Les obligations du vendeur de l'immeuble achevé

Les obligations du vendeur de l'immeuble achevé

– Plan. – Le vendeur d'un immeuble achevé, qu'il soit professionnel ou simple particulier, est principalement soumis à deux obligations : l'obligation de délivrance, d'une part (Sous-section I), et l'obligation de garantie, d'autre part (Sous-section II).

Obligation de délivrance

Définition. – L'article 1604 du Code civil définit la délivrance comme « le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ». Cette obligation de délivrance est double : l'immeuble doit non seulement faire l'objet d'une remise (§ I), mais aussi être conforme à ce qui a été convenu aux termes du contrat (§ II). L'inexécution de ces obligations sera génératrice de sanctions, certaines classiques, d'autres nouvellement introduites par l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (§ III).

La remise de l'immeuble

– Plan. – De façon plus précise en matière immobilière, l'article 1605 du Code civil précise que l'obligation de délivrance est « remplie de la part du vendeur lorsqu'il a remis les clefs, s'il s'agit d'un bâtiment, ou lorsqu'il a remis les titres de propriété ». Cette obligation de délivrance doit s'analyser, tout d'abord, selon son contenu (A), puis selon ses modalités d'exécution (B).

Le contenu de l'obligation de délivrance

– Une obligation aménageable. – Tout d'abord, il convient de rappeler que les règles de l'article 1605 du Code civil ne sont pas d'ordre public, mais bien supplétives de la volonté des parties. Il sera par conséquent tout à fait loisible d'y déroger. Néanmoins, si le mode de délivrance peut être laissé à la libre disposition des parties, cette délivrance constitue bien une obligation impérative à la charge du vendeur. Cette obligation de remise de l'immeuble va principalement revêtir deux aspects : tout d'abord l'état du bien, mais également ses accessoires.
L'état du bien
– Dualité de la notion. – La notion d'état du bien recouvre un double aspect que nous pourrions qualifier de juridique, d'une part, et de matériel, d'autre part.
– L'état du bien : un aspect juridique. – Le vendeur doit délivrer un bien libre de toutes charges et hypothèques, ce qui signifie que ce dernier devra rapporter mainlevée des éventuelles inscriptions existantes. En outre, l'immeuble, si cela en a été convenu ainsi, doit être délivré, libre de toute occupation. Donc, outre la purge éventuelle de la situation locative, le vendeur s'interdit également, durant la période contractuelle, de concéder le moindre droit d'occupation à quiconque et sous quelque régime que ce soit.
– L'état du bien : un aspect matériel. – Selon l'article 1614 du Code civil, la chose doit être remise dans l'état dans lequel elle se trouve au moment de la vente. En droit positif, ce moment est défini comme celui de la rencontre des consentements sur la chose et sur le prix. Or, dans le cas d'une vente immobilière, il va s'écouler de longues semaines, voire plusieurs mois avant que le transfert de propriété et la délivrance ne s'opèrent. Le vendeur, débiteur de cette obligation de délivrance, est donc tenu de « la conserver jusqu'à la délivrance, en y apportant tous les soins d'une personne raisonnable ». De même le vendeur doit, s'il occupait lui-même les lieux, les délaisser afin de permettre à l'acheteur de les occuper. Il devra en outre répondre de l'occupation sans droit ni titre, et faire évacuer les lieux à ses frais le cas échéant.
  • un trouble de jouissance puisque le propriétaire ne peut plus librement disposer de son bien ;
  • une perte financière, notamment dans le cadre de la vente d'immeuble puisque l'obligation de délivrance du vendeur ne pouvant être exécutée, l'acquéreur peut parfaitement suspendre le paiement du prix, arguant de l'exception d'inexécution ainsi que nous le verrons plus loin ;
  • et enfin un risque de mise en cause de la responsabilité civile du propriétaire, celui-ci restant responsable des dommages causés par la ruine du bâtiment.
– L'obligation de délivrance à l'épreuve de l'occupation sans droit ni titre. – Sur ce point, la question parfois délicate de l'occupation illégale de l'immeuble entre la signature de l'avant-contrat et celle de l'acte définitif a pris ces derniers temps un regain d'actualité. Certains faits récents ont en effet pu largement émouvoir l'opinion publique, contraignant ainsi les pouvoirs publics à intervenir dans le débat et faire évoluer les textes normatifs en la matière. Notons toutefois que la question avait déjà été tranchée par la jurisprudence : en cas d'entrée en jouissance par la perception des loyers, le vendeur manque à son obligation de délivrance si l'occupant de l'immeuble objet de la vente n'est pas locataire régulier et doit donc être considéré comme occupant sans droit ni titre. L'occupation illégitime constitue donc :

Libération de l’immeuble squatté : comment faire

La cause de l'occupation illicite de l'immeuble peut être double : occupant légitime ne libérant pas les lieux à l'expiration de son titre, ou introduction illicite d'occupants ab initio. Pour parvenir à la libération des lieux, il faut distinguer selon que le bien constitue ou non le domicile de la victime de l'occupation illégale, c'est-à-dire l'occupant régulier.
1) Occupation illicite d'un immeuble constituant le domicile de l'occupant régulier
C'est dans ce cas, et uniquement dans ce cas, qu'une libération rapide des lieux, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une décision judiciaire, est possible. Le fondement juridique de cette procédure sera la constatation de violation de domicile.
Les textes applicables :
C. pén., art. 226-4 (Mod. par L. no 2015-714, 24 juin 2015) : « L'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni [sic] d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Le maintien dans le domicile d'autrui à la suite de l'introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines ».
L. no 2007-290, 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable, art. 38 (Mod. par L. no 2020-1525, 7 déc. 2020) : « En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui, qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l'intérêt et pour le compte de celle-ci peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire.
La décision de mise en demeure est prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général peuvent amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur.
La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l'auteur de la demande.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition de l'auteur de la demande dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure ».
De l'application conjuguée de ces textes, il résulte que pour obtenir une libération rapide sans décision judiciaire des lieux occupés illégalement, trois conditions doivent être réunies :
  • une occupation illicite ab initio :
  • des locaux affectés à l'usage actuel de domicile personnel ou professionnel :
  • dénonciation de l'occupation illicite dans un délai très bref :
  • la flagrance est définie dans le cadre de l'article 53 du Code de procédure pénale, et répond à la notion de « temps très voisin de l'action ». Même s'il n'existe pas de délai précis dans la loi, l'usage est généralement de retenir un délai de quarante-huit heures pour déposer plainte et donc initier la procédure d'expulsion ;
  • mise en œuvre de la procédure d'expulsion :
Depuis le 1er février 2022, la procédure a évolué et dorénavant l'huissier de justice pourra prendre en charge le dossier du propriétaire victime de squats. Il pourra dorénavant constater l'occupation illégale du logement sans intervention d'un officier de police judiciaire et accompagnera le propriétaire dans son dépôt de plainte.
2) La libération de l'immeuble objet d'occupation illicite ne pouvant être qualifié de domicile
Dans tous les autres cas que celui exprimé ci-dessus, une procédure judiciaire sera le passage obligé pour obtenir la libération des lieux.
  • Le propriétaire ou l'occupant victime de l'occupation illégale devra alors :
  • Le propriétaire devra également faire le choix de la procédure la plus judicieuse :
  • Les délais :
  • Voies de recours : l'occupant peut contester le principe même de la décision par la voie d'appel dans un délai de quinze jours de la signification du référé, ou d'un mois à compter de la signification du jugement au fond.
La délivrance des accessoires de la chose
– Éléments constitutifs. – Un bien immobilier est aussi constitué d'accessoires. Àce titre, l'obligation de délivrance porte également sur « les accessoires et tout ce qui a étédestiné à son usage perpétuel ». L'avant-projet de réforme des contrats spéciaux porté par l'Association Henri Capitant vient, dans son article 5, conforter ce principe : « Le débiteur de la délivrance doit mettre le bien et ses accessoires à la disposition du créancier ». Ces accessoires pouvant s'entendre assez largement, il convient de se focaliser sur certains points sensibles.
– Les fruits. – En principe, l'acquéreur a droit aux fruits du bien objet de la vente à compter du jour de la vente. L'obligation de payer le prix par l'acquéreur découle d'ailleurs de l'exécution complète par le vendeur de son obligation de délivrance. Là encore, on ne peut que constater la difficulté résultant du principe du consensualisme de l'article 1583 déjà évoqué : en théorie, les fruits générés par l'immeuble objet de la vente sont acquis dès la naissance de l'accord sur la chose et sur le prix. La rédaction d'un avant-contrat synallagmatique doit donc s'avérer extrêmement rigoureuse, et prévoir de manière précise la date de transfert de propriété du bien et de ses accessoires. Il s'agira donc, malgré le constat du caractère parfait de la vente, de repousser à la date de signature de l'acte définitif les effets du contrat de vente (transfert de propriété et entrée en jouissance dans ce cas précis).
– Les immeubles par destination. – Partie de l'immeuble, ces meubles devenus immeubles forment des accessoires de l'immeuble vendu et doivent donc faire l'objet d'une délivrance à l'acquéreur. En pratique, plus que l'existence de ce type de biens se pose la question de leur qualification au regard notamment de la fiscalité applicable à leur cession : rappelons ici que la cession des meubles meublants comme accessoires de l'immeuble (ainsi définis contractuellement entre vendeurs et acquéreurs) n'est pas comprise dans l'assiette de calcul des droits de mutation à titre onéreux.
– Qualification. – Mais encore faut-il qu'ils ne puissent pas être requalifiés comme immeubles par destination par l'administration fiscale. Laquelle, en l'état actuel, ne propose pas de définition particulière de ces immeubles. Il faut donc s'en remettre à la définition commune : il s'agit de meubles par nature, affectés à un immeuble, avec lequel ils constituent une même entité physique, économique et juridique. Il convient également de rappeler au rédacteur qui aurait un doute sur la qualification du bien, les termes de l'article 525, alinéa 1 du Code civil : « Le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés et détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés ».
– Prudence rédactionnelle. – Ne saurait donc être considéré comme meuble meublant un bien répondant à la définition d'immeuble par destination. Àtitre d'exemple, le cas le plus courant de la « cuisine équipée » vendue avec la maison ou l'appartement doit donc faire l'objet de toute l'attention du rédacteur quant à la manière dont celle-ci a été conçue et installée. Et il convient d'avoir toujours à l'esprit que, d'une manière générale, ne sont pas compris dans la vente les objets qui peuvent être facilement enlevés sans causer de dégradation à l'immeuble, ou qui n'y ont pas été placés à perpétuelle demeure.

L’état de la jurisprudence en matière d’immeuble par destination comme accessoire de la vente d’immeuble d’habitation

1) Sont notamment compris dans la vente et constituent donc des immeubles par destination :
  • Éléments décoratifs : cheminées de style d'un château (CA Bourges, 3 déc. 1902 : DP 1903, 2, p. 144) ; carreaux de faïence garnissant les murs d'une cuisine (CA Paris, 2e ch. B, 21 juin 2001 : JurisData no 2001-149807. – CA Lyon, 1re ch. civ., 3 oct. 2002 : JurisData no 2002-187262) ; ou encore une bibliothèque masquant les murs de la pièce et construite aux dimensions exactes de celle-ci (Cass. 1re civ., 5 mars 1991, no 89-14.626 : JurisData no 1991-000645 ; D. 1991 somm. p. 304, obs. Robert ; Defrénois 1991, art. 35062, obs. H. Souleau) ; des plaques de cheminée faisant corps avec celle-ci (CA Poitiers, 23 avr. 1968 : JCP N 1969, II, 15857).
  • Éléments d'équipements : les chauffe-eaux et leurs accessoires : (CA Paris, 3e ch. A, 25 mai 1999 : JurisData no 1999-023115) ; un adoucisseur d'eau (CA Angers, 1re ch. A, 10 oct. 2000 : JurisData no 2000-142794) ; les convecteurs électriques s'ils sont indissociablement liés à l'immeuble et ne peuvent être enlevés sans porter atteinte à son intégrité (Cass. 3e civ., 23 janv. 2002 : JurisData no 2002-012678 ; JCP N 2002, no 49, p. 1690, note H. Périnet-Marquet ; D. 2002, p. 2504, obs. N. Reboul-Maupin).
  • Chauffage et sanitaire : les appareils sanitaires d'une salle de bains (Cass. 1re civ., 18 juin 1963 : Bull. civ. 1963, I, no 327) ; l'installation de chauffage central (Cass. civ., 19 mars 1957 : Rev. loyers 1957, p. 316).
  • Cuisine : la cuisine intégrée dont la plupart des éléments ont été scellés au mur, spécialement conçus pour la pièce les recevant, et qui ne peuvent être détachés sans altération de leur substance (CA Grenoble, ch. urg., 22 nov. 1994 : JurisData no 1994-050101. – CA Chambéry, 1re ch. civ., 31 mai 2005 : JurisData no 2005-279929).
2) Ne peuvent, sauf convention contraire, être compris dans la vente car constituant des biens meubles :
  • Éléments décoratifs : des tentures appuyées ou attachées au mur et qui peuvent être retirées sans aucune détérioration (Cass. req., 19 oct. 1896 : DP 1897, 1, p. 15) ; un tableau fixé au mur qui peut être aisément détaché (CA Lyon, 23 déc. 1980 : D. 1982, p. 182, obs. A. Robert).
  • Éléments d'équipement : l'antenne de télévision (CA Angers, 1re ch. A, 10 oct. 2000 : JurisData no 2000-142794) ; des radiateurs électriques simplement vissés pouvant être enlevés sans détérioration (Cass. 1re civ., 7 juill. 1981 : D. 1983, p. 13, obs. A. Robert).
  • Cuisine : des éléments préfabriqués fixés au mur par des crampons et pouvant en être aisément détachés (CA Dijon, ch. civ. B, 11 janv. 2005 : JurisData no 2005-264841) ; des équipements ménagers de cuisine constitués de meubles standards fabriqués industriellement (Cass. 3e civ., 8 juin 1982 : D. 1983, p. 370, obs. A. Robert).
  • Éléments divers : un mobil home qui n'a pas perdu ses éléments de mobilité (CA Orléans, 2e ch. civ., 24 sept. 1996 : JurisData no 1996-045089) ; du matériel de jardin placé sur une propriété d'agrément (CA Versailles, 12e ch., 1re sect., 22 janv. 1998 : JurisData no 1998-040467).
– Les droits réels attachés. – Sont concernés ici les différents droits réels attachés au fonds, tel par exemple le bénéfice de servitudes actives grevant un fonds voisin (ce peut être le cas notamment d'un droit de passage ou d'un droit de puisage). On peut également citer le droit d'eau formant l'accessoire d'un moulin, ou bien encore le droit d'usage d'une source se trouvant sur fonds voisin qui servait à l'irrigation du bien vendu à l'époque de sa vente.
– Autorisations et documentations attachées à l'immeuble. – Il s'agit ici, en premier lieu, du permis de construire. En effet, cette autorisation administrative d'occupation du sol possède incontestablement un caractère réel, étant attachée à l'immeuble et non à la personne qui en est titulaire. Par conséquent, si la vente intervient avant la réalisation des travaux de construction et que le permis a été délivré au vendeur, il doit être transféré à l'acquéreur. Ce transfert découlera d'une décision de l'autorité administrative ayant délivré le permis, statuant sur une demande déposée par le vendeur pétitionnaire initial. Du reste, le notaire en charge de la rédaction de l'acte de vente engage sa responsabilité s'il n'a pas vérifié la réalité de ce transfert. Par ailleurs, le transfert du permis de construire entraînant le transfert des taxes liées à cette autorisation administrative, il faut également penser à informer de manière exhaustive l'acquéreur bénéficiaire de ce transfert qu'il devient également débiteur de ces taxes. Et il faut également préciser que ce transfert des taxes découlant de l'autorisation administrative ne constitue pas une charge augmentative du prix.
– Documentation technique relative à l'immeuble achevé. – Concernant la vente d'un immeuble achevé, le contrat devra, dans la mesure du possible, prévoir la remise du permis de construire, de sa demande, de ses documents subséquents : déclaration d'achèvement et de conformité des travaux, permis modificatif, déclarations préalables en cas de travaux mineurs complémentaires. Il s'agit, en effet, de confirmer l'existence légale des constructions édifiées sur le terrain. Cette documentation comprendra également l'ensemble des éléments permettant à l'acquéreur de faire valablement valoir ses droits à l'avenir et de ne pas méconnaître l'usage de son bien : règlements de copropriété, cahier des charges de lotissement, statuts d'association syndicale libre (ASL) ou d'association foncière urbaine libre (Aful), bornages contradictoires, etc.
Le rôle du notaire à ce stade de l'exécution du contrat est donc fondamental à double titre : tout d'abord pour l'information de l'acquéreur, mais également pour rappeler au vendeur l'étendue de son obligation de délivrance.
En cas d'impossibilité de réunir l'intégralité de ces pièces, il convient alors d'attirer spécialement l'attention de l'acquéreur sur ce point de manière à lui permettre de prendre conscience du défaut d'information, mais également du vendeur sur l'exécution incomplète de son obligation de délivrance.
– Une obligation potentiellement très large. – Plus généralement, l'obligation de délivrance peut concerner des éléments très divers, dont il serait ici illusoire de prétendre faire un inventaire exhaustif. Citons néanmoins quelques exemples : obligation de délivrer un équipement indispensable, des droits et actions du vendeur contre le constructeur, ou encore des droits d'exploitation portant sur une parcelle de vignes. Là encore, seul un examen exhaustif et préalable des titres de propriété du vendeur, des travaux réalisés par lui, ou encore de l'exploitation qu'il a tirée de l'immeuble permettra au notaire rédacteur de s'assurer de la bonne exécution de l'obligation de délivrance.

Obligation de délivrance du vendeur et responsabilité notariale

Au-delà des obligations du vendeur, et donc au premier chef celle de délivrer l'immeuble, le notaire chargé d'établir l'acte de vente engage principalement sa responsabilité, vis-à-vis de l'acquéreur, sur la base de son devoir de conseil. Sur ce point précis la Cour de cassation, par un arrêt de la troisième chambre civile du 11 septembre 2013, constatant le manquement par le vendeur à son obligation de délivrance, a également condamné le notaire ayant dressé l'acte de vente au titre du manquement à son devoir de conseil vis-à-vis de l'acquéreur. Il s'agissait d'une vente d'un bien immobilier à usage d'hôtel transformé en immeuble à usage d'habitation sans qu'un permis de construire autorisant ce changement de destination n'ait été délivré. Et ce alors même que la problématique de l'autorisation d'urbanisme avait fait l'objet d'échanges spécifiques entre les parties, et également d'une consultation Cridon écrite. Selon les termes de l'arrêt, le notaire aurait dû spécialement attirer l'attention de l'acquéreur sur les risques qu'il encourait en s'engageant alors qu'il existait des doutes sur le changement de destination.

Les modalités de la délivrance

– Nature de la délivrance. – Si le transfert de propriété se réalise la plupart du temps de manière automatique (selon l'article 1583 du Code civil), il n'en est pas de même de la délivrance du bien. Il convient de rappeler que délivrance et transfert de propriété doivent être distingués, comme procédant de deux natures différentes. Si le transfert de propriété se définit comme un effet du contrat, la délivrance constitue le transfert de la détention du bien du vendeur à l'acheteur. Cette délivrance peut s'opérer de façon légale (I) ou d'une façon convenue par les parties (II).
La délivrance selon le Code civil
– Le principe de la remise d'éléments matériels. – L'article 1605 du Code civil définit la délivrance comme la remise par le vendeur à l'acquéreur des clés, s'il s'agit d'un bâtiment, ou des titres de propriété, s'agissant d'un immeuble non bâti.
  • le transfert de la perception des loyers ;
  • la transmission d'une action à l'encontre du locataire en place qui n'aurait pas respecté l'ensemble des obligations attachées au bail, voire à l'encontre de l'occupant sans titre.
Concernant la remise des clés, les innovations techniques récentes ont permis la confection de clés dont la reproduction doit s'accompagner de la présentation d'une carte de propriété. Dans un tel cas, la fabrication d'une clé nouvelle n'est possible qu'auprès du fabricant ou d'un revendeur spécialisé, avec la présentation de la carte de propriété contenant le code attaché à la clé initiale. Si l'immeuble vendu est équipé d'une telle serrure, et que le vendeur en détient les clés, il devra donc également remettre à l'acquéreur la carte lui permettant de faire reproduire cette clé. Si seule la clé est remise, sans la carte de propriété, il est selon nous possible de considérer que l'exécution par le vendeur de son obligation de délivrance ne serait alors que partielle.
– La remise des clés. – Cette obligation n'est pas constituée si le vendeur lui-même ne détient pas les clés. De même dans le cadre d'une vente d'un immeuble loué, l'acquéreur, créancier de l'obligation de délivrance, ne saurait reprocher au vendeur un manquement à son obligation à ce titre : il convient alors de constater la délivrance par d'autres moyens, par exemple :
– La remise des titres. – Cette notion doit s'entendre dans un sens large. En effet, par titre, il faut comprendre, outre le titre de propriété constatant le transfert de propriété au vendeur, et donc la réalité de son droit, les titres antérieurs, et le cas échéant, les plans de construction, le procès-verbal de bornage contradictoire s'il existe, etc.
Ces modalités de délivrance ne sont toutefois que supplétives, les parties peuvent parfaitement convenir d'autres modalités.
La contractualisation de la délivrance
– Liberté des conventions. – Le caractère supplétif de l'article 1605 du Code civil ne faisant aucun doute, les parties peuvent parfaitement s'entendre sur d'autres modalités de mise à disposition du bien au profit de l'acquéreur, même si dans la majeure partie des cas concernant la vente d'immeubles bâtis, la remise des clés sera choisie.
En outre, les parties peuvent également décider de l'époque de la délivrance, mais il convient dès lors d'encadrer, dans le cas d'une délivrance différée du transfert de propriété, les conditions de la remise et de prévoir une sanction à l'égard du vendeur ne respectant pas son obligation. Par ailleurs, les précautions à prendre à cet égard se doublent d'un aspect fiscal : la jouissance différée constitue une charge augmentative du prix soumise à la perception de droits de mutation à titre onéreux : elle doit donc être évaluée.
– Les évolutions à envisager. – L'avant-projet de réforme des contrats spéciaux élaboré par l'Association Henri Capitant ne modifie pas sensiblement le régime de l'obligation de délivrance.
Toutefois, l'alinéa 3 de l'article 5 de cet avant-projet propose une innovation, déjà connue de la pratique notariale dans le cadre de la vente d'immeuble à construire : en cas d'inexécution ou d'exécution imparfaite de l'obligation de délivrance, le créancier peut émettre des réserves lors de la réception ou refuser de réceptionner le bien, de l'enlever ou d'en prendre livraison, sans préjudice de la mise en œuvre des mesures prévues à l'article 1217 du Code civil.
En matière immobilière, est-ce à dire qu'outre la signature de l'acte de vente, les parties devront en sus établir un procès-verbal de réception ou de livraison, lequel serait alors susceptible de contenir des réserves formulées par l'acquéreur ? Cela signifierait que si des réserves sont prononcées, il faudrait alors prévoir, a minima, un délai pour les lever et la manière de le constater. Par un nouveau procès-verbal ? On ne peut pas dire que cela serait susceptible de réduire la potentielle conflictualité de l'opération, notamment en raison de la différence de vues pouvant exister entre le vendeur et l'acquéreur sur la notion même de délivrance ou de réserve.
La solution pourrait se trouver dans la rédaction de l'acte de vente, et dans une réception concomitante à la signature de l'acte : en effet, généralement vendeurs et acquéreurs effectuent préalablement à la signature de l'acte une dernière visite de l'immeuble objet de la vente. L'acte pourrait alors contenir une clause spécifique constatant l'exécution formelle de l'obligation de délivrance (au sens strict de la remise de l'immeuble, à l'exclusion de toute reconnaissance de la bonne conformité à la chose convenue) du vendeur. Cette clause pourrait être rédigée de la manière suivante :
Cette clause ne devrait, à notre sens, couvrir le respect de l'obligation de délivrance du vendeur que dans son aspect matériel consistant en la remise du bien à l'acquéreur. En effet, cette obligation ne se résume pas à la remise du bien entre les mains de l'acquéreur. Elle contient également une obligation de délivrance conforme de l'immeuble.

Constat de la délivrance des biens objet de la vente

L'Acquéreur déclare avoir été en mesure de procéder le (date de la dernière visite contradictoire) à une dernière visite du bien objet des présentes en présence du Vendeur, et qu'il a pu constater :
  • la parfaite libération des lieux par le Vendeur, l'état identique du bien vendu à la désignation établie aux termes de l'avant-contrat, et la présence dans l'immeuble de l'ensemble des meubles meublants dont il était convenu qu'ils faisaient partie de la vente ;
  • le bon fonctionnement des équipements nécessaires à l'usage du bien tel que défini ci-dessus au paragraphe « Désignation des biens vendus » ;
  • la remise de la documentation technique afférente à l'immeuble vendu, savoir :
(…)
En conséquence, l'Acquéreur déclare accepter la délivrance des biens objet des présentes sans aucune réserve à l'égard du Vendeur.

La conformité de l'immeuble

– Définition. – La notion de conformité de l'immeuble vendu doit s'entendre comme la parfaite identité entre la chose convenue et la chose livrée. Autrement dit, il y aura non-conformité lorsque la chose livrée n'est pas précisément celle qui a été convenue dans le contrat.
La conformité est à distinguer du défaut de la chose. De manière générale, le défaut de conformité est, de par sa nature même, distinct du vice caché. Le vice est un défaut qui porte sur une qualité de la chose. Certes, la différence peut parfois être ténue, mais il convient de rappeler cette différence, car agir en défaut de conformité n'est pas la même chose qu'agir en garantie. Il en est ainsi en matière de prescription : alors que l'action en défaut de conformité relève du délai de droit commun et se prescrit aux termes du délai de cinq ans à compter de la vente, l'action en garantie des vices cachés se prescrit, quant à elle, par deux ans à compter de la découverte du vice.
Enfin l'obligation de délivrance conforme est d'ordre public, et un vendeur, quel qu'il soit, ne saurait s'en exonérer, à la différence de la garantie des vices cachés qui n'est que supplétive de la volonté des parties, dès lors que le vendeur n'est pas assimilé à un professionnel de l'immobilier.

L'obligation de délivrer un immeuble conforme

– Contenu de l'obligation. – La notion de conformité de l'immeuble revêt une large dimension qui sera à chaque fois définie par les termes de la vente. C'est-à-dire, d'une part, par la désignation de l'immeuble dans le contrat et, d'autre part, par l'usage que l'acquéreur entend faire du bien. Si le contentieux lié à la délivrance conforme recouvre une certaine diversité, son évolution récente traduit de nouvelles obligations pour le praticien. Au-delà des difficultés habituelles (I), le contentieux se développe aujourd'hui autour de la notion de pollution (II).
Le contentieux courant de la conformité du bien
– Délivrance conforme et usage. – Si le contrat de vente, outre la désignation du bien, définit également son usage, le respect de l'obligation de délivrance sera jugé au regard de la manière dont l'acquéreur pourra user de son bien conformément aux indications de l'acte. Chaque différence constatée entre la chose livrée et les stipulations du contrat constitue, pour l'acquéreur créancier de l'obligation de délivrance conforme, un motif pour agir contre le vendeur. Il apparaît donc essentiel pour le notaire rédacteur de prévenir ces difficultés par une connaissance aussi parfaite que possible à la fois de la consistance du bien objet de la vente et des intentions de l'acquéreur.
Il existe à ce titre un grand nombre de décisions jurisprudentielles sanctionnant un défaut de délivrance conforme. Quelques exemples :
  • si l'usage prévu au contrat n'est pas la destination réelle (immeuble vendu comme étant à usage de bureaux et de commerces, alors qu'il ne l'est qu'en partie) ;
  • absence d'autorisation d'exploiter sur certaines parcelles d'une propriété viticole ;
  • pavillon à usage d'habitation faussement désigné comme étant à usage commercial et professionnel ;
  • absence de compteurs individuels d'électricité,
– Raccordement aux réseaux. – Un contentieux de plus en plus important vient sanctionner une délivrance non conforme quand l'immeuble vendu ne dispose pas de raccordement aux différents réseaux.
C'est notamment le cas d'un immeuble à usage d'habitation non raccordé au réseau public d'assainissement alors qu'il devrait l'être, ou bien encore lorsque les stipulations de l'acte font état d'un raccordement au réseau public d'assainissement, alors qu'il n'en est rien.
Cet arrêt constitue selon nous une évolution majeure, car l'objet du pourvoi était de déterminer si une absence de raccordement au réseau public d'assainissement ne constitue pas un vice caché. La question est fondamentale : en effet, les dispositions de l'article 1643 du Code civil n'étant pas d'ordre public, elles permettent au vendeur non professionnel de s'exonérer de cette garantie. Or, en sanctionnant le vendeur au titre de son obligation de délivrance conforme, la Cour de cassation évite l'écueil de la clause exonératoire de garantie, et permet ainsi la réparation du préjudice subi par l'acquéreur.

Raccordement de l'immeuble vendu au réseau d'assainissement : une information capitale

La jurisprudence de la Cour de cassation est désormais bien établie : une fausse déclaration du vendeur au sujet du raccordement de l'immeuble vendu au réseau d'assainissement n'engage pas sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés (dont il peut par ailleurs s'exonérer), mais bien au titre de son obligation de délivrance conforme. La sanction d'une non-exécution de cette obligation étant la résolution du contrat, le notaire se doit donc d'attirer spécifiquement l'attention des parties sur ce point crucial.
– Disparités territoriales et pratique notariale. – Le contrôle du raccordement de l'immeuble objet de la vente au réseau public d'assainissement est une compétence de la collectivité publique (commune ou intercommunalité).
Les politiques territoriales variant d'une région à l'autre, d'une commune à l'autre, il n'existe pas d'obligation générale sur l'ensemble du territoire d'effectuer ce contrôle dans le cadre d'une vente. Mais si la sanction d'une déclaration erronée en la matière est la résolution de la vente au préjudice du vendeur au titre de la violation de son obligation de délivrance, il nous semble alors que la question revêt une importance fondamentale quant à la responsabilité du notaire tant au titre de son obligation d'assurer au contrat sa pleine et entière efficacité qu'au titre de son devoir de conseil, à l'égard, spécifiquement ici, du vendeur.
La question se pose donc de savoir si, dans le cadre d'une vente d'un immeuble bâti pour lequel le vendeur déclare qu'il existe un raccordement au réseau public d'assainissement, la pratique notariale ne devrait pas imposer, dès lors qu'il n'a pas été rendu obligatoire par la collectivité publique, que soit établi un diagnostic technique portant principalement sur l'existence de ce raccordement et de façon subsidiaire sur la conformité du raccordement aux dispositions réglementaires en la matière. Ce diagnostic permettant au vendeur de justifier de la bonne exécution de son obligation de délivrance sur ce point, la charge financière devrait en être supportée par lui. En cas de refus de faire établir ce diagnostic, il convient alors de rappeler que le notaire instrumentaire devra particulièrement attirer l'attention de l'acquéreur sur ce point, afin de ne pas être sanctionné au titre d'un manquement à son devoir de conseil.
  • au 1er juillet 2022 pour les immeubles situés dans les territoires dont les rejets d'eaux usées et pluviales ont une incidence sur la qualité de l'eau pour les épreuves olympiques de nage libre et de triathlon en Seine ;
  • à compter du 1er janvier 2023 pour les territoires non concernés par les Jeux olympiques de Paris 2024.
Enfin, le notaire chargé de la régularisation de l'acte de vente devra notifier par tous moyens, y compris dématérialisés, à l'autorité compétente en matière d'assainissement le document de contrôle accompagné d'une attestation de vente comprenant l'identification du bien objet de la vente et les nom et adresse de l'acquéreur.
– Évolution législative. – La loi no 2021-1104 du 22 août 2021, dite « loi Climat et résilience », modifie la réglementation en matière de contrôle du raccordement des immeubles au réseau public d'assainissement en intégrant au dossier de diagnostic technique de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation le document de contrôle du raccordement au réseau public d'assainissement. Toutefois, l'entrée en vigueur du dispositif se fera de façon différenciée selon les territoires :
Pour le cas où ce diagnostic de contrôle révélerait une non-conformité du raccordement de l'immeuble vendu au réseau public d'assainissement, le propriétaire devra alors réaliser les travaux de mise en conformité dans un délai de deux ans, en ce qui concerne les immeubles situés dans les territoires concernés par les épreuves de natation en eau libre et de triathlon des Jeux olympiques de Paris 2024. Une fois ce régime généralisé, le délai de deux ans disparaîtra, mais le propriétaire restera tenu d'exécuter ces travaux.
Le contentieux spécifique de la vente de l'immeuble pollué
  • une source de pollution : des produits polluants ou un sol déjà pollué ;
  • une voie de transfert ou un vecteur : moyen de propagation de la pollution (gaz que l'on respire, eau que l'on boit, etc.) ;
  • une cible : l'homme, la faune ou la flore.
Àl'inverse, s'agissant de déchets, l'obligation de réhabilitation du terrain, ou plus exactement leur enlèvement constitue une obligation du seul propriétaire.
– Confusions autour de la notion de dépollution. – Il n'existe pas à ce jour de définition légale du terrain pollué. Une possible définition pourrait être celle-ci : « Un site pollué est un site qui, du fait d'anciens dépôts de déchets ou d'infiltration de substances polluantes, présente une pollution susceptible de provoquer une nuisance ou un risque pérenne pour les personnes ou l'environnement ». Plus précisément, un terrain pollué va être caractérisé par trois éléments :
En substance, s'il n'existe pas de définition légale du terrain pollué, il ne peut en exister non plus pour un terrain « dépollué » ou bénéficiant d'une absence de pollution. Les textes applicables ignorent cette notion de terrain dépollué, et consacrent la notion d'usage et de compatibilité de l'état du terrain avec l'usage voulu par le propriétaire ou l'acquéreur : habitation, commercial, industriel, etc.
S'agissant du terrain ayant supporté l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), telle que définie aux termes de la loi no 79-663 du 19 juillet 1976, il n'est pas inutile de rappeler que cette obligation de réhabilitation repose sur l'exploitant, et non le propriétaire.
– Les installations classées pour la protection de l'environnement. – L'article L. 511-1 du Code de l'environnement établit le régime des ICPE et impacte considérablement la vente de terrains ayant supporté de telles exploitations : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du Code minier ».
La vente d'un terrain ayant supporté une telle installation, particulièrement par le vendeur non exploitant, doit donc être traitée de façon extrêmement rigoureuse, tant sur le plan de l'obligation d'information due par le vendeur (C. env., art. L. 514-20 et L. 125-7) qu'au titre de l'obligation de délivrance conforme du vendeur.
– Les pièges contractuels. – En la matière, la rédaction de l'acte de vente va donc revêtir une importance cruciale quant au choix des mots utilisés pour la désignation de l'immeuble vendu. Par un arrêt remarqué du 29 février 2012, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, a rappelé que la désignation contractuelle de l'immeuble objet de la vente engage le vendeur au titre de son obligation de délivrance conforme.
Les faits étaient les suivants : un couple de personnes physiques (a priori vendeurs non professionnels donc susceptibles de s'exonérer de la garantie des vices cachés) vend à un investisseur un ensemble immobilier ayant supporté une ICPE, pour laquelle l'exploitant (qui n'était pas le vendeur mais, on l'imagine, le locataire) avait déposé un dossier de cessation d'activité avec remise en état du site, lequel dossier avait été remis à l'acquéreur. Toutefois, l'acte de vente faisait état d'un terrain ayant fait l'objet d'une dépollution. Or quelque temps plus tard, suite à de nouvelles investigations, une nouvelle pollution sur le site est découverte. L'acquéreur actionne donc le vendeur en paiement des travaux de dépollution rendus nécessaires. Si la cour d'appel déboute l'acquéreur,la troisième chambre civile, censure l'arrêt au visa de l'article 1603 du Code civil relevant que l'acte de vente mentionnait que le terrain objet de la vente avait fait l'objet d'une dépollution, impliquant donc qu'il était « dépollué ». Le vendeur était par conséquent fautif au titre d'une délivrance non conforme.
Compte tenu du coût potentiel d'une dépollution, le risque peut s'avérer élevé. Tout acte de vente doit donc être rédigé avec une précaution particulière.
Aux termes d'un arrêt du 5 décembre 2012, cette même juridiction est venue préciser sa position en jugeant que la découverte d'un état de pollution inconnu des parties ne pouvait constituer un manquement à son obligation de délivrance par le vendeur, car la notion de dépollution n'était pas entrée dans le champ contractuel.
Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt de la troisième chambre civile du 12 novembre 2014. Les faits étaient sensiblement les mêmes à cette différence que le vendeur était un établissement public industriel et commercial (EPIC), et non un particulier. Les termes de l'acte mentionnaient une absence de pollution, ou alors une pollution résiduelle au charbon, alors que les études postérieures au transfert de propriété allaient révéler une forte présence de métaux lourds.
– Conseils rédactionnels. – Nous l'avons vu, le droit des installations classées n'impose pas de mesures de dépollution, mais une réhabilitation du site. Et lorsqu'un nouveau projet prend corps sur l'immeuble siège de l'ICPE, cette réhabilitation doit être réalisée selon le nouvel usage prévu pour le site. Cette réglementation, complétée par la jurisprudence de la Cour de cassation, appelle donc à la plus grande prudence rédactionnelle, notamment sur le point de la désignation, afin de ne pas engager la responsabilité du vendeur au titre de son obligation de délivrance conforme. Sur ce sujet, le notaire, grâce à sa maîtrise de la technique juridique contractuelle, se doit de construire un ensemble équilibré de conventions permettant la prévention du contentieux et la bonne exécution des obligations de chaque partie. C'est donc à un véritable travail d'ingénierie juridique qu'il doit se livrer :
  • le premier point fondamental est de désigner le plus précisément possible l'immeuble. En l'absence de définition codifiée des termes « pollution » et « dépollution », ces termes ne doivent pas être employés, sauf à ce qu'ils aient fait l'objet en exposé préalable d'une définition contractuelle (et encore il s'agira d'être particulièrement précis). L'idée est donc de maintenir en dehors du champ contractuel la notion de terrain pollué ou dépollué. Si des travaux de réhabilitation, suite à une cessation d'exploitation d'une ICPE ont été menés, il conviendra de les relater le plus précisément possible, tout en précisant dans quel cadre la réhabilitation s'est opérée ;
  • il faudra également s'enquérir de la volonté de l'acquéreur quant à un usage futur. Et connaissance prise, vérifier que ce nouvel usage est compatible avec la réhabilitation effectuée. Àdéfaut, il faudra, dans le contrat, convenir de la prise en charge des travaux de réhabilitation avec le projet de l'acquéreur. Et par voie de conséquence, être en mesure de les chiffrer.

La délivrance de la contenance

La délivrance de la contenance dans le cadre d'une vente est très précisément définie par les articles 1617 à 1623 du Code civil. Depuis un siècle maintenant, la Cour de cassation a consacré la spécificité immobilière de ces articles. Cette obligation connaît des principes (I) et également des limites (II).
Le principe général de la délivrance de la contenance
L'obligation de délivrance diffère selon la nature des biens vendus. Si son régime général concerne la vente de biens immobiliers non soumis au régime de la copropriété, un régime spécifique concerne la vente de lots soumis à ce régime.
Le droit commun
– Distinctions préalables. – Le régime de l'obligation de délivrance de la contenance diffère selon le type de vente souhaité par les parties. En effet, le Code civil distingue selon l'importance donnée par les parties à cette notion : les sanctions sont différenciées selon que la contenance a constitué un élément essentiel du contrat déterminant de la fixation du prix ou un élément parmi d'autres.
– La vente sans indication de contenance. – Dans ce cas les articles 1617 et suivants du Code civil ne sont pas applicables. Par exemple, la vente d'un emplacement de stationnement, de laquelle il résulte que le prix de vente a été fixé sans aucune référence au prix du mètre carré.
– Vente pour un prix global. – Ce cas concerne la vente comportant indication de la contenance et d'un prix de vente : par exemple, la vente d'un terrain à bâtir de 1 000 m2 au prix de 50 000 €. La vente ne mentionne pas de prix au mètre carré, mais l'indication de la contenance globale et du prix de vente engage le vendeur au titre de l'obligation de délivrance de la contenance.
La règle est alors que la vente peut être remise en cause si la différence de contenance entre ce qui est exprimé dans l'acte et la réalité est supérieure à un vingtième. Toutefois les sanctions ne sont pas les mêmes selon que la différence sera à l'avantage du vendeur ou de l'acquéreur.
Si la surface réelle excède de plus d'un vingtième celle exprimée dans l'acte, l'acquéreur devra alors verser un complément de prix ou renoncer à son acquisition.
Àl'inverse, si la surface réelle est inférieure de plus d'un vingtième à celle déclarée, le vendeur doit supporter une diminution du prix, sans que l'acquéreur puisse se désister. Ce dernier, pour qui la différence de contenance engendrerait un grave préjudice (par ex., dans le cadre de la vente d'un terrain à bâtir), conservera toutefois la possibilité d'agir en nullité de la vente pour erreur sur une qualité substantielle de l'objet.
– Vente à tant la mesure. – Il s'agit ici de la vente d'un immeuble pour un prix calculé par unité de mesure (par ex., un terrain vendu 50 € par mètre carré). Dans un tel cas, l'application des articles 1617 et 1618 du Code civil révèle une discrimination entre vendeur et acquéreur. Si la surface réelle est inférieure à celle déclarée, le vendeur doit délivrer la surface prévue contractuellement, au moyen d'un complément. Si cela n'est pas possible, ou si l'acquéreur ne l'exige pas, le vendeur devra alors supporter une diminution du prix de vente global proportionnelle à la différence de surface. Si la surface réelle est supérieure à la surface déclarée, cette différence devra être supérieure à un vingtième de la surface exprimée dans l'acte, et l'acquéreur devra alors choisir entre l'abandon de l'opération ou le paiement d'un complément de prix.
La vente de lots de copropriété
– Le régime spécifique de la vente de lots de copropriété. – L'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, introduit par la loi no 96-1107 du 18 décembre 1996 (dite « loi Carrez ») améliorant la protection des acquéreurs de lots de copropriété, ajoute un régime particulier en matière de délivrance de la contenance. Tout d'abord la mention, tant dans l'avant-contrat que dans l'acte de vente, de la superficie privative, est obligatoire : à défaut l'acte est frappé de nullité. Là encore, un régime différent est créé selon l'erreur : si la superficie réelle est supérieure à la superficie exprimée dans l'acte, aucun complément de prix ne peut être exigé de l'acquéreur. Si la superficie réelle est inférieure à la superficie déclarée, la différence doit être supérieure à un vingtième, et si cette double condition est remplie le vendeur supporte une diminution de prix proportionnelle à la moindre mesure.
Particularité de ce dispositif : il est exclusif de toute autre action, et notamment des dispositions du Code civil relatives au défaut de conformité du bien vendu.
Une obligation soumise à certaines limites
– Caractère supplétif. – Àl'exception de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 relatif aux ventes de lots de copropriété, ces dispositions ne sont pas d'ordre public et peuvent par conséquent être écartées par la volonté des parties, du moins tant que le vendeur ne peut être qualifié de professionnel de l'immobilier. C'est d'ailleurs une pratique aujourd'hui généralisée dans les ventes entre particuliers, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes, notamment dans les ventes de terrains à bâtir, dont la contenance réelle va servir de base (entre autres) au calcul de la surface de plancher constructible.
Ces dispositions étant plutôt protectrices des intérêts des parties, il peut quand même sembler dommageable d'en écarter systématiquement l'application. Par ailleurs, il ne ressort pas, à la lecture des travaux de l'Association Henri Capitant sur l'avant-projet de réforme des contrats spéciaux, d'innovations particulières sur ce point précis de la délivrance de la contenance. C'est donc la liberté contractuelle qui va encore présider au traitement de l'obligation de la délivrance de la contenance, tout au moins lorsque le vendeur sera un non-professionnel de l'immobilier.
– Exceptions à l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965. – Ne sont pas concernés par ces dispositions les locaux à usage de cave, garage, emplacements de stationnement, ni aux lots, fractions de lot inférieurs à une superficie de 8 m2.
L'obligation générale de délivrance du vendeur, sous quelque forme qu'elle se présente, et même si elle peut par la volonté des parties être quelque peu restreinte, constitue donc un point fondamental de l'équilibre du contrat de vente. Il est donc nécessaire qu'en cas de manquement, son débiteur puisse faire l'objet de sanctions certes proportionnées, mais néanmoins dissuasives.

Sanctions de l'inexécution

– L'éventail des sanctions. – Le nouvel article 1217 du Code civil issu de la réforme des obligations contenue dans l'ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016 énumère les sanctions relatives à l'inexécution du contrat :
« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
  • refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
  • poursuivre l'exécution forcée en nature de sa propre obligation ;
  • obtenir une réduction du prix ;
  • provoquer la résolution du contrat ;
  • demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter ».
Ce texte a donc conservé les sanctions classiques de l'inexécution (A). Pour autant, une évolution notable a également été consacrée grâce à certaines innovations (B). Enfin, grâce à la possibilité d'aménagement de ces sanctions, le notaire devient un acteur de la prévention des conflits (C).

Les solutions classiques : de l'inexécution à la résolution

L'exception d'inexécution
– Une consécration législative. – Cette sanction a pu être considérée comme un moyen de justice privée, et donc à ce titre le Code civil de 1804 la réservait à des cas spécifiques dont la jurisprudence a longtemps hésité à étendre le domaine. Toutefois, la vente immobilière a, dès 1804, fait partie des contrats dans lesquels l'acheteur pouvait recourir à cette sanction. L'article 1653 du Code civil dispose : « Si l'acheteur est troublé ou a juste sujet de craindre d'être troublé par une action, soit hypothécaire, soit en revendication, il peut suspendre le payement du prix jusqu'à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n'aime celui-ci donner caution, ou à moins qu'il n'ait été stipulé que, nonobstant le trouble, l'acheteur payera ».
Par ailleurs, et dans le cadre précisément de l'obligation de délivrance du vendeur, l'article 1613 du Code civil prévoit une faculté similaire : « Il ne sera pas non plus obligé à la délivrance, quand même il aurait accordé un délai pour le payement, si, depuis la vente, l'acheteur est tombé en faillite ou en état de déconfiture, en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix ; à moins que l'acheteur ne lui donne caution de payer au terme ».
L'échange connaît également cette sanction. Généralisée par l'article 1217 du Code civil et organisée par l'article 1219 du même code, cette exception d'inexécution peut donc maintenant s'appliquer dans le contrat de vente immobilière au-delà des cas prévus par les articles 1613 et 1653 du Code civil. On pourrait donc imaginer que, dans certains cas, un acquéreur puisse retenir une partie du prix en cas de délivrance incomplète de la chose, par exemple si un élément accessoire de la chose venait à ne pas être fourni : on peut penser ici à une autorisation administrative liée au bien vendu, par exemple une autorisation d'urbanisme pour des travaux réalisés antérieurement à la vente.
– Régime de l'exception d'inexécution. – Il convient de rappeler que pour se prévaloir de l'exception d'inexécution, la partie qui l'invoque devra établir à la fois l'existence d'une inexécution par le cocontractant et sa gravité suffisante. Àce titre, et sous l'empire du droit antérieur, la jurisprudence de la Cour de cassation a imposé un critère de proportion, imposant certes une inexécution suffisamment grave, mais également une analyse des conséquences de l'inexécution pour éviter que les conséquences de celle-ci soient hors de proportion avec le manquement initial.
Cette exception d'inexécution pourrait être selon nous, dans le cadre d'une vente immobilière, contractualisée aux termes de l'avant-contrat. En effet le notaire, en tant que concepteur du contrat, doit être en mesure d'élaborer un mécanisme conventionnel capable d'envisager une résolution de ce problème, avant toute possibilité de recours judiciaire.
En cas d'exécution seulement partielle de son obligation de délivrance par le vendeur, une clause pourrait ainsi prévoir que, plutôt que de suspendre la régularisation de l'acte définitif, celle-ci pourrait avoir lieu, mais qu'une partie du prix de vente ne serait pas payée au vendeur mais versée entre les mains d'un tiers de confiance (qui aurait alors une mission de séquestre), dans l'attente de l'exécution totale de son obligation de délivrance par le vendeur. Par exemple, pour le cas où l'état de l'immeuble objet de la vente ne serait pas le même entre le jour où le contrat de vente s'est formé et le jour prévu pour la prise de possession par l'acquéreur.

Proposition de clause relative à l'exception d'inexécution dans un avant-contrat

Obligations de conservation et de délivrance du vendeur
Conformément aux dispositions de l'article 1197 du Code civil, et afin de respecter son obligation de délivrance prévue à l'article 1614, alinéa 1 de ce même code, le vendeur (ou promettant) s'engage à conserver l'immeuble objet des présentes dans son état actuel. L'acquéreur (ou bénéficiaire) devra s'assurer du respect de cet engagement préalablement à la signature de l'acte authentique.
En cas de non-respect de cette obligation, l'acquéreur pourra :
  • surseoir à la signature de l'acte définitif constatant le transfert de propriété pour le cas où le manquement du vendeur aurait pour conséquence de rendre l'immeuble impropre à sa destination, telle qu'exprimée aux présentes ;
  • consentir à la régularisation de l'acte définitif constatant le transfert définitif de propriété si le bien objet de la vente devait être délivré dans un état dégradé au regard de celui constaté au jour de la formation du contrat mais sans que celui-ci ne soit devenu impropre à sa destination. Dans un tel cas, l'acquéreur (ou bénéficiaire) pourra se libérer entre les mains du vendeur d'une partie du prix de vente seulement, le solde devant être remis à un tiers constitué séquestre à cet égard, et dont la mission sera alors définie aux termes de l'acte constatant le transfert de propriété.
Dans cette dernière hypothèse, l'état dégradé de l'immeuble par rapport à celui constaté au moment de la formation du contrat doit s'entendre d'une dégradation portant sur les qualités intrinsèques de l'immeuble, à l'exclusion de tout élément purement décoratif ou esthétique. L'acquéreur devra alors rapporter la preuve de cette dégradation.
En outre, la partie du prix de vente dont l'acquéreur (ou bénéficiaire) ne pourrait se libérer entre les mains du vendeur ne pourra excéder une somme égale à la stipulation de pénalité convenue aux présentes.
Résolution et clause résolutoire
– Un caractère judiciaire. – Cette sanction figure dans notre droit positif depuis 1804, l'ancien article 1184 du Code civil indiquant dans son premier alinéa : « La clause résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait pas à son engagement ». Elle fait en outre l'objet de textes spécifiques dans le cadre du contrat de vente : les articles 1610 et 1654 du même code.
Cet article 1610 concerne le manquement par le vendeur à son obligation de délivrance, et l'article 1654 le manquement par l'acquéreur à son obligation de payer le prix.
La résolution (hors le cas de la clause résolutoire) ne pouvait être que judiciaire (C. civ., ancien art. 1184, al. 3), et ne présentait pas un caractère d'ordre public. Dès lors, un contractant pouvait par avance renoncer au droit de demander la résolution judiciaire du contrat. Ces principes n'ont pas été remis en cause par la réforme de 2016 et continuent donc de former le droit commun en la matière.
Seul un manquement grave à son obligation par le débiteur pouvait constituer un motif valable pour une résolution immédiate du contrat, à moins qu'une allocation de dommages-intérêts ne suffise à réparer le préjudice subi.
– Résolution et rente viagère. – Étonnamment, en matière de rente viagère, contrat à exécution successive par excellence, le Code civil n'impose pas d'action résolutoire de plein droit.
Seul un manquement par le constituant à son obligation de fournir une sûreté telle que stipulée par le contrat peut permettre au crédirentier de demander la résolution du contrat (C. civ., art. 1977). En revanche, le seul défaut de paiement des arrérages ne permet pas, selon l'article 1978 du Code civil, au crédirentier de poursuivre la résolution du contrat.
Mais il convient de rappeler que la jurisprudence a admis depuis fort longtemps la possibilité de déroger à cet article, en permettant aux parties d'insérer dans l'acte constitutif de la rente une clause résolutoire. La construction de cette clause résolutoire fut d'ailleurs une innovation portée par l'ingénierie notariale et consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation. Toutefois, il est selon nous possible d'aller plus loin que les clauses habituellement stipulées en matière de résolution de vente avec constitution de rente viagère. La résolution de plein droit étant en effet possible compte tenu du caractère non impératif de l'article 1978 du Code civil, il n'existe pas de raison objective (si ce n'est fiscale) de ne pas prévoir dès l'acte constitutif une résolution qui n'aurait pas à être constatée judiciairement.

Proposition d'une nouvelle clause résolutoire concernant les ventes avec constitution de rente viagère

CLAUSE RÉSOLUTOIRE
Par dérogation expresse aux dispositions de l'article 1978 du Code civil, vendeurs et acquéreurs conviennent expressément qu'à défaut de paiement de trois termes consécutifs (en cas de termes mensuels) ou d'un terme (en cas de termes trimestriels) de la rente viagère convenue aux présentes au titre de la conversion de tout ou partie du prix de vente, la présente vente sera résolue de plein droit, si bon semble au crédirentier, le tout sans qu'aucune action judiciaire ne soit nécessaire.
Pour la validité de cette résolution, le crédirentier s'oblige à délivrer au débirentier, à son domicile élu aux termes des présentes, une mise en demeure contenant commandement de payer par acte d'huissier de justice, et cette mise en demeure devra reproduire les termes de la présente clause résolutoire et être restée infructueuse pendant un délai de quinze jours après sa délivrance au débirentier.
Àl'issue de ce délai, et en cas de non-paiement par le débirentier des sommes dues, la résolution de la vente sera constatée selon acte à recevoir par le notaire soussigné, en vue de sa publication au service de publicité foncière.
L'ensemble des frais, droits et émoluments générés par cette résolution seront supportés par le débirentier, de sorte que si des sommes devaient être avancées par le crédirentier, celles-ci lui seront remboursées par le débirentier dans le délai d'un mois de la mise en demeure qui lui en sera délivrée.
Concernant les sommes versées par le débirentier au titre du présent acte, elles resteront acquises à ce dernier à titre de dommages-intérêts, le tout sans recours ni répétition de la part du débirentier, mais à concurrence seulement de la partie du prix de vente payée comptant aux termes des présentes, les arrérages versés par la suite restant acquis au vendeur. Enfin, les frais, droits et émoluments générés par l'acte contenant constatation de la résolution pourront, à défaut de paiement par le débirentier, être prélevés sur les sommes dues par le crédirentier au titre de la restitution.
– Le nouveau régime de la résolution. – Depuis l'ordonnance no 2016-31 du 1er février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, la résolution fait l'objet des articles 1224 à 1230 du Code civil et voit son régime considérablement modifié. Tout d'abord, trois procédures de résolution sont énoncées : la résolution judiciaire (C. civ., art. 1227), la résolution conventionnelle (C. civ., art. 1225) et la résolution unilatérale (C. civ., art. 1226). Avant d'analyser les innovations portées par cette réforme, et notamment la résolution unilatérale, il convient de revenir sur la clause résolutoire qui voit ici sa valeur consacrée par la loi alors qu'elle ne constituait jusqu'à présent qu'un pur mécanisme contractuel, certes admis par la jurisprudence. L'enjeu pour la clause résolutoire est de pouvoir s'appliquer sans avoir recours à une procédure judiciaire, puisque toute sa spécificité repose sur la possibilité de la faire fonctionner de plein droit.
– La clause résolutoire. – Le nouvel article 1225 du Code civil reprend pour l'essentiel le régime juridique de la clause résolutoire tel que construit au fil du tempspar la jurisprudence sur la base de l'ancien article 1184 du même code. Cette clause (ou pacte commissoire) peut se définir comme une clause aux termes de laquelle les parties, adoptant une condition résolutoire expresse, décident à l'avance dans un contrat que celui-ci sera de plein droit résolu, du seul fait de l'inexécution par l'une des parties de son obligation, sans qu'il soit nécessaire de le demander au juge et sans que celui-ci, s'il est saisi, dispose en principe d'un pouvoir d'appréciation.
Il faut néanmoins préciser que ces clauses sont d'interprétation stricte par les tribunaux dès lors qu'elles font l'objet d'une contestation judiciaire. Àce titre, dans son rapport pour l'année 1988, la Cour de cassation précise que « si le créancier tient à se faire dispenser, par l'effet de la convention, de l'obligation de s'adresser au juge, il doit l'exprimer formellement ». Une telle clause doit, selon cette juridiction, être exprimée de manière non équivoque, faute de quoi les juges recouvrent leur pouvoir d'appréciation.
En outre, et conformément à l'article 1190 du Code civil, une clause résolutoire ambiguë doit être interprétée en faveur de celui qui a contracté l'obligation (le débiteur).
En conclusion, pour être pleinement efficace, cette clause doit préciser les obligations dont le non-respect permettra sa mise en jeu. Par ailleurs, la stipulation de cette clause dans un contrat n'emporte pas renonciation pour le créancier à demander une résolution judiciaire, quand bien même l'ancien article 1184 comme le nouvel article 1217 du Code civil ne sont pas d'ordre public.

Les nouvelles sanctions (Ord. no 2016-3 : inexécution par anticipation, exécution forcée en nature, réduction de prix, résolution unilatérale)

Cette action sera exercée aux risques et périls du créancier, et trois conditions pour la voir prospérer sont requises : le caractère manifeste de la future défaillance du débiteur, la gravité des conséquences susceptibles de résulter de l'inexécution future, et qu'une notification soit effectuée par le créancier.
Dans le cadre d'une vente immobilière, cette sanction nous paraît pouvoir être invoquée par l'acquéreur à chaque fois qu'un doute planera sur la bonne exécution par le vendeur de son obligation de délivrance. Par exemple :
  • l'immeuble objet de la vente fait l'objet d'une occupation illégale entre la signature de l'avant-contrat et la régularisation de l'acte définitif ;
  • le locataire qui devait quitter les lieux est resté en place ;
  • l'état hypothécaire révèle des charges ou droits réels grevant le bien non révélés dans l'avant-contrat.
– L'exception d'inexécution par anticipation. – Le nouvel article 1220 du Code civil reprend un mécanisme déjà connu dans le cadre de la vente immobilière et plus particulièrement dans l'article 1653 du même code. Par ailleurs, l'exercice par anticipation de l'exception d'inexécution avait été admis par la chambre commerciale de la Cour de cassation en matière de clause de garantie de passif et d'actif intégrée dans une opération de cession de parts sociales.
  • une mise en demeure préalable ;
  • la production d'un titre exécutoire ;
  • la bonne foi du créancier ;
  • et que l'exécution forcée ne soit pas impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier (C. civ., art. 1221).
– L'exécution forcée en nature. – Cette sanction n'est pas une réelle innovation, car elle avait déjà été admise par la jurisprudence de la Cour de cassation. Toutefois, il faut ici rappeler que l'ancien article 1142 du Code civil (sans caractère d'ordre public toutefois) interdisait cette exécution forcée, ce qui n'était pas sans poser de problème en matière de vente immobilière, et notamment s'agissant d'une promesse unilatérale de vente. Aux termes d'un arrêt du 27 mars 2008, la Cour de cassation a admis que l'on puisse, par les stipulations du contrat, écarter l'application de cet article et y préférer conventionnellement une exécution forcée. Il s'agissait ici de la validation d'une création de la pratique notariale (de l'ingénierie notariale, donc !) consistant à écarter les dispositions de l'article 1142, par une clause particulière et rédigée à cet effet. Consacrée par l'ordonnance du 10 février 2016, cette exécution forcée en nature va pouvoir être invoquée par le créancier de l'obligation. Quatre conditions doivent être réunies pour voir prospérer une action en exécution forcée :
Si la bonne foi et le titre exécutoire ne sont pas cités par le texte, ces conditions se déduisent du droit commun. Notamment concernant la bonne foi, outre les dispositions générales en la matière, un simple rappel au texte de l'article 1198, alinéa 2 du Code civil permet de supposer que le créancier de mauvaise foi ne pourra obtenir cette exécution forcée.
– La réduction de prix. – Nouveauté apportée par l'article 1223 du Code civil, il n'est cependant pas certain que dans l'esprit des concepteurs de la réforme du droit des obligations cette sanction ait été prévue pour la vente immobilière. Nous avons vu qu'elle existe déjà dans le cadre général de l'obligation de délivrance de la contenance (disposition supplétive lorsque le vendeur n'est pas un professionnel de l'immobilier), et spécifiquement dans le cadre de la vente d'un lot de copropriété (disposition impérative). Dans chacun de ces cas, la réduction du prix sanctionne un déficit de superficie du bien vendu. On peut donc penser que l'application de cet article devrait jouer pour un autre type de manquement par le vendeur à ses obligations.
Trois éléments majeurs caractérisent ce régime :
  • une inexécution suffisamment grave de la part du débiteur ;
  • un formalisme protecteur pour ce dernier : une mise en demeure préalable à délivrer au débiteur ;
  • une notification de la résolution qui devra mentionner les motivations du créancier.
La mise en demeure peut cependant être écartée en cas d'urgence, et l'article 1226 du Code civil ne présentant pas de caractère d'ordre public, un aménagement global de cette faculté peut être envisagé. Il faut tout de même noter que cette résolution reste, selon les termes mêmes de cet article, « aux risques et périls » du créancier, En outre, en cas de contestation judiciaire par le débiteur de la résolution unilatérale, la charge de la preuve de l'inexécution reposera bien sur le créancier de l'obligation et non sur le débiteur qui n'a donc pas à prouver la réalité de l'exécution de son obligation.
– La résolution unilatérale. – Consécration d'une solution prétorienne mais également innovation importante apportée par l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, le nouvel article 1226 du Code civil définit donc le régime de la résolution unilatérale du contrat.

L'aménagement des sanctions : le notaire acteur de prévention des conflits

– Liberté contractuelle et devoir du notaire. – Les grands principes du droit des contrats n'ont pas été bouleversés par l'ordonnance du 10 février 2016, et au premier chef, celui de la liberté contractuelle. Par ailleurs, seuls certains articles de cette réforme ont reçu, dès leur conception, un caractère d'ordre public. Citons à titre d'exemple l'article 1231-5, alinéa 4 du Code civil qui prohibe toute clause interdisant un recours judiciaire visant à statuer sur le montant d'une stipulation de pénalité.
Àl'inverse, certaines dispositions sont formellement admises comme étant supplétives de la volonté des parties. Pour le reste, le Rapport au Président de la République souligne que : « Dans la tradition du Code civil, l'ordonnance n'affirme pas expressément dans un article spécifique le caractère supplétif de volonté de ses dispositions ».
Distinguer entre l'ordre public et le négociable peut donc s'avérer délicat. La rédaction du contrat de vente, avec l'énoncé des obligations des parties (qu'elles soient impératives ou librement consenties) et les sanctions à appliquer en cas de non-respect de ces dernières, va donc constituer pour le notaire une tâche minutieuse pour laquelle tout son savoir-faire va devoir être mobilisé. En fonction des cas, c'est même un édifice juridique particulièrement complexe qu'il va falloir construire.
– Le choix des sanctions. – Comme nous l'avons exposé plus haut, le principal objet de nos développements consiste à analyser les obligations du vendeur d'immeuble de manière à prévenir dans la rédaction même du contrat de vente les difficultés prévisibles. Ceci permettra de sauvegarder l'intérêt des parties et l'équilibre contractuel, et de prévenir également toutes les causes possibles de contentieux.
Toutefois, il peut arriver que malgré tout le soin apporté, tant en amont du contrat notamment au stade de l'information précontractuelle qu'à sa rédaction, un problème surgisse et provoque une rupture susceptible d'impacter l'existence même du contrat. L'ingénierie notariale doit donc également, et puisqu'elles ne sont pas impératives, prévoir, dès la rédaction de l'acte, quelles sanctions pourront s'appliquer, quelles sanctions pourront être écartées, et éventuellement la manière de les aménager.
Les sanctions recommandées
– Garantir l'équilibre contractuel. – De l'ensemble des sanctions prévues par l'article 1217 du Code civil, deux nous semblent devoir être reprises dans tout contrat de vente, sans aménagement particulier : l'exception d'inexécution et la poursuite de l'exécution forcée en nature. En ce qui concerne la demande de réparation des conséquences de l'inexécution, il ne s'agit pas selon nous d'un mécanisme contractuel, mais plutôt d'une recherche de responsabilité du vendeur qui n'a pas à faire l'objet d'un quelconque développement rédactionnel dans le corps du contrat, sauf à éventuellement rappeler son principe.
– L'exception d'inexécution. – S'agissant principalement de l'obligation de délivrance et de délivrance conforme, obligation impérative dont le vendeur ne peut s'exonérer, il nous semble parfaitement légitime de permettre à l'acquéreur de ne pas payer le prix (son obligation principale), en cas d'inexécution par le vendeur. Par exemple, la non-libération des lieux nous semble constituer un bon motif pour permettre à l'acquéreur de ne pas payer le prix de vente. Il faut également rappeler qu'il s'agit d'une sanction spécifiquement prévue en matière de vente immobilière par l'article 1653 du Code civil, déjà cité. Par conséquent, il y a lieu selon nous de prévoir dans tout avant-contrat la possibilité pour l'acquéreur de vérifier la bonne exécution de son obligation de délivrance par le vendeur avant de payer le prix.
– L'exécution forcée en nature. – Il s'agit ici, à notre sens, d'un élément fondamental de la promesse de vente, qu'elle soit synallagmatique ou unilatérale. La possibilité pour l'acquéreur de bonne foi de faire exécuter le contrat, c'est-à-dire d'obliger le vendeur à la délivrance (et non au transfert de propriété qui est la conséquence et l'effet de la vente) après mise en demeure, en produisant un titre exécutoire, nous semble constituer un argument suffisamment puissant pour dissuader le vendeur de toute négligence ou de toute manœuvre ayant pour but de ne pas aller au terme du contrat.
Ce dispositif, même si cela peut paraître contre-intuitif, reste selon nous le meilleur moyen de couper court à toute velléité de contestation de la vente par le vendeur face à un acquéreur de bonne foi. Car non seulement en cas de saisine du juge, ce dernier ne pourra que constater judiciairement la vente, mais il pourra en outre statuer sur une éventuelle sanction financière à l'égard du vendeur refusant d'exécuter son obligation de délivrance (cette sanction financière découle du droit commun de la responsabilité contractuelle, et il est en outre bien évidemment possible de chiffrer dès l'avant-contrat, le préjudice indemnisable). Àce titre, il nous paraît indispensable de rappeler dans le texte de tout avant-contrat cette possibilité ouverte à l'acquéreur, en rappelant ses conditions :
  • une mise en demeure préalable, qu'il sera possible de contractualiser en l'assortissant par exemple d'un délai pour le débiteur afin de s'exécuter, ou en prévoyant la forme de cette mise en demeure (courrier recommandé, voire sommation par huissier) ;
  • l'émission d'un titre exécutoire ;
  • la bonne foi de l'acquéreur.
Les sanctions à aménager, voire à écarter
– Utilité relative en matière immobilière de certaines sanctions. – La réduction du prix et la résolution unilatérale du contrat posant un nombre suffisant de difficultés quant à leur mise en œuvre ainsi que nous allons le voir, il nous semble donc opportun de s'interroger quant à leur utilité dans le cadre d'une vente immobilière.
La réduction du prix
– Période intermédiaire. – Cette faculté, appliquée au contrat de vente immobilière, pourrait être ouverte à l'acquéreur dans le cadre précis de la période s'écoulant entre la régularisation de l'avant-contrat et la signature de l'acte définitif. En effet, c'est en général dans cette période que l'acquéreur peut réaliser que l'immeuble objet de la vente présente quelques défauts. Si ces défauts sont de nature à empêcher le vendeur d'accomplir intégralement son obligation de délivrance conforme, alors une renégociation peut être sollicitée par l'acquéreur.
Ceci étant, il convient à notre sens de prévoir un usage restreint de cette faculté par l'acquéreur. En effet, le notaire doit veiller à rédiger son acte afin de garantir au mieux la bonne fin du contrat et l'équilibre contractuel. En l'occurrence, il nous semble donc qu'il conviendrait de restreindre au maximum, voire d'écarter la possibilité pour l'acquéreur de demander une réduction de prix.
– Aménagements ou renonciation. – Il faut principalement évoquer ici le cas de la vente entre non-professionnels. Il est en effet de pratique courante dans ces contrats de limiter au maximum les possibilités de contestation (par ex., l'exonération de la garantie des vices cachés du vendeur que nous développerons ci-après). A minima, il conviendrait selon nous de contraindre l'acquéreur à n'invoquer cette sanction qu'à certaines conditions et sous des critères objectifs facilement déterminables.
Ces critères devraient tenir uniquement aux qualités intrinsèques de la chose vendue, et principalement son usage et sa solidité. Mais cela serait susceptible de remettre en cause la totalité du contrat, car une modification des qualités intrinsèques du bien, d'une part, et du prix, d'autre part, nécessite par exemple un réexamen de la question de la purge des droits de préemption, et de la faculté de rétractation de l'acquéreur lorsque celle-ci lui est ouverte.
Àvrai dire, cela pourrait même signifier qu'il n'y a plus d'accord sur la chose et sur le prix, et que donc la vente n'a plus d'existence. Il nous semble donc qu'il y aurait alors lieu d'établir un nouveau contrat, plutôt que de réviser celui en cours. Dès lors se pose alors la question de la renonciation pure et simple par l'acquéreur à cette sanction, qu'il nous semble, dans un souci de pacification, opportun de contractuellement écarter.
– Le cas de la vente par un professionnel. – Ce cas diffère selon nous de celui de la vente entre particuliers, car il peut potentiellement exister dans cette hypothèse un déséquilibre entre les parties, le vendeur ayant une expertise plus importante que l'acquéreur quant à sa capacité à déterminer les qualités essentielles de l'objet de la vente. Dans un souci de protection de l'acquéreur, il pourrait donc sembler utile de laisser à ce dernier la possibilité d'agir en réduction du prix.
Àtitre d'illustration, prenons le cas de la vente par un marchand de biens d'une parcelle de terrain à bâtir détachée d'un immeuble de plus grande importance par la procédure de déclaration préalable des articles L. 442-3 et R. 421-19 du Code de l'urbanisme. Si, dans un tel cas, un avant-contrat est conclu postérieurement à la décision de non-opposition à déclaration préalable et contient une mention erronée de la superficie, impactant négativement la surface de plancher constructible, il nous semble alors que l'acquéreur pourrait revendiquer une réduction de prix. En effet, l'objet de la vente serait toujours un terrain à bâtir, mais le potentiel de constructibilité étant inférieur à ce que laissait envisager la promesse de vente, il y a incontestablement un manquement par le vendeur à son obligation de délivrance conforme. Dès lors, le terrain restant néanmoins à bâtir, il serait parfaitement justifié selon nous qu'une réduction de prix, plutôt qu'une sanction plus rude telle que la résolution, soit appliquée au vendeur.
La résolution unilatérale
– Vente entre particuliers. – Dans le cadre d'une vente immobilière n'impliquant pas un vendeur professionnel, cette sanction nous semble devoir être conventionnellement écartée, et ce pour plusieurs raisons :
  • il n'est pas souhaitable de laisser cette possibilité à un acquéreur, car quand bien même les conditions de sa mise en œuvre, comme nous avons pu le voir ci-dessus, se révèlent assez drastiques, elles n'en contiennent pas moins un aspect subjectif : comment déterminer le degré de gravité du manquement du vendeur à ses obligations à partir duquel la résolution peut être engagée ? En conséquence, et pour ne pas précariser inutilement la vente, il vaut mieux selon nous priver l'acquéreur de cette faculté ;
  • le risque judiciaire subsistant : la suite logique d'une notification de résolution par l'acquéreur sera vraisemblablement une procédure judiciaire, car on imagine mal un vendeur, sauf cas exceptionnel, accepter la résolution, et ce d'autant plus que, rappelons-le, la charge de la preuve repose toujours sur l'acquéreur ;
  • une incertitude sur le coût de la résolution : il faut ici rappeler que la résolution amiable de la vente est soumise aux droits de mutation à titre onéreux, liquidés sur le prix exprimé dans l'acte de résolution. Certes, la résolution unilatérale n'est pas, par définition, une résolution amiable, mais l'issue non judiciaire ne pourra être que la régularisation d'un acte devant faire l'objet d'une publication au fichier immobilier, et recouvrira donc un aspect amiable selon nous, susceptible d'être taxé.
– Vente par un professionnel. – Dans le cadre de la vente par un professionnel, en revanche, le risque d'un déséquilibre contractuel est plus important, et la possibilité pour l'acquéreur de procéder à une résolution unilatérale peut constituer pour ce dernier un moyen efficace de protéger ses intérêts dans le cas où le vendeur aurait manqué à son obligation de délivrance.
Toutefois, l'engagement de cette action aux risques et périls de l'acquéreur, et la possibilité pour le débiteur de l'obligation de délivrance de contester judiciairement cette résolution tout en laissant la charge de la preuve au créancier acquéreur du non-respect de ses engagements, réduit fortement selon nous l'intérêt d'user d'une telle action pour l'acquéreur.
Pour autant, il nous semble intéressant de ne pas faire renoncer l'acquéreur à cette faculté aux termes du contrat de vente, ne serait-ce que pour lui laisser la possibilité de délivrer une mise en demeure au vendeur professionnel de l'immobilier indélicat qui n'aurait accompli que partiellement son obligation de délivrance. Le risque pour ce dernier d'une résolution de la vente sera alors envisageable, et il n'est pas impossible de penser que cela le convaincra d'exécuter intégralement les obligations convenues aux termes de la vente.

L'obligation de garantir

– Un double aspect. – Outre l'obligation de délivrance, l'autre obligation principale du vendeur selon l'article 1603 du Code civil est, comme cité précédemment, l'obligation de garantir. Laquelle se décline selon deux aspects : la garantie d'éviction, d'une part (§ I), et la garantie des défauts de la chose, d'autre part (§ II). Les questions relatives aux dispositions d'ordre public ou supplétives constituent également dans ce domaine un enjeu majeur dans le cadre de la construction d'un acte de vente. Il convient donc de précisément identifier, tant pour la garantie d'éviction que pour la garantie des vices, ce qui ressortit à l'ordre public ou à la liberté des conventions. En effet, selon la nature du bien (immeuble individuel, collectif ou multi-usages), les qualifications des parties (profane ou professionnel), le notaire doit pouvoir adapter et optimiser le contrat de vente afin de ne pas omettre de dispositions impératives, de conférer un équilibre contractuel aussi solide que possible, voire de rétablir par des stipulations particulières un rapport de force économique trop avantageux pour l'une des parties. Enfin, il conviendra de s'interroger quant à l'avenir de ces clauses de garantie, au regard des évolutions prévisibles du droit des contrats spéciaux (§ III).

Garantie d'éviction

– Étendue de la garantie d'éviction. – Si, en matière de garantie d'éviction, l'article 1625 du Code civil évoque la possession paisible de la chose vendue, cette garantie vise surtout à empêcher les atteintes à la propriété et à la détention que l'acquéreur peut être amené à subir. Il nous semble donc important d'analyser tout d'abord ce qui constitue la garantie d'éviction (A), avant de déterminer le champ d'application de cette garantie (B).

Le contenu de la garantie d'éviction

La garantie du fait personnel du vendeur
La garantie du fait personnel du vendeur est double : il s'interdit, d'une part, tout trouble de droit et, d'autre part, tout trouble de fait à l'encontre de l'acquéreur.
– Troubles de droit. – Sur ce point, cette garantie constitue pour le vendeur l'obligation de ne revendiquer aucun droit sur le bien vendu, autre que ceux qui auraient été valablement constitués aux termes des conventions des parties (par ex., un bail portant sur le bien objet de vente, ou bien encore une servitude grevant le fonds). Il s'agit de l'application de l'adage « qui doit garantir ne peut évincer ». De plus, cette obligation est considérée comme perpétuelle, de sorte que le vendeur ou ses ayants-droit ne sauraient jamais s'en dégager.
– Troubles de fait. – Outre toute revendication d'un droit, le vendeur s'interdit également de toute action non fondée sur un droit et qui entraîne pour l'acquéreur un trouble de jouissance par rapport à la destination et l'usage normal du bien acquis. Àtitre d'exemple, le vendeur d'un terrain, qui, sur le terrain jouxtant celui objet de la vente et restant lui appartenir, édifie une construction empêchant l'usage par les acquéreurs de la servitude de vue grevant la partie restée appartenir au vendeur.
La garantie du fait d'un tiers
– Troubles de droit. – Le vendeur ne doit garantie du fait d'un tiers au contrat que dès lors que ce dernier revendique un droit sur l'immeuble vendu. L'acquéreur ne saurait donc se retourner contre le vendeur en cas de trouble de fait exercé par un tiers au contrat. Plus complexe que celle du fait personnel du vendeur, la mise en œuvre de la garantie d'un tiers est soumise à trois conditions liées :
  • à l'existence d'une contestation de droit : le tiers doit invoquer un droit à l'encontre de l'acquéreur (par ex., une servitude grevant l'immeuble) ;
  • à la nature du droit revendiqué : le droit revendiqué par le tiers doit conduire à l'anéantissement total ou partiel du droit de l'acquéreur ;
  • à la bonne foi de l'acquéreur : à ce sujet, la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaît à l'acquéreur une présomption d'ignorance, le vendeur devant révéler l'ensemble des charges existant sur le bien. Sur ce dernier point toutefois, cette présomption est renversée lorsqu'il est établi que l'acquéreur ne pouvait ignorer la charge grevant le bien.
– Régime de la garantie. – Les sanctions contre le vendeur vont dépendre de la nature de l'éviction :
  • en cas d'éviction totale, l'acquéreur peut demander au vendeur la restitution du prix, mais également des fruits qu'il serait obligé de verser au propriétaire qui l'évince, des frais engendrés par l'éviction, et enfin une allocation de dommages et intérêts ;
  • en cas d'éviction partielle, l'acquéreur peut choisir en fonction du préjudice subi : il peut faire résilier la vente si l'objet de l'éviction partielle était déterminant de son consentement ; ou, si l'éviction n'est pas suffisante pour justifier de l'extinction du contrat, il a droit au remboursement du prix de vente correspondant à la partie dont il est évincé.

Ordre public et liberté conventionnelle : extension et limitations de la garantie

– Régime impératif. – Le principe de l'ordre public est donné par l'article 1628 du Code civil : « Quoi qu'il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d'un fait qui lui est personnel : toute convention contraire est nulle ». Si la garantie du fait personnel ne peut faire l'objet que d'une extension (I), il peut néanmoins exister une limitation de la garantie du fait des tiers ou liée à la faute de l'acquéreur (II) ainsi que le permet l'article 1627 du Code civil : « Les parties peuvent, par des conventions particulières, ajouter à cette obligation de droit ou en diminuer l'effet ; elles peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie ».
L'extension de garantie
– L'extension de garantie prévue par la loi. – Le cas peut sembler assez théorique, car il nous paraît assez compliqué d'élargir le champ d'une garantie déjà totale en apparence. Ceci étant, cette extension a pu être illustrée par un auteur, en ce qui concerne la vente d'un terrain à bâtir, par l'indication par le vendeur que le terrain était viabilisable, alors qu'en réalité il ne l'était pas. Toutefois, cela nous semble plus relever de l'obligation de délivrance conforme plutôt que de la garantie d'éviction, le caractère non viabilisable du terrain en question ne pouvant avoir pour cause le fait personnel du vendeur.
Tout au plus, selon nous, pourrait-il être stipulé aux termes d'une clause spécifique que toute éviction, fût-elle partielle, pourrait entraîner une résolution du contrat, et non un remboursement de la partie du prix correspondant à l'éviction dont l'acquéreur serait victime.
– Conseils rédactionnels. – En tout état de cause, si une extension de garantie d'éviction devait être stipulée dans un acte de vente, la clause devrait être rédigée de manière extrêmement précise, précisant bien son caractère exprès et spécial.
Les limitations de garantie
– Garanties du fait des tiers. – Une limitation de garantie d'éviction est uniquement possible dans le seul domaine de la garantie d'éviction du fait d'un tiers. Il faut toutefois que cette exonération porte sur des points précis. Le cas de la servitude non apparente par exemple : en cas de révélation de servitude non apparente postérieurement à l'acquisition, le vendeur pourra ne pas être obligé d'indemniser l'acquéreur, si le rédacteur de l'acte a pris soin d'insérer une clause d'exonération sur ce point.
– Faute de l'acquéreur. – Tout d'abord la garantie n'est pas due par le vendeur dès lors que l'éviction de l'acquéreur est la faute de celui-ci.
C'est notamment le cas de l'acquéreur qui s'est fait donner quittance de son prix à charge d'en effectuer le dépôt entre les mains de créanciers inscrits ou de leur représentant, mais qui n'a pas satisfait à la sommation de payer pour une somme égale ou inférieure au prix de vente, et qui par conséquent en vient à être dépossédé de l'immeuble objet de la vente.
– L'information de l'acquéreur quant au risque d'éviction. – Selon les termes de l'article 1629 du Code civil, le vendeur est exonéré de sa garantie dès lors que le vice à l'origine de l'éviction était connu de l'acquéreur et que l'acte contient une clause spécifique écartant la garantie du vendeur sur ce point précis. Le rôle du notaire sera donc ici fondamental dans la rédaction de la clause de l'acte identifiant, d'une part, le risque d'éviction et exonérant, d'autre part, le vendeur de sa garantie.
Une exonération de cette garantie sera également possible lorsque l'acquéreur aura acquis à ses risques et périls : le contrat devient alors aléatoire et exclut de ce fait toute garantie à ce titre. Àtitre d'exemple, l'acquisition aux risques et périls de l'acquéreur peut être convenue dans le cadre de la vente d'un immeuble faisant l'objet d'une occupation illégale.

Garantie des vices cachés

– Un régime supplétif de la volonté des parties. – Définie par les articles 1641 et suivants du Code civil, la garantie des défauts de la chose vendue, constitue donc l'autre volet de l'obligation de garantie due par le vendeur. Préoccupation quotidienne de la pratique notariale, si la garantie des vices de la chose vendue peut être écartée par les parties sous certaines conditions, l'évolution législative et jurisprudentielle, ainsi que nous le verrons, a considérablement étendu le champ de l'ordre public en la matière.
Et la frontière peut parfois être ténue entre ce dont le vendeur peut s'exonérer et ce dont il ne peut pas.
Dans les développements qui vont suivre, l'idée ne sera pas tant de présenter une étude exhaustive de la garantie des défauts de la chose vendue que de présenter de manière claire et synthétique l'état des textes et de la jurisprudence afin de permettre au praticien, dans l'élaboration du contrat de vente, de distinguer les garanties impératives du vendeur de celles pouvant faire l'objet d'une adaptation conventionnelle.
Pour cela, nous ferons tout d'abord un rappel des principes gouvernant la garantie des défauts de la chose vendue (A), puis des aménagements possibles de cette garantie (B), et enfin nous tenterons de proposer une évolution cohérente de cette obligation, dans un souci d'équilibre contractuel (C).

Retour sur les principes fondamentaux de la garantie des vices cachés

– Régime légal. – Ce régime est défini par l'article 1641 du Code civil : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendentimpropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Les personnes concernées
– Parties au contrat. – Les personnes concernées par la mise en jeu de la garantie des vices cachés sont l'acquéreur, d'une part (créancier de l'obligation), et le vendeur, d'autre part (débiteur de l'obligation).
Le créancier de la garantie des vices cachés
– L'acquéreur et ses ayants-droit. – L'acquéreur de l'immeuble n'est pas le seul bénéficiaire de cette garantie. Celle-ci profite également à ses ayants-droit, car le sous-acquéreur de l'immeuble bénéficie contre son vendeur (et anciennement acquéreur) mais aussi contre le vendeur initial de cette garantie, dès lors qu'il a un intérêt direct et personnel à agir. Il peut alors agir contre son propre vendeur, le vendeur initial, voire solliciter leur condamnation in solidum .
– Cas particuliers. – Le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir contre le vendeur des lots au titre de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble, et notamment en ce qui concerne les parties communes.
En cas d'acquisition démembrée, il faut à notre sens retenir que c'est l'usufruitier qui pourra agir, car c'est l'usage de l'immeuble qui est affecté par l'existence du vice. Et après extinction de l'usufruit, le droit d'agir reviendra au nu-propriétaire d'origine devenu plein propriétaire après consolidation de ses droits sur le bien.
Le débiteur
– Le vendeur d'immeuble. – Le débiteur est bien évidemment le vendeur, mais il faut noter que les vendeurs antérieurs peuvent également être inquiétés au titre de cette garantie. En outre, concernant la vente de l'immeuble après achèvement, le vendeur devient débiteur d'une double garantie : celle des articles 1792 et suivants du Code civil, et cumulativement de la garantie des vices cachés. Il existe donc ici un cumul des garanties très protecteur de l'acquéreur mais, ainsi que nous le verrons, le vendeur pourra, à certaines conditions, s'exonérer de la garantie de l'article 1641 du Code civil.
Les conditions de fond
– Quatre conditions cumulatives. – Pour qu'un acquéreur puisse revendiquer un manquement du vendeur à son obligation de garantir les défauts de la chose vendue, il doit justifier de l'existence de quatre conditions : l'existence d'un vice, que ce vice rende l'immeuble impropre à l'usage, qu'il soit caché, et qu'il soit antérieur à la vente.
– L'existence d'un vice. – Ce vice doit être inhérent à l'immeuble vendu, sachant que la vétusté ne peut constituer un vice et que l'acquéreur d'un immeuble ancien reste tenu d'une vigilance minimale, sans toutefois qu'un défaut de recherches précises puisse lui être reproché.
– Un vice rendant l'immeuble impropre à l'usage. – Il n'est pas nécessaire que l'usage de l'immeuble soit rendu impossible en raison de l'existence du vice, mais bien que ce vice affecte l'immeuble de manière à le rendre impropre à sa destination. Quelques exemples tirés de la jurisprudence :
  • terrain marécageux nécessitant des travaux de confortation ;
  • immeuble insalubre ;
  • vente d'un emplacement de stationnement inutilisable ;
  • terrain et maison inondables ;
  • défaut d'étanchéité de la toiture-terrasse ;
  • terrain pollué dont la pollution était connue de l'acheteur mais d'une ampleur réelle plus importante que celle révélée par le vendeur.
– Un vice caché. – La notion de vice caché s'apprécie par opposition au vice apparent évoqué dans l'article 1642 du Code civil, lequel indique : « Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ». La garantie sera donc due pour le vice qui n'est pas apparent au jour de la vente. Le caractère caché du vice doit s'apprécier au regard du respect par le vendeur de son obligation précontractuelle d'information, de la nature du bien vendu et de la connaissance de ce dernier que l'acquéreur pouvait avoir au jour de l'achat. De manière générale, on peut définir comme caché le vice dont l'acquéreur normalement diligent n'avait pas connaissance au jour de la vente et qu'il ne pouvait déceler.
– Un vice antérieur à la vente. – Le transfert de propriété emportant transfert des risques de la chose, le vice doit exister préalablement à la vente pour permettre à l'acquéreur d'intenter une action sur la base de la garantie des défauts de la chose vendue.
Délais et mise en œuvre
– Délai pour agir. – Alors que jusqu'en 2005, la loi parlait d'un « bref délai » pour agir, ce qui ne manquait pas de créer une certaine difficulté, l'ordonnance no 2005-136 du 17 février 2005 a modifié le texte du premier alinéa de l'article 1648 du Code civil, lequel est désormais rédigé de la manière suivante : « L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ». Mais si le point de départ du délai pour agir est incontestable, il faut également garder à l'esprit que ce délai de deux ans est « enfermé » dans le délai butoir de vingt ans prévu à l'article 2232 du Code civil. Restait à déterminer le jour de la naissance du droit : par un arrêt du 1er octobre 2020, la Cour de cassation a fixé ce point de départ au jour de la signature de l'acte. Enfin, il faut également préciser que ce délai de deux ans est un délai de forclusion, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation : En l'espèce, les acquéreurs avaient sollicité du tribunal la nomination d'un expert, lequel avait rendu son rapport plus de deux ans après la saisine de la juridiction, et l'acquéreur introduisant l'action en garantie des vices cachés au moment de cette remise s'est vu déclaré forclos, plus de deux ans s'étant écoulés depuis la découverte du vice.

Délai pour agir en garantie des vices cachés contre le vendeur

L'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir excéder une période de vingt ans à compter de la signature de l'acte de vente.
– Mise en œuvre. – Une fois les conditions remplies et l'action ouverte dans les délais, l'acquéreur va devoir opter pour l'une des facultés ouvertes par l'article 1644 du Code civil : « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ». L'action rédhibitoire aura pour but l'anéantissement rétroactif du contrat. L'action estimatoire aura, quant à elle, pour but de faire prononcer par le juge la réfaction du contrat, et donc d'obtenir une réduction du prix, laquelle ne peut être que partielle. Par ailleurs, en cas de mauvaise foi avérée du vendeur, celui-ci devra réparer les préjudices de toutes natures liés à la présence du vice caché.

Les aménagements

– L'atténuation du caractère supplétif de la garantie des vices cachés. – Tout comme la garantie d'éviction, celle des défauts de la chose peut faire l'objet d'aménagements. Cependant, il existe également un ordre public, d'origine légale comme d'origine jurisprudentielle qui vient limiter la possibilité d'organiser au sein du contrat de tels aménagements.
Le rappel des principes
– Extension de garantie. – Le texte de l'article 1643 du Code civil n'interdit pas d'aggraver l'obligation de garantie des vices cachés du vendeur. Peu habituelle dans le cadre de la vente immobilière, il est vrai, on peut néanmoins imaginer cette extension en prévoyant par exemple un allègement des conditions de fond nécessaire à sa mise en œuvre, ou en prévoyant un délai pour agir plus long que celui de deux ans prévu à l'article 1648 du Code civil.
– Limitation de garantie. – Le même article 1643 du Code civil prévoit expressément la possibilité contractuelle d'exonérer le vendeur de sa garantie des vices cachés. En matière immobilière, cela est bien évidemment possible, et la jurisprudence de la Cour de cassation le rappelle régulièrement, en validant des clauses d'exonération dès lors que le vendeur ne fait pas preuve de mauvaise foi.
– Limitations à la liberté contractuelle. – Ceci étant, la possibilité ouverte en matière de limitation du champ de la garantie des défauts cachés de l'immeuble vendu s'est heurtée à la nécessaire protection de l'acquéreur, et surtout l'acquéreur profane. Par conséquent, la jurisprudence, mais également le législateur se sont attachés à limiter cette possibilité, ce qui ne simplifie pas la tâche du rédacteur des conventions des parties, car certaines clauses exonératoires peuvent ne pas trouver leur efficacité en raison de la situation du vendeur.
L'encadrement de l'exonération conventionnelle de la garantie des vices cachés
– Précautions rédactionnelles. – La pratique quotidienne de la vente immobilière conduit souvent à prévoir dans les actes de vente une clause d'exonération générale de la garantie de l'article 1641 du Code civil. Or, cette liberté contractuelle est en réalité très encadrée et l'évolution de la jurisprudence sur ce point précis doit servir de guide pour le rédacteur. Il nous semblait donc important de synthétiser dans les développements qui vont suivre les principales situations susceptibles de soulever l'interrogation du rédacteur. Lequel, en cas de doute, devra donc s'informer de la façon la plus exhaustive possible auprès des parties à l'acte.
Le vendeur professionnel : le principe de l'exonération interdite
– Un principe jurisprudentiel constant. – Il faut remonter à 1954 pour trouver l'origine de l'interdiction pour le vendeur professionnel de s'exonérer de sa garantie des vices cachés. Aux termes d'un arrêt du 24 novembre 1954, la Cour de cassation n'a pas créé ex nihilo un régime particulier pour le vendeur professionnel, mais a assimilé par principe ce dernier au vendeur de mauvaise foi de l'article 1645 du Code civil. Cet arrêt fait donc naître une présomption à l'égard du vendeur professionnel : celle de connaître l'ensemble des vices dont la chose objet de la vente peut être affectée. Et par conséquent soumet ce dernier non seulement à garantir l'acquéreur contre tout défaut caché de la chose, mais également à indemniser ce dernier au-delà de la restitution du prix de vente.
Cette présomption, irréfragable, a été confirmée par la Cour de justice des Communautés européennes, cette juridiction considérant qu'elle ne transgressait aucun principe communautaire. Ce principe est en outre régulièrement confirmé par la Cour de cassation.
– Qualité de vendeur professionnel. – La définition du vendeur professionnel ne figurant pas dans la loi, c'est par un long processus jurisprudentiel que cette notion a été encadrée. Néanmoins, on peut aujourd'hui établir qu'elle recouvre quatre conceptions du vendeur professionnel : le vendeur habituel, le vendeur disposant de connaissances techniques et réalisant des travaux, le vendeur ne disposant pas de connaissance technique et réalisant des travaux, et le vendeur exploitant.
– Le vendeur habituel. – Est considéré comme vendeur professionnel celui qui réalise à titre habituel des opérations d'achat et de revente. Plus précisément le marchand de biens. Rentre également dans cette catégorie une Safer revendant un immeuble rural. Et peu importe que le vendeur professionnel agisse dans le cadre de son activité ou à titre personnel. Àtitre d'exemple, un gérant de société dont l'activité était purement immobilière, cédant sa résidence principale, ne peut revendiquer une exonération de garantie. Il faut également ici envisager le cas des sociétés foncières, investisseurs institutionnels, ou autres fonds d'investissement dont une partie de l'activité consiste à procéder à des acquisitions immobilières qui feront plus tard l'objet d'arbitrage, c'est-à-dire de revente, le plus souvent une fois l'investissement rentabilisé par l'exploitation locative qui en aura été faite. Faut-il reconnaître à ces structures la qualité de vendeur habituel ? La réalisation d'arbitrages réguliers devrait selon nous s'assimiler à la définition du vendeur habituel, quand bien même l'acquisition aurait été réalisée sans indication quant à une revente future du bien. Par conséquent, un tel vendeur ne pourrait revendiquer une exonération de garantie au titre des vices cachés, sauf si l'acquéreur devait lui-même être considéré comme un professionnel, ainsi que nous le verrons un plus loin.

Le cas de la société civile immobilière

Parmi les évolutions jurisprudentielles concernant la notion de vendeur professionnel dans le cadre de l'obligation de garantie de l'article 1641 du Code civil, il faut rappeler celle concernant les SCI. Par un arrêt du 27 octobre 2016, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a reconnu à une SCI la qualité de professionnel de l'immobilier au titre de la garantie des vices cachés dans des termes dénués d'ambiguïté : « La SCI qui, aux termes de ses statuts, avait pour objet « l'acquisition par voie d'achat ou d'apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, l'aménagement, l'administration et la location de tous biens et droits immobiliers… », avait acquis une vieille ferme qu'elle avait fait transformer en logements d'habitation dont elle avait vendu une partie et loué le reste et qu'elle avait immédiatement réinvesti les profits retirés dans une autre opération immobilière, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants, que la SCI avait la qualité de vendeur professionnel et a légalement justifié sa décision ».
Une première décision rendue en 2004 avait déjà posé la question de la qualité de la SCI à ce titre, mais l'opération menée s'analysait alors comme une véritable opération de lotissement à caractère professionnel, de sorte que le fait que le vendeur soit une SCI n'apparaissait pas comme le critère déterminant pour lui reconnaître la qualité de vendeur professionnel.
En tout état de cause, le notaire devra, au moment de rédiger des statuts de SCI ou de constater une vente par une société de ce type (y compris de nature purement familiale), attirer l'attention de ses clients sur ce point précis des garanties que la SCI serait contrainte à fournir dans le cadre d'une vente immobilière, et dont ils seraient dispensés en leur simple qualité de personnes physiques n'agissant pas à titre habituel.
– Le vendeur disposant de connaissances techniques et réalisant des travaux. – Dans cette hypothèse, même si la vente n'est pas une activité habituelle du vendeur, si en raison de sa profession et des travaux réalisés par lui ou sous ses ordres, ce dernier a une connaissance particulière des biens vendus, il ne pourra s'exonérer de la garantie de l'article 1641 du Code civil. Pour illustrer ce cas, on peut citer l'exemple de l'artisan maçon qui ne justifie pas ne pas avoir réalisé lui-même les travaux, ou le vendeur, ingénieur des travaux publics de profession, qui a fourni les éléments de charpente utilisés et surveillé le chantier.
– Le vendeur ne disposant pas de connaissances techniques et réalisant des travaux. – Il s'agit ici du cas bien connu de la pratique notariale, appelé « castor » en référence au système d'autoconstruction coopératif créé en France à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Concrètement, le vendeur qui a entrepris lui-même la construction d'un ouvrage ne peut, à la vente de ce dernier, invoquer une exonération de l'obligation de garantir les défauts de l'immeuble, étant assimilé par la jurisprudence de la Cour de cassation à un vendeur professionnel.
– Le vendeur exploitant. – Jurisprudence plus récente, mais incontestablement destinée à connaître un fort développement dans les années qui viennent, la Cour de cassation, aux termes d'un arrêt du 29 juin 2017, a assimilé au vendeur professionnel le vendeur également exploitant de l'immeuble objet de la vente. Le cas concernait une acquisition réalisée par une SCI d'un immeuble dans lequel avait été exploité un garage automobile pendant de longues années. L'acquéreur entendait transformer cet immeuble en immeuble à usage d'habitation. L'acte contenait une clause d'exonération des vices cachés, et les travaux réalisés une fois l'acquéreur devenu propriétaire ont mis en évidence la présence dans le sol d'hydrocarbures et de métaux lourds.
La Cour de cassation a refusé l'application de la clause exonératoire au motif qu'en sa qualité de dernier exploitant du garage (par ailleurs précédemment exploité par son père), le vendeur ne pouvait ignorer les vices affectant les locaux.
Il convient toutefois selon nous de relativiser la portée de cet arrêt, notamment en ce qui concerne la vente d'un immeuble ayant fait l'objet d'une cessation d'activité polluante au titre du régime des installations classées pour la protection de l'environnement. Dans un tel cas, si le vendeur-exploitant a exécuté les travaux de remise en état prescrits par l'autorité administrative, si après récolement aucune réserve n'est émise, le vendeur pourra stipuler une exonération de garantie, la pollution connue ayant été traitée.
– L'exception de la vente entre professionnels. – Lorsque la vente concerne également un acquéreur de la même spécialité, une clause d'exonération des vices cachés retrouve son efficacité. Ceci étant, l'obligation de bonne foi continue de peser sur le vendeur.
Le vendeur non professionnel : une exonération limitée
– Dossier de diagnostic technique et garantie des vices cachés. – Si le vendeur non professionnel peut, au titre de l'article 1643 du Code civil, s'exonérer de cette garantie, cette possibilité n'est cependant pas sans condition ni restriction. En effet, l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation, qui prévoit l'établissement du dossier de diagnostic technique préalable à la vente soumet l'exonération sur les points visés, à la production de ce diagnostic. Rappelons qu'en fonction de la nature du bien et de sa destination, certains éléments de ce dossier ne seront pas toujours obligatoires, et un soin particulier devra être porté aux dates de validité des différents examens composant le dossier de diagnostic technique, ainsi qu'à la justification des compétences professionnelles du diagnostiqueur et du respect de son obligation d'assurance. De la même manière, le notaire devra particulièrement veiller aux modifications susceptibles d'affecter le bien objet de la vente entre la promesse de vente et l'acte définitif. Il a été ainsi jugé qu'une vente, portant sur une parcelle non inscrite dans le périmètre d'un plan de prévention des risques naturels au jour de la promesse (et ainsi que cela en était justifié aux termes de l'état des risques naturels et technologiques annexé), mais par la suite classée en zone à risque avant la réitération, doit contenir un nouvel état des risques mentionnant le nouveau classement en zone à risque, quand bien même l'état des risques annexé à la promesse était toujours en cours de validité.
La Cour de cassation a pu par la suite préciser cette jurisprudence, tout d'abord en indiquant que l'obligation d'information portait également sur la prescription d'un plan de prévention, dès lors que les informations disponibles sont suffisamment précises, puis en relevant que l'état des risques et pollution devant être produit à l'occasion d'une vente immobilière doit être établi depuis moins de six mois, et ce quand bien même les informations contenues dans ce document périmé sont toujours valables et n'ont pas connu de modification à la date de l'acte.
De la même manière, une clause de l'acte de vente prévoyant une exonération totale ne sera efficace que si les investigations menées par l'auteur du diagnostic sont exhaustives. Et ce quand bien même le diagnostic serait erroné. Dans un tel cas, la clause d'exonération de garantie conserve son efficacité ainsi que cela a été jugé par la Cour de cassation.
Enfin, il faut relever que depuis un arrêt rendu en chambre mixte par la Cour de cassation le 8 juillet 2015, en cas de diagnostic erroné établi par le diagnostiqueur, ce dernier devra indemniser intégralement l'acquéreur du préjudice subi (coût des travaux en l'espèce), et non au titre de la perte de chance soit de ne pas acquérir, soit d'acquérir à des conditions plus avantageuses.

Responsabilité du diagnostiqueur et protection de l'acquéreur

Le professionnel qui établit le dossier de diagnostic technique prévu à l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation engage bien entendu sa responsabilité contractuelle vis-à-vis du vendeur. Mais qu'en est-il vis-à-vis de l'acquéreur ? Doit-on, dans un acte de vente, prévoir le transfert par le vendeur au profit de l'acquéreur de l'ensemble de ses droits et actions contre le diagnostiqueur en cas d'établissement d'un diagnostic erroné ?
On a pu voir que dans un tel cas, le vendeur, non professionnel, bénéficie tout de même de l'exonération de garantie, si tant est que celle-ci soit stipulée aux termes de l'acte de vente.
Pour autant, un tel transfert ne nous semble pas nécessaire, dans la mesure où la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur peut également être engagée par l'acquéreur sur la base d'un manquement par ce dernier à une obligation contractuelle, et ce au titre de sa qualité de « tiers intéressé », selon l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 octobre 2006.
– Vendeur de bonne foi. – En tout état de cause, une clause d'exonération de la garantie des vices cachés sera inopérante, même pour un vendeur particulier, dès lors que l'acquéreur aura rapporté la preuve de la mauvaise foi du vendeur : c'est-à-dire que celui-ci avait connaissance du défaut de la chose au jour de la vente, et l'a dissimulé à l'acquéreur.

Garantie des vices cachés, exonération et équilibre contractuel : quels enjeux pour le rédacteur du contrat de vente ?

– Tendances contractuelles. – La pratique notariale de la vente immobilière concerne, pour une part majoritaire, la vente entre particuliers. Dans ce cadre, c'est le principe de la vente en l'état qui s'est imposé au fil de l'histoire, et l'exonération de la garantie des vices cachés pour le vendeur s'est généralisée. Pour autant, est-ce satisfaisant ? Nous venons de voir que depuis le fort mouvement d'accession à la propriété foncière qui a accompagné le développement économique des « Trente Glorieuses », la jurisprudence comme la loi ont continuellement élargi le champ de la garantie impérative pour le vendeur, et ce dans un souci de protection de l'acquéreur, considéré comme la partie faible du contrat. Certains pourraient voir ici l'application à la vente immobilière de l'adage d'Henri Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». En tout état de cause, cela doit pousser le notaire rédacteur du contrat de vente à se poser la question de l'équilibre contractuel sur ce point précis, sans perdre de vue que son devoir de conseil doit en outre bénéficier tant au vendeur qu'à l'acquéreur.
Garantir l'efficacité d'une clause d'exonération des vices cachés
– Les investigations nécessaires. – Prévoir une clause exonérant le vendeur de son obligation de garantie des défauts de l'immeuble est une chose. Garantir l'efficacité de cette clause en est une autre. Le meilleur moyen d'y parvenir, selon nous, est de recueillir l'ensemble des informations nécessaires :
  • tout d'abord, concernant le vendeur : est-il un professionnel ? Si non, peut-il y être assimilé en vertu des règles édictées par la jurisprudence ? Àce titre, le questionnaire préalable du vendeur tel que nous l'avons construit dans le cadre de nos travaux constitue un outil particulièrement utile que la pratique notariale se doit de généraliser. D'autant qu'une réponse positive n'emporte pas automatiquement impossibilité de revendiquer la clause exonératoire. Par exemple, un vendeur exerçant la profession d'architecte pourrait intuitivement être classé dans la catégorie de vendeur professionnel ne pouvant ignorer les défauts de l'immeuble vendu. Mais si les travaux n'ont pas été réalisés sous son autorité, le vendeur, par ailleurs architecte de profession, pourra s'exonérer de cette garantie. C'est à ce titre la position de la Cour de cassation. Les investigations devront donc être poussées relativement loin pour être certain de pouvoir utilement conseiller le vendeur sur l'opportunité d'une vente « en l'état », ou à l'inverse sur la nécessité de limiter le champ de la clause exonératoire en fonction des circonstances ;
  • également concernant le bien objet de la vente : selon que l'immeuble sera bâti ou non, ces investigations porteront sur des éléments différents, mais il faut à tout le moins à notre sens établir un historique du bien allant au-delà de l'origine de propriété trentenaire : quels usages le bien a-t-il connus au fil du temps, de quels travaux a-t-il fait l'objet, par qui ces travaux ont-ils été exécutés ? Il est certes difficile de prétendre à l'exhaustivité, mais il faut bien comprendre que ce qui est en jeu, c'est l'efficacité de l'acte de vente, ou à tout le moins celle d'une clause fondamentale, la garantie due par le vendeur à son acquéreur.
– La rédaction de la clause. – Si l'acte de vente doit contenir une clause exonératoire, il nous semble qu'elle ne peut être rédigée qu'une fois les investigations réalisées, et ses résultats analysés. Cela ne signifie pas qu'une clause générale ne puisse valablement être insérée dans l'acte, mais il faudra avoir vérifié que cela reste possible. En revanche si les informations collectées permettent de douter de la qualité de non-professionnel du vendeur, alors, il conviendra de rédiger selon nous une clause extrêmement précise indiquant ce que le vendeur est en mesure de garantir et ce qu'il ne peut pas.
La recherche d'un nouvel équilibre contractuel
– L'intervention décisive du notaire. – Àl'heure de la standardisation des actes juridiques, et à la veille de leur conception par des outils ayant massivement recours à l'intelligence artificielle, le rôle du notaire comme rédacteur des conventions des parties pourrait paraître aux yeux de certains apôtres des nouvelles technologies comme profondément désuet. Nous pensons qu'il n'en est rien. Concernant ce point précis de l'obligation de garantir, il nous semble fondamental de rappeler ce qui doit guider le notaire dans sa mission :
  • s'assurer de la compréhension par chaque partie de la portée de son engagement. Le vendeur doit donc être parfaitement informé de l'impérieuse obligation pour lui de communiquer à l'acquéreur tout ce dont il a connaissance sur le bien vendu. C'est son obligation de bonne foi. De la même manière, il doit comprendre que, le cas échéant, la qualité de vendeur professionnel peut lui être reconnue, et donc élargir considérablement l'étendue de sa responsabilité ;
  • construire et garantir l'efficacité du contrat sous la contrainte de la nécessaire stabilité des conventions : pour illustrer ce point, il nous paraît judicieux de traiter du problème de la prescription pour agir en garantie pour l'acquéreur. Comme nous l'avons vu, l'acquéreur dispose d'un délai de deux ans pour agir à compter de la découverte du vice, tout en ne pouvant agir au-delà du délai butoir de vingt ans prenant naissance au jour de la signature de l'acte. Toutefois, depuis la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, il est possible de convenir d'un allongement ou d'une réduction du délai de prescription. En fonction des circonstances, voilà un élément à partir duquel le notaire rédacteur peut élaborer une clause permettant de réduire à un an le délai de l'acquéreur pour agir en garantie contre son vendeur si ce dernier a fourni un certain nombre d'éléments, par exemple relatifs à des travaux réalisés par lui, confortant ses déclarations. Àl'inverse, en cas d'incertitudes ne pouvant être clarifiées par le vendeur, il sera peut-être opportun de rassurer un acquéreur inquiet en lui conférant un délai plus étendu pour agir.

Quel avenir pour les clauses de garanties de l'acte de vente d'immeuble ?

Les projets de réforme en cours

– Maintien des principes et aménagement du régime. – Dans son avant-projet de réforme des contrats spéciaux, l'Association Henri Capitant reprend la distinction entre garantie d'éviction et garantie des défauts de la chose vendue, et propose des innovations intéressantes :
  • concernant la garantie d'éviction : une éviction totale serait susceptible de provoquer la résolution de plein droit de la vente, et une éviction partielle ouvrirait au créancier de l'obligation le recours aux sanctions prévues par l'article 1217 du Code civil ;
  • concernant la garantie des vices cachés : sur ce point, les travaux de l'association présentent une innovation en ne faisant plus référence à la distinction vice apparent/vice caché. Le régime proposé est celui de la connaissance supposée du vice par l'acquéreur. Ce dernier devra donc prouver qu'il ne pouvait légitimement connaître l'existence du vice au moment de la vente ou de la réception (puisque cet avant-projet traite également de la réception comme nous avons pu le voir).

Propositions alternatives

– Définition d'un régime spécifique. – Comme nous venons de le voir, la possibilité pour un vendeur, simple particulier, de s'affranchir de la garantie des défauts de la chose vendue devient de plus en plus difficile à mettre en œuvre efficacement dans un contrat de vente. Le fait d'étendre la qualité de vendeur professionnel (elle-même extension de la caractérisation de la mauvaise foi) de façon continue nous semble poser la question de la stabilité juridique des actes de vente : l'intérêt de stipuler une exonération de garantie n'est réel que si son efficacité présente un caractère certain.
Il nous semblerait donc opportun de prévoir une modification de l'article 1643 du Code civil, voire la création d'un article 1643-1 qui établirait une définition précise de la notion de vendeur non professionnel, et qui serait d'interprétation restrictive plutôt qu'extensive.