CGV – CGU

Introduction

10001 – Un rôle fondamental. – Le logement joue un rôle fondamental dans la vie des ménages : habitation, centre de leurs intérêts sociaux et familiaux, « chez soi », ou encore assurance pour l’avenir lorsqu’ils en sont propriétaires. Il constitue également l’un de leurs premiers postes de dépenses1. Malgré cette place centrale, le besoin et la demande de logement restent forts. Et cette tendance ne tend pas à s’inverser, surtout en zones tendues. Selon le rapport de François Rebsamen, « les besoins en logement devraient continuer de progresser rapidement dans toutes les régions, d’autant que les besoins liés au mal logement et au déclassement d’une part du parc existant, trop vétuste, s’ajoutent à la demande potentielle résultant de la croissance attendue du nombre de ménages »2.
10002 – Le « choc de l’offre ». – Passant à la fois par la construction et la rénovation du parc existant, est donc essentiel dans une politique destinée à permettre l’accès à un logement de qualité3, écologique et à un prix abordable.
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10004 – Une production de moins en moins compartimentée. – La production de logements, et plus particulièrement de logements sociaux et intermédiaires, implique des acteurs du secteur public au sens large (État, collectivités territoriales, entreprises publiques locales, bailleurs sociaux et intermédiaires) et des opérateurs privés (promoteurs et investisseurs). Leurs interventions ont longtemps été séquencées selon les rôles propres de chaque acteur : planification, portage, aménagement, maîtrise d’ouvrage, acquisition, etc. Il est vrai que l’organisation globale de la production de logements ne met pas – ou très peu – en concurrence les acteurs privés et les opérateurs de logements sociaux ou intermédiaires sur les produits qui sont réalisés. Mais les interactions, déjà nombreuses, ne peuvent que s’accentuer pour au moins deux raisons fondamentales.
L’impératif de mixité sociale et fonctionnelle. D’abord, parce que l’objectif de mixité assigné aux collectivités publiques en matière d’urbanisme ainsi qu’aux bailleurs sociaux9, implique inévitablement de réaliser des ouvrages au sein desquels sont imbriqués les logements libres, intermédiaires et sociaux, mais également les équipements publics rendus nécessaires pour répondre aux besoins des futurs habitants. Un partenariat sur la conception et la maîtrise d’ouvrage des logements réalisés s’impose inévitablement. La réalité du recours à la Vefa implique également de réfléchir aux meilleures conditions de sa mise en œuvre.
L’impératif de sobriété. Ensuite, la mixité des usages et des intervenants ne peut être que renforcée par les textes de lois les plus récents adoptés dans un contexte de raréfaction du foncier – principalement en zone tendue – et de lutte contre le changement climatique. Cette raréfaction du foncier urbanisable devrait en effet être accentuée par l’objectif national de zéro artificialisation nette des sols en 2050 (ci-après objectif « ZAN »), objectif posé par le Gouvernement dans le cadre du Plan Biodiversité du 4 juillet 201810 et retranscrit dans la loi no 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi Climat et Résilience. L’enjeu de l’accès au foncier pour permettre la production de logements prend donc de l’ampleur et on voit des outils juridiques qui se développent pour assurer aux acteurs de la sphère publique les conditions nécessaires à l’exercice de leurs missions.
10005 – Traduction opérationnelle : nécessité de partenariats nouveaux. – D’un point de vue opérationnel, la sobriété foncière invite à une évolution profonde dans les façons de faire les projets urbains, et de nouvelles formes de partenariats entre les acteurs publics et privés. On serait finalement à l’aube d’une nouvelle ère dans laquelle les propriétaires, les acteurs publics et les opérateurs privés doivent s’associer autour d’une ressource rare et protégée, pour choisir les projets urbains, les faire vivre, et tenir ensemble les promesses écologiques, sociales et économiques que porte le foncier pour les générations actuelles et futures. Autrement dit, n’est-il pas nécessaire de dépasser la segmentation des acteurs de la chaîne de production des projets et d’intégrer de nouvelles composantes dans la chaîne de valeur compte tenu des besoins d’aménités, de performance énergétique, de mutualisation d’équipements, qui sont aujourd’hui incontournables pour produire un habitat de qualité ?
10006 L’association en amont des projets des aménageurs, promoteurs et investisseurs, mais également, voire surtout, des habitants, devient indispensable dans ce contexte de raréfaction du foncier et de lutte simultanée contre la crise du logement et le changement climatique. Un partenariat des acteurs publics entre eux et entre le secteur public et privé apparaît donc indispensable pour répondre à l’objectif de production de logements de qualité à un prix abordable11.
10007 Les collectivités territoriales, compétentes en matière d’urbanisme et d’habitat sont naturellement légitimes pour mettre en œuvre cet objectif et y associer les citoyens. En tant que propriétaire foncier, il devient alors indispensable qu’elles maîtrisent davantage les projets qui seront réalisés sur leurs terrains. Cette maitrise, qu’elle emprunte une forme contractuelle ou institutionnelle, devant par ailleurs avoir un impact positif sur le prix du foncier lequel – parfois associé au prix des participation au coût des équipements publics – aura un impact sur le prix et la qualité des logements. Évidemment, il ne s’agit pas ici de minorer le rôle du secteur privé dans la production du logement : les aménageurs privés, les promoteurs, les foncières sont indispensables à l’atteinte des objectifs nationaux, que ce soit pour la production de logements « libres » ou « aidés », en utilisant tous les outils juridiques à leur disposition (ventes d’immeubles à construire, contrats de promotion immobilière, contrat de construction de maison individuelle, location-accession, etc.)
10008 – La production d’une offre de logement abordable, de qualité et écologiquement responsable se décline en trois temps. – D’abord, elle implique en une action publique dont les objectifs, définis nationalement, doivent pouvoir se concrétiser localement et être centrée sur les projets et les besoins des habitants. À cet égard, il est indispensable que les acteurs de la politique publique du logement puissent s’appuyer sur une organisation efficace des compétences, une mobilisation suffisante des patrimoines producteurs de logements, et sur la mise en place des partenariats forts entre eux (Partie I). Les objectifs de mixités sociale et fonctionnelle, renforcés par l’impératif de sobriété foncière, supposent ensuite un rapprochement des opérateurs publics et privés dans la conception et la réalisation des projets, autour de partenariats ou d’objectifs fédérateurs (Partie II). Parallèlement, il est nécessaire de transformer les méthodes de production pour faire face aux enjeux écologiques et à cet égard, de nouveaux champs de prospection juridique s’ouvrent naturellement (Partie III).

1) Selon l’INSEE (Revenus et patrimoine des ménages, éd. 2021), en 2017, les ménages consacrent en moyenne 19,7 % de leurs revenus à leur logement. Ce taux d’effort en logement est plus élevé pour les locataires du secteur libre (28,6 %) et les accédants à la propriété (27,5 %), que pour les locataires du secteur social (24,1 %), dont les loyers sont plafonnés. Les 25 % des ménages les plus modestes (majoritairement locataires) consacrent 32,0 % de leurs revenus à leurs dépenses en logement, contre 14,1 % pour les ménages les plus aisés (majoritairement propriétaires non-accédants).
2) Rapport de la Commission pour la relance durable de la construction de logements, dit « Rapport Rebsamen », sept. 2021. Selon ce rapport, le besoin de logements est compris entre + 2,7 M et + 3,9 M sur la période 2017-2030, soit une augmentation annuelle moyenne située entre + 210 000 et + 325 000 logements selon les hypothèses retenues. À ces chiffres, s’ajoutent les besoins liés aux situations de mal logement. Dans les zones tendues, ces chiffres sont des minimas pour ne pas accroitre encore davantage la tension sur le marché.
3) V. Rapport de la mission sur la qualité du logement, référentiel du logement de qualité, L. Girometti et F. Leclercq, sept. 2021.
4) Il n’existe pas de définition générale du logement social, ni dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH) ni dans les textes législatifs ou réglementaires qui mettent en œuvre la notion. Il est fréquent de se référer à la liste de l’article L. 302-5 du CCH (obligation de production de logement social, dit obligation SRU) pour définir ce qu’il convient d’entendre par logements sociaux. À titre d’exemple, il s’agit des logements appartenant aux organismes HLM, des logements conventionnés APL, des logements ou lits des logements foyers des personnes âgées, de personnes handicapées, de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants, etc. D’une manière générale, le logement social se définit au regard de la provenance des capitaux investis et de l’affectation sociale des logements. Du point de vue du financement, le logement social doit être entendu comme celui dont la production est financièrement aidée et qui n’est pas réalisé dans une perspective de rentabilité. Ces caractères déterminent la gestion et l’affectation de ces logements : une attribution à des personnes répondant à des conditions de ressources pour un montant de loyer plafonné.
5) L’état du mal logement en France 2022, Fondation Abbé Pierre, rapport annuel 27.
6) Le logement intermédiaire, défini à l’article L. 302-16 du CCH, s’entend à l’exclusion des logements locatifs sociaux définis à l’article L. 302-5, des logements : 1° Faisant l’objet d’une aide directe ou indirecte, sous quelque forme que ce soit, accordée par l’État, une collectivité locale ou l’un de ses groupements, ou par toute autre personne morale et conditionnée au respect, pendant une certaine durée, des conditions prévues aux 2° et 3° ; 2° Destinés à être occupés, à titre de résidence principale, pendant la durée fixée lors de l’attribution de l’aide mentionnée au 1°, par des personnes physiques dont les ressources n’excèdent pas des plafonds, fixés par décret en fonction de la typologie du ménage, de la localisation et du mode d’occupation du logement, lesquels ne sauraient être inférieurs, pour les logements donnés en location, aux plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III ; 3° Dont le prix d’acquisition ou, pour les logements donnés en location, dont le loyer, n’excède pas, pendant la durée mentionnée au 2°, des plafonds fixés par décret en fonction de la localisation du logement, de son type et, le cas échéant, de son mode de financement, lesquels ne sauraient être inférieurs, pour les logements donnés en location, aux plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III. La réglementation actuelle du logement intermédiaire est principalement concentrée sur des aspects fiscaux, notamment la TVA à 10 % et le crédit d’impôts sur les sociétés venant, depuis la loi de finances pour 2022, en remplacement de l’exonération de taxe foncière qui était accordée pour les logements locatifs intermédiaires ainsi produits. Il n’existe que très peu de mesures quant à la planification de l’offre et la grande partie des règles encadrant le logement intermédiaire sont en réalité issues du régime fiscal du dispositif. Aucune contrainte relative aux modalités de mise en location ou d’attribution des logements intermédiaires, similaires à celles du logement social, ne ressort du CCH en raison de la simple qualification de logement intermédiaire. Par ailleurs, cette offre n’est appréhendée par les textes que sous l’angle locatif. Les dispositifs de financement sont en effet uniquement adressés à des logements locatifs, alors même que la définition du logement intermédiaire vise également les logements en accession. V. sur le sujet Le logement intermédiaire, R. Léonetti et J. Marion, Le Moniteur des Travaux Publics no 6176, 4 févr. 2022, p. 57.
7) Rapport Développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels, IGF / CGEDD, avr. 2021
8) Le rapport Rebsamen précité identifie un décrochage de la production de logement en zone tendue où se concentrent la plus grande partie des besoins à satisfaire. Accentué depuis la crise sanitaire, ce décrochage est visible dès 2019. Le décrochage de la construction en zones tendues s’observe également dans le champ spécifique du logement social. Le nombre total de logements sociaux agréés est en baisse depuis 2016. Cette tendance contraste néanmoins avec la dynamique du logement intermédiaire, sans que cette offre ne puisse compenser l’offre sociale.
9) Depuis la loi no 2000-1208, 13 déc. 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
10) Objectif 1.3 : « Limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette.

L’étalement urbain et l’artificialisation des sols, en détruisant et en morcelant les espaces naturels, agricoles et forestiers, contribuent directement à la dégradation du fonctionnement des écosystèmes et à l’érosion de la biodiversité. Les politiques d’urbanisme et d’aménagement commercial seront revues afin d’enrayer l’augmentation des surfaces artificialisées (bâtiments, infrastructures de transports, parkings, terrains de sports…), de favoriser un urbanisme sobre en consommation d’espace et d’améliorer la mise en œuvre de la séquence éviter–réduire–compenser ».
11) Cf. Rapport de la mission sur la qualité du logement, Référentiel du logement de qualité, L. Girometti – F. Leclercq ; Rapport du groupe de travail sur la qualité des logements sociaux de M. Lemas.
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