CGV – CGU

Partie I – La protection réciproque et mutuelle des proches
Titre 2 – Le changement du régime conjugal
Chapitre I – Le changement de régime matrimonial : une protection contrôlée
Section I – Introduction

2123 – Suppression de la condition de durée du mariage. – La loi no 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, modifie, en son article 8, les conditions du changement de régime matrimonial.

Le point le plus important est, paradoxalement, celui qui ne suscite ni ne suscitera, ici, de commentaire : la suppression du délai de deux ans pendant lequel les époux devaient avoir pratiqué leur régime matrimonial avant de pouvoir le modifier ou le changer. Cette suppression est présentée comme une mesure de « simplification » et d’efficacité170 mais sa réelle portée est beaucoup plus profonde : le peu qui restait de l’immutabilité des régimes matrimoniaux disparaît. Comme des partenaires les époux peuvent, désormais, changer à l’envi les termes de « l’association conjugale quant aux biens » (C. civ., art. 1387), sans avoir eu à éprouver la pertinence de celle déjà convenue. À l’extrême, et n’était le coût des actes, ils pourraient abandonner le lendemain le régime convenu la veille.

Contrairement à celui des partenaires, pourtant, leur choix reste soumis à un contrôle, si léger soit-il devenu. Suivant la voie qu’il avait tracée en 2006, le législateur offre à certains membres de la famille (les enfants et ceux qui avaient été parties au contrat d’origine) la possibilité de s’« opposer », c’est-à-dire de contester la conformité du changement à l’intérêt de la famille et provoquer, ainsi, l’intervention d’un juge. Les créanciers des époux pouvant, aussi, s’opposer, mais pour la protection de leurs propres intérêts, le statut matrimonial se distingue encore (presque in extremis) d’un simple partenariat : ni le mariage ni le régime matrimonial ne sont tout à fait réduits à la somme de rapports contractuels ordinaires. Le couple marié est, encore, perçu comme instituant une famille dont l’article 1397 proclame, encore, que son intérêt, distinct de celui des époux, est l’objet d’une protection spécifique.

2124 – De l’intérêt de la famille vers l’intérêt des enfants. – Peut-être la vraie réforme reste-t-elle à venir : elle aurait pu consister à rompre avec le principe même d’un contrôle a priori de la conformité du changement de régime à l’intérêt de la famille. Au lieu de cela, la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 25, suit la logique amorcée en 2006 : le contrôle a priori par un juge n’est plus systématique mais il peut être provoqué par l’opposition des enfants, de ceux qui avaient été parties au contrat d’origine ou des créanciers des époux. La plus modeste de ses ambitions était de résoudre une difficulté née de la précédente réforme en organisant mieux le droit d’opposition de l’enfant majeur placé sous un régime de protection171. L’exposé des motifs ne le dit pas mais les solutions mises en place devraient également s’appliquer à l’enfant mineur sous tutelle (Section II). Le plus audacieux consistait, toutefois, à supprimer le dernier cas où l’homologation était encore systématiquement requise. La réforme de 2006 s’était arrêtée à cette difficulté que, lorsque l’un au moins des époux a un enfant mineur placé sous son administration légale, cet enfant ne peut exercer de droit de critique, ni par lui-même, ni par la voie de son représentant, partie au changement de régime auquel il devrait s’opposer. Le cas était apparu suffisamment insoluble pour que, dans cette seule hypothèse, fut maintenue ce qui était, jadis, la règle générale : le changement de régime ne prenait effet que par l’homologation judiciaire. Depuis le 25 mars 2019 l’homologation n’est plus requise, même dans ce cas ! Le dispositif inventé pour protéger l’enfant mineur placé sous l’administration légale de ses parents qui changent de régime matrimonial (ou de l’un d’eux) soulève bien des perplexités (Section I).

Section II – En présence d’enfant mineur sous administration légale

2125 – Que reste-t-il de l’immutabilité des conventions matrimoniales ? – La loi du 13 juillet 1965 rompait avec le principe d’immutabilité absolue du régime matrimonial172 mais, le changement n’étant autorisé que dans « l’intérêt de la famille », imposait que ce point fût contrôlé par le juge. C’est ainsi que l’homologation judiciaire, alors systématique, attestait de cette conformité. L’article 1397 du Code civil impose, encore aujourd’hui, que le changement soit conforme à l’intérêt de la famille dont la jurisprudence a défini le contenu, par ses décisions d’homologation mais, plus encore, de refus d’homologation (V. infra, Sous-section I, § II, nos a2134 et s.). Ce système de contrôle a priori de la conformité du changement de régime à l’intérêt de la famille, né d’un compromis législatif entre les tenants de l’immutabilité et ceux qui prônaient l’abandon de ce principe a, très rapidement173, suscité la critique174.

La réforme opérée par la loi du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, peut-être lue comme une demi-mesure, car le principe du contrôle a priori par l’homologation judiciaire n’y est nullement supprimé. Simplement, il n’est plus toujours systématique :

Dans la majorité des cas, le seul accord des époux suffit à réaliser le changement sauf lorsque des tiers souhaitent en subordonner l’efficacité au contrôle du juge. Dûment informés, par une notification pour les enfants majeurs et ceux qui avaient été parties au contrat d’origine, par une publicité pour les créanciers, ils peuvent « s’opposer à la modification dans le délai de trois mois ». S’ils restent taisants, le changement de régime prendra effet par le seul accord, solennel, des époux, à la date où il a été fait. S’ils exercent le droit de critique qui leur est offert, les époux qui persisteraient devront se soumettre à la procédure d’homologation, comme par le passé. Le changement ne prendra effet, dans ce cas, que par cette homologation et à sa date. Le critère du contrôle, lorsqu’il est sollicité, reste celui de l’intérêt de la famille.

Il était alors apparu difficile, voire impossible d’offrir aux enfants mineurs placés sous l’administration légale de l’un ou des époux ce même droit de critique. Qui pour juger de l’opportunité de s’opposer ou exercer ce droit en leur nom, alors qu’au moins l’un de leurs représentants légaux (et, le plus souvent, les deux) est partie au contrat objet de cette éventuelle critique ? La difficulté à surmonter l’opposition d’intérêt avait conduit à laisser ce point en suspens. En présence d’un enfant mineur, le changement de régime matrimonial de ses parents (ou de l’un d’eux) restait systématiquement soumis à la procédure d’homologation telle qu’elle avait été conçue en 1965.

La loi du 23 mars 2019 se donne pour ambition de résoudre cette difficulté en supprimant ce dernier cas d’homologation systématique175 : l’homologation judiciaire disparaît même en présence d’enfant mineur sous administration légale176. Pour que les intérêtsde cet enfant soient, malgré tout, défendus, est substituée à la demande d’homologation systématique une procédure inédite : le notaire devra alerter le juge des tutelles s’il estime les intérêts de l’enfant menacés… par les conséquences de l’acte dont il est, lui-même, le rédacteur !

Ainsi, les changements de régime matrimonial établis après l’entrée en vigueur de la loi (le 25 mars 2019) ne seront plus soumis à homologation en présence d’enfants mineurs sous administration légale. Contrairement aux enfants majeurs, ni l’enfant mineur ni personne pour lui n’exercera de droit de critique. Le notaire, rédacteur de l’acte, se voit confier un nouveau rôle (Sous-section I). La réforme ne répond cependant pas à toutes les difficultés que soulevait la loi de 2006 et, comme lors de celle de 2006, le sort des changements de régime qui, établis avant son entrée en vigueur, auraient dû être homologués, mais ne l’étaient pas encore le 25 mars 2019, est objet de débat (Sous-section II).

Sous-section I – La suppression de la procédure d’homologation et le nouveau rôle d’alerte du notaire

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Focus sur les nouveaux textes

C. civ., art. 1397, al. 5 : « Lorsque l’un ou l’autre des époux a des enfants mineurs sous le régime de l’administration légale, le notaire peut saisir le juge des tutelles dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 387-3 du Code civil. »

C. civ., art. 387-3 : « À l’occasion du contrôle des actes mentionnés à l’article 387-1, le juge peut, s’il l’estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l’âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu’un acte ou une série d’actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable.

Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l’un d’eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d’actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d’une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci.

Les tiers qui ont informé le juge de la situation ne sont pas garants de la gestion des biens du mineur faite par l’administrateur légal. »

2127 – Mineur sous tutelle et mineur sous administration légale. – Le droit de critique du mineur sous tutelle étant exercé par son tuteur, l’éventuelle « procédure d’alerte » ne concerne que le seul enfant mineur sous administration légale, qu’il s’agisse :

de l’enfant mineur des deux époux qui, en principe, est placé sous l’administration légale de ses deux parents ;

de l’enfant mineur de l’un deux, que l’administration légale soit exercée par un ou deux parents.

On a bien compris la difficulté que le législateur se proposait de résoudre (V. supra, no a2125), mais on s’étonne de la manière choisie pour le faire :

Depuis la précédente réforme, celle du 23 juin 2006, le juge n’est plus systématiquement sollicité pour apprécier la conformité du changement de régime matrimonial à « l’intérêt de la famille » dont l’article 1397 du Code civil maintient qu’il doit être le but poursuivi danstout changement de régime matrimonial177. La définition de l’intérêt de la famille est désormais, par principe, laissée à l’appréciation des membres de la famille concernée : les époux eux-mêmes et leurs enfants qui, recevant notification de la nouvelle convention matrimoniale de leurs parents, peuvent en contester la conformité à l’intérêt de la famille. S’ils le font, le juge reprend son rôle d’arbitre et définira ce qu’est, au cas particulier, l’« intérêt de la famille »178.

L’enfant mineur des époux ou de l’un d’eux n’a pas la capacité d’exercer, par lui-même, ce droit de critique, qui ne peut, non plus, l’être par ses représentants légaux dont l’un au moins (souvent les deux) est partie au contrat dont est interrogée la conformité ou, à tout le moins, la non-contrariété à l’intérêt de la famille. C’est pourquoi, dans ce cas, cette appréciation restait confiée au juge et l’homologation était toujours requise179.

2128 – Quelle représentation spéciale pour le mineur sous administration légale ? – Pour faire l’économie (car c’est bien, hélas, de cela qu’il s’agit…) de l’intervention d’un juge dans une telle situation, on pouvait envisager deux solutions :

éliminer la difficulté en supprimant purement et simplement tout droit de critique des enfants, mineurs comme majeurs180 : solliciter systématiquement l’avis des enfants était la pratique contestable et contestée retenue par certaines juridictions avant la réforme de 2006, mais, plus encore après181 ;

ou, si le droit de critique des enfants devait être maintenu, organiser un mode de représentation idoine du mineur sous administration légale comme cela est désormais le cas pour le mineur sous tutelle (V. infra, no a2165 et s.).

L’originalité (à tous les sens du terme…) de la solution ici mise en place est de ne pas organiser la représentation ad hoc du mineur concerné pour l’exercice d’un droit de critique. Alors que ce droit peut être exercé par tous les autres enfants du couple ou en leur nom, qu’ils soient majeurs, capables ou protégés, ou mineurs sous tutelle, le mineur sous administration légale (la majorité d’entre eux…) n’a pas la possibilité de s’opposer au changement de régime matrimonial de son ou ses parents, ni directement ni par la voix d’un représentant, ni susciter, ainsi, une demande d’homologation judiciaire. Aucune notification du changement de régime matrimonial ne lui sera faite, ni à lui, ni à son ou ses représentants. Lorsqu’il est l’enfant mineur d’une précédente union, il n’y a donc pas à notifier le changement de régime matrimonial de son parent remarié à l’autre parent, coadministrateur légal182.

2129 – Les raisons de la solution adoptée par le législateur. – La justification est noble qui considère que la réforme procède du « postulat d’une présomption de bonne gestion des biens du mineur par ses représentants légaux »183, et… doublement incohérente :

Il n’est effectivement aucune raison de soupçonner, a priori, que les parents conspirent à nuire à leurs enfants. Pas plus à leur enfant mineur sous administration légale qu’à leur enfant mineur sous tutelle, qu’à leur enfant majeur, capable ou protégé. S’il faut présumer que les parents défendent naturellement l’intérêt de leurs enfants, alors il fallait supprimer le droit d’opposition pour tous les enfants, majeurs comme mineurs, quitte à leur ménager une forme de recours a posteriori, pour le cas où la présomption serait démentie par les faits.

On ne voit pas, surtout, en quoi le changement du régime matrimonial de ses parents aurait trait, même de loin, à la « bonne gestion des biens du mineur ». L’« intérêt de la famille » que l’article 1397 du Code civil commande de respecter, ne se résume pas, loin s’en faut, à l’intérêt patrimonial des enfants. Il est même courant que le changement de régime matrimonial contrarie, plus ou moins immédiatement, l’intérêt (au sens large) des enfants tout en restant conforme à l’intérêt de la famille, conçu et défini comme l’intérêt de la cellule familiale, distinct de celui, individuel, de chacun de ses membres. On sait, depuis l’arrêt Alessandri184, que l’intérêt de la famille peut être contraire à celui de l’enfant. Ainsi les époux peuvent-ils, en se conformant rigoureusement aux canons de l’article 1397, ignorer, voire contrarier les intérêts de leur enfant mineur. On ne comprend pas qu’un tel changement, qui aurait toute chance d’être homologué en cas d’opposition d’un enfant majeur, puisse ne pas aboutir si, le juge des tutelles, ayant été alerté, le refusait parce que, fidèle à sa mission, il ne statue que dans le seul intérêt du mineur.

Pour une seule catégorie de mineur (celui sous administration légale), le dispositif nouveau n’ouvre pas le droit de critique dont disposent tous les autres enfants des époux mais permet (et peut-être même enjoint) au juge de refuser, en la seule présence de cet enfant, des changements qui auraient été possibles en son absence.

Cette double incohérence ou, à tout le moins, cette double ambiguïté, nimbe d’incertitudes l’entière procédure. On cherche à comprendre :

Comment sera déclenchée, puis se déroulera et, finalement comment aboutira la procédure d’alerte (§ I) mais, plus encore, dans quels cas elle doit être déclenchée (§ II) ?

§ I – La procédure d’alerte de l’article 387-3, alinéa 2

2130 – L’alerte par le notaire : un système nouveau et original. – Le moins que l’on puisse écrire est que la finalité de ce texte est bien étrangère à la protection des intérêts du mineur lors du changement de régime matrimonial. À l’origine, il devait permettre au juge en charge de l’administration légale des biens des mineurs de renforcer son contrôle des actes de l’administrateur. On suppose une situation complexe ou particulièrement dégradée où les intérêts patrimoniaux du mineur sont mal défendus par son administrateur ou pourraient être difficiles à défendre. Si le juge l’estime « indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l’âge du mineur ou de sa situation familiale » (al. 1er) il peut, ainsi, soumettre à son autorisation préalable des actes qu’en d’autres circonstances l’administrateur légal ou les administrateurs légaux auraient faits sans son autorisation.

Le juge apprécie la nécessité d’accentuer sa surveillance « à l’occasion du contrôle des actes mentionnés à l’article 387-1 », c’est-à-dire dans l’exercice ordinaire de sa tutelle, mais également s’il est alerté par des tiers d’un risque d’atteinte grave aux intérêts du mineur. C’est là toute l’originalité de la procédure qu’instaure l’alinéa 2 : « Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l’un d’eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d’actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d’une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci ». Comprenons que quiconque, confronté à l’impéritie du ou des administrateurs légaux, peut en alerter le juge qui appréciera, dans ce cas, s’il doit renforcer son contrôle en exigeant que soient soumis à son autorisation des actes qui, normalement, ne le seraient pas.

Ainsi le notaire rédacteur devrait, s’il l’estime nécessaire, alerter le juge afin que celui-ci décide s’il doit soumettre l’acte de changement de régime matrimonial à son autorisation… C’est, du moins, ce qu’il est permis de comprendre et c’est ainsi que l’envisage la circulaire du 25 mars 2019 :

« Tout tiers, et notamment le notaire, officier public et ministériel, peut alerter et saisir le juge des tutelles des mineurs sur le fondement de l’article 387-3 du Code civil s’il constate un risque d’atteinte aux intérêts patrimoniaux d’un enfant mineur, afin qu’un contrôle renforcé de la situation soit ordonné par le juge des tutelles. En ce cas, c’est ici le juge des tutelles des mineurs qui exercera un contrôle et pourra soumettre l’acte à son autorisation »185.

2131 – Juge compétent. – Le notaire devra adresser l’alerte au juge compétent pour l’administration des biens du mineur186 concerné. Selon l’article 1070 du Code de procédure civile, le juge aux affaires familiales territorialement compétent est :

« – le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ;

– si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d’exercice en commun de l’autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité… ».

Si les époux ont plusieurs enfants mineurs sous administration légale… plusieurs juges pourraient ainsi devoir être saisis…

2132 – Formes de l’alerte. – Le juge « des tutelles » (plus précisément le juge aux affaires familiales statuant en matière d’administration légale) est saisi par requête : c’est ce que prévoit l’article 1180-7 du Code de procédure civile, qui ajoute, en son second alinéa :

« Lorsque la requête est fondée sur les dispositions du deuxième alinéa de l’article 387-3 du Code civil, elle comporte à peine d’irrecevabilité, les mentions prévues à l’alinéa précédent et l’énoncé précis des faits de nature à porter gravement préjudice aux intérêts patrimoniaux du mineur ou qui compromettent manifestement et substantiellement ceux-ci ainsi que, le cas échéant, les pièces propres à justifier ces faits ».

Le notaire devrait donc former lui-même, et en son propre nom, une requête exposant avec le plus de précisions possibles ses craintes pour l’intérêt du mineur, à l’encontre de son propre projet d’acte qu’il joindra en copie… On se prend à soupçonner que l’auteur d’une solution aussi difficile à mettre en œuvre ne s’attende pas à ce qu’elle le soit ! Peut-être faut-il comprendre le dispositif comme dissuasif :

soit le notaire n’aura aucune crainte de léser les intérêts du mineur et il recevra l’acte ;

soit il aura un doute et, dans ce cas, il est peu probable que, même en ayant sollicité l’accord de ses clients, il écrive à un juge que l’acte qu’il se propose de recevoir nuit gravement aux intérêts d’un tiers (V. infra, § II, Les cas où le notaire doit donner l’alerte, nos a2134 et s.). Plus probablement, il refusera de recevoir l’acte.

Le notaire n’est qu’un tiers parmi d’autres à pouvoir donner l’alerte187 mais, s’il en prend l’initiative, elle sera nécessairement préalable à la signature de l’acte188 : on n’imagine pas qu’il éprouve la nécessité de consulter le juge, mais il endosse, néanmoins, la responsabilité d’établir l’acte définitif sans que l’avis sollicité ait été donné.

Par pure mais prudente précaution, il est vivement conseillé au notaire d’adresser au juge des tutelles sa requête d’alerte par pli postal recommandé avec demande d’avis de réception.

2133 – Les suites de l’alerte. – Le notaire ayant adressé à un juge une requête à laquelle est annexé le projet de l’acte de changement de régime matrimonial (V. supra, no a2132), on aurait pu s’attendre à ce que ce juge n’ait plus qu’à l’agréer ou non. Très simplement, dans des cas (sans doute exceptionnels ; V. infra, no a2135) où le notaire aurait douté de la parfaite conformité du projet à l’intérêt de la famille, il aurait pu demander au juge de l’approuver : une sorte d’« homologation facultative » dont la demande aurait été laissée à l’appréciation (et donc, à la responsabilité) du notaire rédacteur.

Telle n’est pas la logique de l’article 387-3, alinéa 2 du Code civil189, écrit à d’autres fins. Le juge requis sur le fondement de ce texte ne peut ni approuver ni désapprouver les faits ou actes qui lui sont rapportés. Pas plus ne pourrait-il homologuer190 (ni, d’ailleurs, refuser d’homologuer) le projet qui ne lui est pas soumis mais, simplement, rapporté. Ayant eu connaissance d’un projet susceptible de porter atteinte aux intérêts du mineur, il doit décider :

soit de ne rien faire s’il estime l’alerte inutile ;

soit, s’il l’estime fondée : « envisager selon les cas d’ordonner une mesure de contrôle renforcé et de soumettre le changement de régime matrimonial à son autorisation »191.

La formule est chantournée parce que les pouvoirs que le juge tient de l’article 387-3 n’ont, définitivement, pas été conçus pour résoudre la difficulté ici rencontrée. Ce que le texte permet au juge, quelle que soit la manière dont il est informé d’une situation susceptible de menacer les intérêts du mineur, c’est de renforcer son contrôle. Il peut alors placer le ou les administrateurs légaux sous sa surveillance plus étroite en soumettant à son autorisation « un acte ou une série d’actes » (V. l’alinéa 1er) qui, par hypothèse, ne la nécessitent pas dans le régime commun. Il ne peut, en principe, rien faire d’autre.

Ainsi le juge, dûment alerté par le notaire du changement projeté, devrait-il, s’il estime l’alerte fondée, inviter les époux à lui présenter une requête aux fins qu’il autorise :

un acte qui n’est pas fait pour le compte du mineur ;

dont il connaît, déjà, tous les détails puisque le projet de cet acte était joint à la requête du notaire ayant donné l’alerte (V. supra, no a2132)…

On en viendrait presque à espérer que la pratique finisse par ignorer le processus légal : peut-être l’habitude se prendra-t-elle que, saisi par la requête initiale du notaire, le juge prenne immédiatement une décision d’autoriser ou de ne pas autoriser l’acte dont il est alerté. Un tel raccourci, pour pragmatique qu’il apparaisse, n’est pas ce que prévoit le texte de l’article 387-3.

La question principale demeure toutefois de savoir dans quels cas le notaire pourrait être amené à saisir le juge des tutelles.

§ II – Les cas où le notaire doit donner l’alerte

2134 – Le notaire : gardien de l’intérêt du mineur. – Garde-fou à la déjudiciarisation du changement de régime en présence d’enfant mineur, le notaire devient le « chef d’orchestre de la procédure »192. Ainsi, « il ne se contente plus d’être rédacteur d’acte mais se trouve désormais en charge du bon déroulement et de la conformité de l’ensemble du changement, dont il devient la véritable tour de contrôle »193. La réforme se borne ici à étendre à une hypothèse inédite une procédure qui existait déjà194. Quiconque (notaire compris) « a connaissance d’actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d’une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci » (C. civ., art. 387-3, al. 2) peut en avertir le juge depuis l’entrée en vigueur du texte le 1er janvier 2016. L’essentiel de la question consiste donc à se demander quand le notaire devra exercer cette faculté d’alerte. La circulaire n’éclaire guère sur le rôle qu’il est censé jouer, qui se contente d’indiquer qu’il saisira le juge « en cas de difficulté »195 ! Deux conceptions s’affrontent196 :

L’alerte du juge serait rare, car réservée aux cas les plus graves. Elle pourrait même ne jamais être donnée, si le notaire parvient à décourager les parties de passer l’acte ou refuse d’y prêter son concours.

La saisine du juge pourrait s’avérer plus systématique en cas de doute.

Chacune de ces thèses a ses partisans. Il est particulièrement délicat pour le notaire de trancher pour une attitude ou l’autre car, en filigrane, surgit la question de son éventuelle responsabilité.

2135 – Thèses en présence. – Dans la mesure où l’esprit de la réforme est de « déjudiciariser » la procédure de changement de régime matrimonial, il semblerait contraire au texte que le notaire saisisse le juge des tutelles de manière quasi systématique, « par prudence », dès qu’il existe un enfant mineur. Seules « les situations exceptionnelles ou marginales »197, ou encore les « hypothèses de menace graves sur l’intérêt patrimonial de l’enfant, ce qui serait sans doute conforme aux vœux législatifs »198 devraient justifier la saisine du juge. À s’en tenir à cette « thèse minimaliste » (qui prône la plus grande retenue et n’imagine d’alerte qu’exceptionnelle), les possibilités d’intervention de l’officier ministériel devraient être réduites. Les termes mêmes de l’article 387-3, alinéa 2 du Code civil ne semblent prévoir la saisine du juge qu’en des cas tout à fait exceptionnels : « actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou (…) situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci »199.

Plus encore, peut-on concevoir qu’il existe de réels cas d’alerte alors que le projet de convention poursuivi par ses parents n’affecte pas le patrimoine du mineur ? Puisque le régime matrimonial concerne le patrimoine du couple, on peut se demander comment sa modification pourrait compromettre manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur, sauf à « considérer que la protection du patrimoine de l’enfant vise en réalité la protection de ses intérêts éventuels, virtuels. La réserve héréditaire, qui constitue manifestement l’intérêt patrimonial évoqué, n’ouvre aucun droit acquis à l’enfant tant que le décès de son parent n’est pas intervenu. L’enfant n’a alors qu’une simple expectative de droit. Cette expectative justifie-t-elle que l’autorisation du juge des tutelles soit requise ? Une réponse négative doit s’imposer »200. Sans aller jusqu’à nier l’existence de cas justifiant une alerte, plusieurs auteurs considèrent que cette procédure ne sera mise en œuvre que très rarement : le notaire qui redouterait que le changement envisagé ne la justifie déconseillera à ses clients d’y procéder201. Il refusera d’instrumenter dans les situations flagrantes d’atteinte aux intérêts du mineur202 ou de fraude, ce qui mettra un terme à la difficulté et… supprime la question.

2136 – Intérêt de la famille versus intérêts du mineur. – On peut, néanmoins, s’essayer à donner un sens à la réforme (et au renvoi exprès par l’article 1397, alinéa 5 à l’article 387-3), et s’interroger sur l’existence de situations qui, sans justifier un refus d’instrumenter, pourraient entrer dans les prévisions de ces deux textes et susciter une procédure d’alerte. Pour C. Blanchard, le rôle du notaire est considérablement accru car il se trouve investi de la vérification de la conformité du changement aux intérêts des enfants mineurs, qui ne coïncide pas forcément avec l’intérêt de la famille : « S’il nourrit la moindre crainte à ce sujet, il devra en avertir le juge des tutelles »203.

L’alerte devrait être donnée lorsque l’atteinte aux intérêts du mineur est manifeste et substantielle : ce qui est manifeste doit s’imposer comme une évidence. Le terme « substantiel » attire l’attention sur l’importance du préjudice encouru204. Ces notions demeurent pourtant relativement vagues et sont susceptibles d’interprétation. C’est pourquoi il a été proposé de s’inspirer, par analogie, de la jurisprudence antérieure rendue en matière d’homologation (ou de refus d’homologation) par le juge205.

Se référer aux cas où les juges homologuaient le changement206 pour ne pas donner l’alerte ou, surtout, la donner dans les cas où ils la refusaient207, ne correspond pas exactement à ce qu’ordonnent désormais les textes : le juge saisi d’une demande d’homologation vérifiait la conformité de l’acte à l’intérêt de la famille. Ce qui doit aujourd’hui guider le notaire dans sa décision de saisir ou non le juge des tutelles est l’atteinte éventuelle aux intérêts patrimoniaux de l’enfant mineur : « Le notaire ayant un doute sur l’incidence de l’opération quant aux intérêts patrimoniaux du mineur pourra saisir le juge des tutelles afin d’obtenir son autorisation, indépendamment, donc, d’une conformité de l’opération à l’intérêt de la famille. En ce sens, un changement de régime matrimonial conforme à l’intérêt de la famille pourrait-il être discutable au regard de l’intérêt de l’enfant ? Oui, certainement »208.

2137 – Les hypothèses d’alerte. – Il semblerait que les changements de régime matrimonial susceptibles de justifier une alerte soient ceux qui contiennent un avantage matrimonial au profit de l’époux survivant ou de l’un d’eux s’il survit : singulièrement, c’est l’adoption de la communauté universelle avec attribution intégrale au profit du survivant des époux209, qui est prise pour hypothèse de référence de toutes les réflexions. Deux situations pourraient alors être distinguées :

en se fondant sur la jurisprudence du 22 juin 2004, il n’y aurait pas lieu de saisir le juge s’il existe un enfant mineur non commun car l’action en retranchement préserve suffisamment ses intérêts210 ;

la question reste entière si tous les enfants mineurs sont communs. Il est ici manifeste qu’une telle stipulation est défavorable à leurs intérêts car ils n’ont pas d’action en retranchement211. En pareille hypothèse, les juges homologuaient le changement, jugeant que l’intérêt de protéger le survivant des époux pouvait l’emporter sur celui de l’enfant. La nouvelle procédure d’alerte vise la protection de l’intérêt de l’enfant (et non plus celui de la famille). Elle pourrait donc être envisagée. L’atteinte aux intérêts patrimoniaux de l’enfant commun, même « manifeste », est-elle, pour autant, « substantielle » au sens des textes ?

La recherche de critères pouvant justifier une alerte aboutit à une conclusion paradoxale : le contrôle du juge serait provoqué uniquement dans les familles dans lesquelles les enfants mineurs sont communs et non dans les familles recomposées, qui sont pourtant celles où les enfants mériteraient peut-être davantage de protection. On peut rester perplexe…

2138 – L’importance de la liquidation. – On sait que, depuis l’entrée en vigueur de la réforme de 2006, le changement de régime matrimonial doit comprendre la liquidation du régime modifié « si elle est nécessaire », et ce à peine de nullité (C. civ., art. 1397, al. 1er in fine). On sait que liquidation n’est pas partage et qu’elle consiste à chiffrer les droits de chacun des époux dans le régime initial que l’acte modifie. Il permet de fixer les droits de chacun des époux et tout à la fois, à titre informatif, de dresser un état des lieux et d’observer les conséquences futures du nouveau régime pour chacun des époux212. Cette liquidation est d’autant plus nécessaire si le changement de régime matrimonial a pour but d’instaurer un avantage matrimonial sujet à retranchement213. C’est pourquoi, et notamment en présence d’enfants issus d’une précédente union, on ne peut s’empêcher de constater quel service leur rendra une liquidation correctement effectuée d’une communauté légale, préalable à l’adoption par les conjoints d’une communauté universelle avec attribution intégrale au profit du survivant. La matérialisation des chefs de récompenses, au moins sur le plan de la preuve, permettra ainsi à l’action en retranchement de prospérer. Bien évidemment ne s’agit-il pas, sauf accord exprès des époux, de leur révéler par avance la liquidation du régime de leur parent, mais bien plutôt, au moment de l’ouverture de la succession de celui-ci, de disposer d’un document auquel, en tant que réservataires, ils auront accès et qui assurera leur protection en évitant la déperdition, faute de preuve, des enrichissements que leur auteur aura procurés à la communauté.

2139 – Quelle responsabilité pour le notaire ? – L’absence de réponse certaine concernant le rôle du notaire rejaillit nécessairement sur la question de son éventuelle responsabilité qui « peut être lourdement engagée tant les situations familiales peuvent évoluer »214 :

La proposition qui consisterait, pour prévenir une éventuelle responsabilité, à insérer dans l’acte une clause par laquelle les époux expliqueraient les raisons qui les conduisent à modifier ou changer leur régime matrimonial et déclareraient que leur nouvelle convention ne porte pas atteinte aux droits des enfants mineurs peut être évoquée215. Une telle clause ne permettrait pas de limiter la responsabilité du notaire en cas de difficulté, puisqu’il lui appartient (et non aux époux) d’apprécier si le changement de régime est susceptible de porter atteinte manifestement et substantiellement aux intérêts patrimoniaux du mineur, pour décider, le cas échéant ; de saisir le juge des tutelles. Pour autant, il peut être utile et bienvenu dans un exposé préalable fait par les époux dans l’acte d’indiquer les raisons et les motivations de leur changement de régime matrimonial.

La question de la responsabilité du notaire se posait également avant la réforme, dans la mesure où il lui appartenait déjà d’évaluer l’opportunité de l’opération de changement de régime et les risques encourus216 mais, très classiquement, c’était alors la qualité de son conseil qui était en cause. Le nouvel article 1397, alinéa 5 du Code civil dispose qu’il « peut » saisir le juge des tutelles. Plusieurs en déduisent qu’il ne s’agit que d’une simple faculté217, alors que pour d’autres218 le notaire « doit » saisir le juge lorsqu’il se trouve dans un cas d’alerte. Là encore, l’affrontement confine à l’aporie.

Le risque pour le notaire d’engager sa responsabilité est évidemment tenu pour faible par ceux qui considèrent que l’alerte devrait être exceptionnelle. Même s’ils ne définissent pas précisément les cas dans lesquels le juge devrait être saisi, ils doutent qu’en pratique les notaires se laissent tenter par une attitude de prudence excessive qui consisterait à le solliciter systématiquement. Ils considèrent même que le notaire pourrait engager sa responsabilité « pour ne pas avoir saisi à bon escient le juge des tutelles ou avoir indûment prolongé le changement en exigeant un passage en juridiction »219. Un auteur imagine même qu’à solliciter inutilement et excessivement l’autorisation judiciaire, le notaire s’en voit fait le grief par ses clients, qui, bien conseillés, pourraient tenter d’engager sa responsabilité sur le fondement de la perte d’une chance220. Le même, pourtant, précise qu’à l’inverse, il est concevable que le notaire qui n’aurait pas sollicité le juge, alors que la situation l’exigeait, voit sa responsabilité engagée…

Les auteurs ayant tenté de dégager des critères et des cas d’alerte reconnaissent que la position du notaire est ici « très délicate ». Lorsque les critères d’une alerte semblent réunis, ils conseillent au notaire – par prudence – de ne pas saisir le juge des tutelles de sa seule autorité (proprio motu), mais d’associer les parents à cette démarche en leur expliquant que cette précaution vise à éviter que l’acte ne soit ultérieurement contesté221.

Sous-section II – Les questions non résolues ou mal résolues

2140 La loi nouvelle laisse sans réponse l’une des questions nées de la précédente réforme de l’article 1397 du Code civil (celle du 23 juin 2006) : lorsqu’un enfant du couple est décédé laissant lui-même des enfants, faut-il reconnaître un droit d’opposition aux petits-enfants ? Dans l’affirmative, comment faire s’ils sont mineurs ? (§ I).

L’autre difficulté s’apaisera avec le temps : que faire d’une convention établie avant le 25 mars 2019, soumise à l’homologation lorsqu’elle a été faite, mais non encore homologuée lors de l’entrée en vigueur de la réforme ? La réponse de la Chancellerie est celle qu’elle avait donnée lors de l’entrée en vigueur de la loi de 2006 ; elle suscite, en conséquence, les mêmes perplexités (§ II).

§ I – Le prédécès d’un enfant du couple : droit d’opposition de ses enfants ?

2141 Que faire si, l’un des enfants du couple étant décédé, il a lui-même laissé des enfants ? Même si elle se présente, le plus souvent comme étant celle de la protection des intérêts du petit-enfant mineur placé sous l’administration légale de son parent survivant (ex-gendre ou ex-bru des époux), la question consiste, d’abord, à se demander si, de manière plus générale, il existe un droit d’opposition ouvert aux enfants de l’enfant décédé.

2142 – L’enfant de l’enfant décédé a-t-il un droit d’opposition ? – La réforme du 23 mars 2019 manque ici l’occasion de résoudre une question qui se pose depuis l’entrée en vigueur de la précédente réforme, en 2007. Dans la rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, les deuxième et cinquième alinéas de l’article 1397 du Code civil se lisaient ainsi :

« … les enfants majeurs de chaque époux sont informés personnellement de la modification envisagée. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans le délai de trois mois. (…)

Lorsque l’un ou l’autre des époux a des enfants mineurs, l’acte notarié est obligatoirement soumis à l’homologation du tribunal du domicile des époux ».

Droit de critique pour les enfants majeurs, homologation si les enfants sont mineurs : le cas du petit-enfant, présomptif héritier de ses grands-parents par suite du décès de son auteur n’était pas plus évoqué alors qu’il ne l’est désormais. Fallait-il l’informer du projet s’il était majeur, informer son représentant ou solliciter homologation s’il était mineur ?

Privilégiant une lecture littérale, une partie de la doctrine considérait qu’il ne pouvait être concerné par l’arrangement matrimonial de ses grands-parents : « à s’en tenir à la lettre du texte, il n’y a pas lieu de procéder à l’information des petits-enfants »222. Ni information ni homologation car, pouvait-on estimer : « Lorsque le législateur vise « l’intérêt de la famille », il vise, manifestement la famille fondée par le couple, c’est-à-dire la famille « nucléaire » des sociologues »223. En sa seule présence, le changement aurait été totalement libre : « il résulte de la réforme du 23 juin 2006 que le principe de l’immutabilité du régime matrimonial est désormais révolu. La règle selon laquelle le changement est soumis à homologation en présence d’un enfant mineur est bien une exception à ce principe, exception qui doit être strictement interprétée »224.

L’hésitation restait cependant permise. Selon la Chancellerie : « Bien que le texte ne le précise pas forcément et sous réserve de l’interprétation souveraine des juridictions, le recours à l’homologation paraît s’imposer en présence d’un petit-enfant mineur venant de son chef ou par représentation de son parent prédécédé »225. La seule jurisprudence connue est contradictoire :

Le 16 avril 2009, la cour de Dijon décide que l’homologation est requise en présence de petits-enfants mineurs : « … par enfants au sens de l’article susvisé, il faut entendre tous les descendants mineurs des époux venant de leur propre chef ou par représentation d’un enfant majeur des époux prédécédé »226.

Le 2 décembre 2010… l’homologation n’était plus requise ! La même cour approuve les premiers juges227 de ne pas soumettre le changement de régime à l’homologation judiciaire mais d’exiger que le représentant légal du mineur soit informé dans les mêmes conditions que les enfants majeurs228.

Enfin, on pourrait comprendre un arrêt de la cour de Lyon comme excluant, très implicitement il est vrai, que les petits-enfants puissent s’opposer229.

On comprend l’embarras des auteurs qui, même lorsqu’ils seraient enclins à tenir les petits-enfants pour étrangers à l’arrangement matrimonial de leurs grands-parents, se résignent à tenir compte de leur présence : « Si les petits-enfants d’un enfant prédécédé sont mineurs, il ne semble pas requis de soumettre le changement à l’homologation judiciaire. Toutefois, la Chancellerie paraît opiner, par prudence, en sens contraire et requérir, dans un tel cas, l’homologation. On conviendra que c’est, probablement, la voie la plus sage »230. Cette même prudence est celle des Cridon qui tous recommandent, avec plus ou moins de conviction, de ne pas ignorer l’existence du petit-enfant lorsqu’il est le présomptif héritier de ses grands-parents qui changent de régime matrimonial. La solution retenue consiste à faire prévaloir l’esprit du texte : protéger non seulement les enfants du couple mais, plus largement, leurs présomptifs héritiers en ligne directe. Elle conduit, si un petit-enfant mineur se trouve parmi les présomptifs héritiers, à requérir l’homologation de l’acte.

2143 – Incidences de la réforme. – Ce n’est, évidemment, qu’à la condition de reconnaître un droit d’opposition à l’enfant de l’enfant décédé qu’il faut se demander comment, désormais, devrait être protégé l’intérêt de ce petit-enfant s’il est mineur, placé sous l’administration légale de son parent survivant. Avant la réforme, la solution de prudence finalement retenue était de soumettre l’acte à homologation. Cette même prudence devrait désormais conduire : soit à permettre au représentant du petit-enfant mineur d’exercer en son nom le droit de critique, soit à le placer sous la protection du notaire rédacteur, qui pourrait exercer son devoir d’alerte également pour lui.

La première solution consisterait à reconduire celle retenue par la cour de Dijon en son arrêt du 2 décembre 2010. Elle présente l’inconvénient de confronter le projet des époux à la critique de leur ex-bru ou de leur ex-gendre231… Peut-être est-ce pourquoi le consensus s’était plutôt dégagé, avant la réforme, pour le recours à l’homologation. Ce contrôle judiciaire est aujourd’hui supprimé, mais la protection des intérêts de l’enfant mineur est confiée à la vigilance du notaire rédacteur. La protection des petits-enfants mineurs pourrait être la même que celle que la loi nouvelle prévoit pour les enfants mineurs : le notaire pourrait alerter le juge d’un projet d’acte dont il estimerait qu’il menace gravement ses intérêts.

§ II – Le changement de régime en présence d’enfant mineur signé avant le 25 mars 2019 et non encore homologué à cette date

2144 À défaut de disposition transitoire et en application du droit commun (C. civ., art. 1er), les règles relatives au changement de régime matrimonial sont entrées en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel : soit le 25 mars 2019232. Tous les actes de changement de régime matrimonial régularisés après cette date sont soumis aux dispositions nouvelles. Que décider si la perfection d’un acte de changement de régime établi avant le 23 mars 2019 était subordonnée à son homologation parce qu’un enfant des époux (ou de l’un d’eux) était alors mineur, et s’il n’est pas encore homologué lors de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle ?

2145 – Position de la Chancellerie. – La question s’était posée dans les mêmes termes lorsque la réforme du 23 juin 2006 avait supprimé, à compter du 1er janvier 2007, l’exigence d’homologation systématique de la plupart des conventions portant changement de régime matrimonial. La Chancellerie reprend la réponse qu’elle avait alors donnée dans la circulaire de présentation de la réforme de 2019 :

« Ces dispositions sont d’application immédiate dès le lendemain de la publication de la loi. Aussi, à défaut de disposition transitoire spécifique, l’article 1397 dans sa nouvelle rédaction a vocation à s’appliquer aux changements de régime matrimonial en cours. Dès lors, le juge aux affaires familiales devra rendre une décision de non-lieu à homologation pour les demandes dont il est saisi au jour de l’entrée en vigueur de la loi »233.

Peu d’auteurs ont commenté cette circulaire234. Si l’un d’entre eux a constaté que la loi n’a pas réglé la question des demandes pendantes, il précise que la circulaire « apporte un éclairage bienvenu »235.

2146 – Critiques de la position de la Chancellerie. – On comprend l’urgence pratique d’une telle solution, on s’étonne, tout de même, des termes employés236, et, comme en 2007, on doute de sa pertinence juridique. On ne peut l’admettre sans réserve qu’à condition de faire de l’exigence d’une homologation, ou de sa suppression, une simple règle de procédure237. Il serait alors juste de considérer qu’elle s’applique immédiatement aux instances en cours sauf disposition contraire238. La question est cependant loin d’être univoque : si de très éminents auteurs rangent expressément l’exigence d’homologation dans les règles de forme ou de procédure239, d’autres en font une solennité. On peut y voir une véritable condition de fond240.

En réalité, l’obligation d’homologation tient tout à la fois de la loi de fond et de la loi de procédure. La règle de fond devrait, cependant, l’emporter sur l’aspect purement procédural : la loi nouvelle ne se limite pas, ici, à la modification de modalités de saisine du juge ou de déroulement de l’instance aux fins d’homologation. Elle supprime une condition à laquelle l’efficacité de l’acte conventionnel de changement de régime était jusqu’alors subordonnée.

Les actes de changement de régime matrimonial faits avant le 25 mars 2019 devaient être soumis à l’homologation s’il existe des enfants mineurs des époux. Après cette date, ils restent soumis aux règles substantielles qui les régissaient lorsqu’ils ont été établis car les conditions d’un acte juridique s’apprécient au moment où il est fait. Ils restent soumis à la loi ancienne, quelle que soit la date à laquelle la requête en homologation est présentée, car la loi nouvelle s’applique immédiatement aux actes faits à compter de son entrée en vigueur, mais non rétroactivement aux actes faits avant.

Si la règle nouvelle intéresse le fond du droit autant que la procédure, le raisonnement proposé dans la circulaire confond application immédiate et application rétroactive de la loi. Il avait déjà fait l’objet d’une telle critique lors de l’entrée en vigueur de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006. À l’époque, une circulaire avait – déjà… – considéré que les tribunaux n’étaient pas compétents pour statuer après le 1er janvier 2007 sur des demandes d’homologation de changements de régime conclus avant le 1er janvier 2007241. La bonne doctrine s’en était émue : « La jurisprudence décide, de manière constante, que la loi nouvelle ne s’applique pas, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, aux conditions de l’acte juridique conclu antérieurement. Affirmer le contraire reviendrait à faire une application rétroactive de la loi nouvelle, alors même que l’article 2 du Code civil pose comme principe que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif »242. D’autres commentateurs étaient du même avis243 et plusieurs décisions de justice avaient statué en ce sens244.

Ces positions doctrinales et prétoriennes peuvent être transposées aux actes de changement régularisés avant le 25 mars 2019 mais dont l’homologation n’a pas encore eu lieu à cette date.

En résumé

Contrairement à ce qu’indique la circulaire, les changements de régime matrimonial régularisés avant le 25 mars 2019 demeurent soumis à homologation et ne peuvent en aucun cas devenir définitifs par la seule adoption de la loi nouvelle, qui n’a aucun effet rétroactif.

2147 – Que faire lorsque le juge suit les préconisations de la circulaire ? – Une difficulté subsiste si le juge saisi d’une requête en homologation adopte la position de la circulaire et rend une décision de « non-lieu à homologation »245 ou si l’on craint qu’il rende une telle décision246. En ce cas, le changement de régime matrimonial – régularisé avant l’entrée en vigueur de la réforme – ne pourra jamais devenir définitif. Il en serait de même si le juge n’était jamais saisi d’une demande en homologation.

L’argument selon lequel l’homologation n’est plus nécessaire compte tenu de ce que les enfants sont depuis devenus majeurs n’est pas non plus pertinent. Les conditions de validité et d’efficacité du changement (conditions de fond) s’apprécient à la date à laquelle l’acte est signé247.

2148 – Impossibilité d’établir un acte rectificatif ou complémentaire. – Il serait également impossible de procéder par acte rectificatif ou complémentaire permettant de « constater que le changement est devenu définitif ». L’acte rectificatif est « celui qui est nécessaire pour assurer la concordance du fichier immobilier et du cadastre avec les énonciations du document déposé (…). Il doit dès lors être établi quand il s’agit seulement de préciser l’identité des parties ou l’identification d’un immeuble »248. Il a pour seul objet de rectifier une pure erreur matérielle, c’est-à-dire une erreur qui se révèle à la seule lecture de l’acte. Il n’y aurait d’ailleurs aucune erreur à rectifier ou complément à ajouter à l’acte : au moment où il a été fait, l’homologation était requise. C’est donc à raison qu’elle a été prévue. On peine donc à voir quels éléments pourraient figurer dans un tel acte rectificatif249. Enfin, l’acte rectificatif ne peut rien changer à la date de l’acte rectifié.

2149 – Réitération ou épuisement des voies judiciaires ? – Que penser, enfin, de la solution « rapide » préconisée par le Cridon de Paris250 qui consisterait en un « acte complémentaire » au changement de régime initial, contenant la réitération de la volonté des époux de changer de régime ? Il s’agit davantage d’un acte réitératif. Ne faut-il pas y voir, tout simplement, un nouvel acte de changement de régime, passé après la réforme et donc soumis au droit nouveau ? La difficulté reste entière si l’un des époux refuse de renouveler son consentement au changement de régime matrimonial.

La solution « longue » serait de requérir l’homologation. Si, se conformant à la circulaire, le juge la refusait (ce qui est probable), il resterait à former un recours251 pour obtenir de la juridiction d’appel des décisions conformes à ce qui avait déjà été jugé entre 2007 et 2008. Les délais et le coût de la procédure peuvent décourager… d’autant que la cour d’appel saisie pourrait confirmer la décision du premier juge : il faudrait alors se pourvoir en cassation…

La solution plus expédiente serait d’établir un nouvel acte de changement de régime (dont le contenu serait identique au premier)252. Cet acte, qui, par hypothèse serait régularisé après le 25 mars 2019, n’aurait pas à être homologué253.

Section III – Le changement de régime matrimonial en présence d’un enfant mineur sous tutelle ou d’un enfant majeur vulnérable

2150 Deux situations doivent être abordées : celle de l’enfant majeur vulnérable mais non protégé par une mesure (Sous-section I) et celle du majeur protégé et du mineur sous tutelle (Sous-section II).

Sous-section I – L’enfant majeur vulnérable non protégé

2151 – L’homologation provoquée. – L’hypothèse n’est pas rare : les parents désireux de changer de régime matrimonial ont un enfant majeur incapable d’émettre un consentement réel et éclairé mais cet enfant n’a jamais été placé sous un régime de protection. L’on sait qu’il convient, en principe, de notifier le changement de régime envisagé à cet enfant afin de faire courir le délai d’opposition. La difficulté réside alors dans le fait que cet enfant n’est pas en mesure de comprendre les enjeux de la notification qui lui est adressée.

La difficulté n’est pas envisagée par les textes. Dans un tel contexte, la notification qui serait adressée à l’enfant ne serait pas efficace en ce sens qu’elle ne serait pas en mesure de faire courir le délai d’opposition254. Dans l’hypothèse où l’enfant vulnérable a des frères et/ou sœurs majeurs, l’on pourrait conseiller à l’un d’eux de formuler une opposition de manière à rendre l’homologation du changement de régime matrimonial nécessaire, ce qui aurait pour mérite de résoudre la difficulté255.

Si ce conseil ne peut pas être suivi (hypothèse de l’enfant unique), il n’y a d’autre solution que de placer l’enfant sous un régime de protection. Dans ce cas, le notaire devra attendre que le régime soit mis en place afin d’adresser la notification à la ou aux personnes idoines. Rappelons que, dès le placement sous sauvegarde, pourrait être nommé un mandataire spécial de l’article 437 du Code civil, aux fins de recevoir la notification et d’exercer, le cas échéant, le droit d’opposition.

Sous-section II – L’enfant majeur protégé et le mineur sous tutelle

2152 – Position du problème. – La loi no 2006-728 du 23 juin 2006 modifiant la procédure applicable au changement de régime matrimonial n’avait nullement pris en compte la possible présence d’enfants majeurs protégés. C’est ainsi notamment que dans l’hypothèse d’une tutelle, une controverse s’était fait jour pour savoir si le fait pour le tuteur de ne pas faire opposition devait être analysé comme une renonciation à un droit et nécessitait de ce fait une autorisation préalable du juge des tutelles256.

L’hypothèse de l’enfant mineur sous tutelle ne posait quant à elle pas de difficulté puisque du fait de la minorité de l’enfant, une homologation était nécessaire.

Afin, semble-t-il, de résoudre ces difficultés, l’alinéa 2 de l’article 1397 du Code civil a été modifié par la loi du 23 mars 2019. Il dispose : « En cas d’enfant mineur sous tutelle ou d’enfant majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles ».

La référence à un représentant implique un mécanisme de représentation de la personne protégée ; or, il est plusieurs régimes de protection où il n’existe pas de représentation. La rédaction est donc défaillante et ne manquera pas de soulever concrètement des difficultés à l’occasion de son application257. Distinguons les différents régimes de protection envisageables et proposons des solutions pratiques.

2153 – Tutelle. – La notification sera adressée par le notaire au tuteur. Ce dernier décidera s’il estime nécessaire de former une opposition pour préserver les intérêts du tutélaire. Le tuteur agira seul sans avoir à solliciter préalablement une autorisation du juge des tutelles. S’agissant de la tutelle des mineurs, à défaut de précisions du texte, la procédure est applicable quelle que soit la nature de la tutelle mise en place : familiale (C. civ., art. 390 et s.), départementale (C. civ., art. 411 civil) ou étatique (C. action soc. et fam., art. L. 224-4, 4o et L. 380, al. 1er).

2154 – Curatelle. – La difficulté est prégnante dans la mesure où la curatelle se caractérise par une assistance et non pas une représentation. Il n’existe ainsi pas de « représentant ». Sans doute faut-il écarter la possibilité de notifier au curateur seul, ce dernier n’étant nullement investi d’un pouvoir de représentation. Suscite la même réserve la proposition qui consisterait à notifier au curatélaire uniquement, le laissant seul face à la décision à prendre. Il serait certainement préférable de procéder à une double notification, tant au curateur qu’au curatélaire afin de permettre à ces deux protagonistes de réfléchir ensemble quant à la pertinence de former une opposition258. En revanche, l’éventuelle opposition devrait être formée par le curatélaire seul, s’agissant d’un simple acte d’administration (C. civ., art. 467, al. 1)259.

2155 – Sauvegarde de justice. – Le majeur placé sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits (C. civ., art. 435, al. 1 in limine). La notification lui sera alors logiquement adressée et il décidera seul de former ou non une opposition260. Il n’en irait autrement que dans l’hypothèse où un mandataire spécial aurait été désigné aux fins de recevoir la notification et d’exercer éventuelle opposition (C. civ., art. 435, al. 1 in fine), ce qui peut sembler assez théorique.

2156 – Habilitations familiales. – On sait qu’il existe plusieurs sortes d’habilitation familiale : générale ou spéciale et, quand elle est générale, sous le régime de la représentation ou de l’assistance. Reprenons ces différentes hypothèses :

Habilitation familiale générale avec représentation

Sous ce régime, la personne habilitée a le pouvoir de réaliser, dans le domaine patrimonial, l’ensemble des actes que le tuteur a le pouvoir d’accomplir, seul ou avec une autorisation, sur les biens de la personne protégée (C. civ., art. 494-6, al. 3 et 1 combinés). Il s’agit d’un régime de représentation. La notification devra alors être adressée à la personne habilitée qui décidera, seule, de former ou non une opposition261.

Habilitation familiale générale avec mécanisme de l’assistance

La situation est similaire à celle rencontrée sous le régime de la curatelle (C. civ., art. 494-1, al. 1). Ainsi, par analogie avec ce qui a été exposé ci-avant sous le régime de la curatelle, une double notification devrait être faite, tant au majeur protégé qu’à la personne habilitée. Les deux décideront ensemble de l’opportunité de former opposition. Corrélativement, en cas d’opposition, la personne protégée l’exercera seule.

Habilitation familiale spéciale

Sous ce régime, la personne habilitée peut accomplir uniquement un ou plusieurs actes déterminés que le tuteur a le pouvoir de réaliser, seul ou avec une autorisation du juge des tutelles. Pour les actes non visés dans le jugement d’habilitation, la personne protégée conserve l’exercice de ses droits (C. civ., art. 494, al. 1 et 494-8, al. 1 combinés).

C’est ainsi qu’aussi longtemps que le jugement d’habilitation n’a pas conféré à la personne habilitée le pouvoir de recevoir la notification et de s’opposer, le cas échéant, au changement de régime matrimonial, la notification doit être envoyée à la personne protégée qui décide seule de l’opportunité de former une opposition (V. supra, A a2128).

2157 – Mandat de protection future. – L’application du texte au mandat de protection future est difficile. Deux éléments contradictoires s’opposent :

Dans le cadre d’une telle protection, un régime de représentation est mis en place (C. civ., art. 477, al. 1). Pour autant, la mesure n’est pas incapacitante et le mandant conserve le pouvoir d’accomplir les actes entrant dans la sphère de compétence du mandataire (C. civ., art. 488).

Il n’apparaît pas nécessaire de distinguer selon que le mandat est notarié ou sous seing privé. En toute hypothèse, le fait de former une opposition ou de ne pas le faire est un simple acte d’administration. En d’autres termes, c’est un acte pour lequel une autorisation préalable du juge est inutile. Deux hypothèses doivent alors être distinguées :

soit le mandant est apte à comprendre la portée de la notification qui lui est adressée. Dans cette hypothèse, il lui appartient d’exercer seul une éventuelle opposition ;

soit, au contraire, le mandant est inapte. C’est alors au mandataire que la notification doit être adressée, ce dernier décidant seul de former ou non opposition262.

2158 – Opposition d’intérêts. – Il est possible que le protecteur de l’enfant vulnérable soit l’époux désireux de changer de régime matrimonial. En ce cas, il existe une opposition d’intérêts. Les solutions jusque-là exposées devront alors être adaptées pour tenir compte de ces circonstances particulières. Exposons les différentes hypothèses envisageables263 :

tutelle et curatelle : l’opposition d’intérêts rend nécessaire l’intervention du subrogé tuteur ou du subrogé curateur (C. civ., art. 454, al. 5). En l’absence d’un tel organe, il sera nécessaire de solliciter du juge la désignation d’un protecteur ad hoc (C. civ., art. 455) ;

habilitation familiale : le protecteur doit adresser au juge des tutelles une requête à l’effet d’être autorisé à passer l’acte nonobstant l’opposition d’intérêts (C. civ., art. 494-6, al. 4) ;

mandat de protection future : il faut déplorer que le législateur n’ait pris aucune disposition particulière pour régler la difficulté d’une opposition d’intérêts dans ce régime de protection. Cela étant, l’article 484 du Code civil dispose : « Tout intéressé peut saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en œuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution ». Sur le fondement de ce texte, il semble possible de saisir le juge des tutelles afin de lui faire part de l’opposition d’intérêts et solliciter la désignation d’un protecteur ad hoc264.


170) Sénat, Étude d’impact, 19 avr. 2018, p. 65 : « Le premier objectif poursuivi est l’assouplissement du délai de deux ans. En effet, ce délai ne correspond plus à l’heure actuelle à la nécessité pour des époux de pouvoir adapter leur régime à leur situation professionnelle. Il sera rappelé que pour le partenariat civil une modification de la convention initiale ou même d’une précédente convention modificative est possible à tout moment, et que souvent, le changement de convention matrimoniale intervient soit pour préparer une succession, notamment lorsque les époux choisissent la communauté universelle avec attribution au dernier vivant, soit pour adapter le régime à une nouvelle situation professionnelle pour protéger la famille, par exemple dans le cas d’une séparation de biens ». – A. Karm, Changement de régime matrimonial : suppression du délai d’attente de 2 ans et suppression d’une exonération devenue injustifiée en matière d’enregistrement : JCP N 2019, 1177.
171) Étude d’impact, op. cit., p. 66 : « Le dernier objectif est celui de la clarification des dispositions applicables en présence d’enfants majeurs protégés. En effet, l’art. 1397 du Code civil, dans sa rédaction actuelle, ne prend pas expressément en compte le cas d’enfants qui, bien que majeurs, ne sont pas en état de manifester clairement leur volonté vis-à-vis du changement de régime souhaité par leurs parents. Dans ces situations l’application du droit commun est source d’interrogations notamment sur le point de savoir si l’opposition est un droit patrimonial nécessitant une autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles ».
172) Tel, pour exemple, que le définissait l’arrêt Zelcer : « du statut matrimonial relève la défense de modifier le régime par une convention postérieure à la célébration du mariage ». – Cass. req., 4 juin 1935 : Rev. crit. DIP 1936, 755, rapp. Pilon et note Basdevant ; S. 1936, 1, 377, note Niboyet ; D. 1936, 1, 7, note Savatier ; Grands arrêts de droit international privé, 2e éd., no 15.
173) Notamment, pour la seule critique issue de la pratique notariale, dès le 75e Congrès des notaires de France de La Baule, en 1978 (dont le thème était Le statut matrimonial des Français).
174) Pour un exposé complet de ces critiques, V. E. Rousseau, Mutabilité et cohérence du régime matrimonial, thèse, ss dir. G. Champenois, Paris, LGDJ, 2014, nos 12 et s., p. 11.
175) C. Blanchard, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : point intéressant le notariat : JCP N 2019, act. 332. – I. Corpart, Entre améliorations et complications, de récentes innovations pour les époux désireux de changer leur régime matrimonial : LPA 9 août 2019, no 159, p. 9.
176) A. Tani, La nouvelle procédure de mutation du régime matrimonial : JCP N 2019, 1159. – N. Petroni-Maudière, Changement de régime matrimonial : nouvelles règles, nouvelles attributions du notaire : Rev. Lamy dr. civ. 1er juill. 2019, no 172.
177) E. Rousseau, La conformité du changement de régime matrimonial à l’intérêt de la famille après le 25 mars 2019 : D. 2019, p. 2259.
178) S. Gaudemet, « L’intérêt de la famille », élément d’un ordre public familial, in Mél. G. Champenois, Defrénois, 2012, p. 287, spéc. p. 296.
179) Ibid.
180) M. Beaubrun, Le nouvel article 1397 du Code civil, un texte transitoire ? : Defrénois 2007, p. 95.
181) Le mérite revient ici à E. Rousseau d’avoir montré que les enfants ne sont pas démunis de recours, a posteriori, contre le changement de régime matrimonial qui ne serait ourdi que dans l’intention de leur nuire. Ce constat fait douter de la nécessité d’un contrôle de la conformité à l’intérêt de la famille organisé ab initio, lors du changement de régime lui-même, alors que nul ne doute, a priori, de la droite intention des époux à le défendre et préserver (E. Rousseau, Mutabilité et cohérence du régime matrimonial, thèse préc., nos 25 et s., p. 21).
182) En ce sens, N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, La simplification des conditions du changement de régime matrimonial : Sol. Not. Hebdo 18 avr. 2019, no 14, pt 11.
183) Étude d’impact, op. cit., p. 65 : « la question doit cependant être revue à la lumière des réformes intervenues depuis, notamment la loi no 2016-1547 du 18 nov. 2016 portant déjudiciarisation du divorce par consentement, la compétence du juge n’ayant été maintenue qu’en cas de demande d’audition par l’enfant mineur ainsi que l’ordonnance no 2015-1288 du 15 oct. 2015 en matière d’administration légale ayant reposée sur le postulat d’une présomption de bonne gestion des biens du mineur par ses représentants légaux ». V. égal. le même argument repris en page 67. Comprenons que le la loi de déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel ayant déjà fait le sacrifice des droits de l’enfant mineur on pouvait, désormais, s’autoriser de ce précédent pour les ignorer systématiquement….
184) Cass. 1re civ., 6 janv. 1976, Alessandri : Bull. civ. 1976, I, no 4 ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, Paris, Dalloz, 1994, no 217, p. 882 : « Les époux peuvent, dans l’intérêt de la famille, convenir de modifier leur régime matrimonial ou même d’en changer. L’existence et la légitimité d’un tel intérêt doivent faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, le seul fait que l’un des membres de la famille risquerait de se trouver lésé n’interdisant pas nécessairement la modification ou le changement envisagé ».
185) Circulaire de présentation des entrées en vigueur des dispositions civiles de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, CIV/04/2019, NOR : JUST 1806695L, 25 mars 2019, ann. 6.
186) Il s’agit, en réalité du juge aux affaires familiales statuant en matière d’administration légale (COJ, art. L. 213-3-1, 2o), c’est-à-dire du même juge que celui qui aurait dû connaître de la demande d’homologation du changement de régime matrimonial (COJ, art. L. 213-3, 1o). Il n’est cependant pas saisi dans la même fonction : comme juge compétent en matière d’administration légale, il statue dans l’intérêt de l’enfant. Sa décision n’est donc pas la même que celle qu’il aurait prise dans l’intérêt de la famille s’il avait été saisi en son ancienne qualité de « juge aux affaires matrimoniales ».
187) Circ. préc., p. 4. – S. Torricelli-Chrifi, Réforme de la procédure de changement de régime matrimonial : Dr. famille avr. 2019, dossier 13, no 12.
188) C. Rieubernet, De la nouvelle mutabilité des régimes matrimoniaux : LPA 23 avr. 2019, p. 10, art. 142×3. – S. Torricelli-Chrifi, op. et loc. cit.
189) A. Tani, art. préc., no 15.
190) S. Torricelli-Chrifi, op. et loc. cit.
191) Circ. préc., p. 4.
192) A. Tani, op. et loc. cit..
193) C. Blanchard, art. préc.
194) A. Tani, op. et loc. cit., spéc. no 14. – P.-A. Soreau, Déjudiciarisation du changement de régime matrimonial : suite et fin ! : JCP N 2019, 1238.
195) Circ. préc., p. 4.
196) V. Égéa, Loi Belloubet, la matière familiale à l’épreuve de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice : Procédures juin 2019, no 6, étude 14, pt 9.
197) S. Torricelli-Chrifi, art. cité, no 15.
198) V. Égéa, Loi Belloubet, la matière familiale à l’épreuve de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice : Procédures juin 2019, no 6, étude 14, pt 9.
199) P. Hilt, Un pas de plus vers la libre mutabilité des conventions matrimoniales : AJF 2019, p. 256.
200) E. Rousseau, La conformité du changement de régime matrimonial à l’intérêt de la famille après le 25 mars, art. préc.
201) S. Torricelli-Chrifi, art. préc., no 14. – P. Hilt, art. préc.
202) A. Tani, art. préc., no 18.
203) C. Blanchard, art. préc.
204) N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, art. préc., no 13 ; V. égal. en ce sens : M. Saulier, Le notaire et l’enfant dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice : AJF 2019, p. 259. – G. Bonnet, On achève bien… le principe d’immutabilité du régime matrimonial : Defrénois 2019, nos 18-20, p. 1, art. 148q3.
205) H. Catou, Procédure de changement de régime matrimonial : intervention résiduelle du juge et pouvoir d’alerte du notaire : JCP N 2019, 1176 ; à ce sujet, V. pour une étude complète : A. Tani, État des lieux jurisprudentiel du changement de régime matrimonial, ou la grande rareté des refus d’homologation… : JCP N 2017, 1292.
206) Cass. 1re civ., 6 janv. 1976, no 74-12.212 : le souci d’assurer la situation pécuniaire du conjoint survivant répond à un intérêt familial de nature à justifier le changement de régime matrimonial. – Cass. 1re civ., 22 juin 2004, no 02-10.528 : l’adoption du régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au profit du survivant n’est pas contraire à l’intérêt de la famille dans la mesure où les enfants non communs bénéficient de l’action en retranchement. Dans le même sens, Metz, 27 sept. 2016, no 15-03357 : JurisData no 2016-019529. – Aix, 4 nov. 2015, no 14/15466. – Besançon, 3 juill. 2015, no 15/00532. Le besoin de protection du conjoint survivant, peut, dans l’appréciation de l’intérêt de la famille, l’emporter sur l’intérêt des enfants communs : Nîmes, 9 nov. 2016, no 15/02845 : JurisData no 2016-027226. – Aix, 1er juin 2016, no 15/000082. – Caen, 31 mars 2016, no 15/03734 : JurisData no 2016-006104. La pacification des relations familiales et la prévention de conflit au premier décès justifient également le changement dans l’intérêt de la famille : Nîmes, 9 nov. 2016, no 15/02845 : JurisData no 2016-027226. Le risque pour l’enfant de devoir supporter une fiscalité successorale accrue ne justifie pas le refus d’homologation : Caen, 31 mars 2016, no 15/03734 : JurisData no 2016-006104. – Rouen, 13 mars 2015, no 14/04075 : JurisData no 2015-011994.
207) Les décisions sont anciennes car elles concernaient essentiellement l’enfant de l’un des époux né hors mariage lorsqu’il ne disposait pas encore de l’action en retranchement de l’article 1527, alinéa 2 (qui ne lui est ouverte que depuis le 4 décembre 2001) : Cass. 1re civ., 8 juin 1982 : Bull. civ. 1982, I, no 214. – Cass. 1re civ., 9 mars 1983 : D. 1984, 273. – Cass. 1re civ., 5 juill. 1989 : JCP N 1991, II, 59, note Simler ; Defrénois 1989, 1143, obs. Champenois.
208) E. Rousseau, La conformité du changement de régime matrimonial à l’intérêt de la famille…, art. préc.
209) P.-A. Soreau, art. préc.
210) N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, art. préc., no 14.
211) N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, art. préc., no 15.
212) F. Terré et P. Simler, Régimes matrimoniaux, Dalloz, 8e éd. 2019, no 235. – C. Vernières, Droit patrimonial de la famille, ss dir. M. Grimaldi, Dalloz Action, 2018-2019, no 123-72.
213) Versailles, 28 janv. 2010 : JCP N 2011, 1001, no 7, obs. G. Wiederckehr et en ce sens B. Vareille, La loi du 27 juin 2006 et les régimes matrimoniaux : JCP N 2007, 1200.
214) N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, art. préc., no 13. V. égal. en ce sens : M. Saulier, art. cité. – G. Bonnet, art. préc.
215) A. Tani, La nouvelle procédure… art. préc., no 18.
216) E. Rousseau, Mutabilité et cohérence du régime matrimonial, thèse préc., no 108.
217) N. Peterka, La loi du 23 mars 2019 et la réforme du droit des personnes vulnérables : quelles conséquences pour la pratique notariale ? : JCP N 2019, 1157, no 10 ; La déjudiciarisation du droit des personnes protégées par la loi du 23 mars 2019 – progrès ou recul de la protection ? : JCP G 2019, doctr. 437, no 13. – V. Mikalef-Toudic (Réforme de la justice : mesure concernant le couple : D. 2019, p. 639) précise que cette faculté serait dépourvue de sanction.
218) N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, art. préc., no 13.
219) I. Copart, art. préc. Le retard de l’effectivité du changement, s’il cause préjudice aux époux, avait déjà été envisagé avant la réforme comme une cause possible de la responsabilité du notaire, même si l’établissement du lien de causalité entre ce préjudice et une faute imputable au notaire peut paraître malaisé. – E. Rousseau, Mutabilité et cohérence du régime matrimonial, thèse préc., no 113.
220) A. Tani, art. préc., no 15 ; V. égal. I. Corpart, art. préc.
221) N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, art. préc., no 15.
222) M. Storck : JCl. Civil Code, Art. 1396 à 1397-1 (2016), fasc. 20, no 49.
223) B. Beignier, Le changement de régime matrimonial depuis le 1er janv. 2007 : Dr. famille avr. 2007, no 4, étude 11.
224) J. Massip, note ss Dijon, 2 déc. 2010 : Defrénois 2011, art. 39230-5.
225) Circ. min. Justice, 29 mai 2007, no 73-07/C1/5-2/GS, p. 63 et, dans le même sens : Rép. min. no 39265 (Huyghe) et Rép. min. no 42794 (Remiller) : JOAN 2 juin 2009, p. 5390.
226) Dijon, 16 avr. 2009, no 08/02200.
227) TGI Chaumont, 23 nov. 2009 : Defrénois 2010, art. 39066.
228) Dijon, 2 déc. 2010, no 10/00071 : Defrénois 2011, art. 39230-5, p. 821, note approbative Massip (préc.).
229) Lyon, 4 avr. 2011, no 10/02303 (cité par D. Azincourt, La procédure de changement de régime matrimonial en présence d’un petit-enfant mineur : JCP N 2012, p. 43, note 14) : Un enfant majeur s’était opposé au changement de régime de ses parents mais était décédé au cours de l’instance en homologation. L’arrêt décide que le droit d’opposition de l’enfant majeur est personnel et intransmissible à cause de mort.
230) B. Beignier, J. Combret et E. Frémont, Le changement de régime matrimonial depuis le 1er janv. 2007. Questions diverses. Éléments de réponses : Dr. famille 2007, étude 11.
231) Alors même qu’une telle confrontation paraît exclue avec le parent de l’enfant mineur dont l’un des époux est désormais séparé.
232) La publication au Journal officiel ayant eu lieu le 24 mars 2019.
233) Circ. CIV/04/2019, NOR : JUST 1806695L, 25 mars 2019, ann. 6.
234) S. Torricelli-Chrifi reprend le texte de la circulaire sans la commenter, art. préc.
235) A. Tani, La nouvelle procédure…, rt. préc., no 10.
236) Le « non-lieu » ou la « décision de non-lieu » sont inconnus de la procédure civile… Le juge qui estimerait ne pas devoir donner suite à la demande d’homologation prendrait une ordonnance « disant n’y avoir lieu à homologation ».
237) C’est ce que fait, en toute rigueur, Ch. Sarto-Le Martret, La suppression de l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial en présence d’enfants mineurs et les procédures en cours au 25 mars 2019 : Bull. Cridon Paris 15 mai 2019, no 10, p. 6.
238) Cass., avis, 22 mars 1999, nos 09-90.001 et 09-90.005 (2 avis) : Bull. civ. 1999, avis, no 2. – Cass. 2e civ., 30 avr. 2003, no 00-14.333 : Bull. civ. 2003, II, no 123.
239) J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, Paris, Armand Colin, 2001, p. 198.
240) I. Balensi, L’homologation judiciaire des actes juridiques : RTD civ. 1978, p. 42 et 233, no 35, p. 62.
241) Circ. 73-07/C1/5-2/GS, 29 mai 2007, de présentation de la réforme des successions et des libéralités (NOR : JUSC0754177C).
242) N. Bollon, Retour sur l’application dans le temps du nouvel article 1397 du Code civil : Cah. Cridon Lyon 2008, no 51, p. 13.
243) Pour exemple : J.-L. Puygauthier, selon lequel « le droit applicable est celui en vigueur au jour de la signature de l’acte notarié de changement de régime matrimonial » : Nota-Bene Cridon Sud-Ouest mars 2007, no 122, fiche 489.
244) Toulouse, 16 oct. 2007, no 07/02505 : Dr. famille 2008, comm. 10, obs. B. Beignier. – Toulouse, 20 nov. 2007, no 07/02727 : JCP G 22007, IV, 1587. – Paris, 10 avr. 2008, no 07/17430 : JCP G 2008, I, 202, no 5, obs. G. Wiederkehr. – Lyon, 23 oct. 2008, no 08/02017 : JurisData no 2008-005810. – Nîmes, 25 févr. 2009, no 08/01144 : JurisData no 2009-002270. V. égal. deux décisions rendues le même jour par la même juridiction en deux sens contraires : Besançon, 1re ch. civ., sect. A, 16 janv. 2008 (maintien de l’exigence d’homologation) et CA Besançon, 1re ch. civ., sect. A, 16 janv. 2008 (refus d’homologation) : Dr. famille 2008, comm. 158, obs. B. Beignier.
245) Ce qui est très courant en pratique : les juges se conforment à la circulaire.
246) Fréquent est le cas où les avocats indiquent aux époux que l’homologation de l’acte signé avant la réforme n’est plus nécessaire et les renvoient devant leur notaire pour « finaliser la procédure » – dans de telles hypothèses, la requête en homologation n’est donc pas déposée.
247) Si un tel raisonnement était adopté, il aurait alors suffi aux époux avec enfant mineur de changer de régime matrimonial avant la réforme, puis d’attendre que leurs enfants deviennent majeurs pour échapper à l’homologation… ce qui est difficilement concevable.
248) P. Masounade-Puyanne, La rectification des erreurs et omissions en matière de publicité foncière : JCP N 1959, I, 1496, nos 16 et s.
249) Peu importerait d’ailleurs que cet élément (homologation) n’ait pas été rappelé dans l’acte de changement puisqu’il s’agit d’une condition légale de validité du changement qu’exigeait la loi ancienne.
250) C. Sartro-Le Martret, art. préc., p. 6.
251) Si les époux décidaient de poursuivre l’homologation de l’acte déjà régularisé (ou d’interjeter appel de la décision de « non-lieu » à homologation), les publicités afférentes de cet acte (journal d’annonces légales et notifications aux éventuels enfants majeurs) ayant déjà été réalisées, il n’y aurait aucune raison de les effectuer de nouveau.
252) Si les époux, craignant de se heurter à la résistance des juges, décidaient de « refaire » un nouvel acte de changement de régime, il y aurait lieu de procéder à de nouvelles formalités d’information des enfants majeurs (s’il en existe) et des créanciers. En effet, même si le contenu du nouvel acte est identique au premier, il s’agit d’un acte différent dont les enfants majeurs (s’il en existe) et les créanciers doivent être informés. Les mesures d’information des créanciers et des enfants majeurs capables n’ont pas été modifiées par la réforme. De plus, les annexes I et II de l’arrêté du 23 décembre 2006 fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants majeurs et aux créanciers indiquent que l’information doit contenir la date de l’acte de changement de régime : ainsi, l’information déjà réalisée concerne nécessairement le premier acte, qui, suivant notre hypothèse, ne produira jamais effet.
253) La faculté d’alerte du notaire auprès du juge des tutelles serait substituée à l’homologation (C. civ., art. 1397, al. 5) dans l’hypothèse où les enfants seraient toujours mineurs au jour de ce nouvel acte.
254) En ce sens : N. Peterka, Le changement de régime matrimonial à l’heure du jubilé de la réforme du 13 juill. 1965 : JCP N 10 juill. 2015, no 28, 1126. – J. Hauser et J.-M. Plazy, Changement de régime matrimonial et enfant majeur hors d’état de manifester sa volonté : Defrénois 10/2007, p. 733.
255) En ce sens : P. Holl et C. Le Martret, La nouvelle procédure de changement de régime matrimonial après deux années d’application : Bull. Cridon Paris 1er-15 nov. 2009, no spécial, no 21-22.
256) Sur la question : J. Hauser et J.-M. Plazy, op. cit.
257) Posant le même constat : P. Hilt, art. préc.
258) Solution s’inspirant par analogie de l’exigence d’une double signification en matière de procédure (C. civ., art. 467, al. 3).
259) Dans le même sens : N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, art. préc., no 14, 18. Contra considérant que l’opposition nécessitera l’assistance du curateur : P. Hilt, op. cit.
260) En ce sens : N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, op. cit.
261) Plus nuancé : N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, op. cit., estimant que le droit d’opposition n’est délégué à la personne habilitée que dans l’hypothèse d’une inaptitude de la personne protégée.
262) En ce sens dans l’hypothèse d’une inaptitude du mandant : N. Couzigou-Suhas et F. Sauvage, op. cit.
263) Nous passerons sous silence l’hypothèse de la sauvegarde de justice dans la mesure où une opposition d’intérêts n’est pas concevable sous un tel régime de protection.
264) En ce sens : M. Hauser, Nouveau droit des majeurs protégés, Difficultés pratiques, Paris, Dalloz, 2012, p. 21.
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