CGV – CGU

PARTIE I – Définir les objectifs
Titre 2 – Concrétiser les politiques publiques du logement
Sous-titre 1 – La production de logements par la mobilisation du patrimoine

Chapitre II – Des organismes dédiés à la maîtrise foncière publique

10102 Pour mettre en œuvre la politique du logement l’accès au foncier et au bâti recyclable est indispensable. Cette démarche implique des moyens humains et financiers. Les OLS/I ne sont pas nécessairement les mieux armés pour accéder à ces gisements stratégiques, ni en termes de taille ni en termes de programmation car les patrimoines en cause ne seront pas uniquement dédiés aux logements sociaux et intermédiaires. Les établissements publics fonciers jouent ce rôle de portage foncier permettant d’assurer le développement à terme de l’offre de logement (Section I). Au-delà du seul portage, les foncières publiques dédiées au logement, et notamment les organismes de foncier solidaire, garantissent quant à elles un niveau de maîtrise publique du foncier sur le long terme, permettant de conserver un certain contrôle de l’évolution de l’offre de logement (Section II). Les méthodes mise en œuvre avec ces deux institutions, à travers la création d’organismes dédiés et le recours aux baux de longue durée, témoignent d’une évolution profonde des modèles de maîtrise foncières des personnes publiques (Section III).

Section I – Le rôle des établissements publics fonciers (EPF) et des établissements publics d’aménagement (EPA)

10103 Parmi les délégataires du DPU en vue de favoriser la production de logements il convient de réserver une place importante au rôle des EPF et des EPA.

Sous-section I – Cadre général d’intervention des établissements publics fonciers

10104 « « Le métier des établissements publics fonciers (EPF) consiste à acquérir des terrains, en vue de leur aménagement, par un tiers chargé de la construction de logements, de nouveaux quartiers ou encore d’équipements publics… Cette acquisition stratégique s’appelle le portage de terrains. »
ministère de la Transition écologique, 5 octobre 2021194 »
10105 Les d’établissements fonciers (ci-après EPF) ont pour mission principale le portage foncier : leur métier consiste à mobiliser du foncier qui servira à de futurs projets d’intérêt général. Ils sont également des opérateurs de « transformation du foncier », en assurant l’évolution des usages des sols et les remembrements fonciers nécessaires à la réalisation des projets d’intérêt général, avant leur revente. À cet égard, l’article L. 321-1 du Code de l’urbanisme définit précisément leurs missions :
« Les établissements publics fonciers mettent en place des stratégies foncières afin de mobiliser du foncier et de favoriser le développement durable, la lutte contre l’étalement urbain et la limitation de l’artificialisation des sols. Ces stratégies contribuent à la réalisation de logements, notamment de logements sociaux, en tenant compte des priorités définies par les programmes locaux de l’habitat.
Dans le cadre de leurs compétences, ils peuvent contribuer au développement des activités économiques, aux politiques de protection contre les risques technologiques et naturels et d’adaptation des territoires au recul du trait de côte ainsi qu’à titre subsidiaire, à la préservation des espaces naturels et agricoles en coopération avec la société d’aménagement foncier et d’établissement rural et les autres organismes chargés de la préservation de ces espaces, dans le cadre de conventions. »
Il existe deux grandes catégories d’EPF qui correspondent à deux échelons territoriaux.
10106 Les EPF d’État, régis par les articles L. 321-1 et suivants et R. 321-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Ce sont des établissements publics à caractère industriel et commercial qui ont pour mission de développer des stratégies foncières visant la lutte contre l’étalement urbain et plaçant au premier plan la réalisation de logements.
Dans ce cadre, ils disposent de moyens importants :

recours à l’expropriation, au droit de préemption ou au droit de priorité. Faculté de constituer des réserves foncières (V. supra, nos 10061 et s.), pouvant ensuite être cédées ou données à bail depuis la loi Alur, et depuis la loi Elan, d’agir également dans le cadre d’emplacement réservés institués par les PLU en conduisant notamment les opérations liées à l’exercices des droits de délaissement (C. urb., L. 230-1 à 6) ;

conduite d’ORCOD-IN ;

financement par une ressource fiscale propre la taxe spéciale d’équipement.

Ils sont également compétents pour réaliser ou faire réaliser toute action ou opération d’aménagement. Leurs actions prenant place sur des territoires où les compétences en matière d’urbanisme et d’habitat relève de collectivités locales, ils sont étroitement liés à celles-ci (et peuvent même intervenir pour leur compte), tant au stade de leur création (décret en Conseil d’État après avis des collectivités et groupements concernés : C. urb., art. L. 321-2) que de leur fonctionnement (la moitié des membres de leur Conseil d’administration sont des représentant des collectivités et EPCI à fiscalité propre concernés : C. urb., art. L. 321-8 et 9) et de la mise en œuvre de leur stratégie (leur programme pluriannuel d’intervention s’inscrit dans la stratégie arrêtée par leur ministre de tutelle mais doit tenir compte des priorités inscrites dans les PLU et des objectifs de réalisation de logements fixés par les PLH).
10107 Les EPF locaux, ou « EPFL », créés par la loi no 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville, et dont les dispositions figurent aux articles L. 324-1 et suivants et R. 324-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Les EPFL (et depuis la loi Alur l’Office Foncier de la Corse – C. urb., art. L. 4424-26-1 et s.) sont également des établissements publics à caractère industriel et commercial, issus de la loi d’orientation pour la Ville du 13 juillet 1991 et très largement réformés depuis par les lois SRU, Alur et Elan. Ils sont créés par le préfet après délibérations concordantes d’EPCI à fiscalité propre et des conseils municipaux des communes non-membres, ce qui favorise un véritable engagement des collectivités. S’ils ne peuvent pas réaliser d’action ou d’opération d’aménagement, ils sont bien compétents pour faire du portage foncier et disposent à ce titre des mêmes outils que les EPF d’État (s’agissant des modalités de répartition de la TSE, V. art. 1607 bis du CGI), toujours avec une stratégie tournée principalement vers la création de logements. Ils disposent également de la faculté d’utiliser le DPU en commune carencé, au sens de l’article L. 302-9-1 du Code de la construction et de l’habitation, dans le cadre de conventions passées avec le préfet. En tant qu’établissements publics ils sont soumis au respect du principe de spécialité impliquant notamment une action territorialisée dans le périmètre des commune membres, alors même que depuis la loi SRU ils peuvent compter la région et les départements parmi leurs adhérents. Leur conseil d’administratif fixe dans ce cadre leur programme pluriannuel d’intervention.
10108 Aujourd’hui, sur le territoire national, on compte dix établissements publics fonciers d’État (EPF des Hauts de France, EPF Normandie, EPF Bretagne, EPF Île-de-France, EPF Grand Est, EPF Vendée, EPF Nouvelle-Aquitaine, EPF Occitanie, EPF Ouest Rhône Alpes, EPF Provence Alpes Côte d’Azur), 23 établissements publics fonciers locaux, ainsi que 2 établissements publics fonciers et d’aménagement (dits « EPFA ») regroupant les territoires de la Guyane et de Mayotte (cf. carte jointe en annexe). Le partage des compétences entre les EPF d’État et locaux a été précisé par l’ordonnance no 2011-1068 du 8 septembre 2011 et la loi Alur du 24 mars 2014 : si l’État veut créer un EPF sur un territoire sur lequel existe déjà un EPFL créé avant le 26 juin 2013, il doit obtenir l’accord des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et des communes non membres de ces derniers dont le territoire est concerné par la superposition.
10109 Qu’ils soient étatiques ou locaux la mobilisation du foncier disponible au profit des collectivités territoriales pour favoriser la réalisation de logements, notamment sociaux, constitue donc l’une des missions majeures attribuées aux EPF par la loi. En pratique, l’intervention des EPF se déroule en plusieurs étapes successives.

§ I – Signature d’une convention d’intervention foncière

10110 Le dernier alinéa de l’article L. 321-1 du Code de l’urbanisme précise que « l’action des établissements publics fonciers pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou d’un autre établissement public s’inscrit dans le cadre de conventions ».C’est dans ce contexte que les EPF signent des conventions, couramment appelées « conventions d’intervention foncière » avec la ou les collectivités publique(s) concernée(s), qui consistent à fixer un périmètre foncier, une durée d’intervention et une enveloppe financière définie sur la base des diagnostics fonciers préalables.

§ II – Acquisition foncière

10111 Les EPF négocient et achètent les biens inscrits dans les périmètres définis dans la convention, suivant deux modes d’intervention :

la maîtrise foncière, c’est-à-dire l’acquisition de la totalité de la superficie d’un site ;

la veille foncière, à savoir la mise en place d’acquisitions en fonction des opportunités sur une zone géographique donnée.

Les acquisitions foncières sont réalisées soit à l’amiable, soit par voie forcée. Dans ce cadre, les EPF sont le plus souvent délégataires du droit de préemption urbain ou du droit de préemption en zone d’aménagement différé (ZAD) et du droit de priorité. Ils peuvent également acquérir les bien par voie d’expropriation après avoir été désignés « autorité expropriante ».

§ III – Portage foncier, études préalables et requalification

10112 Le portage consiste à assurer la gestion des biens jusqu’à leur cession. Les recettes locatives viennent en abattement des coûts de portage.
Pendant cette période, les EPF peuvent réaliser un certain nombre d’études préalables (études de sols, études d’impact…).
Les EPF peuvent également être amenés à procéder à du « proto-aménagement », lequel consiste à remettre en état les terrains acquis en réalisant des dépollutions et démolitions lorsque cela s’avère nécessaire.

§ IV – Cession

10113 Enfin, les EPF revendent les emprises foncières qu’ils ont acquises aux opérateurs désignés par la collectivité (aménageurs, bailleurs sociaux, promoteurs). Étant ici précisé que ces reventes sont réalisées sans réalisation de bénéfice.
Etablissements publics fonciers EPF
« À titre d’illustration, notons qu’au 1er janvier 2021, l’EPF d’Île-de-France est sous convention avec plus de 300 communes pour un montant d’engagement global de 5,6 Mds €, représentant un potentiel 160 000 logements et 8 millions m² d’activités. »

Sous-section II – Les établissements publics d’aménagement au service de la production de logements

10114 Tout comme les établissements publics fonciers, les établissements publics d’aménagement (EPA)196 jouent un rôle fondamental dans la production de logements sur le territoire national, en étant les bras armés des acteurs publics pour favoriser l’aménagement et le développement durable de territoires.
Les EPA interviennent principalement sur des territoires présentant des enjeux majeurs pour la collectivité nationale ; les secteurs sur lesquels ils interviennent incluent, au moins en partie, des périmètres déclarés d’opération d’intérêt national (OIN). Ils portent la co-construction d’un projet de territoire, élaboré et financé en partenariat avec les collectivités territoriales concernées. Leur rôle est d’impulser les stratégies d’aménagement et le portage d’opérations structurantes dans un cadre partenarial renforcé197. Pour le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, les EPA « sont des acteurs à part entière de la stratégie logement du Gouvernement. Ils possèdent une expertise et un savoir-faire qui peuvent être mobilisés, avec l’accord des collectivités territoriales concernées et lorsque c’est nécessaire, dans le nouveau cadre offert par les contrats de projet partenarial d’aménagement prévus par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) »198. En pratique, les EPA participent activement au développement de l’offre résidentielle et économique en créant de nouveaux quartiers à vivre. Ils contribuent à l’accueil d’activités économiques en apportant des réponses concrètes aux défis écologiques et sociaux ainsi qu’aux évolutions des modes de vie des citoyens, et facilitent la production de nouveaux logements, notamment dans des secteurs tendus.
« À titre d’illustration, notons qu’en 2020, les EPA ont conduit à la création de 6 342 nouveaux logements, dont 37 % de logements sociaux199. »

Section II – Les organismes de foncier solidaire et autres foncières publiques dédiées au logement

10115 L’enjeu de l’accès au foncier suscite régulièrement des tentations de création de foncières publiques dotées de moyens humains et financiers adéquats pour constituer un patrimoine dédié à la création de logements et le maîtrise sur le long terme. Naturellement, cela supposerait de respecter les règles strictes dans le cadre desquelles les collectivités territoriales et les OLS/I sont en droit de constituer des sociétés et, plus généralement, de concilier cette action avec le principe de liberté du commerce et de l’industrie qui tend à préserver l’activité des opérateurs privés. Les principales créations sont cependant le fruit d’une intervention ad hoc du législateur : la première, dont l’intérêt n’est désormais qu’historique, est la création d’une foncière d’État ; la seconde, en plein développement, est la création des Organismes de Foncier Solidaire qui s’inscrit dans un nouveau modèle de maîtrise foncière publique orienté vers la dissociation « foncier/bâti ».
10116
10117 – L’organisme de foncier solidaire (OFS). – L’organisme de foncier solidaire (OFS) est une structure à but non lucratif née de l’article 164 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, avec comme objectif de permettre l’accès au logement à prix abordable, en location ou en accession, pour des ménages à ressources modestes voire très modestes grâce à la dissociation foncière, et plus précisément au mécanisme du bail réel solidaire (BRS) qui lui est dédié. L’OFS est introduit dans le Code de l’urbanisme, au sein du livre Aménagement foncier, aux côtés des établissements publics fonciers ou d’aménagement ; indicateur fort de la volonté du législateur de faire de cette structure un nouvel acteur d’une politique publique du foncier destinée à la production de logements abordables.

§ I – L’OFS, un nouvel acteur du logement

10118 L’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme constitue le fondement principal des missions et compétences de l’OFS. Initialement uniquement envisagé comme un nouvel acteur du foncier et du logement abordable, l’OFS a vu ses missions étendues, à titre subsidiaire, à la favorisation de la mixité fonctionnelle depuis l’adoption de la loi no 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS.
10119 – À titre principal. – L’OFS a pour mission de gérer des biens immobiliers en vue de réaliser des logements destinés à des personnes modestes, sous conditions de plafond de ressources, et des équipements collectifs, conformément aux objectifs de la politique d’aide au logement telle que définie par l’article L. 301-1 du Code de la construction et de l’habitation. Cette mission d’intérêt général constitue le cœur de métier de l’OFS, elle constitue sa raison d’être. Toute son action est orientée vers cette finalité : la production de logements abordables.
Pour le législateur, cet objectif doit être atteint au travers de la conclusion de baux réels solidaires (BRS), permettant de consentir des droits réels immobiliers en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements par des ménages sous conditions de ressources202, de loyer203 et, le cas échéant, de prix de cession204.
10120 – À titre subsidiaire. – L’OFS a pour mission de favoriser la mixité fonctionnelle en réalisant des locaux commerciaux et professionnels abordables. Cette mission doit nécessairement être conçue en lien avec la mission principale de production du logement abordable, l’idée étant de permettre le développement d’immeubles ou de groupements d’immeubles comprenant à la fois du logement abordable et des locaux commerciaux ou professionnels abordables. Pour cela, gouvernement-législateur aura le soin d’instituer par voie d’ordonnance, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi 3DS, une nouvelle forme de bail constitutif de droits réels205.
10121 En somme, l’objet de l’OFS est donc de réaliser principalement des logements mais également des locaux commerciaux et professionnels à caractère abordable au moyen de baux constitutifs de droits réels spécifiques. Le choix fait par le législateur est de mener à bien cette mission d’intérêt général en utilisant une technique juridique – celle des baux constitutifs des droits réels déclinée de façon spécifique dans le régime du BRS – permettant un contrôle de long du terme par l’OFS du maintien de l’affectation des biens, dédiés dès leur entrée dans le patrimoine de l’OFS à ces missions. Le couple OFS/BRS permet ainsi de constituer un « foncier réglementé » de manière dynamique car, de façon tout à fait originale, la réglementation ne passe pas par la simple application d’une norme sur un terrain mais par l’intervention d’un organisme chargé de déployer des baux réels solidaires.

§ II – L’OFS, garant d’une politique publique

10122 Afin de mener à bien ces missions, l’OFS détient, et ce depuis sa création, de nombreuses compétences allant au-delà du droit commun pour constituer son patrimoine mais également pour en maîtriser son affectation pendant une très longue durée. Pour constituer le patrimoine nécessaire à l’exercice de ses missions il peut naturellement procéder par voie d’acquisition, d’apport en nature ou numéraire206, ou encore par voie d’appel à la générosité publique ou par libéralités207. Mais il bénéficie également d’outils spécifiques : il peut mobiliser le dispositif de la décote prévue à l’article L. 3211-7 du Code général de la propriété des personnes publiques (décote dite « Duflot »)208, acquérir des logements auprès d’organismes HLM209, ou encore se voir déléguer le droit de préemption urbain210 ou le droit de priorité211. Ces outils favorisent l’activité des OFS et le rapprochent de ses « cousins » organismes HLM. Les OFS s’en distinguent toutefois largement en raison des contours de la nouvelle politique du logement qui leur est confiée, laquelle résulte des caractéristiques particulières du BRS :

la « recharge » du bail pour une durée égale à sa durée initiale en cas de transmission des droits réels agréée par l’OFS212. Dans l’économie générale du mécanisme le « rechargement » du bail se justifie, d’une part, par le fait que l’objet même de l’OFS est de se constituer un patrimoine en vue de l’affecter durablement au logement abordable au moyen d’un bail réel solidaire, sans vocation à la jouissance des biens. Il n’est donc pas heurtant que l’OFS ne recouvre jamais la pleine propriété de l’immeuble du fait du mécanisme de « rechargement », d’autant plus lorsque sa mise en œuvre est conditionnée au contrôle du respect du caractère abordable du logement. En effet, la procédure d’agrément à l’occasion de toute transmission des droits réels permet et oblige l’OFS à garantir le maintien dans le temps de cette affectation au logement abordable pour des ménages modestes car, assurément, un « rechargement » sans encadrement des prix par le propriétaire suivrait la même logique inflationniste que la pleine propriété. Les marges de manœuvre de l’OFS sont également renforcées par le droit de préemption dont il dispose à l’occasion de toute cession ou donation des droits réels213 ;

l’indemnisation systématique du preneur à bail dans tous les cas de fin du bail réel solidaire, tout au plus à valeur initiale des droits réels, même en cas de faute du preneur, qui permet de sécuriser le capital des accédants personnes physiques et de garantir l’attractivité du dispositif dans le cadre de l’accession à la propriété.

On constate donc que cette réglementation du foncier a pour but de conserver le patrimoine constitué au cœur de la politique publique du logement – grâce à l’intervention de l’OFS –, sans pour autant dégrader la situation de chacun des ménages accédants – grâce à l’indemnisation systématique de la valeur des droits réels en fin de contrat. En cela, il apparaît de plus en plus clairement que l’OFS est un nouvel acteur d’une nouvelle politique d’aide au logement, au-delà du logement locatif social et sans pour autant être de l’accession sociale à la propriété214. Il est un acteur ad hoc participant au service public du logement, il est le gardien des contours de la propriété d’usage « hors marché » issue du bail réel solidaire.

§ III – L’OFS, un patrimoine dédié à l’intérêt général

10123 Tout le régime juridique de cette structure est dirigé vers sa finalité, la production de logements abordables : son patrimoine, ainsi que les bénéfices réalisés dans le cadre de son activité principale qu’est le BRS, restent affectés à un but, à la finalité pour laquelle il a été constitué. Ainsi, les bénéfices réalisés sont entièrement affectés au maintien ou au développement de l’activité de l’organisme. L’OFS doit par ailleurs obligatoirement constituer des réserves financières au titre de l’activité liée au bail réel solidaire ; toutes les recettes générées par l’activité BRS doivent nécessairement y être affectées215.
10124 Plus étonnant, cette affectation des biens et des bénéfices n’est pas limitée à la seule échelle de l’OFS. Elle s’applique en réalité à l’échelle du mouvement des OFS. En effet, en cas de retrait de l’agrément ou en cas de dissolution de l’OFS, les membres de l’OFS ne peuvent procéder à des opérations de liquidations et à une répartition des biens et droits entre eux, comme cela est permis classiquement. Le régime juridique de l’OFS impose une cession des actifs affectés à un BRS à un autre OFS en cas de retrait de l’agrément, ainsi qu’une dévolution de l’ensemble des droits et obligations de l’organisme, notamment les BRS signés par lui, les biens immobiliers objets de tels baux et les réserves financières ainsi constituées, à un autre OFS en cas de dissolution de l’OFS216.
10125 L’objectif d’intérêt général qui lui est assigné, et les outils privilégiés dont il bénéficie pour constituer son patrimoine et produire du logement abordable, justifie que l’accès au régime juridique de l’OFS fasse l’objet d’un contrôle. C’est tout l’objet de l’agrément du préfet de région, prérequis indispensable à la qualification d’OFS d’une structure. Car l’OFS n’est pas une forme de société ou de structure à part entière. Il s’agit d’un régime juridique découlant de l’agrément du préfet de région, ne pouvant être délivré qu’à des structures ayant, pour tout ou partie de leur activité, l’objet défini par le Code de l’urbanisme et présentant l’organisation structurelle imposée par le même Code de l’urbanisme ; le tout à condition que la structure soit sans but lucratif217. Les organismes HLM et les SEM agréées peuvent également faire l’objet d’un tel agrément218. Le contrôle du préfet de région s’exerce également tout au long de l’activité de l’OFS, à échéance annuelle.

Section III – Vers un nouveau modèle de maîtrise foncière ?

10126 L’observation des réformes et des pratiques des dix dernières années conduit à constater que les politiques publiques foncières se sont largement orientées vers des systèmes de dissociation du foncier et du bâti : la création du bail réel immobilier219 puis du couple OFS-BRS, la vocation de la foncière publique solidaire, les dispositifs mis en place par les EPF pour favoriser la maîtrise des usages et le recyclage des fonciers acquis220. Cela rejoint d’ailleurs la tendance générale de la politique immobilière des personnes publiques.
La technique de la dissociation présente en effet plusieurs avantages pour les politiques publiques du logement :

d’abord, elle permet de garantir dans le temps l’affectation des biens et, en quelque sorte, conduit à un partage de la propriété sur plusieurs générations d’habitants. Cela permet aussi un recyclage permanent du foncier public, selon les besoins d’intérêt général. On note cependant qu’une loi a été nécessaire à chaque fois pour créer des outils efficaces, car le régime général des baux réels est peu propice aux restrictions des droits des preneurs ;

ensuite, sans faire baisser les prix du foncier, ce dispositif permet d’en étaler le coût sur le long terme. Avec des modèles de financement adaptés (prêts Gaïa notamment), cela impacte immédiatement le prix de sortie des logements et solvabilise les ménages. En revanche, certains s’inquiètent de la hausse des coûts foncier susceptible d’être générée par cette capacité d’investissement supplémentaire : « De fait, les subventions des collectivités, les prêts de la Caisse des dépôts, les produits des pénalités SRU pour les EPF, associés au lissage de l’acquisition sur le long terme, apportent des capacités d’intervention supérieures sur les marchés fonciers. Au point que certains constatent « des surenchères sur le foncier ». Des prix fonciers qui déterminent la redevance » souligne Claude Bertolino, directrice générale de l’EPF Paca, dans un article de Cadre de ville221. Si cette tendance venait à être vérifiée et à s’accentuer, les pouvoirs publics devrait-il réglementer le nombre d’OFS222 ?

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10129 L’utilisation des baux constitutifs de droits réels pour aider à la production de logements ne s’épuise pas dans le BRS : il y a un avant et un après. Avant même l’instauration du BRS, des dispositifs ont été imaginés pour réaliser des logements aidés dans le cadre de baux constitutifs de droits réels. Mais surtout, depuis le BRS, des réflexions existent pour étendre le mécanisme original du bail rechargeable au secteur libre.
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10131 L’engouement pour le BRS a en effet conduit à une proposition de loi227 en vue d’instituer, aux côtés des OFS, des offices de foncier libre pour utiliser la technique de la dissociation en faveur de la création de logements « non aidés ». L’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme devait alors être modifié pour prévoir deux types d’organismes foncier : l’OFS et « l’OFL ». L’objet social de cet organisme était le même que celui de l’OFS : acquérir et gérer des terrains en vue de réaliser des logements et des équipements collectifs, au moyen d’un bail de longue durée (le « BRL). Ces baux présenteraient les mêmes caractéristiques que les BRS, dans le secteur libre. Mais, à la différence des OFS, les OFL n’étaient pas assujettis aux objectifs de la politique d’aide au logement et les ménages n’étaient pas soumis à des conditions de ressources. L’objectif était en effet d’ouvrir les avantages de la séparation des droits de propriété entre le foncier et le bâti à d’autres ménages, afin notamment de favoriser l’accès au logement intermédiaire.
La Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale avait retenu cette proposition en lui apportant une modification importante : la condition d’agrément était supprimée mais ces organismes ne pouvaient être créés que par les SPLA et SPLA d’intérêt national, et les SEM agréées sous réserve que leur capital soit détenu à plus de 50 % par une ou des personnes publiques. Le dispositif devait alors être réservé au secteur public, afin d’écarter tout risque de blocage sur des appropriations massives de foncier et toute dérive spéculative.
Finalement, cette proposition n’a pas été reprise par le législateur. Les moyens alloués à ces structures devant intervenir sur le marché libre n’étaient pas clairement définis et le besoin de rendement des capitaux investis dans les OFL posaient de redoutables question sur le modèle économique et sociétal de ces structures. Et, surtout, le législateur a semble-t-il fait le choix de laisser aux OFS le temps de se déployer et d’influer sur les prix du marché.
10132 Pour l’USH et la Banque des Territoires228, « Le haut niveau des prix, couplé à leur augmentation continue, pèse fortement sur les coûts de revient des organismes HLM : le coût du foncier représente en moyenne 23 % du bilan d’une opération pour les bailleurs. Cette surenchère des prix se heurte à la baisse continue des subventions accordées au secteur du logement social, et la Réduction du Loyer de Solidarité (RLS) limite la capacité à dégager des fonds propres ; les bailleurs sont par conséquent très contraints dans leur capacité d’investissement. D’autant que le principe même du logement social qui vise à produire des logements à des niveaux de loyers plafonnés en adéquation avec les revenus des ménages modestes, prive par définition les bailleurs sociaux de marges de manœuvre dont disposerait un acteur privé. Aussi, la concurrence accrue entre opérateurs privés et OLS/I, voire entre les OLS/I entre eux, « encourage la hausse des prix, défavorable aux organismes HLM qui (…) sont contraints dans leurs apports et leurs revenus de sortie par rapport aux promoteurs privés. En résulte qu’ils sont fréquemment relégués sur du foncier résiduel, le seul qui leur soit financièrement accessible, et doivent faire face à la fois à des besoins en viabilisation de terrain plus élevés, et à une moindre attractivité de leurs logements en termes de localisation, desserte, environnement. »
10133 Face à ce constat, il est impératif d’utiliser efficacement les outils d’urbanisme opérationnels pour impulser territorialement une offre de logement abordable et de qualité. Cela suppose en outre le développement d’une logique partenariale entre les acteurs publics.

195) C. urb., art. R. 321-17.
196) On dénombre actuellement 14 établissements publics d’aménagement sur le territoire national.
197) Leur mission s’organise autour des principales fonctions suivantes :

– conception des projets d’aménagement dans le cadre d’une stratégie d’ensemble ;
– acquisition et viabilisation des terrains ;
– négociation de la constructibilité avec la collectivité, et transfert de la gestion des espaces publics à cette dernière ;
– commercialisation des terrains auprès des promoteurs.
199) Ministère chargé du logement, Les établissement publics d’aménagement au service de la ville durable, éd. 2021.
200) J. Marion et R. Léonetti, « La société foncière publique solidaire, nouvel acteur de la politique foncière de l’État », Bull. Cheuvreux, oct. 2017, no 89, p. 20.
201) « Rapport de préfiguration en vue de la création de la Société foncière publique à vocation de logement : la Foncière solidaire », Th. Repentin, sept. 2016.
202) Identiques à celles du prêt social location-accession (PSLA), soit des revenus inférieurs au prêt locatif social (PLS) + 11 % pour les opérations en accession (CCH, art. R. 255-1), et identiques à ceux du prêt locatif à usage social (PLUS) pour le locatif (CCH, art. R. 255-2).
203) Identiques à ceux des logements conventionnés APL (CCH, art. R. 255-2).
204) Identiques à ceux du PSLA (CCH, art. R. 255-1).
205) L. 3DS, art. 106.
206) C. urb., art. R. 329-2.
207) C. urb., art. R. 329-11.
208) C. urb., art. L. 329-1.
209) CCH, art. L. 443-11.
210) C. urb., art. L. 211-2.
211) C. urb., art. L. 240-1.
212) CCH, art. L. 255-12.
213) CCH, art. L. 255-15.
214) Si le titulaire du BRS dispose des prérogatives du propriétaire et d’un droit économiquement assimilable à une pleine propriété, il ne peut en user et en disposer que dans la limite des intérêts supérieurs auxquels le logement est affecté et dont le respect est contrôlé par un opérateur institué à cet effet par le législateur, l’OFS. Ses droits vont donc au-delà du logement locatif mais se distinguent d’une accession à la propriété en ce que le rapport au bien est régi par l’OFS et le contrat.
215) C. urb., art. R. 329-3 et R. 329-4.
216) C. urb., art. R. 329-17.
217) L’OFS parisien, dénommé « Foncière de la Ville de Paris » a par exemple pris la forme d’un Groupement d’intérêt public.
218) C. urb., art. L. 329-1.
219) CCH, art. L. 254-1 et s. et art. R. 254-1 et s.
220) V. « L’action foncière publique en faveur du logement et des activités productives », Regards croisé, CEREMA Méditerranée, 2017, p. 34.
221) Logement : le Bail réel solidaire sur plusieurs fronts, Remi Cambau, Cadre de ville, 4 octobre 2022. V. sur la même question, « Depuis 2017 les BRS se vendent bien mais les prix augmentent du fait de la concurrence entre OFS (Adéquation) », AEF Info, 16 nov. 2022, Dépêche no 682310.
222) A. Fuchs-Cessot, « Le dispositif OFS/BRS : un outil efficace pour favoriser le logement abordable ? », CUA, Le Moniteur, juin 2021, p. 30-34.
223) V. pour plus de développements, le 109e Congrès des notaires de France.
224) V. art. 7, IV de la loi no 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés
225) CA Bordeaux, 21 avr. 1983, Centre Hospitalier Dujarric La Rivière ; Cass. 3e civ, 13 mai 1998, Roncaglia c/ De Moro Giafferi ; Cass. 3e civ, 4 avr. 2001.
226) N. Foulquier, « Le bail à construction administratif HLM », LPA 2013, no 113, p. 59 ; N. Foulquier, « Faciliter la construction de logements sociaux en dissociant le droit de construire et la propriété du sol », Gridauh, Cahiers du Gridauh, 2014/1, no 24, p. 127-133.
227) Proposition de loi visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l’offre de logements accessibles aux Français déposée devant l’Assemblée nationale le 16 octobre 2019, issue du rapport « La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction » rendu en novembre 2019 au premier ministre par Jean-Luc Lagleize, député de la 2e circonscription de la Haute-Garonne.
228) Les Assises du foncier – Propositions sur l’accès au foncier pour la production de logements abordables, Repères maîtrise d’ouvrage, no 94, Collection cahiers 2022.
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