CGV – CGU

PARTIE I – Définir les objectifs
Titre 2 – Concrétiser les politiques publiques du logement
Sous-titre 1 – La production de logements par la mobilisation du patrimoine

Chapitre I – Des outils d’appropriation publique en faveur du logement

10037 La production de logements suppose l’appropriation des immeubles sur lesquels les logements seront réalisés. Le foncier étant une ressource finie, à l’heure de l’objectif ZAN l’appropriation suppose de favoriser le recyclage, la réhabilitation des immeubles existants, et cet enjeu est devenu cruciale pour la production de logements. Aussi, aux outils classiques d’acquisition préférentielle permettant d’accroître le patrimoine en faveur du logement (Section I) sont désormais associés des dispositifs favorisant le développement des projets sur des terrains ou immeubles déjà détenus (Section II).

Section I – L’accroissement du patrimoine en faveur du logement

10038 Afin d’encourager l’offre de logements sur leur territoire, la première question que les collectivités locales doivent se poser est celle des modalités d’appropriation du foncier à mettre en place.
Le recours à la négociation amiable, s’il est nécessairement une solution à privilégier en première intention car il permet d’élaborer une stratégie foncière notamment avec les grands propriétaires fonciers, peut toutefois s’avérer long, complexe et incertain.
10039 Par conséquent, divers outils ont été mis en place afin de favoriser l’appropriation foncière par les personnes publiques. Ces outils sont fréquemment employés pour favoriser la production immédiate de logement (Sous-section I), ou encore lorsque le projet n’est pas encore pleinement déterminé (Sous-section II).

Sous-section I – L’appropriation en faveur du logement à court terme

10040 Parmi les outils existants sont utilisés pour promouvoir une offre de logement, l’on retrouve des outils classiques (l’expropriation pour cause d’utilité publique et le droit de préemption urbain (§ I), ainsi que des mécanismes plus spécifiques (droit de priorité et décote « Duflot ») (§ II).

§ I – Les outils classiques de l’appropriation publique pouvant servir la production de logements

10041 Il s’agit ici de rappeler brièvement l’intérêt des procédures d’expropriation (A) et le de préemption urbain (B) en faveur du logement.
A/ L’expropriation en faveur du logement
10042 Le recours à l’expropriation présente de nombreux avantages pour les collectivités territoriales car il s’agit d’un moyen d’acquisition forcée du foncier et qu’il permet d’éteindre tous les droits réels et personnels existants sur les immeubles expropriés.
Pour que l’expropriation soit régulière, il faut que le recours à cette procédure soit justifié. En effet, l’expropriation ne peut être mise en œuvre que pour « cause d’utilité publique », c’est-à-dire en vue d’un but d’intérêt général.
Par principe, ce but d’intérêt général est mis en balance, depuis l’intervention de l’arrêt du Conseil d’État Ville Nouvelle Est du 28 mai 197188, avec un ensemble d’éléments extérieurs : degré d’atteinte à la propriété privée, coûts financiers, inconvénients d’ordre social, atteinte à d’autres intérêts publics. Dès lors, une opération ne peut légalement être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. C’est ainsi qu’a pu être déclaré d’utilité publique l’expropriation d’un terrain appartenant à une personne privée « en vue de la réalisation d’un parc de stationnement pour voitures et de logements dans un secteur où la circulation automobile est intense, et la capacité en logements insuffisante, [car les inconvénients] ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt public qui s’attache à la réalisation du projet »89.
10043 Plusieurs dispositifs dérogatoires prévoient une procédure d’expropriation simplifiée qui tend à favoriser la production du logement ou sa préservation, dans laquelle l’utilité publique est déjà prévue dans la loi90.
C’est notamment le cas des procédures d’expropriation engagées sur le fondement de la loi du 10 juillet 1970 dite « Vivien », tendant uniquement à la résorption de l’habitat insalubre sans autre projet, aujourd’hui codifiée dans le Code de l’expropriation91. Cette procédure permet à une collectivité publique de solliciter du préfet l’édiction d’un arrêté de déclaration d’utilité publique, dont la particularité réside dans le fait que celui-ci n’a pas à être précédé d’une enquête publique préalable, et permet de déclarer cessibles les immeubles concernés et de fixer le montant de l’indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires. Lorsqu’il agit dans ce cadre, l’expropriant est tenu d’assurer le relogement des occupants. La procédure se poursuit ensuite comme en matière d’expropriation, étant ici précisé que la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l’habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu. Par cette procédure, l’article L. 511-1 du Code de l’expropriation pose que peuvent être expropriés « [les] immeubles ayant fait l’objet d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité pris en application de l’article L. 511-11 du Code de la construction et de l’habitation et ayant prescrit la démolition ou l’interdiction définitive d’habiter », ce qui suppose que l’insalubrité soit irrémédiable.
Les textes prévoient deux conditions alternatives du caractère irrémédiable de l’insalubrité92 :

il n’existe aucun moyen technique de remédier à l’insalubrité ou à l’insécurité ;

les travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la reconstruction, étant ici précisé qu’au terme d’une jurisprudence relativement stricte, le coût de la reconstruction inclut celui de la démolition93.

À titre exceptionnel, des immeubles qui n’ont pas fait l’objet d’un tel arrêté peuvent être expropriés par cette procédure, « lorsque leur expropriation est indispensable à la démolition d’immeubles insalubres ou d’immeubles menaçant ruine, ainsi que des terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l’habitat insalubre, alors même qu’y seraient également implantés des bâtiments non insalubres ou ne menaçant pas ruine ». C’est ainsi qu’ont pu être expropriés des logements frappés par un arrêté d’insalubrité irrémédiable afin de permettre la démolition et la construction neuve de dix logements sociaux94.
10044 Une autre procédure qui peut être citée est le cas de l’état de carence du propriétaire d’un immeuble collectif à usage d’habitation qui ne peut plus assurer la conservation de l’immeuble ou la sécurité et la santé de ses occupants, prévu par les articles L. 615-6 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.
B/ Le droit de préemption urbain (DPU) en faveur du logement
10045 Le droit de préemption urbain offre d’importantes opportunités d’acquisition pour favoriser l’offre de logements (I). Ces opportunités ont été renforcés avec l’extension des personnes pouvant être délégataires du droit de préemption urbain (II).
I/ Mobilisation du cadre général en faveur de la production du logement
10046 Le droit de préemption est défini comme « la faculté conférée par la loi ou par la convention à une personne d’acquérir, de préférence à toute autre, un bien que son propriétaire se propose de céder, en se portant acquéreur de ce bien dans un délai donné, en général aux prix et conditions de la cession projetée »95.
Il existe différents types de droit de préemption pour des objets très différents. Aux côtés du droit de préemption urbain et du droit de préemption dans le cadre d’une zone d’aménagement différé, des lois successives ont prévu des dispositifs spéciaux. Notamment, la loi dite Climat du 22 août 2021, mise en œuvre sur ce point par l’ordonnance no 2022-489 du 6 avril 2022, a institué un droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte96 dans la perspective de prévenir les conséquences du recul du trait de côte sur les biens situés dans les zones exposées. L’intérêt de ce dispositif est qu’il ouvre, au profit des propriétaires concernés, un droit de délaissement leur permettant de proposer au titulaire du droit de préemption l’acquisition du bien97.
10047 Le droit de préemption urbain constitue, d’une manière générale, un outil d’aménagement urbain pour la commune ou l’EPCI compétent. Il permet d’acquérir par priorité, dans certaines zones préalablement définies, les biens mis en vente, dans le but de réaliser des opérations d’intérêt général.
10048 Le tableau ci-après présente le champ d’application matériel du droit de préemption urbain.
10049 L’autorité titulaire du droit de préemption est définie par la combinaison des articles L. 211-1 et L. 211-2 du Code de l’urbanisme. Il en ressort que :

les communes dotées d’un plan local d’urbanisme (PLU) peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur leur territoire103 ;

la compétence, en matière de PLU, d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, d’un établissement public territorial (EPT) et de la métropole de Lyon, emporte sa compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain ;

la métropole du Grand Paris est compétente de plein droit en matière de droit de préemption urbain, dans les périmètres fixés par le conseil de la métropole, pour la mise en œuvre des opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain.

Le titulaire du droit de préemption a toujours la faculté de déléguer l’exercice de ce droit à l’État, une collectivité locale, un établissement public y ayant vocation, au concessionnaire d’une opération d’aménagement104 ou à une société publique locale d’aménagement105.
10050 En toute hypothèse, afin de garantir les droits de personnes concernées par l’exercice d’un droit de préemption (vendeur / acquéreur évincé), toute décision de préemption doit être motivée. Il s’agit là d’une obligation substantielle dont la méconnaissance entache d’illégalité la décision de préemption106. Le juge administratif a pendant longtemps opéré un contrôle sévère de cette motivation, exigeant le motif d’un projet précis et préexistant. C’est la raison pour laquelle, pour neutraliser le risque d’annulation des décisions de préemption prises dans le cadre d’actions en faveur du logement, et parfois pas assez formellement motivées, la loi SRU du 13 décembre 2000 a rendu possible de procéder à une décision de préemption en se référant seulement aux dispositions de la délibération définissant le cadre des actions que la commune entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l’habitat. Par la suite, la loi ENL du 13 juillet 2006 a étendu cette possibilité, en l’absence de programme local de l’habitat, permettant de motiver une décision de préemption par référence à une délibération définissant le cadre des actions que la commune entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux. Cette possibilité exonère ainsi le titulaire du droit de préemption de justifier du caractère suffisamment précis et certain du projet qu’il entend mener grâce au bien préempté107.
Désormais, depuis l’arrêt Commune de Meung-sur-Loire du 7 mars 2008108, les exigences de la jurisprudence en termes de motivation sont différentes109. La décision de préemption doit justifier de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, mais dont la nature apparaît dans la décision de préemption.
Ainsi, une décision de préemption peut être motivée par référence à la mise en œuvre de la politique locale de l’habitat et la lutte contre l’habitat indigne, qui est l’un des objectifs visés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme.
10051 En toute hypothèse, la jurisprudence exige que la décision de préemption réponde à un « intérêt général suffisant », notamment eu égard aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière110.
C’est ainsi que le droit de préemption est beaucoup utilisé par les autorités publiques pour permettre d’augmenter l’offre de logements sur un territoire :
10052 – Limites à l’usage du droit de préemption. – La crise du logement dans certains territoires à l’attractivité sans cesse croissante a pour effet de décorréler les prix (en locatif comme en accession) des revenus des résidents permanents (V. supra, concernant le PLU ; L. Cormier, V. Vorms, « Logement : priorité aux résidents permanents ? » Terra nova, 14 avr. 2023). Si le DPU peut apporter des solutions par exemple, en permettant d’être un « pare-feu » en cas de spéculation abusive sur certains biens immobiliers (F. Vuillaume, « Droit de préemption urbain et territoires », Civitas Europa 2015/2, no 35, p. 77 – www.cairn.info/revue-civitas-europa-2015-2-page-77.htm), il ne peut résoudre cette problématique car il ne peut pas être utilisé pour exclure certains types d’acquéreur (ex. résidents secondaires, touristes) ou faire baisser les prix (TA Montreuil, 20 oct. 2011, F. c/ Cne de Saint-Ouen, req. no 1007663). Étant ici précisé que même en dehors de cette législation, la loi française et le droit de l’Union européenne empêchent de réserver l’accession à la propriété sur leur territoire aux résidents permanents (V. infra, sur les Chartes).
II/ Renforcement de la place du droit de préemption urbain dans la production du logement : extension des délégataires de ce droit
10053 Afin de favoriser la production de logements, et ce malgré les collectivités qui pourraient parfois y être opposée, les textes imposent ou permettent que le titulaire du droit de préemption change.
10054 De manière autoritaire, lorsqu’une commune fait l’objet d’un arrêté de carence au motif qu’elle ne respecte pas ses quotas de logement sociaux imposés par la loi SRU, le droit de préemption est exercé par le préfet lorsque l’aliénation porte sur un bien affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l’objet de la convention prévue à l’article L. 302-9-1 du Code de la construction et de l’habitation122. Le préfet peut ensuite déléguer ce droit, y compris sur demande motivée à la collectivité initialement compétente mais en mentionnant précisément le bien concerné, la finalité pour laquelle la préemption doit être exercée. En toutes hypothèses, les biens acquis dans ce cadre doivent être utilisés en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l’habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l’article L. 302-8 du Code de la construction et de l’habitation.
10055 Au-delà, des mécanismes de délégation particuliers sont également prévus au profit des organismes agissant en matière de logement social, dans le même but d’atteindre les quotas SRU ou encore de manière plus générale afin de favoriser la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l’habitat selon les termes de l’article L. 211-2 du Code de l’urbanisme.
Plus particulièrement, des délégations peuvent être consenties à une société d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux agréée123, à un organisme d’habitations à loyer modéré124 (Office public de l’habitat, société anonyme d’habitations à loyer modéré, société anonyme coopérative de production, société anonyme coopérative d’intérêt collectif d’habitations à loyer modéré, fondation d’habitations à loyer modéré), à un organisme de foncier solidaire pour les biens nécessaires à son activité principale125 ou à un organisme bénéficiant de l’agrément maîtrise d’ouvrage126.
Il s’en suit qu’en pratique, le DPU est un outil largement employé, tant par les collectivités locales, que par les organismes HLM ou les établissements publics fonciers, afin d’acquérir du foncier qui leur permettra de développer l’offre de logements disponibles.

§ II – Les outils spécifiques de l’appropriation en faveur de la production de logements : le droit de priorité couplé à la décote

10056 Le droit de priorité est un outil mis en place pour favoriser la circulation des biens entre personnes publiques dans un but de réalisation d’opérations portées par certaines d’entre elles (A). Couplé à un mécanisme spécifique de décote des prix de cession, il constitue un instrument particulièrement efficace pour développer l’offre de logements (B).
A/ L’acquisition préférentielle des immeubles de l’État et des personnes qui y sont rattachées par les collectivités : le droit de priorité
10057 Institué par la loi du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville128, le mécanisme du droit de priorité a été rénové par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement129, en opérant une fusion avec le droit de préemption urbain. Il accorde aux collectivités bénéficiaires du droit de préemption urbain (cf. développements précédents tant sur les titulaires que les délégataires du DPU), un droit de priorité sur tout projet de cession de certains biens appartenant à l’État, à des sociétés dont il détient la majorité du capital et à certains établissements publics, en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, d’actions ou d’opérations d’aménagement ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation de telles actions ou opérations.
À la différence du droit de préemption qui vient s’insérer dans un processus de vente déjà engagé, le droit de priorité doit en principe être purgé plus en amont, dès que la décision de mise en vente du bien est prise.
À l’instar du droit de préemption urbain, le droit de priorité peut utilement être mobilisé dans l’optique de permettre aux collectivités publiques d’encourager l’offre de logements sur leur territoire.
Il doit être mis en perspective avec le système de décote prévu au titre de la mobilisation du foncier de l’État en faveur de la production de logements.
B/ L’acquisition à des prix inférieurs à la valeur vénale des immeubles de l’État et assimilés par les collectivités : la décote « Duflot »
10058 Dans la perspective d’impulser une vraie dynamique pour relancer la construction de logements sociaux, la loi Duflot 2 du 13 janvier 2013130 a profondément remanié131 le mécanisme de vente à un prix inférieur à leur valeur vénale des immeubles de l’État, de certains de ses établissements publics et certaines de ses sociétés132, aujourd’hui dénommé par la pratique « décote Duflot » du nom de la Ministre qui porta cette réforme. Précisément, en vertu de l’article L. 3211-7 du Code général de la propriété des personnes publiques, l’État et certains de ses établissements publics et certaines de ses sociétés peuvent procéder à l’aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale – décote pouvant atteindre 100 % – lorsque ces terrains, bâtis ou non, sont destinés à la réalisation de programmes comportant majoritairement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social.
10059 La décote Duflot fut l’objet de développements exhaustifs de la part de nos confrères lors du 109e Congrès des notaires133. Elle est toutefois l’objet d’une attention spécifique de la part des pouvoirs publics et a, depuis lors, été sujette à plusieurs modifications même si les principes fondamentaux restent inchangés.
La loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, a par exemple introduit une possibilité de dérogation au délai de cinq ans, imposé pour la réalisation du programme de logement justifiant le droit à la décote, pour les cessions de terrains s’inscrivant dans une opération d’aménagement (au sens de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme) de plus de cinq hectares, après accord des ministres chargés du logement et du domaine. Pour ces opérations, la convention conclue entre le représentant de l’État dans la région et l’acquéreur peut prévoir une réalisation de l’opération par tranches échelonnées sur une durée totale supérieure à cinq ans. Selon l’étude d’impact de la loi n° 2018- 1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Elan : « Après quelques années d’application, il apparaît que le seuil de cinq hectares limitant cette possibilité de dérogation n’est pas justifié. En effet, des situations spécifiques sont également observées sur des terrains compris dans des opérations d’aménagement de moins de cinq hectares ». La loi Elan modifie ainsi les termes de l’article L. 3211-7 du CGPPP et ouvre la dérogation au délai de 5 ans à l’ensemble des cessions avec décote s’inscrivant dans une opération d’aménagement, quelle que soit la surface de l’opération.
Parallèlement, la loi Elan, renforce ce dispositif en élargissant le champ d’application de la décote aux logements faisant l’objet d’un bail réel solidaire par exemple tout en allégeant ses modalités de mise en œuvre134.
Selon le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires135, chaque année, 70 à 80 terrains sont vendus pour la construction de 6 000 à 10 000 logements avec une très forte proportion de logements sociaux. L’effort financier consenti par l’État et ses opérateurs au titre de la décote est conséquent. Sur les 71 cessions de 2019, 13 cessions ont fait l’objet de telles décotes, pour un montant total estimé à 17,7 M€. En cumulé depuis 2013, l’effort financier de l’État s’élève à 220,9 M€136.
10060 Le potentiel de la mobilisation du foncier public est important et constitue ainsi l’un des leviers indispensables pour la production de logements, notamment sociaux, même si certains relèvent une certaine complexité dans la mise en œuvre effective de la décote, notamment les modalités de calcul de cette dernière137.
Mais le foncier de l’État et de ses acteurs ne peut parfois être envisagé seul. Celui des collectivités peut également jouer un rôle décisif pour donner à certaines assiettes foncières de l’État la taille critique nécessaire à la production de logements, de commerces et d’équipements. Aussi, est-il préconisé que les rapports contractuels entre l’État et les collectivités portant sur la production de logements comportent un volet sur la mobilisation de l’ensemble du foncier public138.

Sous-section II – L’appropriation en faveur du logement à long terme : une politique de réserves foncières à favoriser ?

10061 Pour anticiper les projets d’aménagement et notamment de création de logements, le recours à la technique de la réserve foncière est particulièrement efficace. Le CEREMA constate que « La maîtrise foncière de long terme permet la maturation du programme d’aménagement, la maîtrise des dépenses de charge foncière et l’optimisation du foncier, et enfin la négociation des conditions de réalisation du programme »139.
Les réserves foncières ont été officiellement instituées par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967. En réalité, le Conseil d’État avait reconnu la possibilité de les constituer par voie d’expropriation avant même l’intervention de cette loi140.L’objectif affiché est de limiter l’effet de la spéculation immobilière (flambée des prix constatée après la Seconde Guerre mondiale) en dotant les personnes publiques de moyens permettant de maîtriser les plus-values générées par l’urbanisation et l’extension des villes. C’est la raison d’être des droits de préemption dans les ZUP141 et les ZAD142. La loi de 1967 s’inscrit dans cette même logique en offrant donc clairement la possibilité pour les collectivités, au-delà du droit de préemption, de constituer des réserves foncières143.
10062 Néanmoins, la réserve foncière reste difficile à mettre en place tant pour des raisons économiques que juridiques. Économiquement, le temps long des opérations tend en effet à augmenter le risque du portage foncier : l’évolution des coûts de construction qui déséquilibre les opérations et peut conduire à revendre le foncier en dessous de sa valeur d’acquisition ; le changement de réglementation au fil du temps peut également avoir cette conséquence, voire bloquer certains projets. Sans compter que les besoins fonciers réguliers des collectivités peuvent conduire à puiser dans le stock réservé à un grand projet d’aménagement avant que celui-ci n’ait pu voir le jour. Juridiquement, des outils existent, le droit de préemption (§ 1) et l’expropriation (§ 2), mais ils doivent être utilisés avec précaution.

§ I – Le droit de préemption pour la constitution de réserves foncières

10063 Deux types de droit de préemption peuvent être mobilisés pour constitution des réserves foncières : le droit de préemption urbain (C. urb., art. L. 211-1) et celui existant dans le cadre des zones d’aménagement différé.
A/ En matière de droit de préemption urbain
10064 La préemption pour constituer une réserve foncière doit être motivée en vue de permettre la réalisation d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme.
Historiquement, le juge exigeait l’existence d’un projet précis et certain pour que la décision de préemption soit légale et ne faisait pas cas de la spécificité des réserves foncières144. Ce contrôle sévère de la motivation d’une décision de préemption par le juge administratif le conduisait à considérer que la constitution d’une réserve foncière en vue de la réalisation ultérieure d’un équipement public ne constituait pas un projet suffisamment précis et certain correspondant à l’un des objets visés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme145. Or, comme le souligne la doctrine, la technique de réserve foncière consiste justement « dans l’acquisition préventive de terrains qui seront par la suite affectés à une opération d’aménagement », ce qui « peut laisser à supposer qu’au stade de la préemption, n’est opération n’est encore définie, si elle l’est, que de manière imprécise »146. Ce paradoxe a conduit le juge a assouplir sa jurisprudence, même avant l’évolution générale posée par l’arrêt Commune de Meung-sur-Loire147 précité qui sera transposée aux réserves foncières conditionnant la légalité d’une décision de préemption à la réalité d’un projet d’aménagement.
10065 L’évolution a consisté à exiger du titulaire de droit de préemption qu’il justifie avoir envisagé l’exécution sur le terrain préempté pour réserve foncière d’une action ou opération d’aménagement148 ; un projet devait seulement exister, même si les caractéristiques précises n’étaient pas déterminées149.
De plus, grâce à la loi SRU du 13 décembre 2000 qui admis qu’une décision de préemption puisse être motivée par référence à une délibération délimitant des périmètres dans lesquels elle décide d’intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine, une préemption pour réserve foncière à l’intérieur d’un tel périmètre peut se borner à faire référence aux dispositions de ladite délibération lorsqu’un tel renvoi permet de déterminer la nature de l’action ou de l’opération d’aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption150. Pour ce faire, selon la jurisprudence, la collectivité peut « la collectivité peut soit indiquer la nature de l’action ou de l’opération d’aménagement du programme local de l’habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d’identifier la nature de l’action ou de l’opération d’aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe »151.
10066 Au-delà de cette motivation par référence, et dans la droite ligne de la jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire de 2009, l’exercice du droit de préemption motivé par la constitution de réserves foncières, d’une part, être justifié, à la date de la décision, par la réalisation d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, et ce même si les caractéristiques précises du projet n’ont pas encore été définies à cette date, et, d’autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption152. Pour la doctrine, « la réalité de cette intention est appréciée par le juge administratif à partir de différents paramètres tenant, par exemple, à l’existence, à la date de la décision, d’une délibération de la commune exprimant sa volonté de réaliser le projet, d’études sur sa faisabilité, de la délimitation de l’emprise nécessaire audit projet ou d’une orientation d’aménagement et de programmation du PLU »153.
B/ En matière de zone d’aménagement différé
10067 En matière de zone d’aménagement différé, la motivation est historiquement beaucoup plus souple. À titre de comparaison, dans le cadre d’une zone d’intervention foncière, la décision de préemption devait correspondre à l’un des objectifs énumérés par l’article L. 221-1 du Code de l’urbanisme, à savoir l’extension d’agglomérations, l’aménagement de l’espace naturel entourant ces agglomérations et la création de villes nouvelles ou de stations de tourisme ou encore la rénovation urbaine et l’aménagement de villages154. Ainsi, en zone d’aménagement différé, même avant la jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire155, il n’était pas exigé que la décision de préemption soit justifiée par un projet précis156 ou la réalité d’un projet d’aménagement157. Grâce à la loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991, la décision de préemption pouvait se borner à faire référence aux motivations générales de l’acte créant la zone158. Cette motivation allégée nous semble justifiée par le fait que l’arrêté de création de ZAD doit, lui-même, être motivé, notamment au regard des besoins en réserves foncières et de l’aptitude des terrains concernés. Dans ce contexte, le juge procède finalement à un contrôle minimum159, de l’erreur manifeste d’appréciation conduisant à censurer les décisions qui, manifestement, ne peuvent atteindre leurs objectifs : la décision de préemption ne doit pas être dépourvue d’utilité pour atteindre les objectifs en vue desquels la zone a été créée.

§ II – La « DUP » réserve foncière

10068 L’article L. 221-1 du Code de l’urbanisme institue une déclaration d’utilité publique pour constituer des réserves foncières en vue d’une action ou d’une opération d’aménagement au sens de l’article L. 300-1. Plus précisément, aux termes de ce texte, « l’État, les collectivités locales, ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes, les établissements publics mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 324-1, les bénéficiaires des concessions d’aménagement mentionnées à l’article L. 300-4, les sociétés publiques définies à l’article L. 327-1 et les grands ports maritimes sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d’expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d’une action ou d’une opération d’aménagement répondant aux objets définis à l’article L. 300-1. ». C’est ainsi qu’a pu être déclaré d’utilité publique une expropriation d’immeubles en vue de constituer une réserve foncière dans le but de construire un ensemble d’habitation dans un îlot insalubre160..
Les conditions de recours à cette procédure imposent une vigilance accrue car, si la motivation du texte résidait indéniablement dans la lutte contre la spéculation foncière, un tel motif est insuffisant pour permettre la constitution d’une réserve foncière. Néanmoins, la jurisprudence n’impose pas la motivation par référence à un projet précis. Dès son arrêt Commune de Saint-Denis de la Réunion du 22 mai 1992161, le Conseil d’État avait validé « la constitution d’une réserve foncière en prévision de l’extension de l’agglomération… sans que la collectivité ait à justifier, dès l’engagement de cette procédure, d’un projet précis d’urbanisation ».
Dans une affaire du 21 mai 2014, à l’instar de la jurisprudence relative au droit de préemption utilisé pour constituer une telle réserve162, le juge administratif impose que la nature d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme puisse être caractérisée. Pour le Conseil d’État, il résulte du texte précité que « les personnes publiques concernées peuvent légalement acquérir des immeubles par voie d’expropriation pour constituer des réserves foncières, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle la procédure de déclaration d’utilité publique est engagée, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique fait apparaître la nature du projet envisagé, conformément aux dispositions du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique »163. Enfin, si une certaine urgence à acquérir les terrains est encore un motif de recours à la DUP simplifiée164, l’arrêt du 21 mai 2014 ne fait pas référence à ce qui a pu être considéré pendant un temps comme une condition d’utilisation de ce dispositif165. En tout état de cause, il faut cependant rester vigilant : le projet ne doit pas être trop avancé, sans quoi cette procédure ne se justifie pas. De plus, faute d’un texte, la motivation par référence n’est pas admise166.
10069 La procédure de DUP réserve foncière est précisée par le Code de l’expropriation qui prévoit désormais, dans un article qui lui est dédié, la constitution d’un dossier d’enquête publique simplifié par rapport à celui qui s’impose pour une DUP relative à la réalisation de travaux ; l’idée fondatrice de cette procédure étant de permettre une acquisition avant même que le projet n’ait pu être établi, même s’il faut que la vocation de l’opération soit spécifiée (équipement, logement, etc.). L’article R. 112- 5 du Code de l’expropriation dispose que « Lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de l’acquisition d’immeubles, ou lorsqu’elle est demandée en vue de la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’urbanisme importante et qu’il est nécessaire de procéder à l’acquisition des immeubles avant que le projet n’ait pu être établi, l’expropriant adresse au préfet du département où sont situés les immeubles, pour qu’il soit soumis à l’enquête, un dossier comprenant au moins :

une notice explicative ;

le plan de situation ;

le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ;

l’estimation sommaire du coût des acquisitions à réaliser. »

Après la fin de l’enquête, la déclaration d’utilité publique peut être prononcée. Cette DUP adoptée par décret ou arrêté (selon l’importance de l’opération) doit préciser sa durée de validité durant laquelle il est possible de procéder à des expropriations.
Cet outil présente indéniablement l’avantage d’empêcher la spéculation immobilière puisque la procédure est menée en amont des projets. Son régime allégé a pour effet de faire gagner du temps (dossier simplifié, pas de mise en compatibilité des documents d’urbanisme en amont, absence d’étude d’impact) et d’économiser certaines dépenses d’études. Sans compter que le faible nombre de documents et de procédures limite ipso facto les risques juridiques en cas de contentieux.
10070 Néanmoins, comme pour toute expropriation167, il faudra veiller à utiliser la réserve foncière conformément à l’usage indiqué.
D’une part, le Code de l’urbanisme précise (art. L. 221-2) que « La personne publique qui s’est rendue acquéreur d’une réserve foncière doit en assurer la gestion raisonnablement. Avant leur utilisation définitive, les immeubles acquis pour la constitution de réserves foncières ne peuvent faire l’objet d’aucune cession en pleine propriété en dehors des cessions que les personnes publiques pourraient se consentir entre elles et celles faites en vue de la réalisation d’opérations pour lesquelles la réserve a été constituée. Ces immeubles ne peuvent faire l’objet que de concessions temporaires qui ne confèrent au preneur aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux lorsque l’immeuble est repris en vue de son utilisation définitive. »
D’autre part, si la Cour EDH reconnaît la possibilité de constituer des réserves foncières, elle qualifie de manquement à l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, le maintien du bien en réserve durant une longue période sans justification d’utilité publique dès lors que cette période engendre une plus-value manquée pour le propriétaire exproprié168. Selon la Cour européenne, « cette plus-value correspond à la valeur vénale actuelle du terrain, diminuée du montant en francs/euros constants de l’indemnité d’expropriation versée à l’ancienne propriétaire ». La Cour de cassation considère depuis que la privation indue de la plus-value acquise par un bien depuis son expropriation constitue une charge excessive justifiant l’indemnisation de l’exproprié, même si en l’occurrence aucune décision judiciaire reconnaissant le droit à rétrocession n’était intervenue169. Elle estime toutefois qu’il appartient aux juridictions du fond d’adopter la méthode d’évaluation de la plus-value manquée la mieux appropriée et de fixer souverainement le montant de l’indemnisation170.
10071 Aussi, après avoir été initialement exclue171, la possibilité pour le propriétaire exproprié de mettre en œuvre son droit de rétrocession est désormais reconnue172. Dès lors, malgré ses avantages, la DUP réserve foncière est peu utilisée. Elle est sans doute en partie méconnue ou considérée comme trop risquée, notamment compte tenu des indemnités à verser en cas de non-réalisation du projet. En effet, s’agissant de la constitution de réserves foncières, toute la difficulté est de permettre une action avant la définition des projets tout en garantissant aux administrés qu’il ne s’agit pas pour la collectivité de procéder à une démarche purement mercantile173.
10072 Parallèlement aux enjeux généraux de mobilisation du foncier producteur de logement, la nécessité de transformer nos modes de production en se réappropriant l’existant suppose des outils spécifiques.

Section II – La réappropriation du patrimoine existant en faveur du logement

10073 Avec la raréfaction du foncier il y a une tension de plus en plus palpable sur l’accès aux sites bâtis qui sont susceptibles de permettre la création de logements. Cette tension est accentuée par certaines politiques locales qui souhaitent limiter la densification de l’existant. À tel point que des organisations professionnelles appellent de leurs vœux une plus grande transparence de ces décisions locales, en documentant officiellement les pertes de constructibilités induites par les autorisations d’urbanismes accordées en deçà des possibilités offertes par les documents d’urbanisme. Ces questions de politiques publiques sont centrales dans une perspective de développement de l’offre de logement à l’heure de la sobriété foncière. Mais ce n’est pas parce que le bâti existant est théoriquement mobilisable qu’il peut être exploitable pour produire du logement. Avant même d’aborder le sujet de la transformation de bureaux en logements (V. infra, nos 10529 et s., se pose ici la question de la faisabilité de la maîtrise des certains sites bâtis en vue de produire des logements. Cette question essentiellement technique et économique mérite d’être exposée ici sous l’angle des dispositifs institués par les pouvoirs publics en faveur de la mobilisation des friches (Sous-section I) et de la réalisation de projets d’urbanisme transitoire (Sous-section II).

Sous-section I – Le recyclage des friches

10074 Face à l’enjeu de redéveloppement du patrimoine bâti existant et à la suite du Plan Biodiversité de 2018 posant un objectif de « Zéro Artificialisation Nette » des sols, un Fonds pour le recyclage des friches, dit Fonds Friches, a été créé par le Gouvernement dans le cadre du Plan de Relance, lancé le 3 septembre 2020. Initialement doté d’un budget de 300 millions d’euros sur deux ans174, ce fonds a été augmenté de 350 millions d’euros supplémentaires et les crédits ont tous été engagés en 2021 dans le cadre de deux éditions d’appels à projet. Une troisième édition a été lancée en 2022.
L’objectif mis en avant dans le Plan de Relance est « d’apporter un soutien exceptionnel à cet enjeu majeur d’aménagement durable des territoires qu’est la reconquête des friches », laquelle s’accompagne le plus souvent d’un surcoût de démolition, de dépollution ou de restructuration lourde qui ne peut être compensé par les recettes de cession. Cette démarche s’inscrit pleinement dans l’objectif de zéro artificialisation nette en ce qu’elle favorise le recyclage du foncier déjà artificialisé mais inutilisé ou sous-utilisé. Ces sites servent alors à de nouveaux usages, des projets d’aménagement, de logement, d’activité, et évitent d’utiliser des terres naturelles ou agricoles. De plus, pour permettre une plus grande densité aux projets réalisés dans les friches, l’article L. 152-6-2 du Code de l’urbanisme leur accorde un bonus de constructibilité de 30 %.
Aussi, comme le rappelle le rapport du Sénat présenté le 29 juin 2022175, le modèle économique du ZAN reste à définir et les objectifs poursuivis sont difficilement atteignables sans aides publiques en faveur de la sobriété foncière (réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction). C’est bien l’objet du fonds friches (§ I). Par ailleurs, pour favoriser les projets d’envergure, un certificat de projet spécifique est destiné à sécuriser les opérateurs et financeurs dans leurs démarches de développements immobilier sur des sites complexes (§ II).

§ I – Le fonds friches

10075 Ce fonds présente plusieurs volets (A). Les financements qu’il permet, subordonnés à certaines conditions (B), devraient avoir un impact sur l’offre de logement (C).
A/ Les volets du fonds friches
10076 Pour atteindre ses objectifs, le fonds friches se décline en trois volets.
1. Le recyclage des friches ou la transformation de foncier déjà artificialisés. Ce volet est piloté par les Préfets de région dans le cadre d’appels à projet régionaux sur la base d’un cadrage national. Dans le cadre du Fonds, la friche est caractérisée de la manière suivante :

« tout terrain nu, déjà artificialisé et qui a perdu son usage ou son affectation, ou qui, en outremer, a pu être laissé vacant après évacuation d’habitats illicites et spontanés ;

tout îlot d’habitat, d’activité ou mixte, bâti et caractérisé par une importante vacance ou à requalifier ».

Compte tenu du lien de ce fonds avec l’objectif ZAN, la loi no 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi Climat, déjà citée, a introduit un nouvel article L. 111-26 du Code de l’urbanisme, qui définit la friche de la manière suivante : « Au sens du présent code, on entend par “friche” tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret ». Cette définition reste limitée au Code de l’urbanisme.
10077 2. Les projets de reconversion de friches polluées issus d’anciens sites industriels ICPE ou sites miniers. Ce volet est piloté par l’ADEME, dans le cadre d’un dispositif préexistant, qui a mis en place un cahier des charges spécifique.
B/ Les conditions d’obtention des financements dans le cadre du volet recyclage des friches
10079 Tous types de maîtres d’ouvrages des projets de recyclage de friches sont éligibles au financement du fonds friches, et en particulier :

les collectivités, les établissements publics locaux, ou les opérateurs qu’ils auront désignés ;

les établissements publics de l’État ou les opérateurs qu’ils auront désignés ;

les aménageurs publics (établissements publics d’aménagement, entreprises publiques locales, SEM, SPL) ;

les organismes de foncier solidaire ;

les bailleurs sociaux ;

des entreprises privées, sous réserve de l’accord de la collectivité compétente en matière d’urbanisme et d’aménagement ainsi que concédant, mandant ou bailleur le cas échéant, et pour des projets présentant un intérêt général suffisant (en termes de logement social, de revitalisation économique…).

10080 Les projets visés sont ceux dont les bilans économiques restent déficitaires après prise en compte de toutes les autres subventions publiques, et ce malgré la recherche et l’optimisation de tous les autres leviers d’équilibre (en particulier en matière de densité et de mixité), à l’aune des enjeux d’attractivité du site et d’urbanité. Le volet recyclage du fonds « friches » s’adresse aux projets suffisamment matures afin que les crédits soient engagés dans l’année. Différentes actions peuvent être subventionnées, à savoir : des études, des acquisitions foncières, des travaux de dépollution de démolition ou d’aménagement. À titre subsidiaire, des études pré-opérationnelles pourront être subventionnées à condition qu’elles soient achevées avant fin 2022. Les dossiers éligibles sont instruits en donnant priorité aux projets qui, parmi trois critères, sont localisés dans des territoires où le marché est dit détendu au sens des politiques du logement ou en déprise économique et / ou commerciale ou en quartier prioritaire de la ville. Autant que possible, les projets retenus font l’objet d’une contractualisation au titre des contrats de plan État-Région (CPER) et des contrats de relance et de transition écologique (CRTE).
C/ Un dispositif en faveur du logement
10081 Le fonds friche est un dispositif pouvant fortement servir la production de logements. En témoignent les termes de l’appel à projet lancé en Île-de-France et les chiffres nationaux.
10082 – L’appel à projets en Île-de-France. – En Île-de-France, les enjeux sont spécifiques en raison d’une tension extrême du marché du logement176, et un besoin toujours important, malgré une production importante, pour répondre notamment à l’objectif fixé dans la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris de produire 70 000 logements par an ainsi qu’à celui fixé annuellement par le Fonds national des aides à la pierre, et notamment portés par la loi Solidarité Renouvellement Urbain, en matière de logements sociaux. Ainsi, une priorité est donnée, parmi divers autres objectifs, aux dossiers :

« présentant une programmation de logements permettant de répondre aux objectifs franciliens, notamment sociaux. Une attention particulière sera portée à cette programmation dans les communes dans lesquelles l’offre en logements sociaux est limitée (déficit SRU), ainsi qu’à la programmation à destination de publics spécifiques (ménages précaires, jeunes et étudiants) » ;

« favorisant les mixités sociales, générationnelles et fonctionnelles dans le cadre d’un projet urbain offrant un cadre de vie de qualité (offre d’équipements et services, espaces publics, espaces verts, transports adaptés…) ».

« Quelques chiffres nationaux
Les deux campagnes de 2021 ont permis de financer 1 118 projets, recyclant 2 700 ha de friches, et devant produire 5 700 000 m² de surfaces de logements générées dont près d’1/3 de logements sociaux (pour 4 100 000 m² de surfaces économiques et plus de 3 900 000 de m² d’équipements publics). 55 % des projets pour les friches urbaines ont été menés par des bailleurs sociaux dans la 1re édition. Au total sur les deux éditions, 22 % des 999 projets lauréats ont été portés par des bailleurs sociaux.
Ensuite, on peut noter que 25 % des projets lauréats sont inscrits dans les dispositifs « Petites villes de demain » ou « Action cœur de ville » et près de 10 % des projets lauréats font l’objet de labels ou autres certifications environnementale177. La campagne de 2022 a retenu des projets prévoyant la création de 1 000 000 de m² de logements dont près de 50 % sociaux178.
Le recyclage des friches constitue désormais l’axe 3 du Fonds vert179. »

§ II – Le certificat de projet

10083 Pour inciter au recyclage des friches, les financements sont nécessaires mais la sécurité juridique est primordiale. Cette sécurité juridique suppose (i) la connaissance des procédures, et on sait qu’elles sont extrêmement nombreuses, à respecter et (ii) l’anticipation des délais, et ce d’autant plus que la réhabilitation d’une friche suppose souvent de longs et coûteux travaux de dépollution180. C’est la raison pour laquelle le législateur a institué, à l’article 212 de la loi du 22 août 2021 précité, l’expérimentation d’un certificat de projet dans les termes ci-après :
« I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, le représentant de l’État dans le département peut établir un certificat de projet à la demande du porteur d’un projet intégralement situé sur une friche au sens de l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme et soumis, pour la réalisation de son projet, à une ou plusieurs autorisations au titre du Code de l’urbanisme, du Code de l’environnement, du Code de la construction et de l’habitation, du Code rural et de la pêche maritime, du Code forestier, du Code du patrimoine, du Code de commerce et du Code minier.
Le dossier de demande de certificat de projet est présenté au représentant de l’État dans le département, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État.
II. – Le certificat prévu au I indique, en fonction de la demande présentée et au regard des informations fournies par le demandeur :
1° Les régimes, décisions et procédures applicables au projet à la date de cette demande, y compris les obligations de participation du public, les conditions de recevabilité et de régularité du dossier et les autorités compétentes pour prendre les décisions ou délivrer les autorisations nécessaires ;
2° Le rappel des délais réglementairement prévus pour l’intervention de ces décisions ou un calendrier d’instruction de ces décisions qui se substitue aux délais réglementairement prévus. Le représentant de l’État dans le département, lorsqu’il n’est pas compétent, recueille l’accord des autorités compétentes pour prendre ces décisions préalablement à la délivrance du certificat de projet.
Le certificat prévu au I peut indiquer les difficultés de nature technique ou juridique identifiées qui seraient susceptibles de faire obstacle à la réalisation du projet.
III. – Le porteur du projet mentionné au I peut présenter conjointement à sa demande de certificat de projet, le cas échéant, une demande d’examen au cas par cas prévu au IV de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement, une demande d’avis prévu à l’article L. 122-1-2 du même code et une demande de certificat d’urbanisme prévu à l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme. Ces demandes sont, s’il y a lieu, transmises à l’autorité administrative compétente pour statuer et les décisions prises avant l’intervention du certificat de projet sont annexées à celui-ci.
IV. – Lorsque le certificat de projet fait mention d’une autorisation d’urbanisme et que cette autorisation fait l’objet d’une demande à l’autorité compétente dans un délai de dix-huit mois à compter de la date de délivrance dudit certificat, cette demande est alors instruite au regard des dispositions d’urbanisme telles qu’elles existaient à la date de délivrance du même certificat, à l’exception des dispositions dont l’application est nécessaire au respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l’Union européenne, ou lorsqu’elles ont pour objet la préservation de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques.
Le bénéficiaire d’un certificat de projet peut, à tout moment, renoncer au bénéfice des dispositions du présent IV, pour l’ensemble des procédures restant à mettre en œuvre et des décisions restant à prendre, nécessaires à la réalisation du projet.
V. – Les modalités d’application du présent article sont définies par le décret en Conseil d’État mentionné au I.
VI. – Au terme de la période d’expérimentation, les ministres chargés de l’urbanisme et de l’environnement remettent au Parlement un rapport évaluant la mise en œuvre du présent article. »
10084 Le projet de décret pris pour l’application de l’article 212 de la loi Climat a été soumis à consultation entre le 11 octobre et le 5 novembre 2022. Outre le contenu du dossier de demande, il précise notamment la procédure à la suivre par le préfet avec les différentes autorités compétentes devant se prononcer.
10085 Ce dispositif va dans le sens des financeurs des projets immobiliers, rendus davantage complexes lorsqu’ils se développent sur des sites déjà artificialisés.
10086 S’il n’a pas vocation à se substituer aux autorisations administratives nécessaires à la réalisation du projet, le certificat de projet jouera un rôle important dans les relations des porteurs de projets avec l’administration et la stabilisation des normes applicables au projet. En effet, le certificat de projet permettra :

de désigner un interlocuteur privilégié pour les porteurs de projets : le préfet de département dispose ainsi de la compétence d’instruction et de délivrance du certificat de projet au terme d’un processus de consultation de chaque autorité administrative compétente ;

de fournir au bénéficiaire toutes les informations sur les procédures, y compris de participation du public, et autorisations administratives applicables au projet de réhabilitation envisagé. On note également que le texte prévoit que sont indiqués les délais réglementairement prévus pour l’intervention de ces décisions ou autorisations ou « un calendrier d’instruction de ces décisions qui se substitue aux délais réglementairement prévus », qui semble être un calendrier optimisé pour lequel le représentant de l’État dans le département, lorsqu’il n’est pas compétent, recueille l’accord des autorités compétentes pour prendre ces décisions préalablement à la délivrance du certificat de projet ;

d’indiquer – cela doit être relevé – « les difficultés de nature technique ou juridique identifiées qui seraient susceptibles de faire obstacle à la réalisation du projet » ;

de conférer, au bénéficiaire du certificat des droits acquis au maintien des règles d’urbanisme à l’occasion du dépôt de toute demande d’autorisation d’urbanisme dans le délai de dix-huit mois suivant la délivrance du certificat de projet.

Comme le note l’auteur de l’article précité du Moniteur, « le succès du certificat de projet dépendra largement de l’efficacité (…) du dispositif, notamment en matière de consultation et de coordination entre les différentes autorités compétentes ». De plus, cet outil devra ainsi s’inscrire dans la logique partenariale qui tend à se développer aujourd’hui entre les administrations et avec les opérateurs privés.

Sous-section II – L’urbanisme de transition ou le potentiel du patrimoine intercalaire

10087 L’urbanisme dit transitoire est une pratique urbaine, consistant à occuper des lieux inutilisés de manière provisoire, afin de soit répondre à un besoin immédiat dans l’attente de la réalisation d’un projet urbain pérenne, soit de redynamiser des espaces en préfigurant le ou les usages qui pourraient être possible avec pour objectif d’aboutir à terme à la réalisation d’un projet urbain pérenne. Dans un contexte de tension du marché du logement, l’urbanisme transitoire peut apporter une réponse spécifique pour certains besoins de logement.
10088 La mise en place d’une opération d’urbanisme transitoire est en général une relation tripartite entre :

un propriétaire ;

une entité qui va mettre en place l’utilisation finale, soit à l’échelle d’un local, soit à l’échelle de l’ensemble immobilier avec une mission d’ensemblier ;

un utilisateur final.

D’un point de vue contractuel, nombreux sont les outils qui existent pour mettre place cette utilisation provisoire182. Il s’agira le plus souvent de titres précaires et révocables. Une attention spécifique devra être portée sur les règles de délivrance des titres d’occupation du domaine public, lorsque l’occupant entend exercer une activité économique, ainsi que les règles de la commande publique, lorsque l’occupation temporaire répond à un besoin de la personne publique et que le contrat est, pour cette dernière, à titre onéreux.
D’un point de vue matériel, l’urbanisme transitoire visait essentiellement les bâtiments vacants. Mais pour répondre à ces besoins, qui ne cessent de s’accroître, de logements, d’hébergements, de solutions flexibles, la Banque des territoires, SNCF Immobilier, ICF Habitat et le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis dans le cadre du projet Toits temporaires urbains ont développé une solution constructive innovante, des bâtiments modulaires et démontables, pouvant être installés puis réinstallés à plusieurs endroits et qui s’inscrivent pleinement dans la trajectoire ZAN183
D’un point de vue administratif, l’occupation temporaire peut susciter une ou plusieurs autorisations préalables. La difficulté est que l’état du droit, qui a été peu modifié ces dernières années, n’est pas toujours parfaitement adapté à cette nouvelle pratique urbaine en développement184. En matière de production logement, il faut toutefois noter des dispositifs incitatifs.

§ I – Les outils de l’urbanisme transitoire permettant une réponse à un besoin immédiat de logement

10089 Occuper un bien bâti inutilisé dans l’attente de l’aboutissement d’un projet urbain pérenne pour répondre à un besoin immédiat de logement suppose le plus souvent d’en changer la destination (A), éventuellement de réaliser des travaux, et de modifier l’usage (B). En effet selon la typologie des lieux occupés, cette occupation temporaire peut se faire dans un bâti existant, éventuellement adapté, ou dans une construction modulaire, qui a vocation à se déplacer. Dans ce dernier cas, la difficulté est que, juridiquement, les constructions modulaires seront analysées comme des constructions nouvelles soumises aux mêmes autorisations préalables lorsqu’elles sont exigées.
A/ Droit de l’urbanisme
10090 Le droit de l’urbanisme contrôle les changements de destinations des constructions existantes afin de vérifier le respect des règles locales d’urbanisme, telles que fixées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu. Par exception, il existe des cas de dispense de formalité et des possibilités de déroger à ces règles d’urbanisme. Dès lors, trois cas sont à distinguer :

le projet est conforme aux règles d’urbanisme en vigueur : il faut dans ce cas procéder en principe au dépôt d’une déclaration préalable (C. urb., art. R. 421-17) sauf si le projet peut bénéficier d’une dispense de formalité (C. urb., art. R. 421-5). Lorsque ce changement est accompagné de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses d’un bâtiment ou la façade du bâtiment, la réalisation du projet doit être précédée de l’obtention d’un permis de construire (C ; urb., art. R. 421-14) ;

le projet n’est pas conforme aux règles d’urbanisme en vigueur : la seule solution185 prévue par le Code de l’urbanisme est de recourir à un permis de construire précaire (C. urb., art. L. 433-1 à L. 433-7), instruit dans les mêmes conditions qu’un permis de construire de droit commun, permettant une dérogation temporaire, pourvu qu’elle soit limitée et justifiée par une nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d’ordre économique, social, culturel ou d’aménagement (CE, 18 févr. 2015, Association de valorisation du quartier Paris-Maillot-Dauphine, no 385959). Le pétitionnaire doit remettre les lieux dans leur état antérieur avant une date fixée par le permis précaire ;

le projet peut bénéficier d’une dispense de formalités, en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l’usage auquel elles sont destinées, car il est réalisé pour une durée n’excédant pas trois mois (C. urb., art. R. 421-5), ou quinze jours dans les sites protégés tels dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables ou dans les abords des monuments historiques (C. urb., R. 421-7). Néanmoins, pour le relogement d’urgence des personnes victimes d’un sinistre ou d’une catastrophe naturelle ou technologique, ainsi que pour l’hébergement d’urgence des personnes migrantes en vue de leur demande d’asile, cette durée est portée à un an (C. urb., R. 421-5, a)). À la fin de la durée, le constructeur est tenu de remettre lieux dans leur état initial.

10091 – Les habitats modulaires. – Qui ont vocation à être déplacés, ne dérogent pas à ce cadre juridique et doivent, selon les cas, être autorisés comme toute nouvelle construction. Néanmoins, s’agissant d’un ensemble d’habitations modulaires (au moins deux) sur un même site, il est alors possible de recourir à un permis d’aménager pour résidences démontables, qui sont définies comme « des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs les installations sans fondation disposant d’équipements intérieurs ou extérieurs et pouvant être autonomes vis-à-vis des réseaux publics. Elles sont destinées à l’habitation et occupées à titre de résidence principale au moins huit mois par an. Ces résidences ainsi que leurs équipements extérieurs sont, à tout moment, facilement et rapidement démontables » (C. urb., art. R. 111-51). En rentrant dans ce régime juridique, et après l’obtention d’un permis d’aménager ou le dépôt d’une déclaration préalable d’aménager, il n’est pas nécessaire de déposer un permis de construire pour chaque résidence démontable.
B/ Législation sur l’usage
10092 La législation sur l’usage a pour objet de protéger les locaux à usage d’habitation en soumettant à autorisation préalable tout changement d’usage de ces locaux en un autre usage (CCH, art. L. 631-7) selon des conditions et modalités définies par un règlement municipal ou intercommunal. Pour produire du logement, elle n’est donc pas une contrainte qui s’impose aux porteurs de projet. Cependant, cette législation peut conduire à obérer les possibilités d’évolutions du bien dans un second temps, une fois le logement implanté, faute de pouvoir obtenir le retour à un usage autre sans l’obtention préalable d’une autorisation soumise à compensation (ce qui obligera à transformer, dans le même temps et à proportion des surfaces objet de la demande, des locaux d’un usage autre que d’habitation en locaux d’habitation). C’est sans doute l’une des craintes majeures qui freine les projets de logement dans le cadre d’opérations d’urbanisme de transition.
10093 Pourtant, des solutions existent. Deux hypothèses peuvent être formulées selon l’autorisation obtenue en matière d’urbanisme :

si le projet de logement est réalisé sur la base d’un permis précaire ou d’une dispense de formalité, la destination du bien n’est pas modifiée. Dès lors, il n’y a pas de changement d’usage et le bien pourra retrouver son usage autre que d’habitation à la fin du projet temporaire sans formalités ;

si le projet de logement est réalisé sur la base d’une autorisation d’urbanisme de droit commun, alors la destination du bien est modifiée et, en principe l’usage également. Pour permettre ce retour à l’usage autre d’habitation, une délibération du conseil municipal (ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale s’il est compétent) peut définir un régime de déclaration préalable permettant d’affecter temporairement à l’habitation des locaux destinés à un usage autre que l’habitation, pour une durée n’excédant pas quinze ans. Si ce dispositif est prévu, jusqu’à l’expiration du délai de 15 ans, les locaux initialement à usage autre que d’habitation peut retrouver leur usage antérieur sans être soumis à une autorisation préalable.

§ II – L’incitation à la production de logements par des dispositifs expérimentaux d’urbanisme transitoire

10094 En dehors du dispositif spécifique de la loi Elan dont l’objet est spécifiquement de favoriser l’offre de logement (A), d’autres outils expérimentaux peuvent être mobilisés pour favoriser les opérations d’urbanisme de transition (B).
A/ Le dispositif de l’article 29 de la loi Elan de résidence temporaire
10095 Le dispositif de résidence temporaire est un dispositif expérimental, dont les effets peuvent se produire jusqu’au 31 décembre 2023, facilitant l’occupation de locaux vacants. Prévu initialement par la loi Molle de 2009 jusqu’au 31 décembre 2013, puis jusqu’au 31 décembre 2018186, le dispositif a été prorogé et orienté davantage vers le logement et les personnes en difficultés par l’article 29 de la loi Elan no 2018-1021 du 23 novembre 2018187. En effet, aujourd’hui il permet l’occupation temporaire de locaux vacants, « notamment à des fins de logements, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social ».
Le dispositif de résidence temporaire est un dispositif à ce jour expérimental, dont les effets peuvent se produire jusqu’au 31 décembre 2023, facilitant l’occupation de locaux vacants. Prévu initialement par la loi Molle de 2009 jusqu’au 31 décembre 2013, puis jusqu’au 31 décembre 2018, le dispositif a été prorogé et orienté davantage vers le logement et les personnes en difficultés par l’article 29 de la loi Elan no 2018-1021 du 23 novembre 2018 de sorte à permettre l’occupation temporaire de locaux vacants, « notamment à des fins de logements, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social ». « Compte tenu du succès du dispositif » et du fait qu’il « répond à une vraie solution d’hébergement sécurisée et digne », sa pérennisation est actuellement envisagée dans le cadre de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite actuellement en cours d’adoption (amendement présenté par M. Perrot, no 150, introduisant un article 2 ter dans le projet de loi)188. Le dispositif ne serait donc plus expérimental.
10096 Sur le plan contractuel, le dispositif fonctionne en trois temps et avec deux conventions :

dans un premier temps189, l’opérateur doit obtenir préalablement un agrément, octroyé par le préfet du département dans lequel se situe le projet. Sont agréés par l’État, au vu de leurs compétences à mener des travaux d’aménagement et à organiser l’occupation de bâtiments par des résidents temporaires, les organismes publics, les organismes privés ou les associations qui mettent en place un dispositif d’occupation temporaire de locaux en vue d’en assurer la protection et la préservation. De manière générale, les opérateurs sont incités à œuvrer en faveur des personnes sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale puisque. En effet, selon le texte, « l’agrément de l’État est subordonné à des engagements de l’organisme ou de l’association mentionné au troisième alinéa du présent article quant aux caractéristiques des résidents temporaires, et notamment à des engagements en faveur des personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 345-2-2 du Code de l’action sociale et des familles. Ces engagements ne peuvent être définis qu’au regard du nombre total de places de logement et d’hébergement mises à disposition par l’organisme ou l’association agréé. Ces engagements peuvent être définis en fonction des besoins des territoires. Le non-respect de ces engagements par l’association ou l’organisme peut conduire au retrait de l’agrément mentionné au deuxième alinéa du présent article » ;

dans un deuxième temps, un contrat est conclu entre le ou les propriétaires du bien vacant et l’opérateur agréé. Ce dernier doit s’engager à protéger et préserver les locaux qui sont mis à sa disposition et à les rendre au propriétaire, libres de toute occupation à l’échéance de la convention ou lors de la survenance d’un événement défini par celle-ci. La convention est d’une durée maximale de trois ans et peut être prorogée par périodes d’un an, dès lors que le propriétaire justifie que, à l’issue de l’occupation du bâtiment par des résidents temporaires, le changement de destination initialement envisagé pour les locaux ne peut avoir lieu ;

enfin, dans un troisième temps, des conventions sont conclues entre l’opérateur agréé et les résidents temporaires, d’une durée comprise entre deux mois minimum et dix-huit mois maximum.

10097 Sur le plan des autorisations de construire et d’un éventuel changement de destination, l’article 10 du décret no 2019-497 prévoit explicitement que « la seule circonstance que ces locaux font l’objet d’une occupation temporaire en vertu [du contrat de résidence temporaire] ne constitue pas un changement de destination de ces locaux au sens de l’article R. 421-17 du Code de l’urbanisme ». Dès lors, en amont, l’opérateur est dispensé de formalités au titre du changement de destination. En aval, le propriétaire ou le futur occupant n’auront pas non plus de démarches à effectuer pour que le bien retrouve sa destination initiale.
B/ Les dispositifs expérimentaux concernant certaines décisions administratives préalables aux projets
10098 Plusieurs dispositifs expérimentaux non codifiés permettent de déroger à une ou plusieurs règles.
Parmi eux, le décret no 2021-812 du 24 juin 2021 portant adaptation temporaire du régime de dispense de formalités d’urbanisme applicables à certaines constructions démontables favorisait directement la production de logements. Celui-ci étendait à 18 mois la durée maximale d’implantation des constructions dispensée de toutes formalités au titre de l’article R. 421-5 du Code de l’urbanisme, lorsqu’elles sont exclusivement à usage :
« 1° de résidence universitaire, telle que définie à l’article L. 631-12 du Code de la construction et de l’habitation ;
2° de résidence sociale, telle que définie au troisième alinéa de l’article L. 633-1 du Code de la construction et de l’habitation ;
3° de centre d’hébergement et de réinsertion sociale, tel que défini à l’article L. 345-1 du Code de l’action sociale et des familles ;
4° de structure d’hébergement d’urgence, telle que mentionnée aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du Code de l’action sociale et des familles ».
Ce dispositif a été prévu seulement jusqu’au 31 décembre 2022. C’est la raison pour laquelle le rapport Rebsamen précité proposait d’étendre cette dispense de formalité pour une durée de 5 ans.
En toutes hypothèses, s’il constituait un levier immédiat de production de logement, il trouvait toutefois une limite en ce que ce délai dérogatoire ne s’appliquait pas dans :

les sites classés ou en instance de classement ;

le périmètre des sites patrimoniaux remarquables ;

les abords des monuments historiques ;

et des périmètres justifiant une protection particulière et délimités par une délibération motivée du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme. Dans le périmètre de ces sites, la durée maximale d’implantation reste en principe de quinze jours, sauf exception prévue par les textes.

10099 Un autre dispositif qui peut favoriser la production de logements est le permis d’innover. Prévu par l’article 88 II de la loi no 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine et prorogé jusqu’en 2025 par la loi Elan (L. no 2018-1021, 23 nov. 2018), le permis d’innover permet à titre expérimental aux « maîtres d’ouvrage des constructions ou des aménagements situés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national au sens de l’article L. 102- 12 du Code de l’urbanisme, dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3 du même code ou dans le périmètre du ou des secteurs d’intervention prévus au premier alinéa du II de l’article L. 303-2 du Code de la construction et de l’habitation, et ne faisant pas l’objet d’une expérimentation au titre du I du présent article, [de] demander à déroger aux règles opposables à leur projet à condition de démontrer que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé ». Si cet outil ne peut être mobilisé que dans des secteurs limités, il peut permettre pas exemple de créer un bâtiment modulable et réversible, sans destination définie entre bureau et logement190. C’est le cas du premier permis d’innover191 qui a été délivré en 2022, dans le périmètre de l’OIN Bordeaux Euratlantique, et plus particulièrement au sein de la ZAC Saint-Jean/Belcier. Il s’agissait d’un immeuble réversible de neuf étages, soit plus de 4 000 m², conçu par le cabinet Canal Architecture pour le compte de l’opérateur Elithis. Pour ce projet, trois dérogations ont été demandées dans le cadre du permis d’innover. La première autorise le pétitionnaire à ne pas renseigner de destination précise dans le formulaire cerfa de la demande de permis. Le pétitionnaire a pu indiquer « et/ou » en lieu et place de la ventilation des surfaces usuellement renseignée. En effet, bien qu’à la livraison du bâtiment, en 2024, il est prévu que 75 % de l’immeuble soit réservé au logement, et que les 25 % restants soient destinés à des bureaux, une crèche, des terrasses et des espaces mutables sans affectation précise, la destination autorisée ne relève ni du bureau, ni du logement puisqu’il est prévu que les locaux pourront, au fil des années, passer d’une destination à l’autre sans qu’il soit nécessaire de solliciter de demande de changement de destination. La deuxième et la troisième dérogations portent respectivement sur le sujet fiscal et sur la règlementation de sécurité en incendie.
10100 Enfin, sur le plan strict des autorisations préalables à un projet, doit être mentionné le droit d’expérimentation de l’administration locale, initié par le décret no 2017-1855 et généralisé par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020. Pour être mobilisé, la dérogation doit être relative à la délivrance d’une décision non règlementaire relevant de la compétence du préfet de région ou de département dans une des 7 matières listées par le texte, dont la construction, le logement et l’urbanisme. Elle doit de plus répondre à certaines conditions posées par le texte192. Parmi les exemples cités dans le Rapport d’Information du Sénat, en date du 11 juin 2019, « Réduire le poids des normes en aval de leurs production : interprétation facilitatrice et pouvoir de dérogation aux normes »193, il y a celui de la Préfecture de la Mayenne, qui a permis de déroger aux obligations de permis de construire et de réalisation de mise en accessibilité de modulaires préfabriqués implantés pour la durée d’un chantier de travaux de reconstruction d’une école accordé par arrêté préfectorale en date du 16 août 2018.
10101 Au-delà des cas particuliers dans lesquels il offre une réponse au besoin de logement, l’urbanisme transitoire c’est surtout la possibilité d’expérimenter de nouveaux usages, de nouvelles façons de « vivre ensemble » dans un quartier ou un site en reconstruction. Les expériences ont souvent emporté une telle adhésion des habitants et des pouvoirs publics concernés (exemple des Grands Voisins à Saint-Vincent de Paul) que les projets pérennes en ont tiré des enseignements, voire ont intégré une partie des usages et lieux de vie qui avaient pourtant été imaginés pour n’être que temporaires. On voit ici une façon de penser le logement au-delà des seuls mètres carrés privatifs. Et le succès de ces expériences conduit désormais à prévoir dans la plupart des appels à projets urbains innovants, sur lesquels de plus amples développements suivront, une préfiguration de ces usages « communs » aux habitants du quartier ou du site en redéveloppement.

87) www.icfhabitat.fr/groupe/signature-de-la-charte-dengagement-pour-la-mobilisation-du-foncier-ferroviaire-en-faveur-de ; Interview de Katayoune Panahi par Remi Cambau de Cadre de Ville, paru le 22 sept. 2022.
88) CE ass., 28 mai 1971 : Rec. CE 1971, p. 409, concl. Braibant.
89) CE, 12 mai 1995, no 121576.
90) R. Hostiou, J.-F. Struillou, Expropriation et Préemption, LexisNexis, 2020, 6e éd., p. 51 et s.
91) C. expr., art. L. 511-1 et s. ; Cass. 3e civ., 20 déc. 2018, no 18-18.427.
92) CCH, art. L. 511-11.
93) CE, 16 juill. 2021, no 450188.
94) TGI de Paris, Expropriations, 22 mars 2018, no 17/00059.
95) G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF.
96) C. urb., art. L. 219-1 et s.
97) C. urb., art. L. 219-10.
98) V. égal. Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance no 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte.
99) Bienvenue au BRAEC (bail réel d’adaptation à l’érosion côtière), Repère par Hugues Périnet-Marquet, Constr.-Urb. no 5, mai 2022, repère 5 ; Recul du trait de côte : une déferlante d’outils pour vivre avec la montée des eaux, Johanna Leplanois, Le Moniteur des Travaux publics, 27 mai 2022, p. 72.
100) C. env., art. L. 321-18.
101) C. env., art. L. 321-28.
102) C. env., art. L. 321-27.
103) Le DPU peut être institué sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d’urbanisation future délimitées par un PLU, dans les périmètres de protection rapprochée de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines définis en application de l’article L. 1321-2 du Code de la santé publique, dans les zones et secteurs définis par un plan de prévention des risques technologiques en application de l’article L. 515-16 du Code de l’environnement, dans les zones soumises aux servitudes prévues au II de l’article L. 211-12 du même code, ainsi que sur tout ou partie de leur territoire couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur rendu public ou approuvé en application de l’article L. 313-1 lorsqu’il n’a pas été créé de zone d’aménagement différé ou de périmètre provisoire de zone d’aménagement différé sur ces territoires.
104) C. urb., art. L. 213-3.
105) C. urb., art. L. 327-1.
106) E. Carpentier, « Motivation des décisions de préemption et conséquences des annulations : questions anciennes, nouvelles réponses ? », BJDU 4/2006, p. 238 ; CE, 2 déc. 1988, no 81844, SEMINEP, JCP N 89, II, 255, note R. Vandermeeren.
107) CE, 3 déc. 2007, no 305974, Cne d’Achères ; et dans le cadre des ZAD : CE, 17 déc. 2007, no 307231, Cne de Pardies-Pietat, RDI 2008, p. 230, obs. P. Soler-Couteaux ; étant précisé que pour les préemptions en ZAD le juge n’exerce qu’un contrôle minimum sur les décisions : CE, 17 juin 2014, n° 358438, Fournaise, Constr.-Urb. 9/2014, comm. L. Santoni.
108) no 288371, RDI 2008, p. 358, note P. Soler Couteaux.
109) CE, 7 mars 2008, no 288371, Cne de Meung-sur-Loire.
110) CE, 6 juin 2012, no 342328, Sté RD machines-outils.
111) CAA Paris, 15 oct. 1998, no 97PA00012.
112) CE, 6 avr. 2001, Cne de Montreuil, BJDU 3/2001, p. 189.
113) CAA Paris, 8 juill. 2008, Sté Foncière Paris 11, Sté KMP Immo, BJDU 4/2008, p. 286.
114) CAA Versailles, 15 mai 2008, SARL Veniel Investissement, BJDU 4/2008, p. 286.
115) CAA Versailles, 29 déc. 2009, Sté Universal conseil, AJDA 2010, p. 695.
116) Ibid.
117) CAA Bordeaux, 4 mars 2010, no 09BX01662, M. Garcia.
118) CE, 2 mars 2011, no 315880, Cne de Bretignolles-sur-Mer.
119) CE, 2 nov. 2015, no 374957, Cne de Choisy-le-Roi, JCP A. 2015h. actu. 943 ; AJDA 2015. 2117.
120) CAA Douai, 1er oct. 2013, no 12DA01925, Cne d’Hebecourt c/ Sté Domus.
121) CAA Versailles, 25 janv. 2008, no 15VE03102, EPFIF.
122) C. urb., art. L. 201-1.
123) CCH, art. L. 481-1.
124) CCH, art. L. 411-2.
125) C. urb., art. L. 329-1.
126) CCH, art. L. 365-2.
127) DRIEA, Observatoire du Foncier en Île-de-France.
128) L. no 91-662, 13 juill. 1991 d’orientation pour la ville.
129) L. no 2006-872, 13 juill. 2006 portant engagement national pour le logement.
130) L. no 2013-61, 18 janv. 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
131) En modifiant les dispositions déjà existantes du CGPPP sur la cession de biens à un prix inférieur à la valeur vénale.
132) Ce dispositif n’est ainsi actuellement ouvert qu’au profit des cessions de certains biens de l’État, de voies navigables de France (VNF), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des établissements publics de santé de l’État, de SNCF Réseau, de SNCF Gares & Connexion et d’Agile.
133) Propriétés publiques, quels contrats pour quels projets ?, Lyon, 2013, p. 376.
134) On relèvera notamment qu’en lieu et place d’un critère de « réalisation de programmes comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social », l’article L. 3211-7 du CGPPP prévoit depuis la loi Elan qu’il s’agisse de programmes comportant « majoritairement » du logement. Cette rédaction, accompagnée d’une modification réglementaire de l’article R. 3211-4 du CGPPP, abaisse ainsi le seuil de logement ouvrant droit à la décote.
136) Rapport Rebsamen préc.
137) Rapport Rebsamen préc., Tome 1, p. 27 et s.
138) Rapport Rebsamen préc., Tome 1, p. 31.
139) « L’action foncière publique en faveur du logement et des activités productives », Regards croisé, CEREMA Méditerranée, 2017, p. 31.
140) CE, 4 nov. 1970, no 72392, SCI « Les Héritiers A. C… », publiée au Rec. ; sur l’évolution, V. concl. Lesquen sur CE, 21 mai 2014, no 354804, Communauté d’agglomération de Montpellier.
141) Les zones à urbaniser en priorité (ZUP), ancêtres des actuelles ZAC, ont été créées par le décret no 58-1464 du 31 décembre 1958 et étaient destinées à la réalisation d’habitations nouvelles, essentiellement à la périphérie des secteurs anciennement urbanisés, en vue de mettre un terme à la crise du logement. Source de nombreuses critiques, elles ont été supprimées par la loi d’orientation pour ville n° 91662 du 13 juillet 1991.
142) Les zones d’aménagement différé (ZAD) sont des outils d’anticipation permettant notamment la constitution de réserves foncières. Elles doivent être instituées par décision motivée du préfet sur proposition ou avis de la commune ou de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme (ou par décret en Conseil d’État en cas d’avis défavorable de ceux-ci). Un droit de préemption spécial est prévu dans le périmètre des ZAD. Il peut s’exercer pendant une durée de six ans renouvelables à compter de la publication de l’acte de création de la ZAD, soit par une collectivité publique, soit par un EPCI y ayant vocation, soit par un concessionnaire d’une opération d’aménagement, le bénéficiaire de ce droit étant désigné par l’acte de création de la zone (C. urb., art. L. 212-2). Il se substitue alors au DPU.
143) En vue d’un projet d’aménagement, les communes peuvent instituer également instituer, par le biais de leur PLU (anc. L. 123-2 CU, désormais codifié à L. 151-41 CU) les outils qui ne constituent pas à proprement parler des réserves foncières mais qui garantissent la possibilité de maîtriser du foncier identifié comme stratégique par la collectivité : des emplacements réservés, des secteurs réservés ou encore des périmètres d’attente d’un projet d’aménagement global (Papag).
144) J. Jeanneney, « Le détournement des réserves foncières à des fins mercantiles », RFDA 2015, p. 937.
145) CE, 2 mars 1992, no 95617, Cne d’Annemasse, Rec. p. 103.
146) R. Hostiou, J.-F. Struillou, Expropriation et préemption, LexisNexis, 2020, 6e éd., p. 609.
147) CE, 7 mars 2008, Cne de Meung-sur-Loire, préc.
148) CE, 1er déc. 1993, no 138013, Cne Jouars-Pontchartrain ; CE, 23 juill. 2003, Sté Atlantique Terrains, BJDU 6/2003, p. 442 concl. P. Fombeur.
149) CAA Nantes, 27 janv. 2006, no 05NT00963, Cne de Guichen.
150) CE, 20 nov. 2009, no 316732, Cne d’Ivry-sur-Seine.
151) Ibid.
152) CE, 20 nov. 2009, no 316961, Cne de Noisy-le-Grand ; CAA Lyon, 28 janv. 2020, no 18LY01828, Sté Fornas Promotion Construction.
153) R. Hostiou et JF. Struillou, Expropriation et préemption, LexisNexis, 2020, 6e éd., § 1042.
154) CE, 25 juill. 1986, no 62539, Lebouc, Rec. p. 218 ; CE, 1er déc 1993, no 138013, Cne Jouars-Pontchartrain.
155) V. pour la jurisprudence ultérieure, CE, 17 juin 2014, no 358438, Mme Fournaise c/ Communauté d’agglomération de Montpellier.
156) CE, 17 déc. 2007, no 307231, Cne de Pardies-Pietat.
157) CE, 27 mars 2015, no 377261, Communauté d’agglomération de Montpellier.
158) CE, 31 janv. 2007, no 277715, Cts Maia, SARL Maia (2 espèces), BJDU 2007, 136, concl. Ch. Devys.
159) R. Hostiou et JF. Struillou, Expropriation et préemption, LexisNexis, 2020, 6e éd., § 1046.
160) CE, 4 juill. 1997, no 155649, Mme Séguier d’Agoult.
161) no 100206.
162) V. supra, et récemment CAA Lyon, 1re ch., 18/05/2021, no 19LY03468 : « Lorsqu’une collectivité publique décide d’exercer le droit de préemption urbain pour constituer une réserve foncière à l’intérieur d’un périmètre qu’elle a délimité en vue d’y mener une opération d’aménagement et d’amélioration de la qualité urbaine, les exigences de motivation résultant de l’article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant ce périmètre et qu’un tel renvoi permet de déterminer la nature de l’action ou de l’opération d’aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption. À cette fin, la collectivité peut soit indiquer l’action ou l’opération d’aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si celle-ci permet d’identifier la nature de l’opération ou de l’action d’aménagement poursuivie. – La décision de préemption en litige mentionne que le terrain d’assiette du projet est situé au sein du périmètre de Grand Clément gare, secteur dont le projet d’aménagement a été pris en considération par délibération du 2 novembre 2015 du conseil de la métropole, en vertu des dispositions alors applicables de l’article L. 110-10 du Code de l’urbanisme. Toutefois, si la décision précise que ce secteur connaît une pression foncière forte, du fait du développement des transports en commun et de l’existence de friches liées à une activité industrielle déclinante, et que la collectivité souhaite accompagner la mutation de ce secteur, en conservant son rôle économique, en densifiant le quartier par la construction de logements et d’équipements publics, pour en faire un quartier mixte, ni la décision en litige ni la délibération du 2 novembre 2015, dont la décision litigieuse a repris les objectifs généraux, ne font apparaître par leurs mentions la nature du projet d’aménagement envisagé par la collectivité sur ce secteur. Par suite, la décision en litige est, ainsi que la soutient la SCI Vikhar, insuffisamment motivée. ».
163) CE, 21 mai 2014, no 354804, Communauté d’agglomération de Montpellier ; Droit rural no 426, oct. 2014, comm. 187, P. Tifine.
164) CAA Nantes, 6 avr. 2012, no 10NT02003, à propos de la maîtrise d’un foncier en centre-ville pour y réaliser un projet de logements et d’activités.
165) V. à ce sujet, F. Charbonnel et E. Sasika, « Lutter contre la pression foncière avec la DUP simplifiée », Le Moniteur, 22 août 2014, p. 24.
166) J. Jeanneney, « Le détournement des réserves foncières à des fins mercantiles », RFDA 2015, p. 937-955.
167) Cass. civ., 28 juin 2009, no 07-20353.
168) CEDH 2 juill. 2002, Motais de Narbonne c/ France, req. no 18161/99 ; R. Hostiou, « La Cour européenne des droits de l’homme et la plus-value consécutive à la création de réserves foncières par voie d’expropriation », AJDA 2022, p. 1226. Le Conseil d’État semble peu perméable à la jurisprudence de la CEDH s’agissant de l’inaction de la collectivité après une décision de préemption : CE, 10 mars 2010, n° 323081, Consorts Levy ; J.-M. Pastor, « L’augmentation de la valeur d’un bien préempté n’a pas d’incidence sur les droits du propriétaire initial », AJDA 2010, p. 527. Et la Cour de cassation a jugé (Cass. 3e civ., 6 oct. 2016, no 15-25154) « qu’aucune disposition du Code de l’urbanisme alors applicable n’imposait au titulaire du droit de préemption et aux acquéreurs successifs de proposer la rétrocession du bien préempté à l’ancien propriétaire et souverainement qu’aucune faute n’était caractérisée à l’encontre de l’État, de la Sebli ou de la commune d’Agde et relevé que Mme X… avait pris l’initiative de céder son terrain, ce dont il résultait que la perte de la plus-value générée par celui-ci après l’exercice du droit de préemption ne saurait constituer une atteinte portée aux droits du propriétaire initial protégés par l’article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision en rejetant la demande de dommages-intérêts formée par Mme X… ; »
169) Cass. 3e civ., 12 févr. 2014, 13-14.180, AJDI 2015. 100, Étude S. Gilbert.
170) Cass. 3e civ., 11 janv. 2011, no 09-17.370 , Sté Fradhor ; Cass. 3e civ., 30 janv. 2019, no 17-28.748, EPFL.
171) Cass. 3e civ., 31 janv. 1996, no 94-15.464, M. X c/ Sté d’équipement de la Réunion.
172) Cass. 3e civ., 28 janv. 2009, no 07-20.353 ; dans le cadre de terrains acquis via préemption, le droit de rétrocession peut s’exercer si, avant l’expiration d’un délai de cinq ans, l’autorité titulaire du droit de préemption utilise le bien à d’autres fins que celles envisagées par l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme (C. urb., art. L. 213-11, al. 3). Pour les biens issus d’une expropriation, un droit de rétrocession est ouvert pendant trente ans aux anciens propriétaires lorsque ces biens n’ont pas reçu la destination prévue par la DUP dans un délai de cinq ans (C. expr., art. L. 421-1)
173) J. Jeanneney, « Le détournement des réserves foncières à des fins mercantiles », RFDA 2015, p. 937-955.
174) La loi de finances pour 2021 a en effet ouvert l’intégralité des autorisations d’engagements prévisionnelles pour la durée du plan de relance :

176) V. Appel à Projet 2021, Recyclage foncier des friches pour l’aménagement en Île-de-France, lancé le 17 décembre 2021, par le Préfet de la région Île-de-France, p. 5.
177) Ministère de la Transition écologique, cadrage national des modalités d’attribution du fonds friches, 3e éd., lancée le 15 février 2022.
178) Ministère de l’Écologie, Les lauréats du fonds pour le recyclage des friches – Lauréats de la 3e éd. : 100 M € supplémentaires pour le recyclage de 675 ha de friches, 17 mai 2022 : www.ecologie.gouv.fr/laureats-du-fonds-recyclage-des-friches
180) Parallèlement au financement du fonds friche (ou vert) et à la sécurisation de la procédure d’urbanisme, les opérations de recyclage pourraient utilement s’appuyer sur des partenariats entre le public et les opérateurs privés qui développeront des projets sur ces fonciers grâce à la procédure de tiers demandeur : V. CITY Linked, Voyage en ziZANie, nov. 2022, p. 156.
181) Moniteur en ligne : « L’expérimentation du certificat de projet de l’article 212 de la loi Climat et Résilience », Ophélie Bainville, Lab Cheuvreux, 14 mars 2022.
182) Apur, Lab Cheuvreux, Urbanisme transitoire – solutions juridiques, nov. 2021.
184) Ibid.
185) Dès lors qu’il n’existe pas encore une déclaration préalable précaire dans l’hypothèse où le projet tend seulement à modifier la destination du bien sans qu’il consiste également une modification la structure porteuse du bâtiment ou de la façade : cf. proposition de l’APUR et de l’Étude Cheuvreux, www.apur.org/fr/nos-travaux/urbanisme-transitoire-solutions-juridiques
186) L. no 2014-366, 24 mars 2014, (dite Alur), art. 51.
187) V. le décret d’application no 2019-497 du 22 mai 2019, relatif à l’occupation par des résidents temporaires de locaux vacants en vue de leur protection et préservation en application de l’article 29 de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
188) Le rapport du Sénat souligne en outre que ce dispositif permet de contenir le risque « de détérioration que la vacance des locaux, en l’absence d’entretien régulier, entraîne sur ces derniers ainsi que la forte exposition de ces logements vacants au risque d’occupation illicite » (Rapport fait par M. Reichardt, Sénat, no 278, 25 janvier 2023, pp. 32 et s.)
189) L. no 2018-1021, 23 nov. 2018, (dite Elan), art. 29, al. 2.
191) Le permis d’innover permet – pour une durée de sept ans courant à compter de la promulgation de la loi Elan – aux maîtres d’ouvrage des constructions ou des aménagements situés dans le périmètre d’une OIN, d’une GOU ou d’une ORT de demander à déroger aux règles opposables à leur projet, à condition de démontrer que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé (art. 88, II de la loi no 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine modifié par la loi Elan et l’ordonnance no 2018-937, 30 oct. 2018). Le permis d’innover ouvre ainsi la possibilité de construire officiellement des bâtiments réversibles.
192) V. en outre, la circulaire no 6201/SG du 6 août 2020.
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