Les comprendre

Les comprendre

– Question et sous-questions. – Ces aménagements relèvent incontestablement de notre intervention auprès des concitoyens en qualité d'ingénieur notarial. Le sur-mesure et l'adaptation précise de ces outils aux situations et aspirations de chaque couple s'avèrent indispensables.
Quelle est l'étendue de l'espace de liberté des aménagements des régimes matrimoniaux, autrement dit des avantages matrimoniaux ?
Trois sous-questions à se poser : qu'est-ce qu'un avantage matrimonial (§ I) ? D'où vient-il (§ II) ? Quelles sont les protections spécifiques mises en place par le législateur pour l'avantage matrimonial (§ III) ?

La notion d'avantage matrimonial

– Sous-question. – Qu'est-ce qu'un avantage matrimonial ?
– Réponse : droit positif. – Dans la loi, seul le premier alinéa de l'article 1527 du Code civil fait mention expresse des avantages matrimoniaux, ainsi qu'il suit : « Les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes ».
Toutefois, jurisprudence et doctrine s'accordent pour conférer une vision extensive de l'avantage matrimonial, si bien que l'on peut désormais le définir comme « l'enrichissement que le fonctionnement d'un régime conventionnel procure à un conjoint, en comparaison de la situation patrimoniale qui eût été la sienne sous le régime référence ».
– Réponse : droit prospectif. – Dans le but de sécuriser la jurisprudence susvisée de 2019 concernant la participation aux acquêts, qui a d'ores et déjà été évoquée, et ses conséquences pratiques, il sera proposé au législateur de modifier l'article 1527 du Code civil. Effectivement, il semble opportun que la définition légale de l'avantage matrimonial soit précise et souligne son caractère extensif.

Codifier une définition plus précise de l'avantage matrimonial

Droit positif : l'actuel article 1527 du Code civil
« Les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations.
Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1, au titre « Des donations entre vifs et des testaments », sera sans effet pour tout l'excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un autre lit.
Toutefois, ces derniers peuvent, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1, renoncer à demander la réduction de l'avantage matrimonial excessif avant le décès de l'époux survivant. Dans ce cas, ils bénéficient de plein droit du privilège sur les meubles prévu au 3o de l'article 2374 et peuvent demander, nonobstant toute stipulation contraire, qu'il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu'état des immeubles ».
Droit prospectif : le nouvel alinéa premier de l'article 1527 du Code civil
Les avantages matrimoniaux, c'est-à-dire l'enrichissement que le fonctionnement d'un régime conventionnel procure à un conjoint, en comparaison de la situation patrimoniale qui eût été la sienne sous le régime référence, ne sont point regardés comme des donations. Alinéas 2 et 3 inchangés.
– Diversité des avantages matrimoniaux. – L'avantage matrimonial prend sa source du fonctionnement de certaines communautés conventionnelles tant par application de la loi (A) que par des avis doctrinaux et des décisions jurisprudentielles (B).

Les avantages matrimoniaux prévus par la loi

– Communauté légale. – Conformément à l'article 1497 du Code civil, le conjoint peut faire bénéficier son époux de divers avantages matrimoniaux qui s'appliqueront en cas de décès.

Clauses conduisant à augmenter ou diminuer la masse commune

– Clauses concernées. – Premièrement, les clauses visées par la loi sont celles qui sont comprises dans un régime de communauté conventionnelle et qui conduisent à augmenter ou diminuer la masse commune dans un sens favorable au conjoint survivant.
D'une part, sont concernées les clauses qui augmentent le contenu de la communauté : communauté universelle ou communauté de meubles et acquêts ; et celles qui prévoient l'apport de biens déterminés.
D'autre part, sont concernées les clauses qui réduisent le contenu de la communauté (c'est le cas de la clause excluant de la communauté les revenus des biens propres), celles qui stipulent propres par principe certaines catégories de biens et qui excluent donc des biens déterminés de la communauté.

Clause excluant de la communauté les fruits et revenus des biens propres, ainsi que le passif

Les futurs époux stipulent que les fruits et revenus des biens propres de toute nature, leur appartenant avant le mariage, ou pour les avoir reçus par succession ou donation durant le mariage, ou par suite de l'acquisition faite en remploi de fonds propres, ou par accroissement, seront des propres de l'époux propriétaire du bien propre productif desdits fruits et revenus.
En contrepartie de cette qualification de propres, les charges usufructuaires incomberont à la masse propre dont dépend le bien productif de fruits et revenus, et la communauté aura droit à une récompense chaque fois qu'elle aura acquitté avec des biens communs, dont notamment des gains et salaires de l'époux, lesdites charges usufructuaires.
Les autres charges du bien incombent également à la masse propre dont dépend le bien productif de fruits et revenus.

Clauses modifiant la liquidation et le partage des biens communs

– Clauses concernées. – Deuxièmement, les clauses visées par la loi sont celles qui conduisent à modifier la liquidation et le partage des biens communs dans un sens favorable au conjoint survivant.
– Clauses qui modifient la liquidation. – Les clauses qui modifient la liquidation sont rares en pratique ; elles pourraient être celles qui aménagent le régime des récompenses dans un sens inégalitaire.
– Clauses qui modifient le partage : inégalité économique. – Les clauses qui modifient le partage en créant une inégalité économique sont courantes en pratique ; il s'agit de la clause d'attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant, de la clause de partage inégal de la communauté, et de la clause de préciput pour prélever un bien sans indemnité avant partage.

Les clauses qui modifient le partage : inégalité économique

La clause de préciput permet à l'époux survivant de prélever sur la communauté avant tout partage une somme, un bien en nature ou une certaine quantité d'une espèce déterminée de biens, en vertu de l'article 1515 du Code civil.
Aucune indemnité n'est due, et la clause n'a vocation à s'appliquer qu'au décès de l'un des époux.
Aucune dette n'est attachée à la clause de préciput. En effet, cette clause ne change rien au principe selon lequel chacun des époux supporte par moitié le passif définitif de communauté. Il peut en résulter un avantage certain pour le bénéficiaire du préciput, lorsqu'il reçoit plus de moitié de l'actif tout en demeurant tenu de la moitié seulement du passif.
La clause de parts inégales permet aux époux de « déroger au partage égal établi par la loi » (C. civ., art. 1520). Ainsi, il est possible de prévoir que l'époux n'aura qu'une certaine part dans la communauté ou la totalité de la communauté (uniquement dans le cas de survie), ou encore pourra recevoir outre sa moitié, l'usufruit de la part du prédécédé (C. civ., art. 1521).
L'époux supportera les dettes proportionnellement à la part qu'il recevra ; il ne peut en aucun cas en être dispensé.
– Clauses qui modifient le partage : attribution préférentielle. – Les clauses qui organisent une attribution préférentielle lors du partage peuvent également être utilisées, telle la clause de prélèvement de biens de communauté moyennant indemnité.
Ladite clause de prélèvement de biens de communauté moyennant indemnité, créée par la pratique notariale, permet à un époux de conserver un bien à charge de payer une indemnité. C'est un « droit préférentiel conventionnel » qui peut porter sur un bien commun ou propre. Les époux demeurent libres d'encadrer une telle clause, notamment sur le fait générateur (décès ou divorce) et les modalités de paiement de la soulte.

Les avantages matrimoniaux prévus par la jurisprudence et la doctrine

Clauses concernées

– Séparation de biens assortie d'une société d'acquêts. – Premièrement, la jurisprudence a confirmé que l'apport d'un bien personnel à la société d'acquêts constitue un avantage matrimonial.
En outre, il convient de noter que toutes les modifications conventionnelles pouvant être apportées au régime de communauté susvisée sont transposables à la société d'acquêts. D'après une analyse doctrinale et prétorienne constante, la société d'acquêts est une forme particulière de communauté, réduite aux biens qui y sont inclus par contrat.
– Participation aux acquêts. – Deuxièmement, la doctrine admet que certaines clauses de la participation aux acquêts qui introduisent une inégalité en faveur du survivant constituent des avantages matrimoniaux.
La jurisprudence n'a, cependant, pas eu l'occasion de se prononcer sur cette question.

Clause non concernée

– Clause alsacienne. – À l'inverse, la clause de reprise des apports, dite « clause alsacienne », ne constitue pas un avantage matrimonial. Elle est plutôt son contraire en ce sens qu'elle vise à éviter qu'un avantage matrimonial ne se réalise en faveur du conjoint de l'apporteur.
Mise en œuvre et fiscalité de la clause alsacienne
– Sur la mise en œuvre de la clause alsacienne. – Sans relater les vives controverses qui ont animé, pendant un temps, la doctrine sur la question de la validité de la clause de reprise des apports, nous retiendrons qu'elle est désormais consacrée au troisième et dernier alinéa de l'article 265 du Code civil, introduit par la loi no 2006-728 du 23 juin 2006.
  • en cas de décès : la protection conférée par la communauté conventionnelle bénéficiera au conjoint survivant ;
  • pour une cause autre que le décès (classiquement le divorce, voire dans le cas où le décès d'un époux surviendrait pendant l'instance en divorce) : chaque époux fera la reprise des biens mis par lui en communauté mais qui lui auraient été propres sous le régime de la communauté légale, c'est-à-dire les biens présents et ceux reçus à titre gratuit pendant l'union.
L'objectif poursuivi par ladite clause est « d'éviter que les propres de l'un ou de l'autre des époux ne soient alors partagés à égalité ». Cela revient à prévoir une issue liquidative distincte à la communauté conventionnelle – ou la société d'acquêts – selon la cause de dissolution du régime matrimonial :
Ce faisant, la clause alsacienne constitue une modalité du partage de la masse commune (d'où son autre appellation de « clause de liquidation alternative »), ce que la jurisprudence a eu l'occasion d'affirmer à plusieurs reprises.
La reprise effectuée par l'époux, en qualité de copartageant, n'a pas pour effet de changer a posteriori la nature des biens considérés : ils ne redeviennent pas rétroactivement propres, mais demeurent communs et sont repris comme tels. Comme l'explique A. Tisserand-Martin, « les reprises s'exercent sur des biens communs, qui n'ont jamais cessé de l'être » ; « la reprise des apports à la suite du divorce n'opère pas un changement rétroactif de la qualification du bien concerné. (…) Et, c'est en qualité de bien commun que le bien est repris ».
Finalement, il s'agit d'« une sorte d'attribution préférentielle gratuite sur les biens entrés en communauté ».
– Sur la fiscalité de la clause alsacienne. – L'exercice d'une clause alsacienne, à l'occasion de la dissolution de la communauté, est-il soumis au droit de partage ?
Une première analyse consiste à considérer, conformément à la nature civile étayée ci-dessus, qu'il est difficile d'échapper au droit de partage. L'article 746 du Code général des impôts pose les conditions légales de l'exigibilité du droit de partage : un acte, une indivision, des attributions faisant cesser la même indivision. En effet, l'imposition proportionnelle ne peut être exigée que si l'acte présenté à la formalité constitue un véritable partage, c'est-à-dire transforme le droit abstrait et général de chaque copartageant sur la masse commune en un droit de propriété exclusif sur les biens mis dans son lot. En cas de dissolution par divorce (ou de procédure en cours au moment du décès), la clause alsacienne autorise, dans une communauté conventionnelle, chacun des époux à reprendre les biens tombés en communauté et non constitutifs d'acquêts ; c'est-à-dire les biens qui auraient été propres dans un régime de communauté légale. Il faut garder à l'esprit la nature des biens repris : il s'agit de biens communs. Les biens apportés par les époux à la communauté font partie de la masse commune à partager et seront attribués respectivement aux époux apporteurs, en cas de dissolution de la communauté par le divorce. En définitive, la clause représente une répartition conventionnelle de la masse commune.
Une deuxième analyse défend qu'au contraire, la clause de reprise des propres relève d'une opération de liquidation, dont le règlement aboutit automatiquement, sauf renonciation, à la reprise par l'époux apporteur, sans partage. En ce sens, J. Molinier écrit que « l'époux apporteur reprend le bien non pas en sa qualité d'indivisaire mais en sa qualité d'époux et conformément aux stipulations prévues dans le contrat de mariage. Cette opération ne devrait pas supporter le droit de partage. Le régime est liquidé comme une communauté légale et comme si les apports n'étaient jamais tombés dans la communauté. Le prélèvement est préalable au partage. Il n'y a pas véritablement anticipation du partage. Il n'est pas une opération de partage ».
Une troisième analyse pourrait accorder un rôle majeur à la rédaction de la clause alsacienne. Il pourrait être considéré que, selon sa rédaction, son exercice relève soit d'une opération de partage (avec l'imposition afférente), soit d'une opération de liquidation. L'ingénierie notariale serait à l'œuvre.

La source de l'avantage matrimonial : un régime matrimonial conventionnel

– Sous-question. – D'où vient l'avantage matrimonial ?
– Réponse. – L'avantage matrimonial a pour principale caractéristique de procéder du fonctionnement d'un régime matrimonial conventionnel. La liberté des époux, en la matière, est d'adjoindre à leur régime matrimonial des aménagements.
Ceux-ci trouvent leur source dans une convention matrimoniale ; peu importe qu'ils découlent d'un contrat de mariage initial ou d'un changement, voire d'un aménagement de régime matrimonial pendant le cours de l'union, sur le fondement et aux conditions de l'article 1397 du Code civil.

Aménagement et changement de régime matrimonial

– Droit positif. – Le principe est celui de l'immutabilité des conventions matrimoniales, lequel a été clairement affirmé depuis la fin du XVI e siècle. L'article 1395 du Code napoléonien prévoyait que les conventions matrimoniales « ne peuvent recevoir aucun changement après la célébration du mariage ». Cette mutabilité est dorénavant beaucoup plus souple, sans pour autant être complètement annihilée.
Désormais, « les époux peuvent convenir, dans l'intérêt de la famille, de modifier leur régime matrimonial, ou même d'en changer entièrement, par un acte notarié ». De sorte que depuis la loi du 23 juin 2006, « l'interprétation de la notion d'intérêt de la famille » est au cœur du dispositif de l'article 1397 du Code civil.
En présence d'enfants majeurs, il n'est plus question d'homologation par le tribunal mais d'information par courrier recommandé, lequel ouvre un délai d'opposition d'une durée de trois mois.
En présence d'enfants mineurs, sous le régime de l'administration légale, le notaire peut choisir de saisir le juge des tutelles. Il s'agit d'un devoir d'alerte du juge accordé aux notaires sur le fondement de l'article 387-3, alinéa 2.
Nous renvoyons ici à l'étude effectuée par la deuxième commission du rapport du 116e Congrès des notaires de France :
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2126 à 2149, p. 374 à 388.">Lien
En présence d'enfants mineurs sous tutelle ou d'enfants majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection juridique, l'information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles.
Ici aussi, nous renvoyons aux développements de la deuxième commission du rapport du 116e Congrès des notaires de France :
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2150 à 2158, p. 389 à 391.">Lien
– Droit prospectif. – Est-il opportun de conserver le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales reposant sur lesdites informations (outre celle pour les créanciers) ? Un tel principe représente-t-il un frein pour les époux d'aujourd'hui ? Faut-il réfléchir à une nouvelle voie pour les conventions matrimoniales, notamment à l'image d'un contrat à options cliquets ? Les objectifs des époux au cours de la vie ne sont pas immuables ; pourquoi leurs conventions matrimoniales le seraient-elles ?

Les protections de l'avantage matrimonial en cas de décès de l'un des époux

– Sous-question. – Quelles sont les protections spécifiques mises en place par le législateur pour l'avantage matrimonial en cas de décès de l'un des époux ?
– Réponses. – La liberté des époux en la matière est limitée, dans un premier temps, par l'ordre public. Les aménagements des régimes matrimoniaux ne pourront pas porter atteinte aux principes d'égalité et d'équilibre matrimonial, ni au régime primaire, ni mettre en péril les bonnes mœurs. Aussi, les conventions ne doivent pas être contraires aux articles 1387, 1388 et 1389 du Code civil.
Dans un second temps, la liberté des époux est limitée par la protection accordée aux enfants issus d'une autre union sur le fondement de l'avantage matrimonial.
– Action en retranchement. – Conformément à l'alinéa 2 de l'article 1527 du Code civil, du simple fait de la présence d'enfants non issus du conjoint survivant, l'avantage matrimonial doit être traité comme une donation afin de garantir la protection de la réserve héréditaire des enfants. Cette dérogation tient au fait qu'un enfant au moins, du fait qu'il n'est pas issu du survivant, risquerait sinon d'être spolié de sa réserve individuelle.
Il ne faut cependant pas s'y tromper ; cela ne signifie pas pour autant que l'avantage procuré par le régime soit requalifié en une véritable donation, avec toutes les conséquences attachées à cette qualification.
L'action en retranchement a pour objet l'avantage résultant d'un régime matrimonial conventionnel, qui sera traité comme une donation pour les besoins de la réunion fictive, des imputations et de la réduction éventuelle.
Si les héritiers réservataires non issus de l'union avec le conjoint survivant le demandent, il faut d'abord mettre en œuvre l'action en retranchement, puis, s'il y a lieu, le retranchement de l'avantage lui-même.
Une fois exercée, l'action en retranchement est de nature à bénéficier à tous les descendants.
– Absence d'exercice de l'action en retranchement a posteriori . – Une fois que l'avantage matrimonial est constitué et que le droit d'en rechercher le retranchement est né, c'est-à-dire après l'ouverture de la succession, il est toujours possible pour le titulaire de l'action de ne pas exercer cette dernière.
Soit il renonce expressément à l'action, ce qui n'est en rien contraire à l'ordre public, la succession étant ouverte ; simplement, si cette renonciation apparaît inspirée par l'animus donandi, elle sera susceptible d'être requalifiée en libéralité indirecte du renonçant envers le bénéficiaire de la renonciation.
Soit encore le titulaire de l'action demeure inactif, afin de la laisser prescrire par l'écoulement du délai prévu à l'article 921 du Code civil pour l'action en réduction, dont l'action en retranchement, c'est le lieu de le rappeler, n'est qu'une variété. Tant que l'avantage matrimonial n'est pas constitué, parce que la succession n'est pas encore ouverte, il est également possible de prévenir l'action en retranchement par la renonciation anticipée à l'action en retranchement (Raar).
– Absence d'exercice de l'action en retranchement a priori : renonciation anticipée à l'action en retranchement. – L'article 1527 du Code civil institue dans son troisième alinéa une renonciation anticipée à l'action en retranchement à l'image de la Raar. La mise en œuvre de cette renonciation permet de priver pour de bon le renonçant de tout droit d'agir en réduction.
Comme l'écrit N. Baillon-Wirtz, « selon une logique identique à celle instaurant la renonciation à l'action en réduction, la loi du 23 juin 2006 modifie l'actuel article 1527 du Code civil, laissant aux enfants non issus des deux époux la possibilité de renoncer, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1 du Code civil, à demander la réduction des avantages matrimoniaux excessifs avant le décès de l'époux survivant, ce dernier ayant ainsi le droit de rester en possession des biens du défunt ».
De jurisprudence constante, l'action en retranchement n'est rien d'autre que l'action en réduction elle-même appliquée à l'avantage matrimonial ; de sorte que ce qui vaut pour la réduction vaut pour le retranchement. Les modalités et les formes classiques de la renonciation anticipée à l'action en réduction sont alors requises. Les conséquences sont celles de toute renonciation de ce type : en particulier, en vertu de l'article 930-1, alinéa 2 du Code civil, l'opération ne saurait être analysée en une libéralité indirecte à l'égard du beau-parent qui conserve intact son avantage ainsi consolidé. Cette disqualification légale vaut spécifiquement au regard des droits de mutation à titre gratuit, car, sinon, les droits seraient au taux le plus élevé, le conjoint survivant étant par hypothèse étranger à la parenté du renonçant. L'article 756 bis du Code général des impôts le confirme.