Les limites de la fondation reconnue d'utilité publique

Les limites de la fondation reconnue d'utilité publique

– Les contraintes de la fondation. – Comme nous venons de le voir, la constitution et le fonctionnement d'une fondation reconnue d'utilité publique sont empreints d'un grand formalisme et d'une certaine lourdeur, de nature à rebuter certains chefs d'entreprise.
– Un temps de création long. – Tout d'abord, sur le plan pratique, la longueur du processus pour obtenir la reconnaissance du statut d'utilité publique peut décourager le chef d'entreprise, sans compter le côté aléatoire d'une telle reconnaissance. Le délai moyen sera très souvent de trois à quatre ans.
– La place des héritiers réservataires . – Le deuxième sujet, même s'il n'est pas lié directement à la fondation mais concerne aussi le fonds de pérennité et le fonds dedotation, est relatif à l'existence d'héritiers réservataires. En pratique, la valorisation de l'entreprise excédera la quotité disponible. Il faudra donc, d'une façon ou d'une autre, que la démarche s'inscrive dans un projet familial plus large de manière à recueillir l'adhésion des enfants. La mise en place d'une renonciation partielle à l'action en réduction prévue par les articles 929 et suivants du Code civil sera un des outils possibles pour permettre au chef d'entreprise de doter la fondation au-delà de la simple quotité disponible.
Il sera important ici de bien définir en amont le projet, et notamment de savoir si la fondation a vocation à détenir le contrôle ou non de la société. Cela permettra de mieux expliquer aux enfants les enjeux d'une éventuelle renonciation à leur part de réserve héréditaire.
– La place et le rôle des organes de direction. – Le troisième sujet tient aux organes d'administration et de surveillance des fondations reconnues d'utilité publique. Ces organes doivent avoir une indépendance totale à l'égard du fondateur. Cela se traduit notamment par le fait qu'aucun collège ne peut détenir plus du tiers des voix, ce qui a pour conséquence que le chef d'entreprise qui s'est dessaisi de ses titres perd le contrôle de la gestion de la fondation.
Cette difficulté peut être partiellement contournée à la fois par la création d'une holding intermédiaire entre la fondation et la société opérationnelle et par le quantum de titres immédiatement apporté à la fondation.
– Les contraintes liées à la détention d'une entreprise. – S'agissant justement de la gestion des titres de la société détenue par la fondation, le second alinéa de l'article 18-3 de la loi no 87-571 du 23 juillet 1987 pose désormais de nouvelles obligations statutaires aux fondations reconnues d'utilité publique qui reçoivent des titres de société, afin de garantir un fonctionnement conforme au principe de spécialité tel qu'interprété par le Conseil d'État. La fondation ne peut qu'assurer une gestion des titres « sans s'immiscer dans la gestion de la société ». Cela a pour conséquence d'imposer de dissocier la direction de la fondation de celle de l'entreprise.
– Le risque de conflits d'intérêts. – La reconnaissance de l'utilité publique de la fondation peut enfin être une contrainte dans le temps, voire engendrer des conflits d'intérêts. En effet, au sein d'une même entité – la fondation reconnue d'utilité publique –, vont coexister une structure poursuivant un intérêt général et une autre poursuivant un intérêt particulier et lucratif. Il ne faut pas perdre de vue que l'objet social de la fondation doit poursuivre un but d'intérêt général. Mais il est aussi de l'intérêt de la fondation que l'entreprise qu'elle détient crée de la richesse pour lui permettre de remplir ses missions. L'équilibre passera donc par des règles de gouvernance adaptées qui permettront de veiller au respect par la fondation de son objet d'intérêt général.
– Une alternative possible. – Pour toutes ces raisons, et face au faible engouement pour la « fondation actionnaire », le législateur a voulu créer un outil plus souple : le fonds de dotation. On constate ainsi qu'un certain nombre de projets philanthropiques prennent souvent, au moins dans un premier temps, la forme d'un fonds de dotation plutôt que celle d'une fondation reconnue d'utilité publique. Le fonds de dotation offre en effet une plus grande souplesse, comme nous le verrons ci-après.