CGV – CGU

PARTIE III – Transformer les méthodes
Titre 1 – Accroître l’offre de logements à l’aune du ZAN
Sous-titre 1 – Le ZAN – un nouveau paradigme au service de l’optimisation

Chapitre I – La trajectoire ZAN : une nouvelle perspective

10351 – Sitôt né, sitôt critiqué. – « Le ZAN est une mesure dogmatique, technocratique, et donc inapplicable », « Il est essentiel que le Gouvernement exprime sa volonté de revoir complètement la copie, quitte à faire des aménagements législatifs. Le ZAN est-il un objectif ou une contrainte ? », « Nous contestons le caractère descendant de l’application de la loi et le peu de prise en considération des différents territoires », « On constate beaucoup d’injonctions contradictoires. Les communes sont tenues de produire du logement (notamment social), et certaines d’entre elles ne disposent pas du foncier nécessaire hors ENAF. Elles se heurtent donc à la position ferme et féroce de l’État, et cela peut avoir un effet désastreux sur la production de logements ». Telles sont les appréciations bien sévères des associations d’élus au Sénat au sujet de la ZAN, trajectoire vers le Zéro Artificialisation Nette des sols, lors d’une table ronde du 27 juillet 2022.
10352 – Mesure annoncée… – Et pourtant… la Commission européenne a bien officialisé en 2011 un objectif européen d’arrêt de « toute augmentation nette de la surface de terre occupée »719 …d’ici 2050…mais aucune directive n’en n’est sortie, à ce jour.
Alors pourquoi avoir à ce point « anticipé »720 ? Si la France n’est pas mise au banc des mauvais élèves européens en termes de données brutes d’artificialisation des sols721, elle est cependant mise au pilori lorsqu’il s’agit d’en faire le ratio au nombre d’habitants722 !
Finalement, la loi Climat et Résilience n’est-elle pas que la concrétisation d’un lent processus législatif engagé depuis plus de vingt ans ?

Loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000 (dite « loi SRU ») : instauration du principe d’équilibre entre une gestion économe des espaces agricoles, naturels et forestiers et une urbanisation limitée, au travers de l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme723.

Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite « loi Grenelle II ») : instauration de « registres comptables » dans les SCoT, impliquant la fixation d’objectifs chiffrés de limitation de la consommation de l’espace et la réalisation d’une étude de densification724. Nécessité de fixer des objectifs chiffrés de modération de la consommation d’espace dans les PADD des PLU725.

Loi no 2014-366 du 24 mars 2014 (dite « loi Alur ») : insertion de l’analyse obligatoire des capacités de densification et de mutation de l’ensemble des espaces bâtis avec exposé des mesures favorisant leur densification726.

Loi no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : objectif d’absence de perte nette de biodiversité au travers de la séquence E.R.C. (Eviter-Réduire-Compenser) prévue aux articles L. 122-3 et L. 122-6 du Code de l’environnement.

Loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 (dite « loi Elan ») : instauration de l’objectif de lutte contre l’étalement urbain au travers de l’article L. 101- 2 du Code de l’urbanisme réécrit.

Dans la droite ligne de ces évolutions successives, c’est alors « tout naturellement » que le 4 juillet 2018, le gouvernement dévoile son Plan Biodiversité et notamment son objectif 1.3 : « limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette »727. Le ZAN prend vie. Afin d’être légitimés dans leur démarche, les pouvoirs publics ont à la suite organisé la convention citoyenne pour le climat en octobre 2019 ; laquelle a rendu un rapport adopté le 21 juin 2020, dont l’objectif SL3 est : « lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain en rendant attractive la vie dans les villes et les villages »728.
On peut donc en déduire que la loi Climat et Résilience est née auréolée de l’assentiment du Peuple Français !
10353 – … opérateurs angoissés. – Ce n’est donc pas dans l’approche intellectuelle du gouvernement qu’il faut rechercher le courroux de nos élus ; eux-mêmes représentants du peuple. Nul ne peut contester la nécessité de « changer de braquet » en imposant des « résultats » au lieu de simples « objectifs ». On pourrait même se féliciter de voir ainsi les pouvoirs publics édicter une trajectoire claire qui s’impose à tous par la force de la loi.
C’est dans son approche purement quantitative, sa méthodologie et les outils729 utilisés pour y parvenir que le bât blesse selon ces élus.
Ainsi, afin d’appréhender le ZAN dans son ensemble, nous est-il nécessaire de définir ce qui se cache réellement derrière cet acronyme (Section I), avant d’en étudier les implications juridiques sur les différents échelons territoriaux pour y parvenir (Section II).
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Section I – Conception juridique et temporelle du ZAN

10355 – Trois textes fondateurs. – La mécanique du ZAN repose sur trois textes fondamentaux de la loi Climat et Résilience, que sont :

1. Son texte fondateur, l’article 191 : « Afin d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date.

Ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée, dans les conditions fixées par la loi ».

2. L’article 192 qui :

a. Insère un 6°bis à l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme : « Dans le respect des objectifs du développement durable, l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : (…) La lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif d’absence d’artificialisation nette à terme ».

b. Créé l’article L. 101-2-1 opérant la traduction et la définition juridique des objectifs à atteindre.

3. L’article 194 qui établit la méthodologie pour y parvenir en opérant la réécriture de plusieurs articles du Code de l’urbanisme et du Code général des collectivités territoriales.

Relevons dès à présent que l’utilisation de l’acronyme « ZAN » est un abus de langage, juridiquement parlant. En effet, le texte de loi édicte non pas une « zéro artificialisation nette » mais « une absence de toute artificialisation nette ». Il serait donc plus conforme de parler « d’ATANS » plutôt de que « ZAN », même si le résultat auquel il doit être abouti reste le même730.
La loi s’efforce donc de définir ce qu’elle entend par « artificialisation nette » (Sous-section I) et fixe une échéance pour y parvenir : l’an 2050 (Sous-section II).

Sous-section I – Les notions juridiques du ZAN

10356 Ces notions juridiques sont issues de l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme, permettant ainsi d’apprécier ce que doit être « l’absence totale de toute artificialisation nette ». Il y a donc deux composantes essentielles : la première est la notion d’artificialisation (§ I), la seconde, celle d’artificialisation nette (§ II).

§ I – La notion d’artificialisation

10357 Si l’on doit parvenir à une absence de toute artificialisation nette, encore faut-il savoir ce qu’est l’artificialisation (A) et pouvoir opérer la distinction entre une surface artificialisée et une surface non artificialisée (B).
A/ Définition juridique de l’artificialisation
10358 L’artificialisation d’une surface est définie à l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».
On comprend donc que l’artificialisation ne se conçoit pas par la seule nature du sol mais au travers du processus qui va procéder à son déclassement. Aussi, si un terrain peut être artificialisé, c’est qu’à l’origine il ne l’est pas. Comment alors distinguer l’un de l’autre ?
B/ La distinction entre surfaces artificialisées et non artificialisées
10359 Celle-ci est primordiale puisque c’est à partir d’elle que devront s’appuyer les documents de planification et d’urbanisme pour parvenir à l’objectif fixé. La summa divisio résulte de la loi (I), complétée par une nomenclature établie par décret (II).
I/ La distinction législative des surfaces
10360 Pour l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme constitue une surface :

artificialisée : « une surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites » ;

non artificialisée : « une surface soit naturelle, nue ou couverte d’eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures ».

C’est donc à partir de ces définitions que devront s’appuyer les élus locaux des différents échelons territoriaux en prenant en compte des seuils de référence entre l’une et l’autre731. Pour les y aider, un décret est venu les compléter au travers d’une nomenclature.
II/ La nomenclature des surfaces
10361 Le décret no 2022-763 du 29 avril 2022 insère un article R. 101-1 au Code de l’urbanisme auquel est annexée la nomenclature des catégories de surfaces.
a) Les surfaces artificialisées

10362 Elles sont au nombre de cinq selon la nomenclature :

1. surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti (constructions, aménagements, ouvrages ou installations) ;

2. surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison d’un revêtement (artificiel, asphalté, bétonné, couvert de pavés ou de dalles) ;

3. surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux ;

4. surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont constitués de matériaux composites (couverture hétérogène et artificielle avec un mélange de matériaux non minéraux) ;

5. surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée, y compris si ces surfaces sont en chantier ou sont en état d’abandon.

b) Les surfaces non artificialisées

10363 Elles sont au nombre de trois selon la nomenclature :

1. surfaces naturelles qui sont soit nues (sable, galets, rochers, pierres ou tout autre matériau minéral, y compris les surfaces d’activités extractives de matériaux en exploitation) soit couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace ;

2. surfaces à usage de cultures, qui sont végétalisées (agriculture, sylviculture) ou en eau (pêche, aquaculture, saliculture) ;

3. surfaces naturelles ou végétalisées constituant un habitat naturel, qui n’entrent pas dans les catégories 5°, 6° et 7°.

Le décret prend également soin d’apporter plusieurs précisions :

seules les surfaces terrestres jusqu’à la limite haute du rivage de la mer sont prises en compte ;

le classement est effectué selon l’occupation effective du sol observée, et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d’urbanisme ;

l’occupation effective est mesurée à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géographique.

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§ II – La notion d’artificialisation « nette »

10365 Cette notion d’artificialisation « nette » constitue le pilier majeur de la trajectoire dessinée par la loi Climat et Résilience.
Elle s’oppose à l’artificialisation « brute » de par la définition qui en a été donnée par le législateur (A) en ce qu’elle permet de mettre en œuvre la séquence ERC (B).
A/ La définition juridique de l’artificialisation « nette »
10366 Elle est donnée par l’article L. 110-1-2 nouveau du Code de l’urbanisme comme « le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et une période donnés ».
On voit ici apparaître deux nouvelles notions que sont la « renaturation » ou « désartificialisation ». Elles-mêmes sont définies comme « des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé » au terme du même article.
Ainsi, par opposition au ZAB, le ZAN n’interdit pas qu’un terrain non artificialisé ne le devienne en 2050 dès lors qu’une compensation pourra être offerte. C’est en cela que le ZAN emprunte la séquence ERC du Code de l’environnement.
B/ La séquence ERC
10367 La séquence « Eviter-Réduire-Compenser » est un principe général du droit de l’environnement puisque figurant à l’article L. 110-1732 du Code éponyme. Elle a pour objet la protection contre les atteintes à la biodiversité.
Transposée au ZAN cette séquence peut, par exemple, se dérouler comme suit :
1°) Éviter. L’évitement consistera en l’absence d’artificialisation nouvelle qui pourra se traduire notamment par :

la surélévation ;

la reconversion du bâti existant (transformation d’immeubles tertiaires en logements) ;

la mobilisation des logements vacants.

2°) Réduire. La réduction pourra s’opérer par :

l’optimisation foncière (BIMBY) ;

la restriction des nouvelles zones constructibles ;

la densification dans les formes d’urbanisation.

3°) Compenser. La compensation consistera en la renaturation ou la désartificialisation telles que nous venons de les évoquer. Elle pourra par exemple s’inscrire dans la reconquête des friches733.
À n’en pas douter, cette dernière partie de la séquence est certainement celle la plus controversée, difficile à engager et coûteuse à mettre en œuvre. Elle devra nécessairement s’accompagner d’une politique publique d’accompagnement d’envergure734.
Les notions juridiques du ZAN étant ainsi appréhendées, il convient désormais d’étudier son échéancier.

Sous-section II – La temporalité du ZAN à l’horizon 2050

10368 – Deux périodes successives. – Parce qu’elle est ambitieuse, qu’elle nécessite la mise en place de nouveaux outils et une modification profonde des documents de planification et d’urbanisme, la trajectoire ZAN est scindée en deux grandes périodes.
La première est transitoire, pour la décennie en cours (2021-2031) (§ I). La seconde consistera en la mise en œuvre effective de la trajectoire permettant d’aboutir à l’absence de toute artificialisation des sols d’ici 2050 (§ II).

§ I – La période transitoire (2021-2031) : la mesure de consommation d’ENAF

10369 Sans s’en être forcément rendus compte, nous sommes entrés depuis 2021 dans la phase transitoire du ZAN et ce jusqu’au 22 août 2031. En effet rappelons que l’article 191 de la loi Climat et Résilience édicte : « le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date ».
10370 Ayant pris la mesure des enjeux qu’implique la trajectoire ZAN à chaque échelon territorial et de la nécessité de disposer d’outils d’identification et de mesure nationalement approuvés suffisamment précis, les pouvoirs publics ont fixé pour objectif à notre décennie la réduction de moitié du rythme de consommation réelle des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) par rapport aux dix dernières années.
En effet, l’État n’est pas à ce jour en mesure de proposer un outil suffisamment précis et nationalement approuvé permettant d’analyser l’artificialisation telle qu’entendue par le texte. De surcroît chaque échelon territorial a pu appréhender depuis plusieurs années son propre système de mesure. Dans l’attente donc d’un outil unique et national d’identification et de mesure, le législateur s’est reporté sur la notion d’ENAF qui est, elle, d’ores et déjà connue735.
10371 En clair : de 2021 à 2031 il n’y a pas lieu de parler de mesure de l’artificialisation de sols mais de la mesure de consommation d’espaces NAF.
La consommation d’ENAF (ou espaces NAF) est entendue comme la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné736. À cet effet, il a été créé un « Observatoire de l’artificialisation des sols », qui a publié pour la première fois en juillet 2022 ses données pour les années 2009 à 2021, accessibles sur un site en ligne737.
À ce jour le site propose plusieurs données relatives à la consommation d’espace mais le pastillage s’arrête à l’échelon territorial de la commune. Par exemple, la ville du Mans a consommé, entre 2009 et 2021, 1 007 700 m² de nouvelles surfaces, dont 673 628 m² pour l’habitat. Par rapport à l’augmentation de la population sur la période 2013/2018, cela représente une réduction de 294,46 m² / habitant supplémentaire. On constate donc une densification sur le territoire au titre de la période considérée. Si l’on s’en tient à la période transitoire en cours, la commune du Mans devrait parvenir au 22 août 2031 à une consommation d’espaces réduite à 503 850 m².
On peut lire ci-après in extenso le « Flash relatif aux apports de la loi Climat et Résilience dans la lutte contre l’artificialisation des sols » ( Ministère de la Transition écologique, janv. 2022, p. 4 ) :
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§ II – L’application de la trajectoire ZAN (2031-2050) : la mesure de l’artificialisation

10372 Passée cette période de « rodage » la mesure « simplifiée » de consommation d’espaces NAF cèdera la place à celle de l’artificialisation, axe réel de la trajectoire ZAN.
Cette période s’étalant de 2031 à 2050 se scindera elle-même en deux temps successifs, le premier du 23 août 2031 au 22 août 2041, le second allant jusqu’au 22 août 2050. Sur chacune de ces deux phases devra à nouveau être défini un rythme de réduction de l’artificialisation propre à aboutir au ZAN (ou ATANS) en 2050.
Pour y parvenir, il sera fait application :

1. De la nomenclature des sols artificialisés telle qu’étudiée ci-avant, issue du décret du 29 avril 2022, sauf évolution de ce texte d’ici 2031.

2. D’un nouvel outil de mesure de l’artificialisation des sols dénommé référentiel d’occupation du sol à grande échelle (OCS GE) qui devrait être opérationnel à l’échelle national d’ici 2024738.

Cependant, outre la nomenclature et le référentiel, la mise en application de la trajectoire ZAN à compter de 2031 nécessite une révision profonde des documents de planification et d’urbanisme à chaque échelon du territoire ; ce qui explique également l’actuelle période transitoire.

Section II – L’intégration de la trajectoire ZAN dans les documents territoriaux de planification et d’urbanisme

10373 La stratégie mise en place par le gouvernement pour assurer l’effectivité de l’application de la trajectoire ZAN par les acteurs territoriaux est connue et efficace : l’irrigation descendante et successive de la norme depuis l’échelon territorial le plus large (la région au travers du SRADDET) (Sous-section I), en passant par l’échelon intermédiaire (s’il existe, le SCoT) (Sous-section II), pour arriver jusqu’à l’échelon local des PLU, PLUi ou cartes communales (Sous-section III).
Cette méthodologie est parfaitement fondée puisque le ZAN implique que sa trajectoire soit appliquée de manière différenciée et territorialisée739.

Sous-section I – L’échelon régional – le SRADDET, « chef d’orchestre » de la « zanification »

10374 La trajectoire ZAN étant nationale, il est tout à fait cohérent de s’appuyer en premier lieu sur un document de planification applicable sur l’ensemble de son territoire : le SRADDET.
Un décret du 29 avril 2022740 a précisé les modalités d’utilisation des SRADDET dans leur participation au ZAN et leur portée normative à l’égard des documents infrarégionaux (SCoT ou, à défaut, PLU). Ce texte invite à la révision des SRADDET pour y intégrer les objectifs ZAN d’après les critères dégagés par la Conférence des SCoT741.
10375

Sous-section II – L’échelon infrarégional – le SCoT

10376 – Modalités de prise en compte de l’objectif. – Le Schéma de cohérence territoriale, lorsqu’il existe, constituera le document support servant de lien entre les objectifs fixés par le SRADDET de la région et les normes devant être édictées dans les documents locaux d’urbanisme.
Il s’appuiera en cela d’une part sur le PAS (projet d’aménagement stratégique) qui fixera l’objectif de réduction du rythme d’artificialisation de chaque PLU, et, d’autre part, sur le DOO (document d’orientation et d’objectifs) qui pourra décliner les objectifs du PAS par secteur géographique selon les situations particulières énoncées à l’article L. 141-8 du Code de l’urbanisme. Les PLU étant soumis à un rapport de comptabilité avec le DOO, il aura donc valeur contraignante à leur égard.
Délai imparti et sanctions. Par principe les SCoT devront avoir intégré la trajectoire ZAN au plus tard le 22 août 2026744, soit 18 mois après les SRADDET au moyen d’une procédure de modification, le cas échéant simplifiée. À défaut, sur certains territoires, il ne pourra plus être prévu d’ouverture à l’urbanisation745.

Sous-section III – L’échelon local – les PLU, PLUi et cartes communales

10377 – Modalités de prise en compte de l’objectif. – Le dernier échelon territorial impacté par la trajectoire ZAN sera celui de la commune. Leurs PLU, PLUi ou cartes devront être modifiés ou révisés afin d’être rendus compatibles soit avec les objectifs du SCoT s’il existe, ou à défaut, directement avec ceux du SRADDET. Cela s’effectuera au travers d’objectifs chiffrés définis au sein de leurs PADD (projet d’aménagement et de développement durable).
10378 Notons que le PADD, pour justifier de l’ouverture à l’urbanisation d’un nouvel espace NAF, sera soumis à la condition de réaliser une étude établissant que la capacité d’utiliser les espaces déjà urbanisés est déjà mobilisée au travers de leur densification, des locaux vacants et des friches746.
– Délai imparti et sanctions. – Les documents locaux d’urbanisme devront avoir été « zanifiés » au plus tard le 22 août 2027, soit douze mois après le SCoT s’il existe747. À défaut, plus aucune autorisation d’urbanisme ne pourra être délivrée dans les zones à urbaniser des PLU/PLUi ou secteurs dits constructibles des cartes communales, jusqu’à l’entrée en vigueur du document rendu compatible.
Le suivi du ZAN. Enfin, l’article L. 223-1 du Code général des collectivités territoriales, instauré par la loi Climat et Résilience, impose aux communes ou EPCI de rendre un rapport et de tenir un débat tous les trois ans pour rendre compte de leurs efforts en matière de limitation de l’artificialisation et des résultats obtenus.
10379 – Observations conclusives. – Le ZAN est désormais une réalité qui doit s’ancrer définitivement dans la gestion urbanistique du territoire. La mécanique étant mise en place et lancée, il ne peut, en principe, y avoir de retour en arrière748, comme l’a indiqué, le 13 septembre 2022, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires749. S’il admet la nécessité de revoir l’écriture de certaines dispositions des décrets, le calendrier restera, selon lui, inchangé750.
L’effet « d’onde de choc » créé par la loi était souhaitable et nécessaire, même si, à n’en pas douter, un rééquilibrage dans sa mise en application interviendra nécessairement en concertation avec les élus locaux751.
C’est d’ailleurs en ce sens que le même jour (14 décembre 2022), à la fois l’Association des Maires de France (AMF) éditait un recueil de vingt propositions pour la mise en œuvre du ZAN752 et la mission sénatoriale conjointe de contrôle de la mise en application du ZAN remettait une proposition de loi visant à l’en faciliter753 ; proposition de loi depuis adoptée en première lecture au Sénat et en cours de lecture à l’Assemblée nationale à l’heure où nous mettons sous presse.
Le ZAN est indubitablement un beau roman, qui n’en est pour l’instant qu’à ses premiers chapitres. Il inspirera néanmoins nos’ prochains développements, relatifs aux outils permettant la production de logements.

719) Principe du « No Land Take » de la feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources (Rec. CE, 2011).
720) Aucun autre État membre de l’Union européenne n’a institué de mesures équivalentes à la France.
721) La France a un taux d’artificialisation de 5,6 %. En comparaison, le Royaume-Uni a un taux de 6,4 %, l’Allemagne de 7,6 %, la Belgique de 11,7 % et les Pays-Bas de 12,6 % (source Eurostat, base 2018.)
722) Ainsi, chaque Français occuperait en moyenne, au sol, 470 m² de terres artificialisées soit 15 % de plus qu’un allemand, 57 % de plus qu’un Britannique et 80 % de plus qu’un Italien (ibid).
723) Alors C. urb., art. L. 121-1.
724) C. urb., art. L. 122-5, anc.
725) C. urb., art. L. 151-5, alors codifié sous art. L. 123-1-3.
726) C. urb., art. L. 151-4.
729) « La problématique de l’objectif ZAN, c’est que, en l’état actuel des textes, il manque d’une approche territorialisée mettant en exergue les efforts déjà réalisés par certains territoires, les besoins spécifiques par territoire et in fine la forme que doivent prendre l’urbanisation et le foncier pour répondre à ces besoins. L’objectif est très vertical, les masses de chiffres brassées très générales et le concept même uniformise la démarche sans s’attacher au contexte » : CITY Linked, Voyage en ziZANie, nov. 2022, p. 181.
730) Par confort rédactionnel, nous continuerons donc à utiliser le terme de ZAN plutôt que celui d’ATANS.
731) Ces seuils doivent faire l’objet d’un arrêté ministériel, non encore paru à ce jour.
732) Cette notion a été introduite en droit français par la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature puis renforcée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
733) V. no 10074.
734) Ainsi le fonds friches qui devait s’arrêter en 2023 a été intégré au fonds vert, d’un montant global de près de 2Md € pour l’année 2023 selon l’annonce du ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires (La gazette des communes, actualités, 10 oct. 2022).
735) L. no 2021-1104, 22 août 2021, art. 194-III.
736) L. no 2021-1104, 22 août 2021, art. 194-III, 5°.
738) Le site est déjà en ligne : https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/ocsge-acces-donnees

Il annonce que les unités minimales de cartographie sont, à date, de 200 m2 pour le bâti et de 500 m2 pour le reste en zone urbaine. À mettre donc en perspective avec l’échelon « communal » pour la période transitoire actuelle.
739) L. Climat et Résilience, art. 191.
740) D. no 2022-762, 29 avr. 2022.
741) Dans un langage courant (chez les urbanistes) on parle ainsi de SRADDET « évolués » ou « zanifiés » comme on parlait autrefois de PLU « alurisés ».
742) C. urb., art. R. 4251-3.
743) Création de l’article R. 4251-8-1 par l’article 5 du décret du 29 avril 2022.
744) Avec dérogation de report au 22 août 2032 pour certains SCoT : L. Climat et Résilience, art. 194, IV, 10°.
745) Zones AU des PLU ou PLUi délimitées après le 1er juillet 2022 et zones ENAF ; secteurs non constructibles des cartes communales et secteurs hors partie urbanisée du RNU.
746) C. urb., art. L. 151-5.
747) La même règle dérogatoire de report au 22 août 2032 des SCoT est applicable pour les documents d’urbanismes communaux.
748) ’Nous notons toutefois que l’Association des Maires de France (AMF) a déféré au Conseil d’État les deux décrets du 29 avril 2022. À l’heure où nous mettons sous presse, le Conseil n’a pas encore rendu son arrêt.
749) Propos renouvelés depuis.
750) Relevons tout de même que ce dernier a émis une circulaire ministérielle le 4 août 2022 à l’attention des préfets aux termes de laquelle il leur enjoint « d’attendre les résultats de la concertation entre les collectivités avant d’appliquer la réforme relative à la réduction de moitié de la consommation d’ENAF au niveau national ». Cela se traduit par le fait que les préfets doivent « veiller à ne pas imposer dès à présent une réduction de moitié des ENAF de manière uniforme dans tous les documents qui entrent dans des procédures de modification ou de révision ».
751) « La verticalité de la rédaction et l’inadaptabilité du texte à des contextes territoriaux éclectiques fera certainement et rapidement la place à une horizontalité effective et une concertation plus large pour mettre en application de manière cohérente ce sur quoi tout le monde semble être d’accord et partie prenante » : Voyage en ziZANie, préc.
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