Les garanties envisageables

Les garanties envisageables

– Définitions. – Le terme de « garantie » recouvre un très large champ de définition et d'application. On peut définir la garantie comme « tout mécanisme qui prémunit une personne contre une perte pécuniaire », ou comme « un mécanisme qui confère au créancier la possibilité de se garantir contre le risque d'insolvabilité de son débiteur ». Plus précisément encore, et devant être analysée comme une forme particulière de garantie, la sûreté constitue le mécanisme permettant au créancier « d'obtenir le paiement de ce qui lui est dû en cas d'inexécution de son débiteur ». Dans la problématique de l'obligation de démantèlement et de remise en état, c'est donc dans le large champ des sûretés qu'il nous semble opportun de rechercher quelles pourraient être les garanties les plus adaptées aux obligations particulières de l'exploitant en la matière.
Deux types de sûretés peuvent être distingués : les sûretés personnelles, d'une part (Sous-section I), et les sûretés réelles, d'autre part (Sous-section II).

Les sûretés personnelles

– Définition et classification. – La sûreté personnelle peut se définir comme « la sûreté consistant dans l'engagement envers le créancier, d'un ou plusieurs autres débiteurs ». Les sûretés personnelles sont au nombre de trois : le cautionnement (§ I), la garantie autonome (§ II) et la lettre d'intention (§ III).

Le cautionnement

– Définition et régime. – Le cautionnement est défini par l'article 2288 du Code civil. Il s'agit de l'engagement par une personne d'exécuter l'obligation à laquelle s'était engagé le débiteur principal. Il s'agit dès lors d'un engagement accessoire qui ne peut engager la caution au-delà des engagements souscrits par le débiteur principal. Son régime est très protecteur de la caution dès lors qu'il s'agit d'une personne physique profane, et très largement réglementé, voire prohibé dans certains cas s'agissant d'une personne morale.
– Opportunité. – Cette sûreté est-elle adaptée pour garantir une obligation conventionnelle de démantèlement et de remise en état du site à la fin de son exploitation ? La question de la durée du contrat est ici déterminante. Selon nous, il apparaît particulièrement inopportun d'exiger de l'exploitant une telle constitution de garantie. En effet compte tenu, d'une part, de la difficulté de chiffrer vingt ou trente ans à l'avance le coût des travaux de remise en état du site, et également, d'autre part, de l'engagement potentiellement indéfini de la caution, il est à craindre que très peu de personnes, qu'elles soient physiques ou morales, et même s'agissant d'un établissement financier, soient disposées à s'engager de la sorte.

La garantie autonome

– Définition. – La garantie autonome est définie par l'article 2321 du Code civil comme « l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues ». Cette garantie, née dans les contrats internationaux, est entrée dans le Code civil à l'occasion de la réforme des sûretés portée par l'ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006.
Cette garantie est caractérisée par son autonomie : cela signifie que l'objet de la garantie est indépendant de l'obligation souscrite par le débiteur ; par conséquent, le garant ne peut opposer aucune exception tenant à la personne ou à l'obligation garantie. Le garant doit donc payer non pas ce que doit le débiteur, mais une somme déterminée censée constituer la couverture du risque d'inexécution.
– Opportunité. – En raison de son caractère autonome et indépendant, cette sûreté personnelle nous semble adaptée à la problématique d'un démantèlement et d'une remise en état d'un site ayant accueilli une unité de production d'électricité.
Dès lors, il resterait à prévoir le montant de la somme à payer par le garant pour le cas où le débiteur n'exécuterait pas son obligation de démantèlement. Toutefois, il est impératif de veiller à ce que l'objet de la garantie (la somme due par le garant) soit autonome de l'obligation du débiteur : en effet, la garantie ne saurait avoir pour assiette le coût non déterminé du démantèlement, car son montant doit être fixé dès sa constitution. Car ce qui est dû par le garant, c'est la somme stipulée dans l'acte constituant la garantie, et non la dette du débiteur. L'objet de la garantie ne pourra alors être qu'une somme précise, déterminée forfaitairement. Le risque étant qu'en cas de manquement à son obligation par le débiteur, la somme garantie ne suffise pas à réparer le préjudice du propriétaire pour le cas où le coût des travaux de remise en état s'avérerait supérieur.

La lettre d'intention

– Définition. – De la même manière que la garantie autonome, la lettre d'intention a été intégrée dans le droit des sûretés par l'ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006. L'article 2322 du Code civil la définit comme « l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier ». Fruit de la pratique, la lettre d'intention a été principalement mise en œuvre dans les rapports entre société mère et filiale. Toutefois, s'agissant d'une obligation de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien du débiteur, le manquement par le garant à ses engagements ne peut être sanctionné que par l'octroi de dommages et intérêts au profit du créancier, et en aucun cas par l'exécution forcée des obligations du débiteur.
– Opportunité. – La lettre d'intention pourra être utilisée, selon nous, pour garantir l'obligation de remise en état à la charge de l'exploitant, dès lors que ce dernier est la filiale d'une société ou d'un groupe de sociétés de plus grande importance disposant de capacités financières élevées, et pour qui le coût financier de remise en état du site ne constitue pas un obstacle majeur à son engagement.
Toutefois, il faut là encore attirer l'attention du praticien sur l'obstacle que crée le temps long de l'exploitation du site. Comme nous l'avons vu, vingt à trente ans vont s'écouler entre le jour où l'obligation sera souscrite et le jour où elle devra être exécutée. Rien ne pouvant a priori garantir que la société exploitante sera toujours détenue par les mêmes personnes trente ans plus tard, est-il réaliste d'envisager que de tels engagements puissent être pris par un actionnaire principal ? Comme pour le cautionnement et la garantie autonome, le principal obstacle à la mise en place de ces sûretés risque donc de résulter de la réticence des garants à s'engager sur une aussi longue période.

Les sûretés réelles

– Une alternative à la sûreté personnelle. – L'idée de garantir l'obligation de remise en état à la charge de l'exploitant ne doit pas être abandonnée dans la contractualisation des rapports avec le propriétaire du site au motif qu'il sera difficile d'obtenir d'un tiers l'engagement nécessaire. Si l'établissement d'une sûreté personnelle efficace peut sembler compromis, il faut alors se tourner vers les sûretés réelles pour tenter de trouver une solution susceptible de convenir au propriétaire sans que cela ne représente un coût exorbitant pour l'exploitant. Parmi le large champ des sûretés de cette nature, deux nous semblent présenter un intérêt certain : le nantissement de compte (§ I) et la propriété d'une somme d'argent cédée à titre de garantie, ou « gage-espèces », tel qu'envisagé par la réforme des sûretés (§ II). L'idée étant en outre de s'inspirer des mécanismes de constitution de garanties financières liées à l'obligation de démantèlement des éoliennes, prévus par l'article L. 515-46 du Code de l'environnement, et précédemment évoqués.

Le nantissement de compte

– Définitions et régime. – Le nantissement de compte est une forme particulière de nantissement de créance. Son régime spécifique découle de l'article 2360 du Code civil : « Lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution ». Par ailleurs, l'article 2355 du Code civil définit le nantissement de bien incorporel comme « l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs ».
Consenti par écrit à peine de nullité et opposable aux tiers dès sa constitution, le nantissement de créance peut porter sur des créances présentes ou futures et s'étend aux accessoires de la créance, sauf volonté contraire des parties. Il peut également être consenti par le débiteur pour une durée indéterminée, et prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date de l'acte. Enfin, il est opposable au débiteur de la créance nantie soit lors de la notification, soit lors de l'intervention du débiteur à l'acte.
– Opportunité. – Le nantissement d'un compte bancaire, en vue de la garantie de l'exécution par l'exploitant de son obligation de démantèlement, peut-il donc constituer pour le propriétaire une garantie solide ? Son régime, tel que nous venons brièvement de l'exposer, peut paraître séduisant pour le propriétaire. Toutefois le laps de temps devant s'écouler entre la naissance de l'obligation et son exécution peut fragiliser la garantie, plus précisément en raison de la caractéristique principale du nantissement de compte qui est de porter sur le solde existant au jour de la mise en œuvre de la sûreté. Cela signifie que le créancier ne peut connaître le montant du solde qu'au jour de l'exécution de la garantie. Il faut permettre à ce dernier d'exercer sinon un contrôle, tout du moins un blocage du compte si les mouvements intervenus laissent présager une dégradation de la garantie, voire sa disparition.
– Mise en place pratique du nantissement de compte. – Cette garantie doit constituer un élément déterminant du contrat liant le propriétaire et l'exploitant. Le rédacteur de la convention devra donc veiller particulièrement à son contenu, lequel devra comprendre a minima selon nous :
  • l'engagement du débiteur de ne pas clôturer le compte nanti le temps du nantissement ;
  • le maintien du solde du compte au-dessus d'un certain seuil ;
  • un reporting régulier par l'établissement bancaire teneur du compte au profit du créancier ;
  • la prévision d'un blocage du compte par l'établissement teneur en cas de survenance de certains événements (par ex., un solde devenu inférieur au minimum prévu par la convention).
Le blocage du compte constitue le moyen de contrôle le plus efficace du créancier. Cependant, la banque ne peut de son propre chef bloquer le compte. Elle doit pour cela avoir reçu ordre du titulaire. Donc, une fois la convention signée, outre la notification à l'établissement teneur de compte, le débiteur devra également indiquer à la banque :
  • avoir autorisé le créancier nanti à émettre une instruction de blocage de compte ;
  • lui donner mandat spécial à l'effet d'exécuter ce blocage dans les conditions prévues aux termes de l'acte de nantissement.
Ce n'est donc qu'à ces conditions que le nantissement de compte pourra constituer une garantie efficace pour le propriétaire créancier de l'obligation de remise en état.

La propriété cédée à titre de garantie : le « gage-espèces »

– Définition et régime. – Le gage peut être défini comme une « sûreté réelle conventionnelle portant sur un meuble corporel » et désigne également la convention le constituant, l'article 2333 du Code civil précisant que le gage est « une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs ». La nouveauté introduite par la réforme portée par l'ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 est que le gage peut être constitué sans dépossession. Cette convention n'est donc plus un contrat réel, puisqu'elle peut être régularisée sans remise effective de la chose objet du gage. Ce contrat reste toutefois un contrat solennel, car un écrit est exigé à titre de validité (à l'exception toutefois du gage commercial pouvant être constaté par tout moyen).
Le gage peut porter sur des choses fongibles, qu'il soit avec dépossession ou sans dépossession. Dans ce dernier cas, le débiteur peut les aliéner si la convention le prévoit, à charge pour lui de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes.
– Gages spéciaux. – Outre le droit commun du gage, tel que défini par les articles 2333 et suivants du Code civil, il existe un certain nombre de gages spéciaux, dont l'un nous semble particulièrement adapté à la problématique de la constitution d'une sûreté garantissant l'obligation de démantèlement de l'exploitant : le gage-espèces. Longtemps ignoré par les textes, mais connaissant une application pratique assez développée, la réforme des sûretés contenue dans l'ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021 consacre l'existence légale du « gage-espèces » par la création d'un régime spécifique aux cessions de somme d'argent à titre de garantie.
– Pratique du « gage-espèces » avant la réforme des sûretés. – Ce gage porte donc sur une somme d'argent, que le débiteur peut remettre soit directement au créancier, soit entre les mains d'un tiers (on parlera alors d'entiercement). Si la somme d'argent constituant l'assiette du gage est remise au créancier ou à un tiers convenu, celui-ci devra alors tenir cette somme séparée de ses autres actifs financiers. Il peut dorénavant en disposer, à charge pour lui de remplacer les choses gagées par « la même quantité de choses équivalentes ». Le possesseur du gage sera obligé à la conservation de la somme et la sanction en cas de non-respect de cette obligation sera la possibilité pour le constituant de demander sa restitution. Le contrat de gage pourra également prévoir qu'en cas de défaut d'exécution de la part du constituant débiteur, le créancier deviendra alors propriétaire des biens gagés.
Pour autant, l'idée de constituer une garantie au moyen d'une somme d'argent a été reprise, et le « gage-espèces » fait maintenant, aux termes de cette ordonnance, l'objet d'un régime particulier, défini par les articles 2374 et suivants du Code civil. Dénommé « cession de somme d'argent à titre de garantie », ce régime, rattaché au régime de la propriété retenue ou cédée à titre de garantie, prévoit pour l'essentiel :
  • la cession à titre de garantie d'une somme d'argent (il y a donc dépossession) ;
  • l'obligation d'une constitution d'une telle garantie par écrit, à peine de nullité ;
  • la possibilité offerte au cessionnaire, à défaut de convention contraire, de disposer librement de la somme ainsi cédée.
Ce régime prévoit également la détermination dans l'acte constitutif du montant de la créance garantie, ou tout du moins son évaluation : compte tenu de l'impossibilité déjà évoquée de déterminer le montant du coût final de démantèlement des unités de production d'électricité, il n'y aura dès lors pas d'autre solution que de fixer forfaitairement le montant de la créance garantie.
– Une consécration légale. – Les travaux ayant mené à la réforme des sûretés portée par l'ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 envisageaient la création d'un nantissement de monnaie scripturale sous trois formes : l'affectation en garantie d'un solde de compte en fonctionnement ; l'affectation en garantie de fonds inscrits en compte bloqué ; enfin, l'affectation en garantie de monnaie scripturale remise directement au créancier. Cela n'avait alors pas été repris par le législateur. L'avant-projet de réforme des sûretés élaboré par l'association Henri Capitant reprenait également cette idée de nantissement de monnaie scripturale. Ànouveau cette voie n'a pas été retenue par les pouvoirs publics dans le cadre de l'ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021.
– Opportunité et mise en place pratique. – La constitution d'un « gage-espèces » en garantie d'une obligation de démantèlement et de remise en état de l'immeuble ayant supporté une installation de production d'électricité décarbonée nous semble donc la solution la plus adaptée à cette situation. Pratiquement, on pourrait imaginer que la constitution de ce gage soit un élément du contrat liant le propriétaire et l'exploitant. La somme gagée serait alors déterminée dès la conclusion dudit contrat (avec pour seule réserve la difficulté de chiffrer en amont le coût du démantèlement), et le gage constitué au moyen de versements réguliers (en plus du loyer dans le cadre d'un bail superficiaire par exemple) entre les mains d'un tiers convenu désigné dans le contrat. Nous préconisons ici la solution de l'entiercement car, dans une optique d'équilibre contractuel et compte tenu de l'éloignement temporel du terme, une dépossession au profit du propriétaire créancier ne nous semble pas judicieuse, car dangereuse.

Quelle garantie financière pour le démantèlement des installations ?

L'examen des sûretés envisageables nous pousse à considérer que la constitution d'un « gage-espèces » ou, pour reprendre la terminologie de la réforme, la « cession d'une somme d'argent à titre de garantie », constitue, et de loin, la meilleure option pour garantir l'obligation de remise en état de l'exploitant.
  • L'entiercement restant possible, il sera en outre envisageable de remettre cette somme à un tiers (le notaire ayant régularisé la convention liant le propriétaire et l'exploitant par exemple).
  • De même, il pourra être stipulé que le détenteur de la somme n'aura pas la libre disposition de celle-ci. Les intérêts générés accroîtront dès lors l'assiette de la garantie, ce qui, compte tenu de la durée du contrat principal, ne sera pas sans utilité pour renforcer l'efficacité de la sûreté.