Le financement de la construction par les sociétés d’habitat participatif

Le financement de la construction par les sociétés d’habitat participatif

– Histoire. – Participer ensemble à la construction et à la gestion d’un habitat n’est pas un phénomène nouveau. Des expériences d’habitat participatif ont vraisemblablement existé de longue date. En France, on connaît en particulier le mouvement d’autoconstruction coopérative des Castors, qui est né après la Libération, ou celui des militants de la copropriété coopérative. Néanmoins, l’habitat collectif autogéré est surtout une notion qui a connu un succès important avec le mouvement hippie et après mai 1968, notamment durant les années 1970, mais les dispositions légales permettant la création ou l’existence de coopératives d’habitants ont été ensuite abrogées.
– Habitat participatif, alternative citoyenne à l’accession au logement. – Alternative à la promotion immobilière et à l’accession sociale à la propriété, l’habitat participatif a ouvert une nouvelle voie supposée offrir une réponse citoyenne, économique et écologique aux problèmes du logement. Face à l’étalement urbain, il propose une densité choisie. Il travaille à produire du logement accessible, que ce soit par la réduction des coûts, par le recours à l’autopromotion, par la mutualisation d’espaces et d’équipements permettant de rendre vivables de plus petites surfaces, par la réduction des charges de fonctionnement ou encore dans certains projets par un partenariat avec un bailleur social. En réponse à la dissolution du lien social et à l’isolement, il propose des relations de partage et de solidarité : les seniors ne s’y trompent pas puisque plus de 50 % des candidats à l’habitat participatif seraient âgés de plus de soixante ans.
– Essor récent. – L’habitat participatif a connu un nouvel essor ces quinze dernières années. Des citoyens, des partenaires, des professionnels s’unissent pour faire vivre ce concept. Conscient de cette progression, le gouvernement l’a remis sur le devant de la scène le 26 juin 2013, avec le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi Alur », porté par Mme Cécile Duflot, alors ministre de l’Égalité des territoires et du Logement. Le gouvernement se montrait soucieux d’accompagner les « nombreuses expérimentations citoyennes qui émergent sur l’ensemble du territoire et proposent de nouveaux modes d’habitat, regroupées autour du terme fédérateur d’habitat participatif ». Il a jugé nécessaire « de créer un cadre juridique adapté à la diversité des projets et des attentes des Français, tout en accompagnant le développement de nouvelles formes d’habitat soucieuses d’un renouveau du vivre ensemble dans le respect de valeurs partagées telles que la mixité, le partage, la défense de l’environnement et de la biodiversité » (cf. Projet de loi).
L’Institut national de la consommation constate que le but est « vraisemblablement de changer le mode de vie et l’organisation des immeubles, de rendre actifs les habitants et de lutter contre la spéculation ».
– Définition. – La loi Alur du 24 mars 2014, voulant donner un cadre légal à l’habitat participatif, a commencé par le définir comme étant « une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis.
En partenariat avec les différents acteurs agissant en faveur de l’amélioration et de la réhabilitation du parc de logements existant public ou privé et dans le respect des politiques menées aux niveaux national et local, l’habitat participatif favorise la construction et la mise à disposition de logements, ainsi que la mise en valeur d’espaces collectifs dans une logique de partage et de solidarité entre habitants ».
– Doutes sur l’efficacité des outils dédiés. – Quelques années après son entrée en vigueur, la question se pose de savoir si la loi Alur est porteuse, en la matière, d’une réelle avancée, et plus généralement si les règles régissant l’habitat participatif favorisent vraiment l’accès au logement. Si l’on ajoute à cela que les intérêts des citoyens et des acteurs du secteur sont parfois divergents, aussi légitimes soient-ils, il devient très intéressant pour le professionnel du Droit de tenter de trouver des solutions qui fassent consensus.
Nous ne nous étendrons pas pour autant sur les outils bien connus que sont par exemple la mise en copropriété ou la vente en l’état futur d’achèvement. Le législateur ayant donné un nouveau cadre aux citoyens qui désirent « s’associer », pour reprendre les termes de la définition qu’il donne à l’habitat participatif, nous étudierons plus spécifiquement ce qui détermine le choix d’une société comme structure d’accueil d’un habitat participatif (Sous-section I), et mettrons en lumière ce choix face à l’épreuve du financement (Sous-section II).

Le choix d’une société comme structure d’accueil d’un habitat participatif

Différentes formes sociales sont proposées par le législateur pour tenir lieu de réceptacle à l’habitat participatif. Avant l’entrée en vigueur de la loi Alur, on utilisait essentiellement les sociétés civiles immobilières d’attribution , les sociétés civiles coopératives de construction , et les sociétés civiles d’accession progressive à la propriété . Au fil du temps, un besoin de faire évoluer les formes sociétaires existantes s’est fait sentir. Les attentes du secteur de l’habitat participatif étaient nombreuses et ont été rassemblées notamment dans un livre blanc cosigné en 2011 par les associations promouvant l’habitat participatif et l’autopromotion. À l’issue de ce travail, la loi Alur est venue compléter la liste des formes sociales possibles en créant deux types de sociétés dites d’habitat participatif et dédiées à ce secteur : les sociétés coopératives d’habitants et les sociétés d’attribution et d’autopromotion .
Après avoir comparé les différentes structures, dans un tableau disponible sur l’extension numérique du présent rapport, nous apporterons quelques éclairages complémentaires.

Tableau de comparaison entre quatre sociétés dédiées à l’habitat participatif

Les supports sociétaires de l’habitat participatif
Société civile Immobilière d’attribution – SCIA Société civile coopérative de construction – SCCC Société coopérative d’habitant – SCH Société d’attribution et d’autopromotion – SAA
Textes de référencesCCH, art. L. 212-1 à L. 212-17.CCH, art. L. 213-1 à L. 213-15.CCH, art. L. 200-1 à L. 200-11.CCH, art. L. 200-1 à L. 200-11.
Destination de l’immeubleLibre.Habitation ou mixte, professionnel et d’habitation.Habitation.Habitation.
OccupationLibre.Libre.Résidence principale obligatoire, sauf dérogation. Art. L. 200-9-1.Résidence principale obligatoire, sauf dérogation. Art. L. 200-9-1.
AssociésPersonnes physiques ou morales sans distinction, ni quotas.Possibilité de faire entrer des associés non coopérateurs, sous certaines limites fixées par la loiPersonnes morales admises dans la limite de 30 % du capital ou des droits de vote. Art. L. 200-3.Personnes morales admises dans la limite de 30 % du capital ou des droits de vote.
Responsabilité des associésLes associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social. C. civ., art. 1857.Les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social. C. civ., art. 1857.Les associés des sociétés constituées sous la forme de société civile ne répondent des dettes sociales à l’égard des tiers qu’à concurrence de leurs apports. Art. L. 200-5.Les associés des sociétés constituées sous la forme de société civile ne répondent des dettes sociales à l’égard des tiers qu’à concurrence de leurs apports. Art. L. 200-5.
Droits de voteNombre de voix proportionnel au nombre de parts détenues dans le capital social.Une personne = une voix.Une personne = une voix.Nombre de voix déterminé dans les statuts :
Propriété – JouissanceParts donnant droit à la jouissance actuelle et vocation à l’attribution ultérieure en toute propriété en cas de retrait ou dissolution de la société, sauf attribution en jouissance.Parts donnant droit à la jouissance actuelle et vocation à l’attribution en toute propriété en cas de retrait ou de dissolution de la société.Uniquement en jouissance.Attribution déterminée dans les statuts : en jouissance ou en propriété.
Documents d’organisation.Établissement d’un état descriptif de division et d’un règlement de copropriété conforme à la loi du 10 juillet 1965, avant tout commencement des travaux de construction.Établissement d’un état descriptif de division et d’un règlement de copropriété conforme à la loi du 10 juillet 1965, avant tout commencement des travaux de construction.Un règlement est adopté par l’assemblée générale des associés avant toute entrée dans les lieux et prévoit notamment les modalités de répartition de ces charges entre les associés.Règlement de jouissance établi non obligatoirement conforme à la loi du 10 juillet 1965 si option statutaire pour une attribution en jouissance.
Mode de gestionConformément aux statuts avant tout retrait.Conformément aux statuts avant tout retrait.Conformément aux statuts, à la charte fixant les règles de fonctionnement et au contrat coopératif régularisé entre la société et chaque associé coopérateur.Conformément aux statuts avant tout retrait.
FinancementLa société peut donner caution hypothécaire pour la garantie des emprunts contractés :La société peut donner caution hypothécaire pour la garantie des emprunts contractés par les associés pour leur permettre de satisfaire aux appels de fonds de la société nécessaires à la réalisation de l’objet social. La caution hypothécaire doit être autorisée par les statuts, avec stipulation que l’engagement de la société est strictement limité aux parties divises et indivises de l’immeuble social auxquelles le bénéficiaire du crédit aura vocation en propriété.Aucune règle spécifique n’est prévueLa société peut donner caution pour la garantie des emprunts contractés par les associés, pour leur permettre de satisfaire aux appels de fonds de la société nécessaires à la réalisation de l’objet social, et par les cessionnaires des parts sociales, pour leur permettre de payer leur prix de cession, mais seulement à concurrence des appels de fonds déjà réglés à la société, et, s’il y a lieu, de payer les appels de fonds qui restent encore à régler.
Appels de fondsObligation de répondre aux appels de fonds nécessités par l’acquisition, la construction ou l’aménagement de l’immeuble social en proportion de leurs droits dans le capital.Les sociétés coopératives de construction qui procèdent par voie d’attribution collectent les sommes nécessaires à la réalisation de leur objet social au moyen d’appels de fonds auprès de leurs membres, à la manière des sociétés d’attribution ordinaires.Les associés sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun. Un règlement est adopté par l’assemblée générale des associés avant toute entrée dans les lieux et prévoit notamment les modalités de répartition de ces charges entre les associés.Les associés sont tenus de répondre aux appels de fonds nécessités par la construction de l’immeuble, en proportion de leurs droits dans le capital.
RetraitDès que la construction est achevée, que le retrayant est à jour du paiement de toute somme, et que les comptes ont été approuvés, tout associé peut se retirer de la société.Retrait de plein droit et d’ordre public si la société est destinée à l’attribution de lots. Tout associé peut se retirer de la société et obtenir l’attribution en propriété de son lot, lorsque l’assemblée générale ordinaire a constaté l’achèvement de l’opération de construction ainsi que la conformité du ou des immeubles aux prévisions statutaires, et qu’elle a statué sur les comptes définitifs.Un associé coopérateur peut se retirer de la société après autorisation de l’assemblée générale des associés.I - Lorsque les statuts de la société prévoient des attributions en jouissance, nonobstant toute clause contraire des statuts, un associé peut se retirer d’une société d’attribution et d’autopromotion après autorisation de l’assemblée générale des associés.
Prix de cessionFixé librement.Aucune cession possible pendant la phase de construction.Le prix maximal de cession des parts sociales est limité au montant nominal de ces parts sociales, augmenté d’une majoration qui, dans la limite d’un plafond prévu par les statuts, tient compte de l’indice de référence des loyers.Fixé librement.
DissolutionEntraîne l’attribution en pleine propriété.Retraits individuels ou décision unanime de dissolution avant achèvement des constructions.Retraits individuels ou décision unanime de dissolution avant achèvement des constructions.En cas d’attribution en pleine propriété.
Surveillance de la sociétéLa société coopérative d’habitants fait procéder périodiquement, sous le nom de révision coopérative, à l’examen de sa situation technique et financière et de sa gestion, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
Boni de liquidationRéparti entre les associés au prorata de leurs droits dans le capital social.Réparti entre les associés au prorata de leurs droits dans le capital social.Ne revient pas aux associés.Réparti entre les associés au prorata de leurs droits dans le capital social.

Les sociétés civiles immobilières d’attribution (SCIA)

– Statut dédié. – Les sociétés qui ont pour objet la construction ou l’acquisition d’immeubles (ici, de logements) en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance, dites sociétés d’attribution, doivent respecter un ensemble de règles figurant aux articles L. 212-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.
– Forme sociale. – Le législateur n’a pas créé une nouvelle forme de société, mais seulement un statut auquel peuvent adhérer les associés cohabitants d’une société qui peut revêtir n’importe quelle forme. En pratique, les futurs associés choisissent le plus souvent la forme civile, pour sa souplesse d’organisation.
– Régime général. – Ce statut comporte des dispositions applicables à toutes les sociétés. Nous en relèverons trois sortes :
1. Sur l’organisation des attributions : un état descriptif de division délimite les diverses parties de l’immeuble social en distinguant celles qui sont communes de celles qui sont privatives. S’il y a lieu, il fixe la quote-part des parties communes afférentes à chaque lot. Les statuts divisent les droits composant le capital social en groupes et affectent à chacun d’eux l’un des lots définis par l’état descriptif de division pour être attribué au titulaire du groupe considéré.
Un règlement détermine la destination des parties réservées à l’usage exclusif de chaque associé, et, s’il y a lieu, celle des parties communes affectées à l’usage de tous les associés ou de plusieurs d’entre eux.
Si l’attribution en propriété d’une ou plusieurs fractions de l’immeuble doit emporter l’application de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965">Lien sur le statut de la copropriété, le règlement est établi en conformité de cette loi. Pour autant, tant que l’immeuble appartient seulement à la société, il n’existe pas de copropriété au sens de la loi.
Lorsque l’attribution est exclusive de son application, le règlement doit organiser la gestion collective des services et des éléments d’équipements communs s’il en est prévu.
Le règlement ne peut imposer de restrictions aux droits des associés sur les parties réservées à leur jouissance exclusive, en dehors de celles qui sont justifiées par la destination de l’immeuble, par ses caractères ou par sa situation.
L’état descriptif de division, le règlement et les dispositions corrélatives des statuts doivent être adoptés avant tout commencement des travaux de construction, ou, s’il s’agit d’une société d’acquisition, avant toute entrée en jouissance des associés.
2. Sur le financement de l’opération : les associés sont tenus de répondre aux appels de fonds nécessités par l’acquisition, la construction ou l’aménagement de l’immeuble social en proportion de leurs droits dans le capital. Il est possible de spécialiser les appels de fonds lorsque la société ne poursuit pas simultanément la construction de l’ensemble des logements répondant à son objet. Les statuts peuvent prévoir que les appels de fonds supplémentaires nécessaires pour la réalisation de chaque programme, y compris la participation à toutes dépenses d’intérêt commun, seront répartis entre les seuls associés ayant vocation aux logements construits dans le cadre de chacun de ces programmes.
3. Sur la cession des titres sociaux : elle est encadrée par la loi. Le contrat doit comporter des mentions particulières, ayant trait, principalement, aux titres cédés, au prix, aux appels de fonds restant à satisfaire pour permettre à la société d’achever l’immeuble ou la fraction d’immeuble auquel les actions ou parts cédées donnent vocation à la date de la cession ; il doit en outre comprendre des annexes obligatoires.
– Régime de la construction en secteur protégé. – Lorsque l’immeuble est à usage d’habitation ou mixte, une série de dispositions régissent de façon impérative la phase de construction, dans un souci de protection des accédants au logement. On relèvera par exemple l’obligation de recourir au contrat de promotion immobilière si la société ne préfère pas confier les opérations constitutives de la promotion immobilière à son représentant légal ou statutaire.
– Droit de jouissance de l’associé. – Le cohabitant associé bénéficie de la jouissance exclusive d’une fraction de l’immeuble social représentative de ses parts. Il tire son droit de jouissance du contrat de société et la question de sa nature a été tranchée en jurisprudence : il s’agit d’un droit personnel et non réel, ayant un caractère mobilier. Ce droit de jouissance s’exerce d’ailleurs dans les limites du cadre institué par le règlement de jouissance.
– Vocation au partage. – Les cohabitants associés ont tous vocation au partage, qui participe de l’esprit même d’une société d’attribution relevant de l’article L. 212-1 du Code de la construction et de l’habitation. La dissolution de la société peut ainsi, nonobstant toute disposition contraire des statuts, et même si ceux-ci ne prévoient que des attributions en jouissance, être décidée par l’assemblée générale statuant à la double majorité des deux tiers des associés et des deux tiers des voix. Un associé peut également exercer son droit de retrait, sauf si les statuts prévoient des attributions en jouissance, et ce retrait entraîne de plein droit l’annulation des titres sociaux correspondant aux locaux attribués en propriété ainsi que la réduction corrélative du capital social.
– Attribution en propriété. – La vocation première de la société est d’aboutir au partage des lots qui seront attribués en pleine propriété aux cohabitants associés, et de servir en quelque sorte d’intermédiaire à la propriété divise, que celle-ci relève du statut de la copropriété ou qu’elle soit exclusive de son application.
– Attribution en jouissance. – Quoique le contraire se soit parfois produit, les sociétés d’attribution n’ont pas été pensées pour durer, le temps de jouissance devant plutôt être réservé à la gestion et l’entretien des immeubles jusqu’à la mise en place d’une organisation différente. L’attribution étant permise sans limitation spécifique, elle a servi nombre de montages dans lesquels la SCIA reste propriétaire de l’immeuble, et les cohabitants titulaires de droits de jouissance. Tant que les associés n’ont pas décidé du partage à la double majorité des deux tiers des associés et des deux tiers des voix, la société demeure la structure d’organisation de l’ensemble immobilier.
– Cadre privilégié de l’habitat participatif ? – Deux reproches sont généralement faits à l’égard de cette structure :
  • elle n’exclue pas la spéculation, chaque associé étant libre de réaliser des plus-values ;
  • chaque associé est libre de louer et de fixer le loyer.
Malgré ces reproches, le mouvement Habitat Participatif France revendique que les SCIA « ont été et restent un cadre juridique privilégié pour beaucoup de groupes d’habitats participatifs ayant le souci de maintenir dans la durée un contrôle possible sur leur composition et souhaitant une souplesse de gouvernance pouvant s’adapter aux spécificités de leur projet et de leur charte ». En créant les sociétés d’attribution et d’autopromotion, la loi Alur a consacré la possibilité de concevoir collectivement un projet d’’habitat participatif, mais les partenaires, comme les banques, ne semblent pas prêts à le suivre, du moins pour le moment. Un travail serait mené avec des professionnels du Droit, dont des notaires, pour proposer un cadre de SCIA dédié à l’habitat participatif. L’idée serait ainsi de travailler à une « normalisation » des SCIA en misant sur une forme qui a fait ses preuves, dans le but d’obtenir sa reconnaissance auprès de la Fédération des banques et donc de faciliter l’octroi de prêts facilité à l’ensemble des groupes d’habitants.

Les sociétés civiles coopératives de construction (SCCC)

– Coopérative. – Les sociétés coopératives de construction sont régies par la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 ">Lienportant statut de la coopération.
La coopérative réunit plusieurs personnes en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires. Cette société exerce son activité dans toutes les branches de l’activité humaine et respecte les principes suivants : une adhésion volontaire et ouverte à tous, une gouvernance démocratique, la participation économique de ses membres, la formation desdits membres et la coopération avec les autres coopératives. Sauf dispositions spéciales à certaines catégories de coopératives, chaque membre coopérateur dénommé, selon le cas, « associé » ou « sociétaire », dispose d’une voix à l’assemblée générale.
L’un des éléments essentiels de la coopération consiste en la réduction, au bénéfice des membres de la coopérative, du prix de revient et du prix de vente du produit fourni aux coopérateurs. Pour atteindre cet objectif, la loi subordonne, pendant l’opération de construction, la démission d’un associé à une autorisation de l’assemblée générale, et interdit la cession volontaire entre vifs à titre onéreux des droits sociaux. Il s’agit de faire en sorte « d’éviter que les sociétés coopératives ne deviennent des instruments de commercialisation et que certains associés ne soient tentés de s’y introduire dans un but purement spéculatif ».
– Statut dédié à la construction. – La construction prend toute sa place au sein des sociétés coopératives, qui plus est pour un projet d’habitat participatif. Comme pour les sociétés d’attribution, le législateur n’a pas ajouté de nouvelle forme de société à celles existantes, mais créé un statut qui, une fois choisi, va s’imposer aux associés, ici les cohabitants, lorsque la société a pour objet la construction d’un ou plusieurs immeubles en vue de leur division par lots ou d’un ensemble de maisons individuelles groupées à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation destinés à être attribués ou vendus aux associés. L’objet de ces sociétés comprend, en outre, et comme pour les sociétés d’attribution, la gestion et l’entretien des immeubles jusqu’à la mise en place d’une organisation différente.
– Forme sociale. – Les sociétés coopératives de construction peuvent revêtir n’importe quelle forme, mais en pratique les futurs associés choisissent le plus souvent la forme civile, pour sa souplesse d’organisation, d’où l’appellation de société civile coopérative de construction (SCCC).
– Régime. – On relèvera plusieurs particularités :
  • 1. à la différence d’une société d’attribution, une société coopérative de construction n’a pas vocation à acquérir un immeuble déjà construit, mais peut vendre des lots ou les attribuer à ses associés.
  • 2. La société doit établir un état descriptif de division et un règlement de copropriété avant tout commencement des travaux de construction. Dans les sociétés coopératives ayant pour objet la vente des lots, le règlement entrera en vigueur dès l’achèvement des constructions. Dans celles procédant par voie d’attribution, ce sera à compter du premier retrait d’un coopérateur. Jusqu’à la naissance de la copropriété, le règlement de copropriété fait office de « règlement de jouissance » ou « règlement d’occupation ». La loi renvoie pour le reste aux dispositions relatives aux sociétés d’attribution.
  • 3. Avant le commencement des travaux, l’assemblée générale doit en approuver les conditions techniques et financières d’exécution et fixer les bases selon lesquelles les différents éléments composant le prix de revient global seront répartis entre les locaux à édifier, afin de déterminer le prix de chacun d’eux.
  • 4. Les sociétés coopératives de construction qui procèdent par voie d’attribution collectent les sommes nécessaires à la réalisation de leur objet social au moyen d’appels de fonds auprès de leurs membres, à la manière des sociétés d’attribution ordinaires.
– Capital et personnel variables. – Les sociétés coopératives de construction sont à capital et à personnels variables. Elles sont soumises aux dispositions du Code de commerce sur la variabilité du capital, applicables à toutes les sociétés, sauf les sociétés anonymes. Le capital est ainsi susceptible d’augmentation par des versements successifs des associés ou l’admission d’associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports effectués. Ce qui permet le retrait aisé d’un associé alors même que les cessions de droits sociaux sont prohibées pendant toute la durée de la construction.
– Possibilité de faire entrer des associés non-coopérateurs. – La SCCC construit pour attribuer ou vendre des lots « destinés à être attribués ou vendus aux associés » et donc, par principe, aux associés seulement. Pour autant, une coopérative est autorisée à faire entrer des associés non-coopérateurs, par exemple un opérateur immobilier, qui va porter la maîtrise d’ouvrage au nom de la SCCC, seule ou en partenariat avec les habitants.
La loi de 1947 sur le statut de la coopération, fixe certaines limites, dont celles-ci :
  • les coopératives ne peuvent prévoir dans leurs statuts d’admettre des tiers non sociétaires à bénéficier de leurs activités que dans la limite de 20 % de leur chiffre d’affaires, et selon des conditions fixées par décret ;
  • les coopératives peuvent admettre comme associés non coopérateurs, dans les conditions et limites fixées par leurs statuts, des personnes physiques, notamment leurs salariés, ou morales qui n’ont pas vocation à recourir à leurs services ou dont elles n’utilisent pas le travail mais qui entendent contribuer notamment par l’apport de capitaux à la réalisation des objectifs de la coopérative. Les associés non coopérateurs ne peuvent détenir ensemble plus de 49 % du total des droits de vote, sans que les droits des associés qui ne sont pas des sociétés coopératives puissent excéder la limite de 35 %.
En tout état de cause, si le coût de la construction se révèle moins important que prévu, il y a lieu à restitution de l’économie dégagée aux seuls associés ou sociétaires coopérateurs. Ni le gérant non associé, ni le promoteur (dans le cas où un contrat de promotion immobilière a été conclu), ne peuvent y avoir droit. Il a été souligné que pour cette raison certaines coopératives HLM préfèrent aujourd’hui se tourner vers les ventes en l’état futur d’achèvement « classiques », qui leur garantissent une marge et rassurent leurs financeurs.
– Protection des coopérateurs. – Dans le but de protéger les coopérateurs exposés au risque de la construction, la loi oblige la société à :
  • limiter son objet à l’édification d’immeubles compris dans un même programme, comportant une ou plusieurs tranches, d’un ensemble immobilier ;
  • entreprendre chaque tranche du programme prévu par les statuts que si le nombre des associés est au moins égal à 20 % du nombre total de logements et de locaux à usage commercial ou professionnel à construire dans la tranche considérée, et si le financement de la construction des lots non souscrits compris dans l’ensemble du programme, ainsi que leur souscription, sont garantis ;
  • conclure des contrats de vente en l’état futur d’achèvement, si la société a choisi de vendre ses lots et non de les attribuer, et si elle n’a pas confié à un promoteur immobilier la réalisation de son programme de construction ;
  • recourir au contrat de promotion immobilière régi par les dispositions des articles L. 221-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, lorsqu’elle confie le programme à un tiers, Mais l’habitat participatif pourra également être réalisé en autopromotion, si les habitants préfèrent gérer eux-mêmes la phase de construction (et sont capables de le faire…) ;
  • obtenir une double garantie :
– Vocation à devenir propriétaire mais pas d’attribution en jouissance. – Chaque associé a vocation à devenir propriétaire de son logement, que ce soit sous forme de vente, d’attribution, voire de location-accession. Cette structure ne permet toutefois pas les attributions de lots en jouissance elle est donc impropre à pérenniser un habitat participatif sous forme de propriété collective. Cette vocation à la propriété ne paraît toutefois pas interdire au coopérateur de bénéficier de la jouissance de son lot entre l’achèvement et le transfert de propriété de ce lot. Certains auteurs considèrent dans ce cas que l’occupation ne peut résulter que d’un bail consenti par la société à l’associé coopérateur.
La forme coopérative n’évite pas non plus à l’esprit spéculatif de se manifester, une fois le logement réalisé (a priori à bon compte) et attribué, sa vente devenant alors libre indépendamment des clauses d’agrément ou de préférence pouvant exister dans les statuts de la société dont, une fois retiré, le vendeur ne fait plus partie. Ce sont là les deux inconvénients majeurs de la société coopérative de construction.

Les sociétés civiles d’accession progressive à la propriété (SCIAPP)

– Renvoi. – V. supra, nos et s.

Les sociétés d’habitat participatif issues de la loi Alur

– Utilité de nouvelles sociétés ? – Les deux nouvelles structures créées par la loi Alur, que sont les coopératives d’habitants (SCH) et les sociétés d’attribution et d’autopromotion (SAAP), ne sont pas impératives et viennent s’ajouter à celles qui existaient jusqu’alors.
On peut s’interroger sur l’intérêt de créer ces nouveaux outils alors que ceux qui existaient déjà auraient pu être retouchés, voire refondu. Il semble que la volonté du législateur ait été de distinguer deux types spécifiques de société empreintes ab initio des valeurs portées par le projet de la loi Alur, et réservées à ceux qui dès la conception de leur habitation, ont « pensé » leur habitat comme participatif ».
Nous mettrons en lumière les mesures communes à ces deux nouvelles sociétés (A) et tenterons d’identifier les spécificités propres à chacune d’elles, censées permettre au groupe d’habitants de faire un choix (B).

Les mesures communes aux deux types de sociétés

– Un statut juridique. – Les textes prévoient que ces sociétés « sont valablement constituées sous les différentes formes prévues par la loi », « de sorte que l’on peut en déduire qu’elles ne constituent pas une forme de société en soi mais plutôt un statut juridique ».
Les sociétés coopératives d’habitants ne pourront toutefois être constituées que sous la forme d’une société émettant des parts sociales, ce qui s’explique par le fait qu’elles sont marquées par un fort intuitu personae, attaché à l’idée de « coopération », ce qui exclut les sociétés par actions, de type société anonyme, société par actions simplifiée, etc.
– Un capital obligatoirement variable. – La société doit avoir nécessairement un capital social variable, qui se justifie par l’évolution des entrées et des sorties, pour « prendre en compte l’évolution des besoins relatifs à l’habitat ».
– La possibilité de transformer une société existante. – L’article 200-6 du Code de la construction et de l’habitation prévoit la possibilité de transformer une société existante en coopérative d’habitants ou en société d’attribution et d’autopromotion.
– La possibilité de faire entrer des personnes morales. – La loi Alur permet d’admettre comme associés des personnes morales et notamment des organismes de logement social.
L’article L. 200-3 du Code de la construction et de l’habitation impose que les personnes morales qui adhèrent à une société d’habitat participatif « ne détiennent pas plus de 30 % du capital social ou des droits de vote ».
– L’utilisation du logement à titre de résidence principale. – Les associés sont tenus d’utiliser le logement mis à leur disposition. Il résulte de l’article R. 200-1 du Code de la construction et de l’habitation que la résidence principale s’entend d’un « logement occupé par l’associé au moins huit mois par an ».
Plusieurs cas de dérogation sont prévus par cet article, pour prémunir les cohabitants d’un risque de décès, d’invalidité, de mobilité professionnelle, d’évolution familiale, etc.
– La limitation à un programme unique. – Aux termes de l’article L. 200-7 du Code de la construction et de l’habitation : « Chaque société d’habitat participatif limite son objet à des opérations de construction ou de gestion comprises dans un même programme, comportant une ou plusieurs tranches, d’un même ensemble immobilier ».
Comme le souligne M. Vivien Zalewski-Sicard : « L’objectif, par la spécialisation de l’objet social, est ici de limiter les risques pris par la société et donc de la même façon pour les associés ».
Il aurait pourtant été bienvenu que la loi vienne préciser les notions de programme et de tranche.
– La responsabilité limitée des associés. – L’article 200-5 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que les associés des SCH et des SAAP, qui seraient constituées sous la forme civile, « ne répondent des dettes sociales à l’égard des tiers qu’à concurrence de leurs apports ».
La responsabilité limitée va de soi si les associés se tournent vers les sociétés de capitaux.
– L’approbation du dossier technique. – Conformément à l’article L. 200-9 du Code de la construction et de l’habitation, « avant tout commencement de travaux de construction, l’assemblée générale de toute société régie par le présent titre ayant pour objet la construction d’un immeuble doit en approuver les conditions techniques et financières d’exécution et fixer les bases selon lesquelles les différents éléments composant le prix de revient global sont répartis entre les locaux à édifier, afin de déterminer le prix de chacun d’eux ».
– La souscription d’une garantie financière d’achèvement. – Toujours conformément à l’article L. 200-9 du Code de la construction et de l’habitation, « chaque société doit également justifier, avant tout commencement de travaux de construction, d’une garantie permettant de disposer des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble ».
Nous verrons plus loin que l’obtention de cette garantie n’est pas chose aisée.
– La conclusion d’une charte. – À travers l’obligation de recourir à une charte, les cohabitants sont invités à s’impliquer dans la gestion de l’immeuble. Ce document, rendu obligatoire par l’article L. 200-10 du Code de la construction et de l’habitation, fixe les règles de fonctionnement de l’immeuble, et notamment celles d’utilisation des lieux de vie collective. Il est adopté par l’assemblée générale des associés. Avant leur entrée dans les lieux, les locataires non associés signent cette charte qui est annexée à leur bail.
Le législateur n’a pas explicité son contenu, du moins donné des orientations plus précises, ce qui est dommage puisque comme le relevait M. Lerousseau, sa « juridicité » risque d’être limitée en raison de sa rédaction souvent trop générale.
M. Touzain souligne qu’elle va venir en quelque sorte régir les « modalités pratiques du vivre-ensemble ». « C’est probablement à la charte qu’il convient de se référer pour juger du contenu et de la qualité du projet participatif au sein de l’habitat. À condition de veiller à la cohérence entre la charte et les statuts de la société ».
Pour autant, le législateur n’a pas explicité son contenu, du moins donné des orientations plus précises, ce qui est dommage puisque comme le relevait M. Lerousseau, sa « juridicité » risque d’être limitée en raison de sa rédaction souvent trop générale.
Il ne faudrait pas non plus que la « tyrannie de la majorité » vienne imposer des contraintes collectives trop importantes, sous peine de sanction judiciaire.

Les spécificités propres à chaque société

La société coopérative d’habitants
– Un esprit coopératif durable. – Cette structure est en particulier destinée à des personnes qui, tout en ayant une démarche militante, tournée vers l’anti-spéculation, l’égalité, le partage démocratique du pouvoir, le développement durable, ne disposent pas de moyens importants.
Il ressortait, entre autres, du livre blanc de 2011 une demande d’adaptation des structures sociétaires « pour ne pas être contraint de transformer une SCIA ou une SCCC en copropriété lors du premier départ d’un ménage et conserver ainsi la jouissance collective du bien plutôt que la pleine propriété individuelle, ce qui est plus proche des principes participatifs ». La SCH répond parfaitement à cette aspiration.
Ces considérations d’ordre social vont se retrouver notamment à travers les différentes caractéristiques examinées à présent.
– Le mode d’attribution des logements. – L’objet principal de cette société est de fournir aux associés la jouissance de logements et d’espaces partagés. Elle ne vise pas à leur en attribuer la propriété. La coopérative est propriétaire du logement, pour l’avoir construit ou acquis, et les associés détiennent uniquement des parts sociales.
– L’acquisition des parts. – Aux termes de l’article 201-8 du Code de la construction et de l’habitation, chaque associé doit verser, en contrepartie des parts qu’il acquiert, une redevance composée de deux fractions. La première fraction est dite « locative », elle est due par l’occupant au titre de la mise à disposition du logement qu’il a choisi. L’autre fraction est dénommée « fraction acquisitive », mais le terme ne doit pas tromper : dans ce type de société l’associé n’acquerra jamais la propriété privative de son logement. La fraction dite acquisitive s’ajoute aux apports des autres coopérateurs pour le financement de la réalisation du projet global.
Il a été souligné que ce mécanisme, empreint de la solidarité, « pourrait également être utilisé pour accorder un crédit à de nouveaux membres qui bénéficient du statut d’associé coopérateur avant d’avoir acquis la totalité des parts correspondant à un logement », et fonctionner, en quelque sorte, comme une « location-accession » portée sur la détention du capital social et non directement sur l’immeuble.
– La possibilité de réaliser un apport en industrie. – Pendant la phase de construction ou de rénovation de l’immeuble, l’article L. 201-13 du Code de la construction et de l’habitation permet la souscription de parts sociales en industrie, correspondant à un apport travail. Cet apport, qui permet de valoriser le travail d’un habitant, concourra à la formation du capital, par dérogation au droit commun. Le décret qui devait préciser les modalités pratiques de cet apport n’est toujours pas paru. Une limite bienvenue réside dans le fait que les parts en industrie ne peuvent être souscrites que lors de la phase de construction ou de rénovation, « et non dans le cadre de services fournis ultérieurement, afin de protéger les libertés individuelles contre le risque d’un véritable asservissement de celui qui, étant plus pauvre que les autres, s’engagerait à leur fournir des services contre un logement ».
– La conclusion d’un contrat coopératif. – Véritable alternative au régime de la copropriété, il est conclu entre la société coopérative d’habitants et chaque associé coopérateur avant l’entrée en jouissance de ce dernier.
Ce contrat confère à l’associé coopérateur un droit de jouissance sur un logement et mentionne, notamment :
  • la désignation et la description du logement dont l’associé coopérateur a la jouissance et des espaces destinés à un usage commun des associés coopérateurs ;
  • les modalités d’utilisation des espaces communs ;
  • la date d’entrée en jouissance ;
  • l’absence de maintien de plein droit dans les lieux ;
  • une estimation du montant de la quote-part des charges que l’associé coopérateur doit acquitter pour la première année d’exécution du contrat ;
  • le montant de la redevance mise à la charge de l’associé coopérateur, sa périodicité et, le cas échéant, ses modalités de révision.
– Le droit de vote. – Chaque coopérateur dispose d’une voix, quel que soit le nombre de parts qu’il détient.
– Le transfert des droits sociaux. – Il doit assurer l’équilibre financier de la société. C’est toute la logique coopérative, qui « emporte une dissociation entre le prix de l’immeuble et celui des parts ou actions des coopérateurs ». Conformément au II de l’article L. 201-5 du Code de la construction et de l’habitation, « le prix maximal de remboursement des parts sociales des sociétés coopératives, en cas de retrait, est limité au montant nominal de ces parts sociales, augmenté d’une majoration dont le plafond est prévu dans les statuts. Ce plafond ne peut pas excéder l’évolution de l’indice de référence des loyers. Ce montant ne peut excéder le prix maximal de cession des parts sociales défini au premier alinéa du I du présent article ». Ce mécanisme facilite l’entrée de nouveaux associés, qui n’investiront pas davantage que les partants, et répond à la logique anti-spéculative qui marque l’esprit de la SCH.
La société d’attribution et d’autopromotion
– Principalement dédiée à la construction. – Les sociétés d’attribution et d’autopromotion (SAAP) « sont avant tout des sociétés de construction, largement inspirées des sociétés d’attribution “classiques” des articles L. 212-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation ».
Cela ressort de l’article L. 202-2 du Code de la construction et de l’habitation, lequel prévoit notamment que ces sociétés peuvent « 1° Acquérir un ou plusieurs terrains ou des droits réels permettant de construire » et « 2° Acquérir ou construire des immeubles à usage d’habitation en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance à titre de résidence principale ».
– Renvoi aux SCIA classiques. – Un certain nombre de règles techniques renvoient simplement à celles applicables dans les sociétés d’attribution classiques, telle l’obligation pour les associés de répondre aux appels de fonds nécessaires à la construction (C. urb., art. L. 202-4)
– Particularités. – Contrairement aux sociétés d’attribution traditionnelles, les sociétés d’attribution et d’autopromotion « ont une véritable vocation à perdurer après la construction de l’immeuble, ce qui en fait, au moins dans le principe, une alternative au statut de la copropriété ».
Dès lors que les statuts optent pour l’attribution en pleine propriété, la société n’a guère vocation à se maintenir au-delà des travaux, l’immeuble se voyant généralement appliquer le régime de la copropriété.
En cas d’attribution en propriété, un règlement précise la destination des parties réservées à l’usage privatif des associés et, s’il y a lieu, celle des parties communes affectées à l’usage de tous les associés ou de plusieurs d’entre eux.
Si l’attribution en propriété d’une ou plusieurs fractions de l’immeuble emporte l’application de la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le règlement est établi en conformité avec cette loi et est annexé aux statuts de la société.
En cas d’attribution en jouissance, un règlement de jouissance délimite les diverses parties de l’immeuble, en distinguant celles qui sont communes de celles qui sont à usage privatif. Il précise la destination des parties destinées à un usage privatif et, s’il y a lieu, celle des parties communes affectées à l’usage de tous les associés ou de plusieurs d’entre eux. Ce règlement de jouissance est annexé aux statuts.
– Nombre de voix des associés. – Conformément à l’article L. 202-8 du Code de la construction et de l’habitation, les statuts doivent déterminer le nombre de voix par associé :
  • soit chaque associé dispose d’un nombre de voix proportionnel au nombre de parts qu’il détient dans le capital social ;
  • soit chaque associé dispose d’une voix.
– Autopromotion. – Ces sociétés induisent un mécanisme de construction participative, qui se retrouve dans le terme d’autopromotion.
Cette démarche, souvent accompagnée par des professionnels, permet à un groupe de personnes, physiques ou morales, d’accéder à la propriété en investissant ensemble dans un projet conçu spécifiquement pour répondre à leurs besoins en termes d’espace et de financement, sans l’intermédiaire d’un promoteur. Le groupe d’autopromotion assure alors la maîtrise d’ouvrage, c’est-à-dire qu’il fixe les besoins et les objectifs du projet, gère le budget et le calendrier de réalisation, mais sans s’occuper de la réalisation des travaux.
Pratique largement répandue en Allemagne, en Norvège ou en Suisse, l’autopromotion immobilière couvre des projets divers comme des immeubles collectifs ou des éco-villages, et mobilise de nombreux acteurs.
Le législateur ne définit pourtant pas l’autopromotion, ce qui est regrettable, puisque la SAA lui est réservée.
– Un esprit participatif plus qu’une solution juridique. – Au terme de cette rapide étude des sociétés d’habitat participatif, dont la pérennité sera évoquée par le rapport de la troisième commission, on perçoit que le côté « participatif » des formules évoquées ne constitue une démarche citoyenne que lorsque la participation au projet d’habitat va au-delà de la simple réponse à des appels de fonds, lorsqu’elle devient effective dès la conception du projet et se poursuit ensuite dans son fonctionnement. Si ces éléments caractéristiques ne sont pas réunis, on peut se demander, comme le faisait à juste titre un auteur, en quoi il serait : « plus citoyen de participer à la définition et à la conception de son logement que d’acheter un immeuble sur plan ? ».
Ainsi, l’habitat participatif est d’abord une manière d’habiter ensemble, que des citoyens et d’autres acteurs du logement peuvent s’approprier, sous plusieurs formes.

Le choix de la société à l’épreuve du financement

– Inadaptation des financements classiques. – Les mécanismes de financement prévus par le législateur sont a priori inadaptés à une propriété collective. Il n’existe pas de solution de financement propre à l’habitat participatif. Il reste destiné à des formules d’habitat individualisé, alors même que la propriété est collectivisée. Le financeur de la société va devoir se confronter avec deux principaux risques, que sont la solvabilité et la maîtrise d’ouvrage, tous deux exerçant une influence déterminante sur la faisabilité de chaque projet. Les risques sont particulièrement élevés lorsqu’un groupe d’habitants projette de réaliser un habitat participatif en autonomie (§ I). On conseillera donc, pour favoriser l’obtention d’un financement, l’association avec des partenaires professionnels (§ II) qui sécurise davantage la bonne fin de l’opération.

Les risques d’un montage en autonomie

Les cohabitants vont devoir s’impliquer dans la recherche d’économie (A) et la maîtrise d’ouvrage (B).

S’impliquer dans la recherche d’économie

Une fois la structure choisie, « c’est bien souvent un long travail de pédagogie et de persuasion auprès des établissements bancaires qui s’engage ». Ce travail est plus ou moins aisé, selon le type de société.
En société d’attribution, le financement est pris en charge individuellement par chaque associé, qui doit apporter l’intégralité des fonds correspondant à son logement. Il est donc normal qu’en cas d’emprunt, l’analyse de risque faite par l’organisme prêteur porte sur la solvabilité de chaque associé.
Il est souvent demandé à la société de se porter caution auprès de chacun des associés emprunteurs. Lorsqu’il est prévu des attributions uniquement en jouissance, la société peut se porter caution hypothécaire. Dans ce cas, seul le lot de l’associé concerné est grevé d’une hypothèque et peut faire l’objet d’une attribution en propriété à la banque en cas de déclenchement de la garantie.
La caution, permise en SCIA, a été expressément prévue à l’article L. 202-11 du Code de la construction et de l’habitation, pour les SAAP constituées sous la forme civile.
Les fonds propres disponibles sont quant à eux déposés au démarrage du chantier sur le compte de la société, via des comptes courants d’associés qui servent à gérer les appels de fonds. Les emprunts sont libérés au fur et à mesure de la construction au moyen des appels de fonds de la SCIA, sur présentation préalable des factures acquittées.
La solvabilité de la SAAP sera plus difficile à démontrer que celle de la SCIA. Même lorsque la première recourt à une forme civile, ses associés « ne répondent des dettes sociales à l’égard des tiers qu’à concurrence de leurs apports », puisque l’article L. 200-5 du Code de la construction et de l’habitation déroge à l’article 1857 du Code civil, auquel sont soumises les SCIA. On imagine assez bien que pour ce motif, un organisme prêteur est plus enclin à financer un projet porté par une SCIA que par une SAAP.
– En société coopérative d’habitants. – Le montant du capital social est généralement peu élevé afin que chacun puisse devenir coopérateur. Le financement est assuré directement par la société coopérative, qui va emprunter.
Conscient de la faiblesse du capital social et de la responsabilité limitée des associés, résultant comme pour les SAAP de l’article L. 200-5 du Code de la construction et de l’habitation, l’organisme prêteur exigera le plus souvent une caution solidaire de chacun d’eux.
Le prêt sera remboursé grâce à la fraction locative de la redevance mensuelle versée par les coopérateurs. Sous réserve de la faculté pour les personnes morales de louer les logements qui leur sont affectés, la loi ne permet pas aux coopérateurs de louer des logements réalisés en surnombre, privant ainsi la coopérative de loyers qui auraient pu accroître ses ressources financières.
Comme cela a été souligné, la SCH n’ayant pas pour objet de louer des logements à des tiers, elle n’est pas éligible à divers dispositifs, comme le prêt locatif social, sans le concours d’une personne morale en qualité d’associé, ainsi que cela est prévu à l’article L. 200-4, alinéa 2 du Code de la construction et de l’habitation.
La limitation du risque peut venir du fait d’une différence de solvabilité entre les associés eux-mêmes. Lorsque cela est possible, un associé coopérateur qui dispose d’un apport conséquent peut acquérir des parts, et le reste est apporté en compte courant d’associé, ce qui correspond à un prêt qu’il fait à la coopérative. Une convention de remboursement du compte courant sera alors indispensable, et soumise à un examen attentif du financeur.
Il a encore été imaginé la conclusion par la coopérative d’un bail à construction avec option d’achat du foncier au terme du contrat, ce qui permet d’étaler dans le temps le besoin de liquidités et de réduire d’autant le montant du prêt bancaire, qui ne portera alors que sur le bâti.
Ces montages, imaginés pour limiter les risques, sont assez marginaux pour pouvoir être utilisés de façon générale. Bien souvent, il sera préférable de faire entrer d’autres partenaires professionnels du logement, pour parvenir à financer le projet.

La convention de compte courant, expression de la solidarité dans les sociétés coopératives d’habitants

L’hypothèse est ici qu’un associé coopérateur dispose d’un apport conséquent. Il l’emploie en partie pour souscrire les parts d’une SCH, et lui apporte le reste en compte courant d’associé.

Quoiqu’elle ne soit pas obligatoire, la convention de remboursement du compte courant qui sera établie retiendra toute l’attention du financeur, qui s’attend évidemment à y trouver une convention de blocage par laquelle l’apporteur s’interdit de demander le remboursement de son compte courant avant un terme convenu.

On peut imaginer aussi que le coopérateur verse un loyer au prix de marché tandis que parallèlement le compte courant lui est remboursé aux mêmes échéances, la compensation s’opérant alors de plein droit, en totalité ou à due concurrence en fonction des montants respectifs. Ainsi le coopérateur participe par solidarité aux mensualités d’emprunt de la coopérative.

Le contrat qui définit les modalités du compte courant d’associé peut même prévoir des délais de remboursement en cas de départ du coopérateur, afin que la société puisse emprunter la somme due.

– Les dispositifs anti-spéculation. – Les groupes d’habitants qui partagent des valeurs telles que la solidarité entre habitants ont bien souvent envie de créer un habitat accessible à tous, détaché des démarches spéculatives. L’habitat participatif est alors vu comme un atout pour éviter la spéculation sur les logements.
Si aucun mécanisme n’est prévu pour les sociétés de construction traditionnelles, prévues par le Code de la construction et de l’habitation, « rien n’empêche les associés d’introduire dans les clauses de leurs statuts un mécanisme visant à éviter la spéculation sur la revente des logements. Néanmoins, eu égard à la nécessaire limitation dans le temps des clauses d’affectation, les parties ne disposent d’aucune garantie quant à l’application et la pérennisation de ces clauses ».
La loi Alur a innové pour les SCH, non pour les SAAP. Aux termes de l’article L. 201-5 du Code de la construction et de l’habitation : « Le prix maximal de remboursement des parts sociales des sociétés coopératives, en cas de retrait, est limité au montant nominal de ces parts sociales, augmenté d’une majoration dont le plafond est prévu dans les statuts. Ce plafond ne peut pas excéder l’évolution de l’indice de référence des loyers. Ce montant ne peut excéder le prix maximal de cession des parts sociales défini au premier alinéa du I du présent article ».
– Insécurité pour le banquier. – Le revers de la médaille est une atteinte au crédit de la société, « du fait de la liquidité limitée – encadrée – du bien ». Le financeur a, en effet intérêt à ce que l’objet du financement puisse prendre de la valeur, même si cette plus-value est peu importante.

S’impliquer dans la maîtrise d’ouvrage

– Avantage de la souplesse. – La maîtrise d’ouvrage participative comporte des avantages importants. Le groupe décide du programme, de la localisation du projet, de la typologie du bâti, choisit ses membres et ses prestataires et surtout économise la marge du promoteur et une partie des charges d’exploitation qui pourront être mutualisées. On est loin à première vue de la vente en l’état futur d’achèvement où les habitants ne pourront pas ou peu modifier des éléments du programme immobilier, le promoteur étant traditionnellement le pilote de l’opération.
– Inconvénient du manque de professionnalisme. – Mais cette maîtrise d’ouvrage comporte de nombreuses contraintes, qu’il faut bien avoir à l’esprit avant de se lancer. Elles sont liées au fait que le groupe d’habitants, non professionnel du secteur, est responsable du pilotage sur toute la durée du processus, en première ligne vis-à-vis des administrations (élus, services techniques…), responsable de la recherche et du portage du foncier, responsable de la concomitance des financements (mobilisation des fonds propres et emprunts de tous les membres), et responsable du chantier.
Sans maîtrise technique de ces sujets, le projet risque de ne pas voir le jour. Pour les non-professionnels, il conviendra au moins de s’impliquer pleinement et d’apprendre… à leurs risques et périls. Ce risque de voir la construction ne pas parvenir à son terme est de loin le plus important. Les cohabitants devront assumer cet aléa, et accepter de perdre, le cas échéant, les sommes qu’ils auront investies dans le projet, notamment si des entreprises font défaut (par ex. pour cause de faillite) ou si l’un des associés quitte l’aventure en cours de route, sans repreneur.
« Mais telle est la contrepartie de la liberté et de la maîtrise du projet offertes par les opérations d’habitat participatif ! ».
– Nombre minimal de logements attribués. – Pour limiter ces risques dans les SCCC, le législateur a prévu que la société ne peut entreprendre chaque tranche du programme prévu par les statuts que si le nombre des associés est au moins égal à 20 % du nombre total de logements et de locaux à usage commercial ou professionnel à construire dans la tranche considérée, et si le financement de la construction des lots non souscrits compris dans l’ensemble du programme, ainsi que leur souscription, sont garantis. Si ces conditions ne peuvent être remplies, une garantie d’achèvement devra être apportée avant le début du chantier.
– Problématique de la garantie d’achèvement. – La contrainte est encore plus forte dans les sociétés d’habitat participatif issues de la loi Alur, qui ont, en vertu de l’article L. 200-9 du Code de la construction et de l’habitation, l’obligation de justifier, avant tout commencement de travaux de construction, d’une garantie permettant de disposer des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.
Le décret du 24 octobre 2016 définit la nature et les modalités de cette garantie.
Cette garantie prend la forme d’une ouverture de crédit par laquelle le garant s’oblige à avancer à la société, durant les travaux de construction de l’immeuble, les sommes nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.
Elle couvre la défaillance :
  • de l’entreprise de construction. À cette fin, elle finance les coûts supplémentaires occasionnés lorsqu’il est nécessaire de recourir à une nouvelle entreprise. En revanche, elle ne concerne pas le promoteur ou le vendeur de l’immeuble à construire qui ont leur propre garantie ;
  • de l’associé en honorant, à sa place, les appels de fonds de la société destinés au règlement des travaux, dans l’attente de la cession de ses parts.
Cette ouverture de crédit est accordée par une banque, un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier, une entreprise d’assurance ou une société de caution mutuelle. Son montant et sa durée de six mois minimum sont fixés en fonction des risques encourus. Pour permettre leur évaluation, la société d’habitat participatif doit remettre au garant une liste minimale de pièces qui doit être fixée par un arrêté à paraître. Le dispositif de garantie sera alors pleinement opérationnel.
– Absence d’offre bancaire. – L’obligation d’apporter une garantie financière d’achèvement peut paraître à première vue sécurisante. On pense pouvoir résoudre ainsi un problème économique, mais encore faut-il trouver le garant, ce qui semble pour le moins difficile, comme l’a constaté, entre autres, le mouvement Habitat Participatif France. Aucun organisme financier privé n’accorderait aujourd’hui cette garantie en raison du trop faible nombre de projets et de la difficulté à évaluer le taux de sinistralité. Un grand nombre de démarches auraient été effectuées par le mouvement Habitat Participatif France auprès de banques ou d’organismes d’assurance, dans différents territoires français, mais sans résultat pour le moment.
Sans cette garantie, les sociétés d’habitat participatif sont dans l’impossibilité d’expérimenter l’autopromotion en pratique. Le groupe doit alors se tourner vers les sociétés classiquement reconnues, que sont notamment les SCIA, les SCCC, ou s’adresser à un promoteur qui, lui, pourra souscrire une garantie d’achèvement. Avec la loi Alur, l’intention du législateur était pourtant de « créer un cadre juridique garantissant une certaine sécurité sur le plan économique et financier pour les concepteurs de projets, qu’ils soient auto-promoteurs ou coopérateurs », mais les conditions d’application de cette garantie financière ne semblent pas encore réunies.
– Situation d’impasse. – Les SAAP sont les plus touchées par ce qui semble être une impasse, puisque l’objectif qui lui est assigné est de recourir à l’autopromotion. Le Livre blanc de l’habitat participatif proposait de lever la difficulté « en engageant par exemple une réflexion sur un fonds de garantie mutualisé pour l’habitat participatif ».
– Retour à la solution de la Vefa avec un esprit participatif. – Plusieurs solutions peuvent être envisagées pour les SCH désirant s’affranchir d’une totale autopromotion : elles peuvent négocier un projet d’habitat participatif avec un promoteur, signer ensuite une vente en l’état futur d’achèvement ou un contrat de promotion immobilière. Le constructeur devra alors fournir la garantie d’achèvement.
– Solution de l’union de coopératives ? – Il peut être créé des unions de coopératives, conformément à l’article 5 de la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération. Ainsi que le remarque Mme Vern : « À condition qu’un nombre suffisant de projets voient le jour, ce procédé permettrait de mutualiser certains risques et d’apporter des garanties supérieures à l’établissement auprès duquel la nouvelle coopérative d’habitants sollicite un crédit pour financer son projet ou pour apporter la garantie financière d’achèvement ».
Rajoutons que la situation peut être parfois assez paradoxale, puisque certains ne veulent pas de cette garantie d’achèvement. Ils considèrent que ce serait adhérer à un dispositif assurantiel, qui n’est pas dans leur philosophie. Un organisme avance de l’argent en cas de défaillance d’un constructeur ou d’un associé, mais se retournera au final contre le maître de l’ouvrage si besoin est. On peut lire par exemple que : « Le constat est donc toujours le même : nous nous protégeons contre nous-même et en plus il faut payer pour ça ! ».
Une discussion a été entamée entre l’association Coordin’action Nationale de l’Habitat Participatif, union de quatorze associations qui a pour objectif d’animer le mouvement de l’Habitat participatif en France, et la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) auprès du ministère de la Transition écologique. Les pistes suivantes seraient à l’étude :
  • relancer les assurances privées (mais en « dérisquant », en mettant un peu d’argent), avec une contre-garantie de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ;
  • supprimer l’obligation de souscrire une garantie financière d’achèvement pour les sociétés d’habitat participatif créées par la loi Alur.
– Problématique des assurances dommages. – Enfin, M. Zalewski observe que les articles consacrés aux sociétés d’habitat participatif « ne contiennent aucune indication quant aux responsabilités éventuelles et aux assurances construction ». Il s’agira d’appliquer les règles prévues par le législateur en matière de responsabilité des constructeurs et d’assurances construction.
Et encore une fois, il s’agira de convaincre un assureur de vouloir soutenir le projet, sauf à ce que les cohabitants se soient tournés vers la vente en l’état futur d’achèvement, puisque dans cette hypothèse, il revient au vendeur de souscrire à ces assurances.

Associer des partenaires pour sécuriser le financement

La mixité sociale et la production de logements abordables pour tous comptent parmi l’un des objectifs de l’habitat participatif. Pour les atteindre, plusieurs acteurs peuvent être mobilisés pour participer au financement, comme un bailleur social ou une collectivité. Des groupes d’habitants se tournent également vers des modes innovants de financement, dits « participatifs » ou crowdfunding, étudiés infra .
Marie-Noëlle Lienemann, Sénatrice de Paris et ancienne Ministre du Logement, fait remarquer que : « Le Mouvement HLM n’a pas attendu la loi Alur pour s’impliquer dans l’habitat participatif. Sans remonter à l’épopée des Castors au début des années 50, nombre d’organismes HLM ont su porter des projets originaux et innovants dans les années 80 » et souligne que la loi Alur a « conforté les organismes dans leur implication aux côtés des habitants et des élus locaux ».
La loi Alur a innové en permettant l’entrée de personnes morales dans une société d’habitat participatif, qu’elle revête la forme d’une SCH ou d’une SAAP. Conformément à l’article L. 200-3 du Code de la construction et de l’habitation, ces personnes morales ne peuvent détenir que 30 % du capital social.
Cette mesure s’adresse tout particulièrement aux bailleurs sociaux, qui disposeront alors d’un nombre de logements limitativement fixé en proportion de leur participation au capital social, ainsi que cela résulte de l’article L. 200-4 du Code de la construction et de l’habitation.
Jusqu’à présent, ils répugnaient en effet à participer à une SCIA en raison de l’évolution inéluctable de celle-ci vers le statut de la copropriété, auquel les bailleurs sociaux préfèrent à tout prix échapper.
Ce qui n’est pas le cas pour les SCH, qui prévoiront toujours une attribution en jouissance des logements, la société restant propriétaire de l’immeuble. Les SAAP peuvent également choisir ce mode de détention, qui permettra d’accueillir un bailleur social.
– Au lancement du projet. – Les cohabitants peuvent demander à un bailleur social de les accompagner, une fois le projet initié. Un projet d’habitat participatif peut naître directement de l’initiative d’un organisme HLM, qui repère un terrain et organise un appel à manifestation d’intérêt auprès du public.
– Dans la sélection des habitants. – Selon le mode de constitution du groupe, l’organisme est présent dans la sélection et l’intégration des habitants. Il participe à la communication sur le projet et sélectionne des candidatures selon des critères financiers : plafond de ressources, solidité financière…
L’organisme identifie avec les habitants éventuellement les statuts d’occupation des logements (accession, location, mixte…). Il assure le montage financier de l’opération dans le cadre de ses prérogatives, pour trouver un équilibre entre ses fonds propres et les emprunts qu’il contracte.
Les bailleurs ont mis en place, en accord avec les réservataires des logements sociaux, des processus de pré-attribution qui permettent de sécuriser les habitants candidats à la location sociale en phase amont du projet. Ces pré-commissions d’attribution des logements (pré-CAL) n’ont pas valeur légale, mais permettent aux différents réservataires de s’accorder sur la manière de traiter les attributions sur ces opérations spécifiques, d’une part, et de vérifier l’éligibilité des candidats à un logement social, d’autre part. Elles doivent être confirmées par une commission d’attribution des logements officielle qui se réunit quelques mois avant l’entrée dans les lieux. Différentes modalités ont été utilisées :
  • les attributions ont été effectuées sur proposition de l’association des habitants (dans le respect des critères sociaux et légaux), sans intervention du bailleur qui respecte les propositions des habitants ;
  • le maître d’ouvrage en tant que bailleur prévoit une pré-commission d’attribution des logements qui valide les candidatures des demandeurs éligibles ayant signé la charte et les règles de vie. Pour les renouvellements, il est mis en place des listes d’attente de candidats éligibles qu’il est convenu de proposer comme nouveau locataire au bailleur en cas de départ d’un membre, mais la faisabilité et les modalités n’ont pas encore été précisées.
– Dans l’assistance à la maîtrise d’ouvrage. – Une fois le noyau dur du groupe d’habitants constitué, l’organisme HLM intervient dans la programmation de l’opération, aux côtés des habitants et de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. À cette étape, il joue souvent un rôle de « garde-fou » dans les choix effectués par les habitants : il veille à la faisabilité de l’opération compte tenu de ses contraintes financières et techniques.
L’organisme suit les travaux, en tant que maître d’ouvrage de l’opération.
– Dans la gestion de l’immeuble. – Si le projet inclut du logement locatif social, l’organisme intervient dans la gestion de la résidence à la suite de la livraison. Selon les opérations, son périmètre d’intervention varie : entretien, petites ou grosses réparations, remplacement de composants, suivi des prestataires.
En accession, dans certaines opérations, les habitants vont gérer eux-mêmes la quasi-totalité de la résidence, dans d’autres, l’organisme pourra être syndic et rester impliqué.
– Dans la participation à un projet d’envergure. – La participation d’un bailleur social peut s’avérer particulièrement intéressante en zones tendues où nombre de projets ne pourraient voir le jour sans une assise financière plus importante, et surtout sans que leur coût ne soit diminué.
Pour permettre le développement des SCH, Mme Vern envisage la construction « d’un ensemble immobilier plus étendu dont un volume seulement serait réservé à la coopérative et le reste à la construction de logements sociaux classiques ». Le bailleur social apporterait la garantie financière d’achèvement pour la totalité de l’ensemble immobilier. « Pendant la durée de la coopérative, il disposerait de logements supplémentaires au titre de sa participation en qualité d’associé et, en cas de dissolution de celle-ci, le contrat pourrait stipuler qu’il récupère l’îlot et les constructions initialement destinés à la coopérative ».