Un dispositif ouvert à l'ensemble des entreprises

Un dispositif ouvert à l'ensemble des entreprises

– Indifférence de la forme d'exercice. – Le régime Dutreil s'applique aux transmissions d'entreprises individuelles comme sociétaires.
S'agissant des entreprises sociétaires, le régime de faveur s'applique quelle que soit la forme sociale retenue.
– Le dispositif pour les sociétés. – Pour ce qui concerne les sociétés, l'article 787 B du Code général des impôts réserve le bénéfice de l'exonération aux parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, c'est-à-dire aux sociétés ayant une activité opérationnelle ; observation étant ici faite que la doctrine fiscale précise que l'activité opérationnelle doit être exercée pendant toute la durée des engagements collectifs et individuels. Toutefois, elle admet qu'il puisse y avoir un changement d'activité pendant cette période sans que cela ne remette en cause le bénéfice du régime de faveur.
– Les activités exclues. – Sont donc logiquement exclues les sociétés dont l'activité consiste à gérer un patrimoine immobilier ou mobilier.
La frontière n'est pas nécessairement évidente pour certaines activités comme la location meublée et équipée. En effet, si l'article 35 du Code général des impôts les qualifie d'activités commerciales, ce qui avait amené la jurisprudence à reconnaître leur éligibilité au dispositif Dutreil, confortée par une tolérance fiscale, la dernière doctrine du Bulletin officiel des Finances publiques (BOFiP) publiée le 21 décembre 2021 exclut de son champ d'application les activités de location meublée d'habitation ainsi que les activités de location d'établissements commerciaux ou industriels munis de leurs mobilier et matériel.
En revanche, les locations meublées et équipées assorties de prestations de services devraient pouvoir être éligibles au dispositif Dutreil si elles constituent une véritable activité professionnelle pour le titulaire.
– Une activité opérationnelle « prépondérante ». – Une société peut avoir une activité opérationnelle mais aussi purement patrimoniale. Se pose alors la question de l'application du dispositif Dutreil à ce type de société. Ce point a fait l'objet d'évolutions de la part de l'administration sous la contrainte de la jurisprudence.
Dans sa dernière livraison datant du 21 décembre 2021, le BOFiP rappelle la réponse ministérielle Bobe et intègre la décision du Conseil d'État du 23 janvier 2020 qui indique que le caractère prépondérant de l'activité « s'apprécie en considération d'un faisceau d'indices déterminés d'après la nature de l'activité et les conditions de son exercice ».
Pour autant, les anciens critères de l'administration fiscale ne disparaissent pas des commentaires BOFiP puisqu'il est admis qu'à titre de règle pratique, une société qui exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale qui représente au moins 50 % de son chiffre d'affaires total et dont la valeur vénale de l'actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50 % de la valeur vénale de son actif brut total, soit considérée comme une activité prépondérante pour bénéficier du dispositif Dutreil.
Enfin, l'administration fiscale précise qu'au cours des engagements collectifs puis individuels, il peut y avoir abandon d'une activité et création ou acquisition d'une nouvelle activité, sans remise en cause du régime de faveur.
– Le statut de la holding animatrice de groupe. – Si l'activité financière des sociétés holding les exclut en principe du champ d'application de l'exonération partielle, il n'en est pas de même pour les sociétés holdings animatrices de leur groupe.
C'est un euphémisme que de dire que ce sujet a fait couler et fait encore couler beaucoup d'encre.
Si l'administration fiscale reconnaît l'éligibilité de la holding animatrice de groupe au dispositif Dutreil dans ses commentaires, la difficulté vient de sa définition. En effet, aucune définition légale n'existe de la holding animatrice de groupe. Sa construction résulte de la doctrine fiscale et de la jurisprudence, relativement abondante depuis ces dernières années.
Dans ses derniers commentaires, l'administration fiscale nous indique que les sociétés holdings animatrices de groupe éligible au dispositif Dutreil sont celles qui, « outre la gestion d'un portefeuille de participations, ont pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale ».
À titre subsidiaire mais non indispensable pour la qualifier d'animatrice, la société holding pourra en interne pour ses filiales, « rendre des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».
Afin de rendre plus facile la preuve du caractère animateur de la société holding, l'administration précise que :
« Le caractère principal de l'activité d'animation de groupe d'une société holding doit être retenu notamment lorsque la valeur vénale des titres de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale représente plus de la moitié de son actif total.
Sous réserve de satisfaire à ces conditions, les sociétés holdings animatrices peuvent être assimilées aux sociétés qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale » .
Comme pour l'activité opérationnelle, le caractère animateur de la société holding doit perdurer pendant toute la durée des engagements collectif et individuel. Il doit être prépondérant mais non exclusif, comme pour une société opérationnelle.

La holding animatrice existe-t-elle ?

Pour des critères objectifs permettant de définir une holding animatrice de groupe.
Comme nous l'avons dit, la holding animatrice de groupe est une construction de la pratique. On voit apparaître cette notion pour la première fois en 1978 à l'occasion d'une instruction sur la réévaluation légale des immobilisations au bilan des groupes intégrés. Mais ce n'est qu'à partir de 1981 et de l'instauration de l'impôt sur les grandes fortunes (IGF) que l'administration fiscale fera véritablement la distinction entre la holding passive, soumise à l'IGF, et la holding animatrice, exclue de l'IGF comme étant considérée comme un outil professionnel.
Depuis, cette notion s'est considérablement développée et a été reprise par de nombreux dispositifs, dont le dispositif Dutreil.
La difficulté est venue du fait qu'en l'absence de définition légale et jurisprudentielle, le contribuable s'est trouvé confronté à des interprétations de la notion de holding animatrice qui n'ont cessé d'évoluer dans les commentaires de l'administration.
Depuis maintenant une dizaine d'années, un contentieux abondant, tant auprès du Conseil d'État que de la Cour de cassation, a commencé à définir les critères pour qualifier une société de holding animatrice de groupe. On voit aussi que l'administration ne se rallie pas toujours à cette jurisprudence et continue parfois à avoir des critères d'exigence qui n'ont aucun fondement légal ou jurisprudentiel.
Il y a quelques années, l'administration avait proposé un projet d'instruction avec une définition de la holding animatrice de groupe ; ce projet n'a finalement jamais été intégré dans la documentation BOFiP.
Nous en sommes donc aujourd'hui au stade ou la définition de la société holding animatrice de groupe dépend de la jurisprudence et de la doctrine fiscale. Il en résulte donc une certaine instabilité.
Il serait donc souhaitable que l'ensemble des praticiens, avec l'administration fiscale, puissent s'entendre sur des critères objectifs qui, s'ils étaient remplis, permettraient de considérer la société comme holding animatrice de son groupe.
Ces critères pourraient être notamment les suivants :
  • que les sociétés opérationnelles détenues par la société holding représentent en valeur vénale plus de 50 % de la valeur vénale de la société holding ;
  • que pour ce ratio de 50 %, soient incluses, en plus des sociétés opérationnelles, les sociétés civiles détenant de l'immobilier affecté aux sociétés du groupe ;
  • que les sociétés opérationnelles rentrant dans le ratio de 50 % soient contrôlées par la société holding au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce ;
  • que la société holding dirige effectivement les sociétés opérationnelles entrant dans le ratio de 50 %.
Si l'on souhaite un régime clair, lisible et sûr, il conviendra de limiter les critères d'appréciation.
– La société interposée. – Si le donateur ou le défunt ne détient qu'une société holding non animatrice, qui elle-même détient la société opérationnelle, il pourra bénéficier du dispositif Dutreil selon le régime dit « d'interposition ».
Comme nous l'avons vu ci-dessus, l'engagement Dutreil ne peut porter que sur une société opérationnelle ou bien une société holding animatrice de son groupe. En présence d'une société holding non animatrice, c'est celle-ci qui prendra un engagement de conservation qui portera sur les titres de sa fille, avec un ou plusieurs autres associés, et ce en respectant la quotité minimale de titres vue ci-dessus.
Ce schéma pourra être mis en place en présence de deux niveaux d'interposition, c'est-à-dire en présence de deux holdings non animatrices.
Après des hésitations issues des commentaires publiés le 6 avril 2021, l'administration dans ses derniers commentaires du 21 décembre 2021 a retiré l'obligation pour le donateur de détenir un titre soumis à engagement dans chacune des sociétés cibles objet de l'engagement Dutreil.
Ainsi, une société holding peut prendre un engagement de conservation unilatéral sur sa fille ; restera à trancher la question de la fonction de direction, dans la mesure où un membre du pacte ou un bénéficiaire de la transmission devra exercer une fonction de direction pendant la période d'engagement collectif et durant les trois ans suivant la date de la transmission.
En pratique, cela imposera soit que la société holding exerce la fonction de direction au sein de la société opérationnelle sur laquelle porte l'engagement Dutreil, sans pour autant remplir le critère de l'animation, soit qu'un associé de la société opérationnelle fasse partie de l'engagement collectif et remplisse la fonction de direction.