CGV – CGU

PARTIE III – Transformer les méthodes
Titre 1 – Accroître l’offre de logements à l’aune du ZAN
Sous-titre 1 – Le ZAN – un nouveau paradigme au service de l’optimisation

Chapitre II – Les conséquences induites : les travaux sur l’existant

10380 Répondre à l’important effet de balancier initié par l’objectif ZAN quant à la sobriété foncière nécessite un regard nouveau sur les procédés de densification urbaine, que ce soit en verticalité ou en horizontalité. Cela passe nécessairement par la possibilité de modifier l’existant. Dans la plupart des cas, une telle modification est soumise aux exigences législatives et jurisprudentielles relatives aux travaux sur l’existant (Section I). Et, comme toute autorisation de travaux créatrice de droits, elle est sujette à recours (Section II).

Section I – Le régime des travaux sur l’existant

10381 Entreprendre des travaux sur un bâtiment existant nécessite de respecter le corpus règlementaire qui s’y rapporte, sous peine de s’exposer à diverses sanctions (Sous-section I). Cependant, la possibilité même d’entreprendre de tels travaux peut être affectée par la non-conformité ou l’irrégularité du bâtiment qui en est l’objet (Sous-section 2).

Sous-section I – Travaux sur l’existant et droit de l’urbanisme

10382 Depuis le 1er octobre 2007, le régime des autorisations travaux sur l’existant se veut simplifié (§ I), alors que le non-respect des règles édictées continue pour sa part à être largement sanctionné (§ II), à moins d’une possible régularisation (§ III).

§ I – Les règles d’urbanisme applicables

10383 – Un principe de liberté… vite tempéré. – À l’inverse du principe selon lequel une autorisation est requise en cas de construction nouvelle, en cas de travaux sur l’existant la règle est celle de la dispense de toute formalité au titre du Code de l’urbanisme, ainsi qu’il résulte de l’alinéa premier de son article R. 421-13.
Ce principe est toutefois immédiatement tempéré notamment par les articles R. 421-14 et R. 421-17 du même code, soumettant lesdits travaux, pour le premier à déclaration préalable et pour le second à permis de construire.
10384 Les travaux d’agrandissement de l’existant seront donc alternativement soumis aux exigences suivantes :

1. Dispense totale d’autorisation : travaux ne créant pas plus de 5 m² d’emprise au sol et de surface de plancher754.

2. Déclaration préalable de travaux : travaux créant plus de 5 m² d’emprise au sol et/ou de surface de plancher, dans la limite de 20 m² d’emprise au sol et de surface de plancher. Le seuil de 20 m² est porté à 40 m² dans les zones urbaines des plans locaux d’urbanisme ou documents d’urbanisme en tenant lieu755.

3. Permis de construire : travaux créant plus de 20 m² d’emprise au sol et/ou de surface de plancher (ou 40 m² dans les zones urbaines des plans locaux d’urbanisme ou documents d’urbanisme en tenant lieu).

Finalement, ne sont réellement dispensés de toute formalité que les travaux ne créant pas plus de cinq mètres carrés de surface de plancher et d’emprise au sol (sauf sur monument historique), ainsi que les travaux d’entretien et de réparation756.
10385 La densification voulue par les pouvoirs publics pour éviter l’artificialisation des sols pose, dès lors, la question de l’adéquation de ces règles. Il n’est certes pas acceptable de dispenser de tout contrôle les travaux sur les existants ; mais ne pourrait-on concevoir, à leur égard, d’étendre le champ d’application de la déclaration préalable au détriment de celui du permis de construire, notamment essentiellement en cas de surélévation ?

§ II – Les sanctions encourues

10386 La palette des sanctions encourues par un contrevenant est large : sanctions pénales (amende et mesures de restitution sous astreinte : démolition, mise en conformité) ; sanctions civiles (démolition, mise en conformité, dommages et intérêts) ; sanctions administratives (interdiction de raccordement aux réseaux) ; sanctions fiscales enfin. Une étude détaillée de ces sanctions a été faite par le 112e Congrès des notaires de France, au rapport duquel nous renvoyons le lecteur757. Relevons toutefois que depuis son édition (2016), le délai de prescription des sanctions pénales a été porté de trois à six ans758.
Parmi ces sanctions, les pouvoirs publics locaux disposent de deux textes particulièrement redoutables, puisque faciles à mettre en œuvre et lourds de conséquences pour le contrevenant.
A/ L’action en démolition ou mise en conformité de l’article L. 480-14
10387 En application de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, le maire ou l’EPCI compétent en matière de PLU peut demander au juge judiciaire la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage réalisé sans l’autorisation requise ou en méconnaissance de celle-ci pendant un délai de dix ans à compter de l’achèvement des travaux. Cette action est particulièrement dangereuse pour le contrevenant puisque, d’une part, elle est autonome par rapport aux autres actions ouvertes aux pouvoirs publics et, d’autre part, il n’est pas nécessaire de démontrer un préjudice personnel et directement lié à l’infraction, l’action visant à faire cesser une situation illicite759.
Cette action, souvent méconnue des élus locaux, est pourtant très efficace pour reprendre en main une situation irrégulière qui n’aurait pas été appréhendée sous l’angle des sanctions administratives de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme.
B/ La mise en demeure sous astreinte et consignation de l’article L. 481-1
10388 Afin de leur permettre d’agir rapidement contre des travaux irréguliers, la loi no 2019-1461 du 27 décembre 2019, dite « Engagement et Proximité », a doté les maires et les EPCI d’une nouvelle sanction administrative par l’insertion de l’article L. 481-1 au Code de l’urbanisme.
Après avoir dressé procès-verbal de l’’infraction760 et invité le contrevenant à présenter ses observations, l’autorité compétente peut le mettre en demeure de régulariser les travaux entrepris, soit en procédant aux travaux requis pour se mettre en conformité, soit en sollicitant l’autorisation nécessaire. Cette mise en demeure indiquera le délai de régularisation octroyé761 et pourra être assortie d’une astreinte d’un montant maximal de 500 euros par jour de retard762.
10389 Ce dispositif, déjà dissuasif en tant que tel, a été complété :

d’une part, par l’insertion de l’article L. 481-3, pour le cas où la mise en demeure resterait sans effet. En pareille hypothèse, l’autorité compétente est en droit de faire consigner, entre les mains du comptable public, une somme équivalant au montant des travaux à réaliser ; somme restituée au contrevenant au fur et à mesure de l’exécution des mesures de régularisation prescrites ;

d’autre part, par une réponse ministérielle du 12 janvier 2023763, s’appuyant sur une décision du Conseil d’État du 23 décembre 2022764, selon laquelle, usant de son pouvoir de police spéciale, un maire peut mettre en demeure un propriétaire de démolir l’ouvrage non conforme ou irrégulier. La démolition doit cependant être justifiée par un risque de trouble à l’ordre public et doit être proportionnée à l’ampleur de ce risque. À défaut, le maire engagerait la responsabilité de sa commune765.

On retiendra néanmoins que les pouvoirs publics reconnaissent que, désormais, l’autorité judiciaire n’est plus seule compétente pour ordonner une démolition en cas d’infraction aux dispositions du Code de l’urbanisme.
10390 – Appréciation critique. – Pour faire cesser rapidement l’irrégularité, la mesure d’astreinte nous semble pertinente et adéquate ; en revanche, la consignation nous paraît plus illusoire. Elle suppose, en effet, l’estimation du coût de la régularisation, c’est-à-dire un devis. Comment un homme de l’art pourrait-il l’établir à distance, sachant qu’il lui sera difficile de pénétrer chez le contrevenant, (forcément récalcitrant, puisque n’ayant pas obtempéré à la mise en demeure) ?
Reste une certitude : pour éviter de tomber définitivement sous le coup de sanctions administratives et civiles, le contrevenant aura tout intérêt à régulariser sa situation auprès de l’administration.

§ III – Les permis modificatifs et de régularisation

10391 Dans le langage des praticiens, les termes de permis modificatif (A) et de permis de régularisation (B)766, sont fréquemment utilisés indistinctement. Cette confusion est compréhensible, leur objectif étant le même, ni l’un ni l’autre n’ayant de fondement textuel mais tous deux tirant leur source du droit prétorien. Il y a pourtant bien lieu de faire une différence sémantique entre un permis modificatif et un permis de régularisation ; leurs conditions d’application sont, en effet, tout à fait différentes.
A/ Le permis modificatif
10392 – Une création pratique et prétorienne. – Né de la pratique et modelé par la jurisprudence, le permis modificatif n’est « reconnu » par le Code de l’urbanisme qu’au travers de son article A. 431-7 relatif au modèle cerfa idoine767.
Trois conditions s’imposent pour pouvoir solliciter un permis modificatif :

1. il doit se rattacher à un permis en cours de validité (donc non annulé et non périmé) ;

2. il doit être sollicité avant que le permis initial n’ait épuisé ses effets. En ce sens, il ne peut être sollicité après entière exécution des travaux prévus et a fortiori après dépôt de la déclaration d’achèvement768.

3. La demande doit porter sur des modifications qui n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même769. Ce critère étant soumis à l’appréciation souveraine des juges.

Une autorisation dépendante du permis initial. Le permis modificatif doit être délivré selon les règles en vigueur au jour de la décision et non selon celles au jour de la délivrance du permis initial. Il ne se substitue pas au permis initial mais forme un ensemble avec lui. De ce fait, s’il est exercé un recours contre le permis modificatif, il ne peut porter que sur les éléments modifiés. Autrement formulé, un permis modificatif ne rouvre pas un délai de recours à l’encontre du permis initial.
B/ Le permis de régularisation
10393 – Un champ d’application différent. – Le permis de régularisation a, lui, pour objet de mettre en conformité, après leur réalisation, des travaux effectués soit sans délivrance de l’autorisation requise, soit sans la respecter. Son domaine d’application est donc temporellement postérieur au permis modificatif et matériellement plus large que celui-ci.
En effet, un permis de régularisation peut être délivré « même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même »770.
À l’instar du permis modificatif, un permis de régularisation ne pourra être délivré que si les travaux irrégulièrement exécutés sont eux-mêmes conformes aux règles d’urbanisme applicables au jour de la délivrance de l’autorisation (et non à la date de l’autorisation initiale ou, à défaut, de la réalisation des travaux)771.
10394 – Une autorisation nouvelle, indépendante du permis initial. – Mais, à la différence du permis modificatif, un permis de régularisation constitue une nouvelle autorisation d’urbanisme à part entière, sans lien avec celle qui a pu être délivrée initialement. De ce fait, il ne peut écarter ni les sanctions pénales (amende)772, ni les sanctions fiscales, ni le cas échéant la sanction civile des dommages et intérêts au profit des tiers lésés.
En somme, cette création jurisprudentielle a essentiellement pour objet de permettre au pétitionnaire contrevenant, mais repentant, de l’absoudre de la peine la plus grave, à savoir la démolition.
10395
10396 – Observation conclusive. – Au terme de cette rapide synthèse, notons qu’avant même de pouvoir entreprendre des travaux sur l’existant, le pétitionnaire, souvent en toute bonne foi, peut ignorer que le bâtiment qui doit en être l’objet porte en lui les vices d’une non-conformité ou d’une irrégularité. Or, cette situation peut parfois compromettre irrémédiablement son projet.

Sous-section II – Le régime des travaux sur un existant non conforme ou irrégulier

10397 Dans un contexte de raréfaction croissante du foncier disponible, réaliser des travaux sur l’existant pour parvenir à son extension, sa densification, sa reconversion ou sa surélévation va devenir une nécessité à très court terme. Encore faut-il pouvoir les effectuer… Malgré toutes les précautions prises par les praticiens (et au premier plan d’entre eux, les notaires), il arrive encore trop souvent que le propriétaire, au moment d’entreprendre son projet, se voit opposer la non-conformité ou l’irrégularité de la construction existante. Là encore la sémantique a toute son importance et impose de traiter ces notions distinctement. Nous invitons donc le lecteur à un petit voyage au pays merveilleux de Sekler (§ I) et Thalamy (§ II).

§ I – Le sort des constructions non conformes (jurisprudence Sekler)

10398 « Dis, qu’est-ce qu’une construction non conforme ? ». Telle aurait pu être la question d’un Petit Prince, intrigué par le droit de l’urbanisme, se retrouvant face à un membre du Conseil d’État. La réponse, simple en soi, l’est moins dans ses implications.
10399 D’après l’arrêt de principe du Conseil d’État (dit jurisprudence Sekler773 ), une construction est dite non conforme si elle ne respecte pas les règles d’urbanisme actuelles, alors qu’elle était régulière au regard de celles édictées à l’époque de sa construction. On comprend donc qu’une construction sera le plus souvent non conforme par suite d’une évolution des règles d’urbanisme774 de la commune, la non-conformité étant alors subie.
Dans cette hypothèse, on pourrait légitimement penser que son propriétaire, qui est parfaitement étranger à cet état de fait, devrait pouvoir librement entreprendre les travaux qu’il souhaite, ou du moins ceux rendus nécessaires775. Telle n’est cependant pas l’approche de la jurisprudence. Les juges considèrent en effet qu’une construction non conforme ne peut faire l’objet, « en l’absence de dispositions de ce plan (plan d’occupation des sols) spécialement applicables à la modification des immeubles existants », que « de travaux qui, ou bien doivent rendre l’immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions ».
10400 Les conditions définies par l’arrêt Sekler sont donc applicables uniquement lorsque les documents d’urbanisme d’une commune ne traitent pas spécifiquement des possibilités de travaux et d’évolution des bâtiments existants. Elles s’imposent alors quelle que soit l’autorisation d’urbanisme requise (permis ou déclaration de travaux)776. Sans vouloir offenser les hauts magistrats, nous formulerons à cet égard trois remarques.
Premièrement, en pratique, il est bien rare que les travaux projetés satisfassent à l’une ou l’autre des exigences jurisprudentielle, ce qui conduit à une application extensive de la jurisprudence Sekler777.
Deuxièmement, l’appréciation de ces critères relève exclusivement du pouvoir souverain d’appréciation des juges. À l’heure où il devient indispensable de libérer l’existant en faveur du logement, une intervention législative ne serait-elle pas bienvenue pour les préciser ?
Troisièmement enfin, la jurisprudence Sekler ne trouve à s’appliquer qu’à défaut de règles spécialement édictées par les documents d’urbanisme. Il y a là un message aux autorités locales invitées à traiter systématiquement, dans les documents d’urbanisme qu’elles élaborent, du sort des travaux sur constructions existantes au regard des objectifs (parfois contradictoires) fixés par l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme et notamment en ses 3° et 6°bis778.
10401
Les constructions non conformes ont un sort peu enviable en cas de défaut de règles d’urbanisme spécifiques applicables ou si celles-ci ne permettent pas d’y remédier. Qu’en est-il de celui des constructions irrégulières ?

§ II – Le sort des constructions irrégulières (jurisprudence Thalamy)

10402 Le sort des constructions irrégulières est réglé par un arrêt de principe rendu par le Conseil d’État le 9 juillet 1986 dans une affaire Thalamy779. Le principe posé par cette jurisprudence est sévère (A) mais a connu, depuis, divers tempéraments (B).
A/ La jurisprudence Thalamy
10403 – Principe. – Selon l’arrêt Thalamy, des travaux projetés sur une construction présentant des irrégularités peuvent être autorisés que s’il est possible, dans le même temps, de procéder à la régularisation de la construction et/ou des modifications irrégulières dont elle a fait l’objet. A contrario, s’il n’est pas possible de régulariser la situation antérieure, aucune nouvelle demande visant à permettre des travaux ne peut être accueillie. Par effet ricochet, la construction irrégulière devient alors figée dans le temps.
Précision. L’administration doit rejeter toute demande se bornant aux nouveaux travaux s’il existe une irrégularité antérieure. Dans cette situation de compétence liée, elle doit inviter le pétitionnaire à présenter une demande portant à la fois sur la régularisation de l’existant et sur le projet prévu780. Les administrés, comme les élus, doivent donc prendre soin de vérifier la situation de l’existant avant de solliciter ou de délivrer une autorisation de travaux. En effet, si l’administration délivre à tort l’autorisation sollicitée sur les seuls nouveaux travaux et que par la suite sa décision est attaquée, il ne pourra pas être fait obstacle notamment à l’action en démolition intentée par un tiers.
10404 – Conséquences. – En ce sens, le travail de vérification du notaire revêt une importance capitale lors d’une mutation immobilière. Selon les éléments qui lui seront fournis par les parties, d’un côté sur « l’histoire » et l’évolution du bâtiment et de l’autre sur les projets du futur propriétaire, il saura les conseiller et devra les orienter781.
La jurisprudence est d’autant plus sévère qu’elle considère que :

la possibilité de régulariser la situation antérieure et d’entreprendre les nouveaux travaux doit s’apprécier selon les règles applicables au jour de la prise de décision de l’administration. En cas d’évolution des règles, cette régularisation pourra ne pas être possible. Or, s’il n’est pas possible de régulariser la situation antérieure, aucune nouvelle demande visant à permettre des travaux ne peut être accueillie ; la construction irrégulière devient alors totalement « paralysée » ;

la situation d’irrégularité antérieure est indépendante des nouveaux travaux projetés. Même si ces derniers devaient être parfaitement conformes aux règles d’urbanisme applicables, ils ne peuvent être entrepris dès lors que l’irrégularité antérieure ne peut être elle-même corrigée ;

l’irrégularité était imprescriptible, seules les constructions édifiées avant la généralisation du permis de construire par la loi du 15 juin 1943, et non irrégulièrement modifiées depuis, étaient « à l’abri de tout soupçon ».

Cette jurisprudence implacable s’est rapidement attirée les foudres de la doctrine. Il lui a alors été apporté depuis plusieurs tempéraments.
B/ Les tempéraments à la jurisprudence Thalamy
10405 Le législateur s’est tout d’abord saisi de la question en créant une prescription administrative des travaux irréguliers (I). En parallèle, divers tempéraments à la rigueur de l’arrêt du 9 juillet 1986 ont été apportés par les juges (II).
I/ La prescription administrative de l’irrégularité
10406 L’écueil le plus dangereux qui résulte de la jurisprudence Thalamy est le caractère imprescriptible de l’infraction. C’est pourquoi le législateur est venu lui apporter un tempérament au travers de l’actuel article L. 421-9 du Code de l’urbanisme782.
a) L’exception à la règle

10407 Il est posé pour principe par cet article que « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».
Cette disposition est bienvenue. Si l’administration, mise en présence pendant dix années d’une construction irrégulière, n’a pas souhaité faire usage des importants moyens de coercition dont elle disposait pour s’y opposer, on peut légitiment comprendre qu’elle ne puisse plus en faire le reproche à son administré après l’écoulement de ce délai.
Ce texte pourrait passer pour un encouragement à la fraude ; il n’en est rien. En effet, l’exception posée par cet article connaît elle-même plusieurs exceptions.
b) Les exceptions à l’exception

10408 Il existe pas moins de sept cas particuliers dans lesquels la prescription administrative décennale organisée par l’article L. 421-9 ne joue pas. Littéralement :
1° lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
2° lorsqu’une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l’article L. 480-13 ;
3° lorsque la construction est située dans un parc national créé en application des articles L. 331-1 et suivants du Code de l’environnement ou dans un site classé en application des articles L. 341-2 et suivants du même code ;
4° lorsque la construction est située sur le domaine public ;
5° lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis ;
6° dans les zones mentionnées au 1° du II de l’article L. 562-1 du Code de l’environnement ;
7° lorsque la construction a été réalisée sans consignation de la somme prescrite par l’autorisation d’urbanisme.
10409 Certaines de ces « exceptions à l’exception » tombent sous le sens. Elles se rapportent aux principes même de sécurité (constructions exposant à danger de mort, constructions en zone d’exposition aux risques où toute construction serait interdite) ou à la protection de l’environnement.
L’exception posée au 5° est davantage sujette à réserves. Elle a vocation à ne pas permettre l’aggravation d’une situation illicite : l’absence de permis de construire, situation que le législateur a jugé suffisamment grave pour justifier un retour à l’imprescriptibilité de principe fulminée par l’arrêt Thalamy.
Elle appelle de notre part les observations suivantes :
10410 Premièrement, il est certain que les constructions, travaux et changements de destination irréguliers qui ne nécessitaient aucune autorisation, ainsi que ceux qui ne nécessitaient qu’une simple déclaration de travaux peuvent être prescrits après dix ans.
Deuxièmement, cette exception interpelle cependant lorsqu’on la met en perspective avec la prescription civile de l’article L. 480-14 étudiée auparavant. En vertu de ce texte, au-delà de dix ans, l’autorité compétente ne peut plus agir en démolition ou mise en conformité de la construction irrégulière. Or, l’exception du 5° de l’article L. 421-9 donne à l’administration un nouveau droit d’exiger la mise en conformité d’une construction irrégulière au-delà de dix ans, en saisissant l’occasion d’une (nouvelle) demande d’autorisation d’urbanisme.
Troisièmement, souvent, le demandeur de l’autorisation n’est pas personnellement à l’origine de l’irrégularité. Il n’en verra pas moins sa demande rejetée, alors même que sa bonne foi devrait être présumée. Certes l’existant lui reste acquis, mais son projet ne sera pas réalisable. Ne devrait-on pas lui ménager un traitement différent de celui appliqué à un propriétaire de mauvaise foi, auteur de la construction irrégulière783 (mais qui sait donc également que l’administration n’est pas intervenue pendant ces dix années) ?
10411 Quatrièmement enfin, répétons-le : les porteurs de projets, et notamment de projets de logements, vont, à très court terme, se trouver dans l’obligation de densifier à partir de l’existant (par exemple par reconversion, surélévation ou encore changement de destination). Dès lors, ne serait-il pas envisageable que le législateur leur facilitât la tâche en étendant le bénéfice de la prescription décennale au cas où une irrégularité antérieure au projet résulte de l’absence de permis de construire, réserve étant faite du cas de fraude avéré ?
II/ Les tempéraments jurisprudentiels
10412 Les tempéraments jurisprudentiels apportés au principe lui-même prétorien sont plus ou moins significatifs. Nous les aborderons par ordre croissant d’intérêt.
a) Les travaux nécessaires à la préservation du bâtiment et au respect des normes

10413 Par un arrêt du 3 mai 2011784, le Conseil d’État est venu apporter un premier tempérament à la jurisprudence Thalamy. Cette décision admet qu’une construction irrégulière puisse, sous conditions785, faire l’objet de travaux rendus nécessaires pour sa préservation et le respect des normes.
b) Les travaux dissociables

10414 La dispense de devoir régulariser la situation irrégulière antérieure peut également s’appliquer si les travaux dont l’autorisation est sollicitée portent sur des éléments qui sont matériellement dissociables ou divisibles de la construction irrégulière786.
c) Le sauf-conduit de la déclaration d’achèvement

10415 « Déposez votre DAACT et priez ! ». Tel pourrait être le principal enseignement de l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 26 novembre 2018, connu sous le nom de jurisprudence Sormonte787. Il s’agit, à n’en pas douter, de la plus importante exception apportée au principe prétorien de 1986. Il convient toutefois de bien en préciser les conditions et l’effet, ce d’autant plus qu’une partie de la doctrine s’est livrée à son égard à une interprétation très restrictive.
Conditions. L’hypothèse est celle d’une irrégularité affectant des travaux :

réalisés en vertu d’une autorisation d’urbanisme régulièrement obtenue et exempte de toute fraude788 ;

sans en avoir respecté les termes ;

ayant néanmoins fait l’objet, sans fraude, d’une déclaration attestant l’achèvement et la conformité (DAACT) non contestée par l’administration dans le délai légal de récolement (3 ou 5 mois).

Effet. Les travaux ainsi réalisés, bien qu’irréguliers, ne tombent plus sous le coup de la jurisprudence Thalamy. Dès lors, en cas de nouvelle demande d’autorisation, l’administration ne peut plus exiger une régularisation globale. Le pétitionnaire peut donc obtenir l’autorisation requise pour les nouveaux travaux qu’il envisage sans se préoccuper de l’irrégularité des précédents.
En revanche, la jurisprudence Sormonte ne fait pas obstacle aux sanctions pénales, civiles, administratives et fiscales liées à l’irrégularité de ces précédents travaux, s’ils ne sont pas encore couverts par une prescription.
10416 – Divergence doctrinale. – Une doctrine autorisée relativise pour le moins la portée de l’arrêt Sormonte. Ainsi, Mme Carpentier789 considère que l’attestation de non-contestation de la conformité, qui doit être délivrée par le maire (ou à défaut par le préfet) sur simple demande du pétitionnaire à l’issue du délai de récolement, est créatrice de droits et, de ce fait, susceptible de retrait et/ou de recours. Cette attestation de non-conformité n’étant assujettie à aucune mesure de publicité, ce recours peut être porté devant le juge administratif sans contrainte de délai. Elle en conclut que, puisque la construction est irrégulière au regard du permis obtenu, l’attestation délivrée est entachée d’une illégalité de laquelle pourrait résulter l’annulation, par ricochet, d’un permis ultérieur portant sur ladite construction qui aurait dû exiger la régularisation de la construction. La protection apportée par la jurisprudence Sormonte ne serait-elle donc qu’une grande illusion ?
Cette position doctrinale nous permet d’aborder la question des recours, autre écueil auquel ’peuvent se heurter les pétitionnaires d’une autorisation d’urbanisme.

Section II – Le régime des recours sur autorisations de travaux

10417 Toute autorisation de travaux est un acte créateur de droits qui peut faire l’objet d’un recours.
De longue date, les recours sur permis de construire ont été présentés comme autant de freins à la construction en général, et à celle de logements en particulier.
10418
Sensible à cette critique, le législateur a introduit dans la loi Elan793 un régime spécifique du contentieux de l’urbanisme visant notamment à lutter contre les recours abusifs.
Nous ne pourrons étudier ici l’intégralité des règles se rapportant au contentieux de l’urbanisme telles que résultant des articles L. 600-1 à L. 610-4 du Code de l’urbanisme et de ses dispositions règlementaires. Nous évoquerons seulement, dans un premier temps, les dispositions relatives à l’intérêt pour agir (Sous-section I), puis celles prises en faveur d’une accélération du traitement judiciaire des recours (Sous-section II), avant d’étudier la sanction des procédures abusives (Sous-section III).
À titre préalable, gardons à l’esprit que les tribunaux administratifs ne sont compétents que lorsque le requérant justifie de l’illégalité de l’autorisation contre laquelle il se pourvoit. Au contraire, si la décision attaquée est régulière mais lui cause un préjudice, c’est devant le juge judiciaire et non administratif que l’action devra être intentée.

Sous-section I – L’intérêt à agir

10419 Restreindre les risques de contentieux en droit de l’urbanisme s’opère dès l’initiative du recours en circonscrivant d’une part la notion d’intérêt à agir (§ I) et d’autre part les personnes ayant intérêt à agir (§ II).

§ I – La circonscription de la notion d’intérêt à agir

10420 La notion d’intérêt à agir trouve son siège à l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme. Pour pouvoir engager une procédure contentieuse, le requérant doit établir que la construction, l’aménagement ou le projet autorisé est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient ou occupe régulièrement.
Avant sa réécriture en 2018, le texte visait la notion de « travaux » au lieu de « projet ». De ce fait, des actions étaient alors engagées sur la base des troubles occasionnés par les travaux de chantiers et non au titre du projet lui-même ; élément pourtant contraire à l’esprit du texte. Avec cette correction, le législateur a restreint les risques d’interprétation pouvant donner lieu à contentieux.

§ II – La circonscription des personnes ayant intérêt à agir

10421 – Condition de voisinage. – Peuvent avoir intérêt à agir les personnes qualifiées de « voisins immédiats ». L’intérêt à agir s’amenuise donc en fonction de l’éloignement du requérant par rapport au projet autorisé.
Aussi le requérant doit-il justifier, à l’appui de sa requête, d’un titre de propriété, d’une promesse de vente, d’un bail, d’un contrat préliminaire de réservation ou de tout acte justifiant de la nature régulière de son occupation ou détention794.
Cas des associations. S’agissant des associations, afin d’endiguer les constitutions ad hoc, l’article L. 600-1-1 impose que leurs statuts aient été déposés en préfecture au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire attaquée et devra en justifier à l’appui de sa requête.
Relevons également, s’agissant des associations, que celles-ci ne sont plus autorisées à convenir de transactions pécuniaires.

Sous-section II – La maîtrise du temps judiciaire

10422 Rappelons à titre liminaire qu’une action engagée contre une autorisation d’urbanisme ne suspend pas, juridiquement, ses effets tant que l’illégalité n’est pas prononcée795. En théorie, son bénéficiaire pourrait donc commencer à exécuter les travaux. Cependant, dans les faits, il est évident que le pétitionnaire actionné ne prendra pas le risque d’aller plus en avant au risque de devoir supporter, a minima, les frais d’une démolition. Pareillement, les opérations de construction étant bien souvent liées à un financement bancaire, les prêteurs seront réticents à apporter leur concours à une opération soumise à procédure. C’est d’ailleurs bien en ce sens que certains requérants ont tenté de profiter de cet effet de bord, aboutissant à un blocage de nombreux projets sur un temps (trop) long. Conscient des répercussions néfastes engendrées, en particulier en termes de production de logements, le législateur a introduit trois dispositions permettant d’en limiter l’impact : la règle de cristallisation des moyens (§ I), un encadrement du délai accordé au juge pour statuer (§ II) et, temporairement, la suppression du niveau d’appel (§ III).

§ I – La cristallisation des moyens et des référés-suspension

A/ Le bouclier contre les recours perlés
10423 Jusqu’au décret du 18 juillet 2018, rien n’empêchait un requérant dont le recours avait été rejeté d’en introduire un nouveau contre la même autorisation d’urbanisme. Il lui suffisait, pour cela, d’invoquer un nouveau motif d’illégalité. Ainsi, on voyait certains requérants enchainer les uns après les autres les moyens d’actions contre l’autorisation attaquée au fur et à mesure de leur rejet. Cela leur permettait de bloquer le projet sur un temps encore plus long, dans l’espoir d’arriver à un épuisement du pétitionnaire avant celui de leurs moyens d’actions, et d’obtenir une transaction avantageuse.
Pour y remédier, l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme prévoit désormais qu’aucun nouveau moyen n’est recevable passé deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Le stratagème connu sous le nom des « recours perlés » fait donc désormais face au bouclier de la « cristallisation ».
Le pétitionnaire attaqué a donc tout intérêt à répondre rapidement au mémoire du requérant. Notons toutefois que le juge peut écarter cette cristallisation lorsqu’il l’estime nécessaire.
B/ L’encadrement du référé-suspension
10424 Comme évoqué, le seul fait d’introduire un recours contre une autorisation d’urbanise permet bien souvent dans les faits de stopper l’avancée du projet correspondant. Lorsque cependant le pétitionnaire, sûr de son bon droit, engageait malgré tout les travaux, en réplique, le requérant lui répondait alors par une procédure de référé-suspension afin de faire stopper le chantier, parfois tardivement.
Le législateur, une fois de plus, est intervenu sur ce sujet en limitant la possibilité de recourir au référé-suspension (I) puis en encadrant ses effets (II).
I/ Le délai d’engagement du référé-suspension
10425 Avec la réécriture de l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme, le législateur pose pour principe qu’un requérant ne peut plus engager une procédure de référé-suspension au-delà du même délai que celui de la cristallisation des moyens évoqué ci-dessus.
En pratique, s’il entend réellement bloquer le projet, le pétitionnaire doit engager à la fois une procédure au fond et en référé. Pour le pétitionnaire attaqué, cela peut être un moindre mal. En effet, si dans un cas comme dans l’autre son projet va temporairement être bloqué, la procédure de référé lui permet d’être fixé « assez » rapidement sur la probabilité que son autorisation soit entachée d’illégalité.
II/ Les effets du rejet du référé-suspension
10426 Si la procédure de référé-suspension aboutit à un rejet du recours au motif qu’il n’est pas fait état d’un moyen propre à créer, à cet état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’autorisation attaquée, l’article R. 612-5-2 du Code de justice administrative prévoit le désistement automatique de l’action au fond, à moins que le requérant ne confirme sa procédure dans le délai d’un mois.

§ II – L’encadrement du délai de jugement

10427 Le contentieux de l’urbanisme fait partie des rares domaines dans lesquels le législateur est intervenu pour encadrer le temps laissé aux juges pour statuer. C’est en ce sens que l’article R. 600-6 laisse un délai de dix (10) mois au juge pour statuer que ce soit en premier ressort ou en appel.
10428 Cette mesure est cependant limitée aux permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou aux permis d’aménager un lotissement. On peut pourtant inviter le législateur à étendre ce texte aux projets de travaux796 et lotissements soumis à déclaration préalable.
Par ailleurs, il ne semble pas qu’une sanction soit prévue en cas de dépassement du délai797.

§ III – La suppression du niveau d’appel en zone tendue

10429 Toujours aux fins d’accélération du temps judiciaire, jusqu’au 31 décembre 2027798, l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative introduit une règle particulière en cas de recours exercé notamment contre le permis de construire d’un bâtiment comportant plus de deux logements et les autorisations de lotissement (qu’ils soient soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable), lorsque le projet se situe en zone tendue799. Dans cette hypothèse, le juge de première instance statue en premier et dernier ressort. La contestation de la décision du juge emporte alors saisine du Conseil d’État, sans que l’affaire soit examinée par une cour administrative d’appel.
10430 Le provisoire ayant souvent la vertu de préparer au définitif, il est possible que ce dispositif « accélérateur » soit à l’avenir pérennisé. On pourrait aussi envisager une réécriture de son champ d’application dans le sens d’un élargissement à l’ensemble du territoire et une extension, à l’instar de l’article R. 600-6 du Code de l’urbanisme visé ci-avant, aux décisions de non-opposition à déclaration préalable autres que celles des lotissement non soumis à permis d’aménager.

Sous-section III – Les sanctions des recours abusifs

§ I – L’amende pour recours abusif

10431 La première sanction encourue en cas de recours abusif est la peine d’amende prévue par l’article R. 741-12 du Code de la justice administrative. Elle autorise le juge à prononcer une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 euros, sans même l’obliger à motiver le caractère abusif du recours.

§ II – Les dommages et intérêts

10432 Jusqu’à la création de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013, il ne pouvait être prononcé d’autre sanction que l’amende800 par le juge administratif. Le pétitionnaire lésé devait alors se pourvoir devant le juge civil pour obtenir réparation de son préjudice sur le fondement de l’article 1240 du Code civil801, c’est-à-dire de saisir un ordre judiciaire différent, qui n’avait, jusqu’alors, jamais eu connaissance du dossier.
Par l’insertion de cet article802, le législateur autorise le pétitionnaire qui s’estime lésé à former une demande reconventionnelle en dommages-intérêts contre le recours en excès de pouvoir engagé contre lui.
Malheureusement, la première version de cet article en empêchait, dans la plupart des cas, sa mise en œuvre. Le défendeur devait en effet démontrer d’une part que le recours excédait « la défense des intérêts légitimes du requérant » et d’autre part qu’il lui causait un « préjudice excessif ».
Face à cette défaillance rédactionnelle, relevée par le rapport Maugüé, le législateur est intervenu afin de rendre plus aisée la possibilité au pétitionnaire « triomphant » d’être indemnisé de son préjudice en supprimant la nécessité de démontrer le caractère excessif du préjudice et en remplaçant la notion d’excès par rapport à la défense des intérêts légitimes par celle de « comportement abusif »803.
10433 Rappelons enfin que :
– La possibilité d’être indemnisé par le juge administratif n’exclut pas la possibilité de saisir également le juge civil sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
– Les associations de défense de l’environnement bénéficiaient, jusqu’au 1er janvier 2019, d’une présomption d’intérêt à agir dans la limite des intérêts légitimes qu’elles défendent. Cette présomption n’a pas été reconduite, de sorte que ces associations doivent, comme toute autre, établir leur intérêt pour agir.
Observation conclusive. L’application de l’article L. 600-7 a, jusqu’à ce jour, été pour le moins parcimonieuse. Il semble en effet qu’un seul arrêt a été rendu à ce titre, l’indemnité allouée s’élevant à trois mille euros seulement804. Il faut sans doute en conclure que les juges administratifs sont tout aussi respectueux de l’intérêt général qui s’attache à la production de logements que du respect du droit fondamental de tout administré à former un recours contre les décisions administratives qui lui font grief. Cette position ne saurait être critiquée car, même si un équilibre est parfois difficile à trouver805, il y va du respect des fondements même de l’État de droit.

754) Sauf extension portant sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques pour laquelle un permis de construire sera toujours nécessaire, quelle que soit l’emprise au sol ou la surface de plancher créée.
755) Toutefois, entre 20 m² et 40 m², en zone urbaine, un permis de construire restera nécessaire si la surface ou l’emprise totale, avec l’extension, dépasse 150 m² pour de l’habitation (par le jeu du renvoi à l’article R. 431-2), outre le recours à un architecte.
756) Notons qu’en application de l’article R. 421-17-g, la transformation de surface close et couverte en surface de plancher (par exemple la transformation d’un garage en pièce de vie) n’est jamais soumise à permis de construire mais uniquement à déclaration préalable et à condition qu’elle dépasse 5 m².
757) La propriété immobilière, entre libertés et contraintes, Nantes, 2016, no 2681 à 2725.
758) V. CPP, art. 8.
759) Cass. 3e civ., 16 mai 2019, no 17-31.757.
760) C’est-à-dire des travaux réalisés sans autorisation ou en méconnaissance de l’autorisation ou enfin, en cas de travaux dispensés d’autorisation, en méconnaissance des règles de fonds.
761) Ce délai devra tenir compte des circonstances de fait liées à l’infraction et des moyens rendus nécessaires pour y remédier. Le délai maximum ne peut excéder un an.
762) Le montant maximal cumulé de l’astreinte ne peut dépasser 25 000 €.
763) Rép. min. no 01748 : JO Sénat Q 12 janv. 2023, p. 231.
764) CE, 23 déc. 2022, no 463331.
765) V. JCP CU, 2023, no 3, alerte 29 : « D’un droit plus efficace à une meilleure effectivité du droit de l’urbanisme » – Focus par D. Gillig.
766) Voire de « permis modificatif de régularisation ».
767) Cerfa no 13411.
768) CE, 25 nov. 2020, no 429623, M. et Mme Nuvoloni : un permis modificatif pourra cependant être sollicité après dépôt de la déclaration d’achèvement, si sa demande fait suite à une mise en demeure de mise en conformité par l’autorité compétente pendant le délai légal de contestation de ladite déclaration d’achèvement.
769) CE, sect., 26 juill. 2022, no 437765 : JCP N 2023, 1005. Cet arrêt marque une rupture de la Haute juridiction avec sa position antérieure, encore récente, en ce qu’elle vient aligner le régime du permis modificatif à celui du permis de régularisation. Jusqu’alors le permis modificatif ne pouvait porter que sur des modifications apportées au projet initial qui n’en remettaient pas en cause, par leur nature ou leur ampleur, l’économie ou la conception générale (CE, 25 nov. 2020, n° 429623, supra).
770) CE, 2 oct. 2020, no 438318, M. Barrieu. Notons que là encore ce critère est à l’appréciation souveraine des juges.
771) Rép. min., no 09985 : JO Sénat Q 11 avr. 2019.
772) Cass. crim., 2 oct. 1981, no 80-94.295.
773) CE, 27 mai 1988, no 79530, Mme Sekler : Rec. CE 1988, p. 223.
774) Cela pourra être le cas d’un hangar ou entrepôt situé à l’époque de sa construction en zone Nb d’un POS et aujourd’hui classé en zone urbaine réservée à l’habitat dans un PLU. Cela pourra également être le cas d’une habitation passant d’une zone naturelle à une zone agricole.
775) Par exemple une extension de son habitation liée à un agrandissement de la cellule familiale, ou la reconversion d’un site par suite de sa désaffectation.
776) CE, 13 oct. 1993, no 126112, Mme Clément.
777) Par exemple, ont été jugés illégaux des permis portant sur la surélévation de bâtiments dont l’implantation ne respectait pas les règles d’alignement et de recul du document d’urbanisme applicable. (CE, Sect., 15 mai 1992, nos 103051 et 90397 ; V. en outre, CE, 4 avril 2018, no 407445).
778) C. urb., art. L. 101-2 : « Dans le respect des objectifs du développement durable, l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants :

3° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l’habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l’ensemble des modes d’habitat, d’activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d’intérêt général ainsi que d’équipements publics et d’équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d’amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements motorisés et de développement des transports alternatifs à l’usage individuel de l’automobile.
6° bis La lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif d’absence d’artificialisation nette à terme ».
779) CE, 9 juil. 1986, no 51172, Mme Thalamy, Rec. CE 1986, p. 201.
780) CE, ch. Réunies, 6 oct. 2021, no 442182, Sté Maresias, Rec. CE 2021 ; v. déjà en ce sens : CE, 3 mai 2011, Ely, req. no 320545 ; CE, 27 juillet 2012, Da Silva Soares, no 316155.
781) Encore faut-il que le notaire puisse collaborer efficacement avec les services compétents à l’occasion des ventes immobilières. À ce titre, on relève des pratiques différentes, qu’il serait opportun d’uniformiser. Les communes les plus scrupuleuses adressent aux notaires, sur leur demande, non seulement la copies des autorisations d’urbanisme délivrées, mais encore, et cela est important, celles des refus d’autorisations. D’autres n’adressent que les seules autorisations délivrées, ce qui peut induire le notaire et l’acquéreur en erreur quand le vendeur a réalisé des travaux malgré un refus d’autorisation (l’hypothèse n’est pas d’école, loin s’en faut). D’autres communes, enfin, n’adressent qu’un courrier visant la date et le numéro des autorisations obtenues dont elles n’entendent pas délivrer de copies. On notera aussi que trop souvent le délai d’obtention de ces informations, pourtant importantes, retarde la signature des actes de vente. Chacun devrait pourtant comprendre la nécessité d’une information complète et transparente en la matière.
782) Initialement codifié à l’article L. 111-12, lors de sa création par la loi ENL du 16 juillet 2006.
783) Pour défaut de permis de construire uniquement.
784) CE, 3 mai 2011, no 320545, ELY : REC. CE 2011, p. 1196.
785) Les travaux doivent porter sur une construction insusceptible de régularisation et d’action civile ou pénale (soit ayant minimum 10 ans).
786) CE, 25 avr. 2001, no 207095, Ahlborn et CE, 9 janv. 2009, no 307265, Cne de Toulouse. Toutefois les juges ont une appréciation restrictive du caractère dissociable ou divisible. Ainsi des travaux peuvent ne pas être réputés dissociables alors qu’ils ne prennent pas directement appui sur un élément de construction irrégulière (pour un exemple sur une extension, V. CAA Nantes, 28 déc. 2006, no 06NT00016, M. et Mme HUBERT).
787) CE, 26 nov. 2018, no 411991, Sormonte.
788) Par exemple lorsque de fausses indications ont été communiquées afin d’obtenir une autorisation de travaux qui aurait dû être refusée.
789) E. Carpentier, « Amélioration du parc immobilier : comment faciliter les travaux sur le bâtiment existant au regard du droit de l’urbanisme ? », Actes prat. ing. immobilière, no 1, 2022, p. 43 à 47.
790) Rapport Pelletier, janv. 2005 : « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme », puis rapport Labetoulle, 2013 : « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre ».
791) L. no 2000-1208, 13 déc. 2000 (SRU), Ord. no 2013-638, 18 juill. 2013, L. no 2015-990, 6 août 2015 (loi Macron).
792) V. « Rapport de présentation de la stratégie logement du Gouvernement », 20 sept. 2017 :

793) L. no 2018-1021, 23 nov. 2018 ; D. no 2018-617, 17 juill. 2018.
794) C. urb., art. R. 600-4.
795) Sauf référé-suspension.
796) Notamment comme nous l’étudierons plus tard au titre des opérations de transformation des immeubles tertiaires en logement.
797) Il avait été évoqué par le rapport Maugüé la possibilité, en ce cas, de dessaisir le juge (de premier ressort ou en appel) au profit de son instance supérieure. Toutefois, on pouvait s’interroger sur le caractère vertueux ou dissuasif de cette sanction. En effet, si cette sanction avait été appliquée (donc au-delà des 10 mois) de quel délai aurait disposé l’instance supérieure pour rendre à son tour sa décision ?
798) Le dispositif, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022, a été prorogé par le décret no 2022-929 du 24 juin 2022.
799) C’est-à-dire dans l’une des communes mentionnées à l’article 232 du CGI.
800) Jusqu’au 1er janvier 2017, son montant était limité à 3 000 €.
801) C. civ., art. 1382, anc.
802) Issu des préconisations du rapport Labetoulle de 2013 ; ledit rapport mettant en avant le caractère lacunaire de la peine d’amende.
803) Modifications apportées par la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 80 (Elan).
804) CAA Versailles, 3 oct. 2019, no 18VE01741, Assoc. des contribuables du Dourdannais en Hurepooix.
805) Équilibre auquel une partie de la doctrine considère d’ailleurs que les dispositions de l’ordonnance du 18 juillet 2013 ont déjà été porté atteinte.
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