Une nouvelle tendance : les investissements « de préservation »

Une nouvelle tendance : les investissements « de préservation »

– Philanthropie et protection de l'environnement. – Si l'on devait illustrer la tendance actuelle pour les actions philanthropiques en faveur de la préservation de notre planète, la vie de Douglas Tompkins, citoyen américain ayant fait fortune dans l'industrie textile, en serait l'exemple parfait. Ancien guide de haute montagne et membre de l'équipe américaine de ski alpin dans les années soixante, Douglas Tompkins fonde à la même époque la marque textile « The North Face » devenue aujourd'hui iconique, car ayant largement dépassé le public restreint des passionnés de sports d'altitude. Une fois fortune faite, il revend ses entreprises et consacre l'essentiel de sa fortune à l'acquisition de centaines de milliers d'hectares de terres dans l'extrême sud du continent américain, en Argentine et au Chili. L'objectif poursuivi est simple : préserver ces grands espaces de toute exploitation susceptible de nuire à la biodiversité et à leurs fonctions essentielles. Il œuvre donc, avec son épouse Kristin Tompkins (par ailleurs fondatrice de la marque textile non moins iconique « Patagonia »), pour la préservation de ces espaces et une transition du modèle économique de ces régions, passant de l'exploitation des terres à la mise en œuvre d'un écotourisme propre à générer des revenus de substitution pour les habitants de ces régions. Suite au décès de Douglas Tompkins en 2015, ses ayants droit et le Gouvernement chilien sont tombés d'accord pour que l'État recueille 400 000 hectares de terres acquises par ce dernier de son vivant, à charge pour les autorités de créer sur ces espaces des parcs nationaux protégés afin de les maintenir à l'écart de toute volonté d'exploitation susceptible de réduire les efforts consentis jusqu'ici.
Plus récemment, c'est une annonce majeure en la matière qui a été faite par un consortium de neuf fondations et œuvres de charité pilotées par quelques personnes à la tête de fortunes conséquentes : 5 milliards de dollars seront investis d'ici 2030 afin de financer la protection de 30 % des espaces terrestres et maritimes de la Terre.
Citons également l'exemple de ce couple danois, Anne et Anders Povlsen, devenus depuis quelques années les plus importants propriétaires fonciers d'Écosse, avec le projet de réhabiliter de grandes zones de la région des Highlands afin de les faire retourner à l'état sauvage.
– Une régulation nécessaire. – D'une part ces investissements, réalisés par des personnes privées, même motivées par les plus honorables raisons, ne peuvent suffire. D'autre part, ils ne peuvent être effectués en excluant totalement les pouvoirs publics de la gestion et du contrôle de l'usage de ces biens.
Toute politique de conservation des espaces naturels, de lutte contre le changement climatique et la chute de la biodiversité doit faire l'objet, dans un État démocratique, d'une délibération collective et d'une adoption par les pouvoirs législatif et réglementaire légitimes, dans le respect des dispositions constitutionnelles applicables à la matière. Par ailleurs, l'aménagement du territoire reste une prérogative de puissance publique, de même que la détermination de ce que doit être l'intérêt général.
Quelques personnes seulement, aussi fortunées soient-elles, ne peuvent pas tout faire, et chacun doit pouvoir agir à son niveau. Il faut donc également laisser la possibilité à des acteurs privés disposant de capacités financières « normales » d'investir eux aussi dans l'acquisition de parcelles foncières en vue de leur préservation, et donc créer les outils permettant de faciliter ces investissements.