20 % selon la nature du bail et la durée du bail restant à courir, pour indivision de 20 %.
La détention d’un logement en société présente de multiples intérêts tant en termes de gestion que de transmission. Les contraintes juridiques et fiscales doivent être parfaitement appréhendées pour éviter « une sortie de route ». Le choix de la structure de détention doit être minutieusement étudié, car la forme de la société civile ne s’impose pas toujours.