CGV – CGU

PARTIE III – Transformer les méthodes
Titre 1 – Accroître l’offre de logements à l’aune du ZAN
Sous-titre 2 – La mobilisation de l’existant et sa mise en œuvre

Chapitre I – La ville sur la ville : la surélévation

10435 Les opérations de surélévation ont longtemps été mises à l’écart des outils permettant la création de logements. Jugées trop complexes et soumises à trop de contraintes, il leur a été préféré l’étalement urbain. Cependant depuis une dizaine d’années, face au déficit de création de logements et la raréfaction du foncier disponible, les pouvoirs publics ont pris conscience du potentiel offert par de telles opérations806. Le législateur n’a alors eu de cesse que de vouloir lever les différents freins identifiés.
10436 – Mais en fait, qu’entend-on par « surélévation » ? – Le législateur ne la définit pas. Pour la doctrine807, celle-ci résulte de l’application cumulative de quatre critères, issus d’une réponse ministérielle et de la jurisprudence :

une construction bâtie en dur, assurant la fixité, la permanence et la pérennité de l’ancrage ;

une construction comportant une prolongation verticale des façades ;

un exhaussement de la panne faîtière de l’immeuble, en un rehaussement à un niveau plus élevé que le faîte de la toiture ;

une construction adjointe à des locaux privatifs.

Pour sa part, l’administration fiscale définit le droit de surélévation comme « le droit réel d’édifier une construction prolongeant verticalement les façades d’un immeuble préexistant tout en rehaussant le faîtage du toit »808.
Dans notre acception se rapportant à la production de logements, la notion de surélévation telle que définie ci-dessus remplit ces critères.
10437 Aujourd’hui la surélévation doit sortir de l’ombre et laisser derrière elle son image d’outil infernal pour les praticiens. Elle répond en effet parfaitement à la trajectoire dessinée par le ZAN en ce qu’elle permet la production de logements, possiblement en masse, tout en faisant abstraction d’une quelconque consommation foncière. Pareillement, elle devance l’évolution bioclimatique des documents d’urbanisme et s’insère parfaitement dans l’esprit général d’un procédé écologiquement vertueux grâce aux nouvelles techniques de constructions pouvant être mise en œuvre et les possibilités de végétalisation des nouvelles toitures. Le gain financier retiré de telles opérations, principalement par les copropriétés, permettra d’assurer, au moins partiellement, le financement des améliorations thermiques et rénovations énergétiques, si chères à nos actuels dirigeants. « Le foncier aérien »809 se présente alors comme un outil vertueux de partage de la valeur créée entre le promoteur, son réalisateur et la copropriété.
En parallèle des copropriétés, les bailleurs sociaux ont tout intérêt à s’en emparer également, puisque c’est en leur sein qu’ont été repéré les gisements les plus significatifs, avec le moins de contraintes juridiques, liée à la monopropriété.
C’est donc dans cet esprit que nous étudierons les mesures générales de promotion de la surélévation (Section I) avant de nous attarder sur les aspects de sa mise en valeur au sein du droit de la copropriété (Section II). Malgré tout, il semble nécessaire de devoir mettre en exergue certains écueils de la surélévation, parfois insurmontables (Section III).

Section I – Les mesures générales de promotion de la surélévation

10438 Ces mesures sont de deux ordres. D’une part, celles se rapportant au droit de l’urbanisme et de la construction (Sous-section I). D’autre part, celles relatives au droit fiscal (Sous-section II).

Sous-section I – Le droit de l’urbanisme et de la construction au service de la surélévation

10439 À titre liminaire, soulignons que la loi Alur810 ayant institué la suppression du COS (Coefficient d’occupation des sols) a mécaniquement libéré les possibilités de recourir à la surélévation. Désormais ce ne sont principalement que les règles de volumétrie des documents d’urbanisme qui peuvent restreindre les possibilités d’une surélévation.
Pour autant, celles-ci peuvent également faire l’objet d’adaptations et de dérogations, notamment en faveur de la surélévation (§ I). Il en est de même pour les normes constructives (§ II).

§ I – L’urbanisme dérogatoire et adaptatif

10440 Le Code de l’urbanisme autorise l’autorité compétente en la matière tantôt à prévoir des dispositions particulières d’urbanisme permettant de majorer ou dépasser les normes urbanistiques (A) tantôt à y déroger (B).
A/ Les bonus de construction
10441 Bien que n’étant pas propres à la surélévation, les articles L. 151-28 à L. 151-29-1 du Code de l’urbanisme prévoient la possibilité d’insérer au règlement du plan local d’urbanisme (ou document d’urbanisme en tenant lieu) des règles de majoration ou de dépassement du volume constructible, tel qu’il résulte des règles de gabarit, hauteur et/ou emprise au sol.
Ces bonus de construction sont toutefois conditionnés à la production de logements (bonus de 20 %) et sont augmentés pour les logements intermédiaires (30 %), de même que pour les logements sociaux (50 %).
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 prévoit une nouvelle possibilité de bonus de construction (30 %) pour les constructions faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui intègrent des procédés de production d’énergie renouvelables811 situées en zone urbaine ou à urbaniser812.
B/ Les dérogations aux règles d’urbanisme
I/ La dérogation propre à la surélévation
10442 La surélévation fait l’objet d’un dispositif spécifique de dérogation aux règles d’urbanisme au travers de l’article L. 152-6, 2° du Code de l’urbanisme.
a) Champ d’application territorial

10443 Il faut relever que les dérogations au règlement du plan local d’urbanisme (ou document en tenant lieu) ne peuvent être accordées que pour des projets situés dans les zones suivantes :

les communes soumises à la taxe annuelle sur les logements vacants (zones tendues)813 ;

les communes de plus de 15 000 habitants à forte croissance démographique ;

les périmètres des Grandes opérations d’urbanisme (GOU).

Cette restriction du champ d’application territorial peut se comprendre dans la mesure où elle englobe les communes qui seront les plus à même de connaître des projets significatifs de surélévation. Toutefois, avec la trajectoire dessinée par le ZAN, ne deviendra-t-il pas nécessaire d’élargir son champ d’application à l’ensemble du territoire ?
b) Champ d’application matériel

10444 Notons en premier lieu que la dérogation ne pourra être accordée que si le projet de surélévation porte sur une construction achevée depuis plus de deux ans.
Le projet devra par ailleurs être destiné à la production de logements et s’inscrire dans le respect de l’objectif de mixité sociale de la commune814.
Sous ces réserves, le pétitionnaire de l’autorisation de surélever pourra alors solliciter une dérogation à la fois aux règles de densité815 et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement.
Par ailleurs, le texte prévoit une disposition particulière liée à la hauteur lorsque le projet de surélévation sera contigu à une autre construction. Dans cette hypothèse, il peut être dérogé aux règles de gabarit et permettre de dépasser la hauteur maximale autorisée dans la limite de celle du faîtage de la construction contiguë. Cette disposition permet ainsi une insertion harmonieuse du projet de surélévation avec son environnement.
La ou les dérogations sollicitées devront être appréciées en tant compte du projet et de la zone d’implantation ; ces critères étant à l’appréciation de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de construire.
II/ Les dérogations en faveur de l’environnement
10445 Issus de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, les articles L. 152-5-1 et L. 152- 5-2 du Code de l’urbanisme prévoient de nouvelles dérogations liées à l’environnement pouvant profiter aux surélévations.
a) La végétalisation des façades et toitures (C. urb., art. L. 152-5-1)

10446 Cet article autorise l’autorité compétente à déroger aux règles de hauteur et d’aspect extérieur afin d’autoriser l’installation de dispositifs de végétalisation des façades et toitures en zone urbaine et à urbaniser.
Le décret d’application de ce texte autorise ainsi, notamment, un « dépassement d’un mètre en tout point au-dessus de la hauteur de la construction autorisée par le règlement du plan local d’urbanisme, hors végétation »816.
b) L’exemplarité environnementale (C. urb., art. L. 152-5-2)

10447 Cet article autorise l’autorité compétente à déroger aux règles de hauteur, afin d’éviter d’introduire une limitation du nombre d’étages par rapport à un autre type de construction dès lors que la construction fera preuve d’exemplarité environnementale817.
Le décret d’application de ce texte permet ainsi un « dépassement de 25 centimètres par niveau, et d’un total de 2,5 mètres en tout point au-dessus de la hauteur de la construction autorisée par le règlement du plan local d’urbanisme »818.
Parallèlement aux règles dérogatoires du droit de l’urbanisme, d’autres relatives au droit de la construction bénéficient également aux projets de surélévation.

§ II – Les dérogations au droit de la construction

10448 L’article L. 112-13 du Code de la construction et de l’habitation819 permet ainsi, dans les mêmes communes et secteurs que pour l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme, pour les projets de surélévation d’un immeuble construit depuis plus de deux ans et destiné à l’habitation, de déroger aux règles spécifiques d’isolation acoustique, de brancards, d’ascenseurs, d’aération, de protection des personnes contre l’incendie, de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, mais aussi d’isolation phonique, de qualité de l’air, d’accessibilité aux personnes handicapées, de performance énergétique et environnementale.
Ces dérogations seront accordées au cas par cas, non cette fois par l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, mais par le préfet qui sera alors saisi par celle-ci. Notons que cette consultation entraine un allongement de trois mois du délai d’instruction du permis et que celui-ci ne peut être délivré avant la réponse du préfet. Les dérogations ne pourront être accordées que si les caractéristiques structurelles ou liées aux matériaux du bâtiment existant rendent impossible l’application de la règle prévue pour chacune de ces normes et que le projet ne dégrade pas les caractéristiques de la partie existante du bâtiment. Des prescriptions particulières et des mesures compensatoires peuvent en outre être imposées820.
Afin d’encourager les projets de surélévations, le législateur fiscal a également pris une mesure de faveur en cas de cession du droit de surélévation.

Sous-section II – L’incitation fiscale à la cession du droit de surélévation

10449 Cette incitation trouve son siège à l’article 150 U, II-9° du Code général des impôts. Il s’agit d’un dispositif d’exonération temporaire de plus-value en cas de cession du droit de surélévation821.
Par ce texte, cette cession sera exonérée si les conditions suivantes sont remplies :

1. La cession doit être réalisée par une personne physique ou une personne morale relevant des articles 8, 8 bis ou 8 ter du CGI, passibles de l’impôt sur le revenu.

À cet égard, il convient de préciser que la cession du droit de surélévation sera en pratique réalisée le plus souvent par un syndicat des copropriétaires. Cependant, au sens de la réglementation fiscale, ce n’est pas la personne du syndicat qui est retenue mais celle de chacun des copropriétaires. Il conviendra alors pour le praticien d’identifier chacun des copropriétaires pouvant y prétendre.

2. La cession du droit doit être réalisée pour permettre la réalisation d’un projet « réellement » de surélévation822 et destiné exclusivement à l’habitation.

3. Le cessionnaire doit s’engager à achever les travaux dans un délai de quatre ans à compter de la cession.

Le non-respect de l’engagement de réalisation et d’achèvement des locaux destinés exclusivement à l’habitation dans le délai de quatre ans entraîne en principe l’application d’une amende au cessionnaire correspondant à 25 % du prix de cession823.
Un rapport d’évaluation du dispositif devra être remis par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 29 septembre 2023824.
10450 Il convient de relever que ce dispositif d’exonération temporaire ne s’applique qu’en cas de cession du droit de surélévation. Il ne joue donc pas en cas de réalisation de la surélévation directement par le syndicat des copropriétaires. Toutefois, dans cette hypothèse, lors de la cession des lots nouvellement créés à l’issue de la surélévation, le prix de cession sera à répartir entre chaque copropriétaire en fonction de ses tantièmes de copropriété. Dès lors, selon le nombre de copropriétaires et le prix de cession, il sera possible de ne pas être soumis à taxation par application de la règle fiscale des 15 000 euros.
Fort de ces incitations, il convient désormais de s’attarder à la mise en valeur de la surélévation dans l’hypothèse qui sera le plus souvent soumise au praticien, à savoir la surélévation en copropriété.

Section II – La mise en valeur de la surélévation au sein de la copropriété

10451 La surélévation fait partie des procédés « gagnant-gagnant » pour une copropriété. Comme déjà évoqué, elle permet de répondre au besoin de création de logements sans consommer de foncier et le gain retiré par la copropriété pourra être affecté à sa rénovation, son embellissement ou son amélioration. Enfin, la création de nouveaux lots permettra une dilution de la répartition des charges.
10452 Pour autant, c’est bien au sein du régime de la copropriété que les possibilités de surélévation se sont heurtées aux plus farouches oppositions. Bien souvent un tel projet était balayé d’un revers de la main en assemblée générale du fait de la peur panique suscitée par le simple prononcé du mot « surélévation ». Souvent irrationnelles puisque provenant d’une mauvaise présentation du projet, les craintes étaient le plus souvent exprimées par les copropriétaires du dernier étage au titre des nuisances apportées (bruit, solidité de l’ouvrage…).
Or la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction originelle, ne voyait pas d’un bon œil les possibilités de surélévation. En effet, soit la copropriété décidait de procéder elle-même à la surélévation : dans ce cas l’unanimité était de rigueur ; soit la copropriété décidait de céder son droit de surélever : dans cette hypothèse, tout copropriétaire de l’étage supérieur pouvait exercer un droit de veto. La messe était donc bien souvent dite avant de n’avoir commencé.
10453 La surélévation en copropriété était donc née sous de mauvais auspices. Il aura fallu attendre les lois Alur (2014)825, Elan (2018)826, puis l’ordonnance du 30 octobre 2019827 pour que de telles opérations aient de sérieuses chances d’aboutir.
Depuis la loi Elan, la faculté de surélévation peut faire l’objet de la distinction initiale suivante :

soit le droit de surélévation aura été isolé et privatisé dès la création de la copropriété (le plus souvent au profit du promoteur ou du propriétaire du dernier étage et constituera alors dans le premier cas un lot transitoire et dans le second un élément attaché à un lot privatif) ;

soit le droit de surélévation constituera un accessoire des parties communes « dans le silence ou la contradiction des titres »828.

Nous nous attacherons dans les présents développements à cette seconde hypothèse puisque c’est celle-ci qui nécessite le plus d’attention de la part du praticien.
Partant donc du postulat que la faculté de surélévation est restée la propriété « collective » de la copropriété, c’est le syndicat des copropriétaires qui sera maître de son sort. Soit la surélévation sera opérée par le syndicat lui-même (Sous-section I), soit son droit sera aliéné ; la réalisation étant confiée à un tiers (Sous-section II)829.

Sous-section I – L’exercice du droit de surélévation par le syndicat des copropriétaires

10454 L’intérêt majeur de l’exercice du droit de surélévation par le syndicat des copropriétaires est que la copropriété restera maître du processus depuis son initiative jusqu’à la cession des lots nouvellement créés et n’aura à subir, ni les interférences, ni les aléas liés à l’intervention d’un tiers réalisateur. Ce n’est toutefois pas pour autant que la copropriété peut s’affranchir de toutes règles à respecter (§ I). Par ailleurs, cette apparente sécurité peut finalement s’avérer source d’incertitude ou d’insécurité pour la copropriété (§ II).

§ I – Surélévation par le syndicat et règles de copropriété

10455 Ces règles sont de trois ordres : la mise au vote de la décision et de ses conséquences (A), la purge du droit de priorité de certains copropriétaires (B), la nécessité de modifier les documents de la copropriété (C).
A/ Les règles de vote relatives à l’exercice du droit de surélévation
10456 Dans le cas où le projet de surélévation initié par le syndicat serait en contradiction avec la destination de l’immeuble, son adoption devrait nécessairement se faire par un vote à l’unanimité. Fort heureusement, rare sera l’hypothèse où la copropriété décidera de s’engager dans un tel processus sans avoir pris les précautions nécessaires au préalable (c’est-à-dire un vote préalable autorisant le changement de destination de l’immeuble en vue dudit projet).
Dans le cas, plus courant, où le projet de surélévation respectera la destination de l’immeuble, depuis la loi Alur de 2014, l’article 35 de la loi de 1965 n’impose « plus » qu’un vote à la double majorité prévue à l’article 26 de la même loi830, aux lieu et place de l’unanimité.
Par ailleurs, en application de l’ordonnance de 2019, la passerelle avec l’article 26-1 est possible en cas de défaillance du premier vote831.
Afin que les copropriétaires puissent émettre un vote éclairé, il sera nécessaire, au-delà même du vote sur le principe de la surélévation, que tous ses aspects soient abordés et notamment l’ampleur des travaux et leurs conditions de réalisation, leur coût, les risques d’indemnisation pouvant survenir en cas de préjudice, la modification des documents de copropriété…tout ceci pouvant nécessiter plusieurs votes en assemblées successives.
B/ Le respect du droit de priorité de certains copropriétaires
10457 En contrepartie de la perte de la règle de l’unanimité, la loi Alur a consenti un droit de priorité à certains des copropriétaires de la résidence. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2019832, seuls « les copropriétaires de locaux situés, en tout ou partie, sous la surélévation projetée » bénéficient de ce droit.
Ce texte vient ainsi réparer une faiblesse rédactionnelle de la loi Alur qui avait alors institué ledit droit de priorité au profit de « tous les copropriétaires de l’étage supérieur du bâtiment à surélever ». Cette rédaction avait alors suscité beaucoup d’interrogations en doctrine quant à sa mise en œuvre833.
Bien que cette correction rédactionnelle soit la bienvenue, elle ne résout toutefois pas la problématique qui peut se présenter dans l’hypothèse qui nous intéresse de la surélévation par étage entier. Dans cette situation, en effet, il sera probable que certains copropriétaires puissent entrer en concurrence. Dès lors, doit-on donner la priorité au premier copropriétaire se manifestant, doit-on procéder par tirage au sort, doit-on donner priorité à celui qui réaliserait l’acquisition sans emprunt et peut-on accepter une surenchère ? La doctrine est partagée sur ce point et aucune jurisprudence n’a été rendue en la matière. Aussi, à titre de règle pratique, l’on ne peut que conseiller, dès le vote adoptant la décision de procéder à la surélévation, de fixer les règles d’attribution en cas de concurrence.
Il appartiendra au syndic de procéder à ladite notification au profit des copropriétaires concernés, préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plusieurs lots, en indiquant le prix et les conditions de la vente. Cette notification vaut alors offre de vente pour une durée de deux mois. Le praticien devra veiller attentivement, préalablement à la conclusion de l’acte authentique de vente, que la purge du droit de priorité a bien été réalisée dans le respect des règles de fond et de forme.
C/ La nécessité de modifier les documents de copropriété
10458 Parce que génératrice de nouveaux lots privatifs, la surélévation nécessitera de modifier le règlement de copropriété et son état descriptif de division.
Il devra tout d’abord être procédé à une modification de la répartition des charges. Pour cela, l’article 11, alinéa 1er de la loi de 1965 prévoit que cette modification est adoptée à la même majorité que celle de la décision la rendant nécessaire834.
S’agissant de la répartition des tantièmes, le principe est que celle-ci est intangible sauf recours à l’unanimité, du fait de son caractère contractuel. Face au silence des textes relativement à la surélévation, la doctrine considère unanimement que cette modification doit pouvoir l’être également à la double majorité de l’article 26 ; la solution inverse étant contraire à la volonté de promotion des opérations de surélévation.

§ II – La surélévation à l’initiative du syndicat des copropriétaires : source d’incertitude et d’inquiétude

10459 La décision par le syndicat des copropriétaires d’opérer par lui-même l’opération de surélévation doit être prise avec beaucoup de circonspection tant au regard des conséquences sur son financement (A), qu’au titre des responsabilités qu’elle peut lui faire endosser (B).
A/ Le financement de l’opération de surélévation
10460 Dans l’hypothèse où le syndicat des copropriétaires se déciderait à engager par lui-même l’opération de surélévation, il devra bien évidemment en assumer la charge financière jusqu’à l’achèvement des travaux. Pour ce faire, il est probable que la copropriété doive alors recourir à l’emprunt.
Si tel est le cas, cet emprunt entrera-t-il dans le champ d’application de l’article 26-4 de la loi de 1965 issu de la loi no 2012-387 du 22 mars 2012 (dite loi Warsmann) ?
La doctrine est incertaine sur ce sujet. Toutefois pour le professeur émérite Daniel Tomasin835, le fait que cet article soit d’ordre public nécessite une appréciation stricte de son champ d’application. La surélévation n’étant pas évoquée par cet article, elle ne devrait pas y être soumis.
Rappelons que cet article en son alinéa premier pose le principe de la nécessité de recourir à un vote à l’unanimité en cas de prêt souscrit au nom du syndicat des copropriétaires pour le financement notamment de travaux concernant les parties communes. Son troisième alinéa tempère cette règle en retournant à la majorité qui aura été requise pour le vote de la décision ayant nécessité l’emprunt836 dès lors que l’emprunt souscrit au nom du syndicat ne profitera qu’aux seuls copropriétaires décidant d’y participer.
B/ Le syndicat des copropriétaires : maître de l’ouvrage
10461 La réalisation de l’opération de surélévation par le syndicat des copropriétaires lui confère nécessairement la qualité de maître de l’ouvrage jusqu’à la vente des lots créés avec les conséquences s’y rapportant.
I/ Lors de la réalisation des travaux
10462 Devant la complexité pluridisciplinaire d’une surélévation, il sera recommandé au syndicat de recourir à un contrat de promotion immobilière ou de délégation de maîtrise d’ouvrage, plutôt qu’à des contrats d’entreprise avec les différents intervenants.
Cela permettra au syndicat de déléguer la charge de la régularisation des différents contrats, formalités et assurances nécessaires à la bonne réalisation des travaux.
II/ Lors de la vente des lots
10463 Du fait de sa qualité de constructeur-vendeur, le syndicat devra garantir les acquéreurs des nouveaux lots notamment au titre des articles 1792 et suivants du Code civil. Il devra donc être en possession d’une assurance tant décennale que dommages-ouvrage.
Notons que pour Vivien Zalewski-Sicard, le syndicat pourrait recourir à la vente des lots créés avant leur achèvement, au moyen de Vefa relevant donc du secteur protégé. Le syndicat devrait alors répondre aux obligations pesant sur les vendeurs d’immeuble à construire ; ce qui pourra être lourd de conséquences pour lui837.
Dans la théorie, la surélévation par le syndicat des copropriétaires est tout à fait réalisable. Toutefois, en pratique, les copropriétaires préféreront certainement s’abstenir de réaliser par eux-mêmes l’opération devant la complexité et les risques encourus.
Dès lors, la seconde option qui s’ouvre à une copropriété pour opérer sa valorisation au travers d’une opération de surélévation en est la cession dudit droit à un tiers opérateur.

Sous-section II – La cession du droit de surélévation et sa réalisation par un tiers

10464 En pratique, le plus souvent la réalisation des opérations de surélévation en copropriété est effectuée par un tiers à qui le syndicat a cédé le droit correspondant. L’initiative de la recherche d’un cessionnaire peut parfois émaner de la copropriété elle-même lorsque celle-ci est en recherche d’une source de financement en vue de réaliser des travaux importants dans le bâtiment (rénovation énergétique, réfection des communs…) et que les copropriétaires n’ont pas les ressources suffisantes pour y faire face. Cependant la plupart du temps, c’est la copropriété elle-même qui sera approchée par un opérateur tiers qui aura identifié le potentiel de l’immeuble en vue de réaliser une telle opération (construction en dent creuse ou en décrochement, immeuble d’angle…).
10465 La faculté de cession du droit de surélévation, lorsque celui-ci n’a pas déjà au préalable été privatisé ou réservé, est reconnue par l’article 35, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.
Rappelons que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Alur (27 mars 2014), la cession du droit de surélévation nécessitait d’une part la double majorité de l’article 26 mais surtout « l’accord des copropriétaires de l’étage supérieur ». Ces derniers bénéficiaient donc de facto d’un droit de veto ; lequel était identifié comme le principal frein à la réalisation d’une telle cession. Ceux-ci étant les plus exposés aux désagréments d’une surélévation, ils étaient en effet peu enclins à accepter une telle cession, malgré leur droit à indemnisation reconnu par l’article 36 de la loi de 1965.
Désormais, à l’instar de la réalisation de la surélévation par le syndicat des copropriétaires, l’assemblée devant statuer sur l’aliénation dudit droit continue à devoir se prononcer à la double majorité de l’article 26 mais avec le recours possible à la passerelle de l’article 26-1.
En outre, les copropriétaires des locaux situés, en tout ou partie, sous la surélévation projetée bénéficieront du même droit de priorité838. La suppression du droit de veto des copropriétaires de l’étage supérieur marque un tournant majeur dans l’efficience du recours à la surélévation en copropriété839.
Malgré tout, l’aliénation du droit de surélévation n’est pas identique en tous points à l’hypothèse de sa réalisation par le syndicat. Cette cession comporte des éléments spécifiques au titre des règles de vote pour son adoption (§ I), de l’outil juridique support à cette aliénation (§ II) et de la contrepartie à cette aliénation (§ III).

§ I – Les règles de vote spécifiques à l’aliénation du droit de surélévation

10466 Deux règles spécifiques sont prévues pour des cas particuliers. L’une prévoyant un allègement de la majorité requise (A), l’autre édictant une nécessaire confirmation de la décision de cession (B).
A/ L’allègement de la majorité requise
10467 Comme indiqué, le principe est que l’assemblée devant statuer sur la cession du droit de surélévation doit se prononcer à la double majorité de l’article 26 et à défaut celle de l’article 26-1.
Cependant le troisième alinéa de l’article 35 de la loi de 1965 allège cette majorité « lorsque le bâtiment est situé dans le périmètre sur lequel est institué un droit de préemption urbain en application de l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme ». Dans ce cas, le vote relatif à l’aliénation ne nécessitera « plus » que « la majorité des voix de tous les copropriétaires »840.
10468 On notera que le texte exige donc la majorité équivalente à celle prévue par l’article 25 de loi de 1965 mais sans y faire référence, ni renvoi. Dès lors, on peut légitiment s’interroger sur le fait de savoir si le recours à la passerelle de l’article 25-1 est autorisé depuis l’ordonnance du 30 octobre 2019841 ?
La doctrine semble partagée sur ce point842. Pour notre part, nous nous rallierons à la doctrine favorable au recours à ladite passerelle sur la base de trois arguments :
En premier lieu, on peut relever que le rapport fait au président de la République sur l’ordonnance du 30 octobre 2019 cite expressément la surélévation comme devant profiter de la passerelle : « Pour favoriser la prise de décision et lutter contre les effets néfastes de l’abstentionnisme au sein des copropriétés, cette procédure de la passerelle est désormais étendue à toutes les décisions relevant de la majorité absolue de l’article 25. Elle sera ainsi applicable (…) à la décision d’aliéner le droit de surélever un bâtiment se situant dans le périmètre d’un droit de préemption urbain (art. 35) »843.
En deuxième lieu, la décision de céder le droit de surélévation étant justement une décision importante, les copropriétaires non présents à cette assemblée et n’ayant pas donné pouvoir ou voté par correspondance ne doivent pas pouvoir, du seul fait de leur absence, faire échec à une telle décision. Leur absence pouvant justement être un marqueur de leur désintérêt pour la vie de la copropriété.
En dernier lieu, dans la lignée d’Agnès Lebatteux, on peut relever que l’article 25-1 est désormais rédigé comme suit : « Lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires, en application de l’article 25 ou d’une autre disposition (…) ». Cet ajout rédactionnel par l’ordonnance du 30 octobre 2019 a justement pour objet de permettre de recourir à la passerelle de l’article 25-1 pour les votes d’une décision qui ne figure pas à l’article 25 ou qui n’y renvoi pas expressément ; à l’instar de la cession du droit de surélévation.
B/ La nécessité d’un vote confirmatif en cas de pluralité de bâtiments
10469 Lorsque la copropriété comporte plusieurs bâtiments, un vote de confirmation de la décision d’aliéner le droit de surélévation est requis par une assemblée spéciale des copropriétaires des lots composant le bâtiment à surélever844.
Ce vote est effectué par principe à la double majorité de l’article 26, réduite à celle de la majorité des voix des copropriétaires concernés dans le cas prévu au I/.
Il pourra également être fait usage de la passerelle de l’article 26-1 et, par parallélisme, le cas échéant de celle de l’article 25-1.
Une fois la décision de céder le droit de surélévation adoptée, il conviendra alors de matérialiser son effectivité.

§ II – La matérialisation juridique de la cession du droit de surélever : le lot transitoire

10470 De création prétorienne, le lot transitoire a depuis fait l’objet d’une reconnaissance législative au travers de la loi Elan de 2018 par l’insertion à l’article 1 de la loi de 1965 de nouveaux alinéas 3 et 4 : « Ce lot peut être un lot transitoire. Il est alors formé d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes »845, puis « la création et la consistance du lot transitoire sont stipulées dans le règlement de copropriété ».
La création du lot transitoire constitue la traduction juridique de la cession du droit de surélévation. En effet, ce nouveau lot privatif qui sera créé comportera l’identification des éléments de la surélévation à réaliser, auxquels sera rattachée une quote-part de parties communes.
Des débats doctrinaux sont apparus sur le degré de précision du lot privatif rendu nécessaire par le texte de l’alinéa 3. Il semble que ledit lot doit au moins préciser : l’enveloppe et le périmètre dans lequel doit s’inscrire la construction ; le nombre de bâtiment s’il y a lieu et la surface de plancher maximale846. Dans notre cas d’espèce, le lot transitoire à créer pour la surélévation ne présentera pas les mêmes contraintes qu’un lot transitoire créé lors de la construction de la résidence. En effet, la description du lot transitoire s’appuiera sur le projet tel qu’il aura été réalisé par son opérateur et qui aura été validé par l’assemblée générale.
10471 Le praticien fera attention, lors de la modification des documents de copropriété, de ne pas s’arrêter à la seule modification de l’état descriptif de division mais s’assurera que le lot transitoire est également inséré au règlement de copropriété, en application de l’alinéa 4 de l’article 1 de la loi de 1965.
Une fois ce lot transitoire créé et inséré dans les documents de copropriété, son titulaire pourra alors réaliser les travaux de surélévation correspondants sans avoir à recourir à une nouvelle autorisation de la copropriété.

§ III – La contrepartie à la cession du droit de surélévation

10472 Il est bien évident que la cession du droit de surélévation ne sera pas consentie sans contrepartie847.
Le plus souvent, la contrepartie sera constituée du versement d’une somme par le cessionnaire ; ladite somme revenant alors aux copropriétaires et distribuée entre eux proportionnellement à leurs tantièmes, le cas échéant après déduction des sommes exigibles par le syndicat à l’encontre de chaque copropriétaire848.
10473 Toutefois, comme évoqué, la cession du droit de surélévation sera le plus souvent réalisée pour permettre de financer des travaux de rénovation et/ou d’amélioration du bâtiment. Dans ce cas, il est tout à fait possible que l’assemblée générale décide d’affecter tout ou partie du prix perçu à la réalisation desdits travaux. Cependant, la copropriété pourrait aussi préférer demander à l’opérateur de convertir son obligation de paiement du prix en la réalisation de travaux (ajout d’un ascenseur, rénovation de la chaudière, des menuiseries, isolation, embellissement des communs…) voire en la livraison de nouveaux locaux communs.
Pour la plupart de la doctrine cette possibilité est tout à fait envisageable849. Nous pouvons d’ailleurs relever que la Cour de cassation est allée en ce sens aux termes d’un arrêt du 28 mai 2020850.
Un auteur prend cependant le parti inverse. Il considère qu’il est impossible d’opérer tant une dation qu’une novation de l’obligation de paiement de l’acquéreur et que la contrepartie de la cession consiste nécessairement en une somme d’argent. Il appuie son analyse sur la rédaction de l’article 16-1, alinéa 2 de la loi de 1965 issue de l’ordonnance du 30 octobre 2019, à savoir : « La part du prix revenant à chaque copropriétaire lui est remise directement par le syndic, après déduction des sommes exigibles par le syndicat des copropriétaires ». Cet ajout rédactionnel serait pour lui un obstacle à ce que le paiement du prix fasse l’objet d’une dation ou d’une novation851.
Que ce soit sous la forme d’une réalisation aux mains du syndicat des copropriétaires ou par un tiers, la surélévation reste une opération complexe qui peut se heurter à certains écueils, parfois insurmontables

Section III – Les écueils de la surélévation

10474 Les écueils auxquels peut être confronté un projet de surélévation relèvent le plus souvent de l’application d’une règle de droit privé liée à une servitude (Sous-section I). Par ailleurs, l’auteur de la surélévation, en ce qu’il va modifier l’essence même du bâtiment existant, devra se prémunir contre un certain nombre de risques (Sous-section II).

Sous-section I – Surélévation et servitudes

10475 L’existence d’une servitude pourra parfois rendre le projet de surélévation impossible (§ I) et parfois le compliquer (§ II).

§ I – Les servitudes empêchant la surélévation

10476 Le praticien sollicité pour la réalisation d’une opération de surélévation devra prendre garde à ce que le bâtiment support ne fasse pas l’objet d’une servitude non aedificandi ou non altius tollendi.
Dans le premier cas, le projet de surélévation s’avèrera impossible, sauf convention pour parvenir à sa suppression. Dans le second, il pourra l’être s’il dépasse la hauteur prévue par la servitude. Il convient à cet égard de rappeler que ces servitudes sont continues mais non apparentes. Elles ne peuvent donc résulter que d’un titre.
Une attention particulière devra être portée dans le cas où le bâtiment dépend d’un lotissement ou d’une ZAC. Une lecture attentive des cahiers des charges devra être opérée pour s’assurer qu’ils ne renferment pas une disposition interdisant un tel projet.

§ II – La servitude compliquant la surélévation : la mitoyenneté

10477 Rappelons que les opérations de surélévation s’orienteront certainement dans un premier temps à la « récupération » des dents creuses en territoire urbain. Cela signifie implicitement que le bâtiment à surélever sera encadré par les immeubles de plus grande hauteur. Dès lors, en application des règles du Code civil et le cas échéant des règles de coutume, les murs des immeubles contigus dépassant l’héberge de l’immeuble à surélever leur seront privatifs.
Dans cette situation, l’opérateur de la surélévation devra prendre soin de ne pas s’accrocher à ces murs si les techniques de construction mises en œuvre le permettent. À défaut, il devra alors conclure une convention de rachat de mitoyenneté ou faire usage de la cession forcée de mitoyenneté de l’article 661 du Code civil. Malgré tout, ces contraintes auront des répercussions financières et temporelles sur le projet que l’opérateur ne voudra ou ne pourra pas supporter.
Au-delà de ces complications juridiques pouvant retarder ou faire avorter un projet de surélévation, son opérateur doit garder à l’esprit qu’une telle opération impactera le bâtiment existant, ses occupants mais aussi son entourage.

Sous-section II – La prévention et la réparation des désordres et préjudices liés à la surélévation

10478 Ces éléments peuvent se classer en deux catégories. D’une part les désordres et les préjudices subis par les copropriétaires eux-mêmes et leur voisinage (§ I). D’autre part ceux inhérents aux travaux réalisés (§ II).

§ I – Les désordres et préjudices subis par les copropriétaires et leur voisinage

10479 Pour les premiers, la loi de 1965 a instauré des dispositions particulières (A). Pour les seconds s’appliquera le droit commun de la responsabilité (B).
A/ Le droit à indemnité des copropriétaires
10480 L’article 36 de la loi de 1965 ouvre un droit spécifique à indemnisation pour un copropriétaire subissant un préjudice à l’occasion d’une opération de surélévation, dès lors que celui-ci subit une diminution définitive de la valeur du lot (perte d’ensoleillement, vue, bruit…), un trouble de jouissance grave (même temporaire) ou des dégradations852.
Ce texte prévoit que l’indemnité est à la charge de l’ensemble des copropriétaires et répartie selon la proportion initiale des droits de chacun dans les parties communes. Cela signifie donc que le copropriétaire lésé participe à sa propre indemnisation !
Lorsque l’opération de surélévation sera opérée par un tiers à la suite d’une cession de son droit par la copropriété, il sera alors prudent de convenir que toute indemnité qui serait allouée au titre de l’article 36 sera à la charge définitive dudit opérateur.
B/ La réparation du préjudice subi par le voisinage
10481 Parce que le projet de surélévation aura nécessairement un impact sur son environnement, il s’expose de facto à un risque de contestation de la part de son voisinage. Seront principalement mis en avant les désordres liés aux travaux eux-mêmes (odeur, bruit…) mais le plus souvent sera invoqué un trouble anormal de voisinage (perte d’ensoleillement, de vue…).
Sur ces sujets il reviendra au juge de déterminer si la surélévation génère ou non un tel trouble, s’il cause un préjudice et s’il existe un lien de causalité. Nous pouvons toutefois relever que l’excessivité du trouble est d’autant moins retenue que l’environnement est urbanisé.
Il paraît toutefois intéressant de citer un arrêt de la cour d’appel de Grenoble condamnant le syndicat des copropriétaires, qui avait réalisé une surélévation (illégale) sur deux niveaux, à sa démolition au motif notamment que cette surélévation masquait la vue sur la montagne d’une autre copropriété et entrainait une perte de luminosité853.
Afin de prévenir au mieux les déconvenues possibles, l’opérateur pourra alors utilement solliciter un « référé préventif ».

§ II – Les désordres causés par les travaux de surélévation

10482 Les travaux de surélévation, parce qu’ils vont emporter la création de nouveaux logements mais aussi parce qu’ils ont la particularité de s’appuyer sur de l’existant, nécessitent donc, pour l’un et l’autre, d’en faire l’analyse sur le plan du régime de la responsabilité tant au titre de la garantie décennale prévue par l’article 1792 du Code civil (A) qu’au titre des assurances obligatoires de construction des articles L. 241-1 et L. 242-1 du Code des assurances (B).
A/ Surélévation et garantie décennale
10483 La dualité spécifique à la surélévation nous amène à traiter distinctement la garantie décennale pour les travaux réalisés (I) puis relativement à l’existant (II).
I/ Garantie décennale propre aux logements créés
10484 La surélévation est génératrice de travaux de création sur de l’existant. Il s’agit alors de travaux de rénovation lourds pris au sens large. S’ils sont suffisamment conséquents (ce qui est le cas pour les travaux que nous considérons dans nos développements), ils relèvent alors de la garantie décennale comme constituant un « ouvrage immobilier ».
II/ Garantie décennale étendue à l’existant
10485 La loi du 4 janvier 1978, dite loi Spinetta, est muette sur l’extension de la garantie décennale à l’existant. Par principe donc, les désordres révélés sur l’existant postérieurement à la réalisation des travaux neufs relèvent du régime de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Cependant la jurisprudence, de manière empirique, a pu reconnaître l’extension de la garantie décennale à l’existant dans certaines situations :

les travaux neufs indissociables et indivisibles de l’existant ;

l’impossibilité de déterminer si les désordres relevés après l’exécution des travaux neufs n’ont pas pour origine exclusive l’état des existants considérés ;

l’absence d’audit préventif et approfondi de l’état de l’existant avant réalisation des travaux neufs pour s’assurer de leur compatibilité.

B/ Surélévation et assurances obligatoires de construction
10486 S’agissant des logements nouvellement créés, il va de soi que ceux-ci relèvent nécessairement de l’obligation de souscription des assurances obligatoires de construction que sont l’assurance dommages-ouvrage d’une part et l’assurance de responsabilité d’autre part. Mais qu’en est-il relativement à l’existant ?
La réponse se trouve à l’article L. 243-1-1, II du Code des assurances : « Ces obligations d’assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles ».
On conçoit donc, à la lecture de la seconde partie de l’article, que deux critères doivent être cumulativement réunis : une incorporation totale dans l’ouvrage neuf aboutissant une indivisibilité technique des deux.
Cette rédaction du texte peut donc laisser songeur quant à son applicabilité aux travaux de surélévation. La réponse paraît négative lorsque ceux-ci seront limités (par exemple l’ajout d’un étage supérieur en structure bois), elle est plus discutable lorsque la surélévation sera réalisée en matériaux lourds sur plusieurs niveaux.
Toutefois la jurisprudence la plus récente semble aller, malgré tout, vers une exclusion de cette garantie. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que des travaux d’aménagement de combles après modification de la charpente, création d’un plancher et de trois fenêtres de toit étaient exclus de ladite garantie en rejetant le pourvoi qui soutenait que la réalisation d’un ouvrage qui fait peser un risque d’effondrement à l’ensemble constitué de l’ouvrage neuf et de la structure préexistante implique une incorporation de cette dernière à celui-là854.
10487 Bien qu’indispensable à l’effort nécessaire pour la réalisation des logements de demain et portée de ses vœux par les pouvoirs publics, la surélévation reste une opération complexe par sa pluridisciplinarité, ses enjeux et ses effets. Sa réalisation nécessitera d’être accompagnée par des professionnels aguerris, au nombre desquels figurent les notaires. Reste un frein sur lesquels nous ne pourrons intervenir : le frein psychologique… Sur cet aspect, nous pouvons espérer que le recours au BIM, pour lequel nous renvoyons le lecteur à l’excellent travail du 117e Congrès des notaires de France, sera de nature à emporter la conviction des copropriétaires.

806) Atelier parisien d’urbanisme (APUR), « Construire mieux et durable : Incidence de la loi Alur sur l’évolution du bâti parisien », 2014 :

807) V. La copropriété, Dalloz Action, 10e éd., 2021-2022, no 42.14.
808) V. BOI-RFPI-PVI-10-40-40, no 20.
809) Expression empruntée à Didier Mignery, dirigeant de la société Upfactor. Cette société a développé un outil numérique dénommé « Geoservices » permettant de recouper les informations cadastrales d’un immeuble, les prescriptions du PLU qui lui sont applicables et, de ce fait son potentiel de constructibilité en surélévation.
810) L. no 2014-366, 24 mars 2014, art. 158.
811) Au sens des articles R. 171-1 et suivants du Code de l’urbanisme, qui renvoient à la notion de « bâtiment à énergie positive », ce qui signifie que la construction vise à atteindre un équilibre entre sa consommation d’énergie non renouvelable et sa production d’énergie renouvelable dans les conditions fixées à l’article R. 171-4 du CCH (dispositif issu des D. no 2023-173, 8 mars 2023 et A. no TREL2228687A, 8 mars 2023).
812) C. urb, L. 151-28-3° issu de la loi no 2021-1104, 22 août 2021, art. 210, modifié par la loi no 2023-175, 10 mars 2023, art. 51.
813) « Communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l’article 232 du Code général des impôts et dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant sur la liste prévue dernier alinéa du II de l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation et dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3 du présent code ». Soit plus de 1 150 communes.
814) Cette obligation de respect de l’objet de mixité sociale a été ajoutée par la loi Elan du 23 novembre 2018.
815) Rappelons que la règle de densité est principalement liée au COS ; lequel a été supprimé dans les PLU.
816) C. urb., R. 152-5-1 (nouveau texte issu du décret no 2022-1253 du 23 décembre 2022).
817) V. sur la notion d’exemplarité environnementale, C. urb., R. 171-3 et A. no TREL2228687A, 8 mars 2023.
818) C. urb., R. 152-5-2 (nouveau texte issu du décret no 2023-173 du 8 mars 2023). Ce texte conditionne également cette dérogation à la justification de ce dépassement « par les contraintes techniques résultant de l’utilisation d’un mode de construction faisant preuve d’exemplarité environnementale et induisant, pour un nombre d’étages donné, une hauteur par étage plus importante que celle résultant d’autres modes de construction ». Il précise enfin que « cette dérogation ne permet pas l’ajout d’un étage supplémentaire par rapport à un autre mode de construction ».
819) Anciennement codifié à l’article L. 111-4-1.
820) En ce sens, une instruction gouvernementale du 28 mai 2014 donne quelques exemples de dérogations possibles au titre des règles d’ascenseur, sécurité incendie, règlementation thermique et isolation acoustique. V. NOR : ETLL 1400077C.
821) Cette exonération a été créée par l’article 42 de la quatrième loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 et reconduit pour la dernière fois par la loi de finances 2023, jusqu’au 31 décembre 2024. (L. n° 2022-1726, 30 déc. 2022, art. 7, I, 3°).
822) Sur la définition fiscale de la surélévation, V. supra nos 10436 et s.
823) Des tempéraments sont toutefois prévus par le texte.
824) L. no 2022-1726, 30 déc. 2022, art. 7, II.
825) L. no 2014-366, 24 mars 2014, art. 61.
826) L. no 2018-1021, 23 nov. 2018.
827) Ord. no 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 36.
828) L. no 65-557, 10 juil. 1965, art. 3.
829) Nous n’évoquerons pas dans les présents développements l’aliénation du droit à un copropriétaire (souvent celui du dernier étage). Cette hypothèse ne générant par principe pas de logement mais le plus souvent un simple agrandissement de l’étage supérieur, alors surélevé.
830) Majorité en nombre des copropriétaires représentant au moins les deux tiers des voix.
831) Lorsque « le projet a au moins recueilli l’approbation de la moitié des membres du syndicat des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée se prononce à la majorité des voix de tous les copropriétaires en procédant immédiatement à un second vote ».
832) Au 1er juin 2020.
833) V. 112e Congrès des notaires de France, 2016, nos 3257 et s.
834) En l’occurrence donc la double majorité de l’article 26.
835) V. D. Tomasin, Copropriété et simplification du droit : ADJI 2012, p. 329.
836) En l’occurrence la double majorité de l’article 26.
837) V. Zalewski-Sicard, Les contrats de construction adaptés à l’opération de surélévation : Dr. et ville 2014/1, p. 245 et s.
838) Ce droit de priorité a remplacé leur droit de veto depuis la loi Alur.
839) On peut en effet douter de la capacité financière des copropriétaires situés sous la surélévation à opérer, à acquérir ledit droit à la place du tiers retenu, qui sera le plus souvent un promoteur. Cela sera d’autant plus vrai que la surélévation sera conséquente.
840) Cet allègement de règle de majorité a été instauré par l’article 8 de la loi no 2009-526 du 12 mai 2009, en vigueur depuis le 14 mai 2009, dans l’esprit de simplifier la possibilité de recourir à la surélévation dans les secteurs où le besoin de logements est le plus fort.
841) Second vote à la majorité de l’article 24 (majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant votés par correspondance) lorsque le premier vote à la majorité de l’article 25 n’a pas recueilli la majorité absolue mais au minimum un tiers des voix de tous les copropriétaires.
842) Dans le sens d’un rejet de la passerelle on peut citer notamment l’ouvrage Dalloz Action, « La copropriété », éd. 2021-2022, sous l’égide de Daniel Tomasin et Pierre Capoulade au no 421-22 : « Il (le législateur) a ainsi exclu tout retour à l’article 24 par le truchement de l’article 25-1 ». Cette position s’appuie sur un avis de M. Souchet, rapporteur au Sénat estimant qu’il n’est pas « souhaitable qu’une décision aussi importante puisse être prise sur le fondement d’une simple majorité des copropriétaires présents ou représentés ».

En sens inverse on peut citer l’article d’Agnès Lebatteux, « Les dispositions de l’ordonnance n° 2019- 1101 du 30 octobre 2019 relatives aux modifications de la structure de la copropriété (syndicat secondaire, surélévation, scission) et aux copropriétés en difficulté », parue à la revue Loyers et Copropriété n° 2, févr. 2020, p. 18, n° 42 : « S’agissant tout d’abord de la surélévation en zone tendue, les dispositions de l’article 25-1 ont-elles vocation à s’appliquer ? La réponse est évidemment positive… ».
Enfin, on peut relever que les commentaires figurant respectivement sous les articles 35 et 25-1 du Code Dalloz de la copropriété sont en contradiction. Ils rejettent le recours possible à la passerelle dans le premier cas (« formulation qui condamne le jeu de l’article 25-1 ») et le valide dans le second (« désormais toutes ces formulations (dont celles sur la surélévation) permettent de bénéficier de la passerelle de majorités de l’article 25-1 »).
843) JO no 0254, 31 oct. 2019, texte no 2, NOR : JUSC1920054P.
844) Sur les incertitudes quant à la notion de pluralité de bâtiments, le lecteur peut se rapporter aux travaux du 112e Congrès des notaires de France, 2016, no 3252.
845) À l’origine, cet alinéa 3, tel qu’issu de la loi Elan mentionnait que le lot transitoire était constitué : « (…) d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser sur une surface déterminée du sol (…) ». Cette mention rédactionnelle avait permis à une partie de la doctrine de soutenir que le lot transitoire ne pouvait alors être le réceptacle d’une surélévation. L’ordonnance du 30 octobre 2019 est venue dissiper ce doute en supprimant cette mention.
846) Selon une préconisation du GRECCO.
847) Il a d’ailleurs été jugé qu’une telle cession sans contrepartie financière serait constitutive d’un abus de majorité et frappée de nullité. V. CA Paris, 19e ch. B, 9 oct. 1997 : JurisData no 1997-022718. Dans une telle hypothèse, un accord unanime de la copropriété serait alors requis.
848) L. 10 juil. 1965, art. 16-1.
849) V. notamment Zalewski-Sicard, Les contrats de construction adaptés à l’opération de surélévation : Dr. et ville 2014/1, p. 255 et s.
850) Cass. 3e civ., 28 mai 2020, no 19-13.245 : JurisData no 2020-007619.
851) V. P-E Lagraulet, AJDI 2020, p. 622. Cet auteur préconise, pour éviter tout contentieux, d’opérer distinctement la cession et la réalisation des travaux en prévoyant une compensation de créances réciproques, après déduction du prix de cession des dettes des copropriétaires à l’égard du syndicat.
852) En application de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 auquel fait renvoi l’article 36. Pour un exemple lié à une perte d’ensoleillement et des troubles sonores, V. Cass. 3e civ., 29 janv. 1997, no 94-16.714 : indemnisation.
853) CA Grenoble, 18 nov. 2008, no 06/3240 : JurisData no 2008-376312.
854) Cass, 3e civ., 25 juin 2020, no 19-15.153.
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