CGV – CGU

PARTIE II – Rapprocher les opérateurs publics et privés
Titre 1 – Favoriser les partenariats
Sous-titre 2 – Les partenariats institutionnels

Chapitre I – Consolider le recours à la SCCV entre OLS et promoteurs privés

10236 Alors que les possibilités de partenariats entre les bailleurs sociaux et des partenaires publics ou privés sont strictement limitées par le Code de la construction et de l’habitation, le législateur a souhaité « favoriser la construction de logements sociaux dans des programmes privés qui se verront ainsi instiller une mixité sociale »503, en offrant la possibilité aux OPH, SA HLM, et sociétés coopératives, en vertu respectivement des articles L. 421-1 et L. 422-2 et L. 422-3 du Code de la construction et de l’habitation, « d’acquérir dans le cadre de l’article L. 261-1, à due concurrence de leurs apports, des logements mentionnés à l’article L. 411-2 auprès d’une société civile immobilière dans laquelle elles détiennent des parts et dont l’unique objet est la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation en vue de leur vente, à la condition que cette société réalise au moins 25 % des logements mentionnés à l’article L. 411-2 et soit constituée pour une durée n’excédant pas dix ans ». Ces textes posent plusieurs conditions qu’il convient naturellement de respecter rigoureusement. À cet égard, et bien que certaines formules employées par le législateur soient sujettes à interprétation, il nous semble que ces conditions fixent un cadre clair pour ces partenariats autour de la constitution de la société (Section I), de son objet intégré dans un objectif de mixité (Section II), et de la position du bailleur social en tant qu’associé (Section III).

Section I – Constitution et forme de la société

10237 Le texte nous indique que l’organisme HLM peut acquérir des logements auprès de cette structure dans laquelle il prend des participations, « à titre subsidiaire ». Comment faut-il entendre cette mention dès lors que le caractère subsidiaire signifie « qui doit être utilisé en second lieu » ? Doit-on faire la démonstration que l’organisme HLM n’a pas d’autres alternatives que de faire de la sorte ou cela signifie-t-il simplement que cela ne doit pas devenir son mode principal de production de logement ? L’absence de clarté et l’absence d’indications quant à la portée de cette mention nous induise à préconiser sa suppression, ou, à tout le moins sa reformulation.
10238 Elle doit prendre la forme d’une société de construction vente, dite SCCV, régie par les dispositions spécifiques des articles L. 211-1 à L. 211-4 et R. 211-1 à R. 211-6 du Code de la construction et de l’habitation, outil classiquement utilisé par les promoteurs et investisseurs institutionnels, tant pour des raisons fiscales (bénéfices taxés au niveau des actionnaires) que de financement (les associés sont tenus indéfiniment sur leurs biens propres des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital).
10239 La société civile doit être constituée pour une durée maximum de dix ans qui doit être indiquée dans les statuts. Cette durée est toutefois problématique en pratique. En effet, il ne peut être exclu que des contentieux soient en cours à l’issue de cette période de dix ans. Par ailleurs, la liquidation de la société ne devrait théoriquement pas être clôturée avant l’expiration du délai de responsabilité décennale en matière de construction (C. civ., art. 1792 et s.), c’est-à-dire dans les dix ans qui suivent la réception des travaux. Cette problématique fut soulevée par Madame la députée Thourot dans le cadre des discussions parlementaires de la loi Elan504, problématique qui aurait dû être traitée en séance publique mais ne l’a finalement pas été.
10240 Au-delà des statuts, il sera toujours recommandé à l’associé minoritaire de conclure un pacte d’associés, notamment pour garantir une certaine stabilité de l’actionnariat. Ce pacte serait également le lieu pour traiter du sort de la société à l’échéance des dix ans (notamment pour la gestion des responsabilités et assurances), en particulier si les textes devaient évoluer à ce propos pendant cette période.

Section II – Objet de la société et objectifs de mixité en termes de programmes et de logements

10241 La SCCV doit avoir pour « unique objet la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation en vue de leur vente ».
Malgré l’apparente restriction posée par le texte, on peut penser que la volonté du législateur était d’insister sur l’objet central de ces sociétés et non d’empêcher la SCCV de réaliser des programmes de logements qui, devant s’inscrire dans la ville et répondre aux besoins des habitant, comporteraient également en pied d’immeuble des surfaces de commerces. Cela irait à contresens tant de l’enjeu de mixité programmatique qui a motivé la création de ces SCCV entre les opérateurs privés et les bailleurs sociaux, que de l’évolution des compétences des organismes HLM qui deviennent de véritables acteurs de la politique de la ville et de la revitalisation des territoires. La lettre du texte nous invite toutefois à prôner une modification législative sur ce point.
10242 Le programme doit également prévoir la réalisation d’au moins 25 % de logements mentionnés à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation, c’est-à-dire des logements locatifs conventionnés (PLS, PLUS, PLAI) et des logements en accession sociale. Les logements locatifs intermédiaires de l’alinéa 9 de l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation ne nous paraissent pas pouvoir être comptabilisés dans les 25 %. En effet, en application de cet article, depuis le 1er janvier 2020, ces logements ne font plus partie du service d’intérêt général (SIEG) et semblent donc exclus, depuis cette date, du champ d’application de cet article et donc de la quote-part de 25 %. Les logements locatifs intermédiaires peuvent en revanche être intégrés dans la partie non sociale de 75 % du programme et être acquis par l’organisme HLM s’il le souhaite (sans que cela puisse impacter sa quote-part de capital qui dépend uniquement de l’acquisition de la partie sociale du programme).
Le texte est silencieux sur le calcul des 25 % de logements mais, là encore, cela ne doit pas freiner le recours à ces SCCV car les travaux parlementaires et l’objectif de mixité permettent d’aiguiller suffisamment l’interprétation qu’il convient d’en faire en privilégiant, d’une part, une approche au nombre de logements (25 % des logements réalisés et non des surfaces) et, d’autre part, un décompte par programme, par permis de construire, et non à l’échelle de l’ensemble des programmes portés par une même SCCV505.
10243

Section III – Situation du bailleur social en tant qu’associé de la SCCV

10244 Le bailleur social ne doit pas obligatoirement être un associé fondateur et peut devenir associé après la constitution de la SCCV, notamment après dépôt du permis de construire. Il doit impérativement acquérir des logements sociaux construits par la SCCV, via une vente d’immeuble à construire.
10245 Le texte indique par ailleurs que le bailleur social doit « acquérir des logements à due concurrence de ses apports », impliquant une règle de proportionnalité entre la part de capital détenue par l’organisme HLM et la part de logements sociaux à acquérir dans l’opération portée par la SCCV. Pour calculer la quote-part de participation au capital social, il convient donc de rapporter le nombre de logements acquis par l’opérateur social au nombre de logements vendus dans le programme. En pratique, c’est ce pourcentage qui déterminera le pourcentage de participation de l’organisme HLM dans la SCCV. Ce pourcentage peut être inférieur à 25 %, pour autant que la SCCV réalise une partie sociale complémentaire pour atteindre les 25 %, partie qui serait donc vendue à des personnes autres que l’organisme HLM associé. Le pourcentage peut naturellement être supérieur à 25 % dans la mesure où cette proportion de logements sociaux dans le programme est un minimum.
10246 En dehors du capital de la société, son financement par le bailleur social, légalement autorisé à s’associer dans une SCCV, devra satisfaire aux appels de fonds prévus à l’article L. 211-3 du Code de la construction et de l’habitation. Ces appels de fonds pourront lui être réclamés dans les proportions de sa quote-part de capital et uniquement pour permettre l’accomplissement de l’objet social de la SCCV dans le cadre de l’exécution des contrats de ventes d’immeubles à construire et de l’achèvement du programme. En revanche, le législateur n’a pas spécifié de règles particulières concernant les modalités de financement de la SCCV par le bailleur social524. Ce sont donc les dispositions générales qui s’appliquent, à savoir qu’un organisme HLM ne peut consentir des avances en compte courant à des entités qui ne sont pas des bailleurs sociaux, membres du même groupe de logement social525, ce qui est problématique dans la vie quotidienne de la société notamment lorsque la forme sociale n’induit pas d’appels de fonds (V. infra).
10247 L’organisme HLM pourrait également vouloir assurer des prestations de services pour la société au travers une convention de gestion. On relèvera toutefois que l’objet social des organismes HLM ne lui permet de prester que pour un nombre limité de structures, dans certains domaines. Ces sociétés auxquelles il peut participer ne sont pas mentionnées par le texte. Cette absence est problématique dès lors que les équipes de l’organisme HLM ont une véritable plus-value afin de mener à bien les missions confiées à la société et que l’organisme HLM mérite, à ce titre, de recevoir une rémunération spécifique.
10248

503) Exposé des motifs de l’amendement no CE1876 déposé lors des débats parlementaires relatifs à la loi Elan, retiré.
504) Alice Thourot. Si l’amendement de M. Pupponi vise à prolonger la durée de vie de la société de cinq à dix ans, dans certains cas cela provoquera un vide juridique puisque les sociétés civiles de construction-vente qui étaient prévues dans le cadre de la loi Alur avaient une durée de vie de cinq ans. Cinq ans, ce n’est pas long, dix ans non plus : en cas de problèmes de construction, de contentieux d’urbanisme, que se passe-t-il ? Une durée de vie limitée pose problème si les constructions doivent se poursuivre.

Julien Denormandie, Secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je privilégie également l’amendement de M. Pupponi, par cohérence car celui que nous avons adopté tout à l’heure prévoyait dix ans. Je n’ai pas la réponse à votre question mais il faudra prendre ce point en considération en séance publique.
François Pupponi. C’est en effet un point important. Il faudrait réfléchir aux moyens de prolonger la durée de vie en cas de contentieux.
Alice Thourot. Je complèterai mon amendement d’ici à la séance publique, dans un souci de cohérence, mais cette question de la durée de vie est très importante. La durée de vie de cinq ans prévue dans la loi Alur a déjà posé problème.
505) Dans les travaux préparatoires de la loi Elan déjà cités on lit que « L’idée sous-jacente est de favoriser la construction de logements sociaux dans des programmes privés qui se verront ainsi instiller une mixité sociale (…) et des partenariats entre SA d’HLM et opérateurs privés pour des programmes immobiliers de manière à y favoriser l’insertion de logements sociaux, puisque la SA d’HLM peut elle-même se rendre acquéreur (…) des 25 % de logements sociaux réalisés par la SCCV dans le programme  (…) ».
506) Dir. 2006/123/CE du parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.
507) Guide relatif à la gestion des services d’intérêt économique général (SIEG), Secrétariat général des affaires européennes (www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/Guide_SIEG_du_SGAE.pdf)
508)  § 27.
509) De manière générale par l’article L. 411-2 du CCH, puis pour chaque catégorie d’organisme HLM par les textes du CCH réglementant leur objet social, sachant que pour l’exercice de ces missions il est nécessaire d’obtenir un agrément aux termes de l’article L. 422-5 pour les sociétés HLM ou d’être créé par décret pour les Offices publics de l’habitat (CCH, art. R. 421-1).
510) CCH, art. L. 445-1.
511) CCH, art. L. 831-1 et L. 353-1 et s.
512) TFUE, art. 107, § 2.
513) TFUE, art. 107, § 3.
514) CJCE, 14 oct. 1987, RFA c/ Commission.
515) Art. 1er, f) du règlement (UE) 2015 / 1589. V. par ex., la décision de la Commission européenne du 8 février 2012 relative à l’aide d’État SA.28809 – Suède – Hammar Nordic Plugg AB, JOUE, no L 150, 9 juin 2012, p. 78, § 50.
516) CJUE, 24 juil. 2003, aff. C-280/00, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, § 87 ; CJUE, 8 mars 2013, aff. C 197/11 et aff. C 203/11, Syndicat national des propriétaires et copropriétaires ASBL, § 84. ; Déc. 20 déc. 2011 no 2012/21/UE.
517) En application du principe de subsidiarité. V. égal. dans ce sens Communication de la Commission du 26 avril 2006 « Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne. Les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne » [COM(2006) 177 final].
518) Décision de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général.
519) Décision de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général. Cette décision reconnaît également certaines spécificités propres au SIEG de logement social, notamment en matière de nécessité d’investissement de long terme, de durée du mandat SIEG supérieure à 10 ans et de prise en compte des coûts nets liés à ces investissements qui sont nécessaires au fonctionnement du SIEG du logement social.
521) Aux termes de l’article L. 422-5 pour les sociétés HLM ou par décret pour les Offices publics de l’habitat (CCH, art. R. 421.1).
522) CCH, art. L. 445-1.
523) CCH, art. L. 831-1 et L. 351-2 et s.
524) C’est également le cas concernant la nature des fonds utilisés pour financer la structure. Les acteurs conviennent cependant de ne pas mobiliser de fonds SIEG ou de fonds issus de la PEEC. Une clarification des textes sur ce point serait cependant de nature à déterminer le champ des possibles ou impossibles en la matière.
525) CCH, art. L. 423-15. L’interdiction pourrait cependant être discutée ici, compte tenu de l’autorisation de participer à des sociétés avec des associés privés, et notamment si ce ne sont pas les fonds SIEG qui sont utilisés.
526) L’article L. 411-2 du CCH énumère les activités des organismes HLM relavant du service d’intérêt général au sens du droit européen. Parmi les logements mentionnés à cet article, figurent les logements locatifs à loyers plafonnés, les logements en accession sociale, les logements situés dans des copropriétés connaissant des difficultés importantes de fonctionnement ou faisant l’objet d’un plan de sauvegarde ou d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat ou situés dans le périmètre d’opérations de requalification de copropriétés dégradées.
527) Il s’agit du montage dans lequel un OFS, propriétaire de l’emprise foncière destinée à l’opération en BRS, consent un BRS dit opérateur à une structure qui peut construire et réhabiliter des logements et a l’obligation de céder les droits réels immobiliers attachés à ces logements à des ménages. L’opérateur intervient ainsi comme un acteur intercalaire permettant la réalisation des ouvrages et leur cession à des ménages sous conditions de ressources pour un prix plafonné.
528) Depuis la loi no 2005-32 du 18 janvier 2005, dite de programmation pour la cohésion sociale, les SA HLM et les OPH sont autorisés à « souscrire ou acquérir des parts de sociétés civiles immobilières ayant pour objet la réalisation d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation destinés à des accédants dont les ressources n’excèdent pas des plafonds fixés par l’autorité administrative, d’être syndic de copropriétés d’immeubles ainsi réalisés et d’exercer les fonctions d’administrateur de biens pour les mêmes immeubles. Toutefois, les logements réalisés par une telle société civile immobilière qui n’auraient pas donné lieu à un avant-contrat ou à un contrat de vente ou de location-accession au terme d’un délai défini par décret peuvent être vendus à un organisme mentionné aux deuxième à quatrième alinéas de l’article L. 411-2. » (art. L. 422-2, 9e al. pour les SA HLM, et art. L. 421-1, 10° pour les OPH). Les sociétés anonymes coopérative de production HLM (coopérative HLM) ainsi que les sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif HLM (SCIC HLM) ont également pour objet de « 2° De réaliser ou d’acquérir et d’améliorer, soit en qualité de maître d’ouvrage, soit par l’intermédiaire de sociétés civiles de construction mentionnées au précédent alinéa [celles constituées en application du titre Ier du livre II du CCH], en vue de leur vente à des personnes physiques, à titre de résidence principale, et de gérer, notamment en qualité de syndic, des immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation respectant les prix de vente maxima fixés en application du III de l’article D. 443-34 du code précité » (Selon leurs statuts types visés en l’annexe à l’article R. 422-6 du CCH. En revanche, l’article L. 422-3 du CCH, qui réglemente leur objet social, est silencieux sur cette possibilité d’avoir recours à une société pour construire, acquérir, rénover, réaliser des travaux, vendre à titre de résidence principale ou gérer des immeubles, à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation respectant des prix de vente maxima fixés par l’autorité administrative (CCH, art. L. 422-3, 2°).
Aller au contenu principal