CGV – CGU

PARTIE III – Transformer les méthodes
Titre 2 – Protéger l’existant et anticiper son devenir
Sous-titre 2 – Accroître l’offre de logement par sa réversibilité

Chapitre I – La reconversion de l’existant

10530 L’idée de transformer des locaux tertiaires en logements n’est pas nouvelle. Elle est apparue avec les crises financières du milieu des années 1990 puis a refait surface à la fin des années 2000 lors de la crise économique.
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Tous les indicateurs laissent aujourd’hui entrevoir le potentiel formidable de la transformation des bureaux.
La plupart des acteurs du marché s’accordent pour considérer que ce potentiel existe bel et bien, de sorte qu’il est nécessaire de s’y consacrer. Reste à savoir si cela est rentable. Certains intervenants en font un axe majeur de développement à l’instar des sociétés Novaxia ou Compagnie de Phalsbourg. Du côté du parc intermédiaire et social, le Groupe Action Logement, via la contractualisation du Plan d’investissement volontaire PIV) avec l’État, a créé en juillet 2020 la Foncière de transformation immobilière (FTI) ; première structure nationale intégralement dédiée à la transformation de bureaux en logements968.
Une voix s’élève cependant pour s’inscrire en faux sur la viabilité globale du processus engagé, jugeant que « l’analyse de bons sens mène à relativiser l’efficacité et même seulement le réalisme de la transformation des bureaux en logements. Derrière le bruit médiatique et le marketing habile, que restera-t-il de ce qui est présenté à tort comme une partie de l’avenir de la politique du logement ? Pas grand-chose »969.
– Un mauvais bureau fera-t-il un bon logement ? – Répondre à cette question et relever ainsi le défi de la transformation de bureaux en logements, nécessite de se pencher dans un premier temps sur les aspects techniques, économiques et sociologiques de l’opération (Section I). Dans un second temps, il faut examiner les contraintes et les leviers juridiques qui l’entourent (Section II). Enfin, il ne faut pas omettre les impacts fiscaux de ces opérations (Section III).

Section I – Aspects techniques, économiques et sociologiques

10532 « Actuellement les bureaux sont extrêmement “bureaux”, les logements sont extrêmement “logements” »970. Cette affirmation, tranchée, paraît écarter de facto l’intérêt porté aux possibilités de transformations. Pourtant, derrière cette expression, se cache une réalité plus nuancée et multiple. Entreprendre la transformation d’un immeuble tertiaire en logements nécessite d’appréhender l’opération quant à sa faisabilité et sa rentabilité, l’une conditionnant l’autre (Sous-section I). Au-delà se pose aussi la question de l’acceptabilité du projet (Sous-section II).

Sous-section I – Faisabilité technique et financière du projet

10533 En théorie, il n’existe pas d’immeuble tertiaire qui ne soit pas transformable en logements. Dans la pratique, un nombre conséquent de données vont entrer en jeu.

§ I – La typologie des immeubles transformables

10534 Certaines reconversions d’immeubles tertiaires en logements consistent simplement en un retour à leur usage initial971. Ces opérations sont le plus souvent réalisées par des particuliers ou des sociétés familiales agissant selon les opportunités de marché, leurs besoins ou en raison d’une vacance locative professionnelle prolongée. Il s’agit alors principalement de travaux de restructuration interne de l’immeuble, financés en grande partie grâce à la cession de commercialité opérée lors du changement d’usage. Cependant, elles ne portent le plus souvent que sur de petites surfaces et, à l’échelle nationale, ne peuvent donc être significatives.
L’enjeu majeur de la transformation de bureaux en logements réside donc avant tout dans la transformation de grands ensembles de bureaux, par les bailleurs sociaux ou les institutionnels et représentant à chaque fois plusieurs milliers de mètres carrés.
La grande majorité des acteurs intervenants dans ces opérations, et au premier chef les architectes, s’accorde pour considérer que les immeubles de bureaux construits dans les années 60 et 70 sont les plus aisément transformables. En effet, ces bâtiments ont des caractéristiques constructives qui permettent de les rapprocher du logement à plusieurs points de vue et de réduire ainsi le coût de l’opération.
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Les caractéristiques constructives et architecturales d’un bâtiment constituent le premier point d’approche dans l’étude de faisabilité d’un projet de transformation. Malheureusement les immeubles les plus aisément transformables ne correspondent pas nécessairement à ceux des grands îlots voire des grands quartiers d’affaires conçus et construits initialement uniquement pour un usage professionnel. Malgré leur vieillissement, ceux-ci risquent, techniquement, ne pas pouvoir muter dans des conditions acceptables de rentabilité ; ces simples raisons financières font alors préférer leur démolition et leur reconstruction.

§ II – Aspects financiers des opérations de transformation

10536 – Cas des investisseurs. – La crise survenue dans les années 90 a amené les grands investisseurs institutionnels à s’orienter vers les immeubles tertiaires afin de répondre à leurs besoins de rentabilité. Cependant, aujourd’hui, l’obsolescence accélérée du parc, la surproduction d’immeubles professionnels depuis trente ans et la désaffection du concept même de bureau traditionnel au profit de ceux de télétravail, de coworking ou de flex-office, amènent à un accroissement du taux de vacance de ces grands ensembles de bureaux, pouvant aboutir à une vacance structurelle, à l’heure même où la demande de logement n’a jamais été aussi importante. Il paraît alors tout à fait logique de prédire une évolution de l’un vers l’autre. Or, mesurer la rentabilité de l’opération suppose d’en mesurer les coûts (A).
Cas des bailleurs sociaux. S’agissant des bailleurs sociaux, l’approche est différente puisque leur objectif n’est pas la recherche d’une rentabilité mais la production de logements sociaux, intermédiaires ou en accession et la préservation de la mixité sociale, en priorité dans les secteurs tendus (B).
A/ Les acteurs institutionnels
10537 Dès lors qu’un immeuble détenu par un investisseur est frappé d’obsolescence et/ou par une inoccupation plus ou moins importante, il devient nécessaire de déterminer si l’un ou l’autre de ces éléments risque de dériver vers une vacance structurelle. Prioritairement, la possibilité d’une remise aux normes actuelles est étudiée, puisqu’elle conditionne la remise sur le marché. À défaut, l’investisseur doit décider s’il est préférable :

de maintenir l’état de vacance. La perte financière récurrente peut en effet être préférable au coût d’une restructuration, d’une démolition ou à la perte définitive générée par une réduction drastique de sa valeur d’immobilisation en cas de cession. L’immeuble est alors voué à devenir une friche ;

d’engager une opération de démolition/reconstruction. Cette option, souvent plus viable financièrement, doit cependant être assumée au regard des risques liés à la perte de constructibilité et au coût carbone généré par une telle opération ;

d’engager une opération de transformation soit par ses propres moyens, soit liée à une opération de cession.

10538 Dans le second cas (cession), l’écueil principal est que, pour pouvoir assurer un équilibre financier de l’opération, le cessionnaire qui assume le coût de la transformation, souhaite acquérir l’immeuble à un prix inférieur à sa valeur de marché. Or, l’immeuble étant par principe situé en zone tendue, il est difficile pour son propriétaire d’accepter cette décote.
10539 Dans la première hypothèse (transformation à son initiative), le propriétaire n’aura à supporter que le coût des travaux de transformation, ce qui peut l’inciter à en limiter l’ampleur. En termes de rentabilité pour les investisseurs, les opérations de transformation s’orientent d’abord vers le commerce ou l’hôtellerie et en second choix vers les résidences services ou étudiantes. Ce n’est que par défaut qu’une transformation en logements sera entreprise ; la rentabilité escomptée étant moindre, lorsqu’il ne s’agit pas tout simplement d’arriver uniquement à équilibrer l’opération. En outre, l’acceptabilité du projet est sujette à l’appréciation des pouvoirs publics locaux en raison du coût des équipements publics pouvant être rendus nécessaires en cas de transformation en logements.
Il est communément admis que le coût de transformation d’un immeuble tertiaire en logements est supérieur de 10 à 20 % par rapport au coût de la construction neuve (traitement de l’amiante, restructuration des façades et réseaux, adaptation des normes techniques et de sécurité…). Ce surcoût obérant nécessairement l’équilibre financier du projet, celui-ci sera recherché par des gains de commercialité. Nous étudierons au cours des développements à venir les outils juridiques permettant d’y parvenir973.
10540 Toutefois, de telles opérations doivent dépasser la logique purement financière. Ce « recyclage urbain » permet en effet de réduire de moitié le coût carbone974 par rapport à une construction neuve. Il permet en outre d’introduire l’économie circulaire975. Dès lors, les institutionnels doivent appréhender ces projets sous l’angle d’une démarche environnementale, éco-responsable et/ou dans le cadre d’une démarche de Responsabilité sociétale d’entreprise (RSE). En somme, les enjeux financiers doivent désormais céder le pas sur les enjeux environnementaux.
B/ Les bailleurs sociaux
10541 Exempts de la contrainte de rentabilité et poursuivant un objectif différent des acteurs institutionnels, les bailleurs sociaux se doivent d’être au nombre des acteurs majeurs de la réalisation de telles opérations. Même en secteur tendu, cet atout leur permet de faire réaliser l’acquisition d’immeubles à transformer pour un prix relativement proche voire identique à leurs prix de marché (condition sans laquelle le propriétaire aurait du mal à accepter une cession). Cette dynamique est d’autant plus efficace qu’elle peut s’appuyer sur une démarche volontariste des instances publiques locales de revitalisation et de mixité sociale de certains îlots voire de quartiers entiers.

Sous-section II – L’acceptabilité du projet

10542 Comme nous l’avons vu, un immeuble est plus ou moins facilement transformable en logements, en fonction de ses caractéristiques constructives, qui influencent directement le coût et la faisabilité du projet. Outre ces aspects matériels, certes primordiaux, ces projets doivent s’inscrire dans un cadre plus large d’évolution de la ville. La ville d’aujourd’hui se doit d’être plus résiliente et en lien avec la politique environnementale engagée. La rareté du foncier disponible dans les zones où le manque de logements est le plus fort et la nécessaire prise en compte du coût carbone des opérations de démolition et de construction doivent conduire tant les élus que leurs administrés à se questionner sur l’acceptabilité de tels projets. Or, la plupart des freins aujourd’hui rencontrés dans ces opérations peuvent être levés par l’intervention des pouvoirs publics locaux, via des dérogations aux règles générales.
Une opération isolée de transformation d’un immeuble (aussi grand soit-il) situé dans un cœur de ville ou dans une périphérie à forte implantation résidentielle ne peut recevoir un traitement identique à celui d’un projet de grande ampleur à l’échelle d’un îlot ou même d’un quartier dans son ensemble. Il est évident que pour assurer le succès de telles opérations, la seconde vie du bâtiment se devra d’être pérenne. Le premier cas n’appelle pas d’observation particulière ; en revanche, le second mérite quelques propos complémentaires.
Une telle opération d’ampleur n’a de sens et, partant, n’est viable que si elle est accompagnée par les pouvoirs publics. Elle sera tout simplement rejetée par ses futurs occupants si elle ne peut s’inscrire dans une vision plus globale d’insertion dans la ville. Les autorités locales doivent repenser la mutation des quartiers d’affaires délaissés pour en faire des espaces résidentiels convoités. Cela passe nécessairement par la réalisation de nouveaux équipements publics dédiés (bâtiments administratifs, complexes scolaires, sportifs et de loisirs, maisons de quartiers, espaces verts, îlots de fraicheur…), par l’incitation à de nouvelles implantations commerciales et par de nouvelles infrastructures routières et de transports collectifs. À défaut, de telles opérations peuvent conduire au mieux à une inertie et au pire à un rejet de la part des élus. Elles entrainent en effet des dépenses importantes et vont éteindre, du moins pendant une certaine durée, les recettes fiscales liées à la disparition des activités jusqu’alors présentes sur un territoire. Cependant à moyen et long terme, c’est bien la collectivité qui en profitera grâce au regain d’attractivité qui sera généré, sans pour autant en faire de nouvelles villes dortoirs. Qui préférerait administrer une friche tertiaire plutôt qu’un cœur de vie repensé, attractif, résilient et éco-responsable ?

Section II – Aspects juridiques

10543 Entreprendre la transformation d’un immeuble tertiaire en logements paraît relever du parcours du combattant devant la diversité des normes législatives et règlementaires à prendre en considération. Ce fameux « millefeuille », made in France, ne peut être étudié en exhaustivité dans les présents développements. Aussi, nous nous concentrerons sur celles intéressants principalement la pratique notariale, que ce soit en droit public (Sous-section I) ou en droit privé (Sous-section II).

Sous-section I – Applications aux règles de droit public

10544 Une opération de transformation impacte en premier lieu la destination et l’usage du bâtiment (§ I). Ce changement de destination influe sur l’application d’autres règlementations et bénéficie à ce titre de certaines règles dérogatoires (§ II).

§ I – Le contrôle du changement de destination et d’usage

A/ Le changement de destination
10545 – Condition préalable : situation du projet dans une zone d’habitation du PLU. – Si les destinations et sous-destinations sont limitativement énumérées, il appartient au règlement de chaque plan local d’urbanisme de définir, à l’intérieur de chacune de ses zones, celles autorisées sans restriction, celles soumises à dispositions particulières et celles interdites. Une opération de transformation ne peut donc être autorisée que pour autant qu’elle se situe à l’intérieur d’une zone autorisant l’habitation.
Changement de destination. Le premier obstacle juridique à lever lors d’une telle opération est celui du changement de destination de l’immeuble.
Depuis le 1er janvier 2016, le Code de l’urbanisme connaît cinq destinations et, à ce jour vingt-trois sous-destinations976, explicitées par un arrêté ministériel du 10 novembre 2016977. Parmi celles-ci se trouve la destination « habitation » regroupant les sous-destinations « Logement » et « Hébergement ». Ainsi tout changement de destination978, ou de sous-destination, doit respecter les règles prévues aux articles R. 421-14 et R. 421-17 du Code de l’urbanisme979, à savoir :

aucun contrôle en cas de changement de sous-destination au sein d’une même destination, en l’absence de travaux modifiant la façade ou les structures porteuses ;

déclaration préalable en cas de changement de destination, en l’absence de travaux modifiant la façade ou les structures porteuses ;

permis de construire en cas de changement de destination ou de sous-destination s’accompagnant de travaux modifiant la façade ou les structures porteuses.

Les opérations de transformation, telles que nous les envisageons dans ces développements, nécessitent à tout le moins une non-opposition à déclaration préalable mais plus probablement un permis de construire. Cela implique la constitution d’un dossier idoine, des délais d’instruction et un risque de recours ou de retrait des autorisations délivrées.
B/ Le changement d’usage
10546 Le contrôle du changement d’usage a été traité dans les développements précédents980. Aussi, nous nous contenterons de rappeler que la transformation d’un immeuble à usage autre que l’habitation vers un usage d’habitation n’est pas soumise à cette règlementation. Au contraire, une évolution dans ce sens permettra à son propriétaire de céder la commercialité y attachée, avec les contraintes qui ont déjà été soulevées. Le gain retiré par cette cession participera à la tentative de parvenir à un équilibre financier de l’opération.
Rappelons malgré tout qu’une fois ce changement d’usage effectué vers de l’habitation, tout retour arrière nécessitera alors de soumettre de nouveau au respect des règles sur la police du changement d’usage. Cette contrainte a souvent été considérée comme un facteur de blocage. C’est d’ailleurs pourquoi, depuis 2015, l’article L. 631-7-1 B du Code de la construction de l’habitation autorise l’affectation temporaire à usage d’habitation d’un immeuble « autre » pour une durée maximale de quinze ans. Cependant, comme déjà évoqué, cette durée est jugée trop courte pour être réellement incitative à l’égard d’opérations d’envergure.

§ II – L’urbanisme dérogatoire

10547 Parce que jugées très ou trop complexes à réaliser et d’un équilibre financier incertain, les opérations de mutation d’immeubles en logements ne sont pas encore suffisamment significatives. C’est en ce sens que les pouvoirs publics, voulant encourager leur développement, ont tenté de lever les nombreuses contraintes s’y rapportant, en édictant des règles dérogatoires tant au droit de l’urbanisme (A) qu’à celui de la construction (B).
A/ Les dérogations au droit de l’urbanisme
10548 Le régime dérogatoire général, né de l’ordonnance n° 2013-889 du 3 octobre 2013 relative au développement de la construction de logement, est aujourd’hui codifié à l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme (I). L’article L. 152-6-4 prévoit quant à lui un régime dérogatoire propre aux opérations de revitalisation de territoire (ORT) (II).
I/ Régime général des règles dérogatoires
a) Champ d’application territorial

10549 Les dérogations au règlement du plan local d’urbanisme ne s’appliquent pas à l’ensemble du territoire. Le premier alinéa de l’article L. 152-6 prévoit qu’elles ne peuvent être accordées que pour des projets situés dans :981 :

les communes soumises à la taxe annuelle sur les logements vacants (zones tendues) ;

les communes de plus de 15 000 habitants à forte croissance démographique ;

les périmètres des Grandes opérations d’urbanisme (GOU).

b) Champ d’application matériel

i) Régime dérogatoire « ordinaire »

10550 En application du 3° de l’article L. 152-6, dès lors qu’il est sollicité une autorisation pour effectuer une transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation, l’autorité compétente, sur demande du pétitionnaire, peut accorder des dérogations au règlement du plan local d’urbanisme (ou du document en tenant lieu), sur les règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement, dans la limite d’une majoration de 30 % du gabarit de l’immeuble existant982.
Par ailleurs, lorsque la commune concernée ne fait pas l’objet d’un arrêté de carence au titre des logements locatifs sociaux983, il peut également être dérogé à la servitude de mixité sociale prévue à l’article L. 151-15 du Code de l’urbanisme.
Relevons enfin que l’article 112 de la loi no 2022-217 du 21 février 2022, dite « loi 3DS », a supprimé l’obligation pour l’autorité compétente de motiver sa décision. Cependant les dérogations accordées devront toujours l’être en tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation.
ii) Régime dérogatoire « majoré »

10551 En complément de cette majoration de 30 %, le 6° du même article ajoute deux bonus supplémentaires de constructibilité :

l’un de 15 % pour « les constructions contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres », dans la limite d’un plafond de 50 % de dépassement au total ;

l’autre de 5 % si le projet, qui bénéficie d’ores et déjà de la dérogation, présente en outre « un intérêt public du point de vue de la qualité ainsi que de l’innovation ou de la création architecturales ». À la différence des deux autres majorations, celle-ci doit être motivée et doit faire l’objet d’un avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

II/ Règles propres aux ORT
10552 Les opérations de revitalisation de territoires984 ont fait leur entrée dans le corpus des règles dérogatoires prévu à l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme à l’occasion de la loi « Elan » de 2018. Depuis la loi « 3DS » du 21 février 2022, elles font désormais l’objet d’un dispositif propre codifié sous l’article L. 152-6-4 du même code, afin notamment de « faciliter le recyclage et la transformation des zones urbanisées ». Cet article contient les mêmes règles dérogatoires aux règles de densité et de gabarit dans la limite de 30 % ainsi que la majoration supplémentaire de 15 %. Il comporte également une possibilité de dérogation aux règles de stationnement. Mais surtout, cet article permet à l’autorité compétente d’autoriser une destination non prévue dans la zone urbaine du plan local d’urbanisme (ou du document en tenant lieu) dès lors que le projet « contribue à la diversification des fonctions urbaines du secteur concerné ». Inversement, il ne peut être dérogé aux objectifs de mixité sociale. De même, les dérogations accordées devront être motivées.
Néanmoins, plusieurs commentateurs et praticiens s’interrogent les fondements des pareilles dérogations, et plus encore depuis que leur motivation n’est plus exprimée. Pourtant, ces mesures doivent avoir un effet « déclencheur » sur les opérations de mutation de l’existant en ce qu’elles permettent aux acteurs impliqués de compenser leur surcoût et les pertes de surfaces. D’ailleurs, le ministère lui-même invite à accorder ces dérogations dès lors que le projet présenté permet une bonne intégration architecturale et urbaine985. Restent alors à étudier les règles appartenant au droit de la construction.
B/ Le régime du droit de la construction
10553 – Un millefeuille de plus. – Basculer d’un usage tertiaire vers de l’habitation nécessite une adaptation du projet à de multiples normes de construction (normes d’incendie, d’accessibilité, d’isolation acoustique ou de performance énergétique, pour ne citer que les plus connues). Ces normes diffèrent d’un statut à l’autre, et certaines d’entre elles relèvent même de législations différentes et indépendantes, à l’instar de celle sur l’incendie986, obligeant l’usager et son conseil à passer sans cesse de la consultation d’un ensemble de textes à un ’autre. À vouloir trop bien protéger, notre législateur ne serait-il pas devenu lui-même pompier pyromane ?
L’apport de la loi Essoc : préserver le droit à l’innovation. L’ordonnance no 2020-71 du 29 janvier 2020 dite « Essoc II », entrée en vigueur le 1er juillet 2021 a tenté d’éteindre l’incendie…Elle encourage le droit à l’innovation, né de la loi « Essoc »987, en le pérennisant par l’introduction de l’article L. 112-4 du Code de la construction et de l’habitation. Cet article repense différemment le respect des normes dans le processus de construction. Il permet en effet de mettre en œuvre toute solution technique adéquate pour tout projet de construction ou de rénovation, dès lors qu’elle respecte les objectifs généraux définis pour chacune d’entre elles988.
10554 Nous nous devons de saluer l’audace affichée par le législateur au travers de cette nouvelle approche du respect des normes de construction. Malheureusement à ce jour, le recours aux solutions innovantes et alternatives reste encore trop confidentiel. L’une des raisons en est que leur coût de mise en œuvre est plus élevé pour l’opérateur, grevant donc encore un peu plus son budget de réalisation.
Au-delà de ce principe du droit à l’innovation, les opérations de transformation en logement bénéficieront des règles dérogatoires prévues par le Code de l’urbanisme et pourront, voire devront, s’accompagner d’une surélévation. Il pourra alors être fait application des dispositions de l’article L. 112-13 du Code de la construction et de l’habitation. Sur ce sujet, nous renvoyons le lecteur aux développements propres à la surélévation989.
Si le législateur semble avoir pris la mesure des contraintes du droit public inhérentes à ces opérations de transformation et a tenté de les lever ou de les améliorer, par touches successives, tantôt par des règles dérogatoires, tantôt en encourageant l’innovation, à quelles restrictions du droit privé ces mutations se heurtent-elles ?

Sous-section II – Applications aux règles de droit privé

10555 Les opérations de transformation en logement devront concilier les atteintes possibles tant au droit de propriété (§ I) qu’au droit de jouissance des occupants (§ II).

§ I – Transformation et droit de propriété

10556 Des restrictions au droit de propriété lors des opérations de transformation peuvent venir contraindre le projet que soit en monopropriété (A) ou en copropriété (B). Les premières peuvent, d’ailleurs, se cumuler avec les secondes.
A/ En monopropriété
10557 La mutation d’un bâtiment entier détenu en monopropriété, n’emporte aucune contrainte particulière au regard du droit de propriété à une exception près : la contractualisation des règles stipulées dans les cahiers des charges de lotissement ou de zone d’aménagement concerté. En effet, si l’opération de transformation à engager se situe à l’intérieur de l’un de ces périmètres, la nouvelle destination et le projet dans son ensemble devront être conformes aux règles édictées par ces documents, ou à défaut, le propriétaire devra engager la procédure requise par l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme, respecter la règle de majorité prévue par les statuts de l’ASL ou pire, requérir un vote à l’unanimité selon la nature règlementaire ou non de la disposition à modifier990. On sait que certains projets très importants de transformation ’se sont trouvés anéantis par la rédaction de documents datant de plus de soixante ans ! L’intérêt « supérieur » de telles opérations ne justifie-t-il pas de pouvoir passer au-dessus de l’addition des intérêts particuliers et de la « sacralisation » de son caractère contractuel, si cher à la Cour de cassation ?
Outre les difficultés pouvant être rencontrées au sein des lotissements et ZAC, celles-ci peuvent se cumuler avec celles liées au statut de la copropriété.
B/ En copropriété
10558 Dès lors que l’immeuble à transformer relèvera du régime de la copropriété, deux obstacles doivent être levés. Le premier relatif à la destination de l’immeuble et l’affectation des lots (I) et le second en cas de projet de surélévation (II).
I/ Destination de l’immeuble et affectation des lots
a) Destination de l’immeuble

10559 En application de l’alinéa 2 du I de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, la destination d’un immeuble en copropriété « est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ». Il en résulte deux situations possibles.
– Dans le cas le plus fréquent où la destination de l’immeuble est définie précisément par son règlement de copropriété, et compte tenu de sa valeur contractuelle, l’opérateur de la transformation devra s’y conformer. Ainsi, si l’immeuble est à usage exclusif de « commerce » ou « bureaux », le changement de destination vers l’habitation devra faire l’objet d’un vote à l’unanimité des copropriétaires. La difficulté d’obtenir l’adhésion de l’ensemble des copropriétaires sera alors proportionnelle à leur nombre au sein de la copropriété.
– Pour le cas, plus rare, où la destination générale de l’immeuble n’est pas définie par son règlement de copropriété, si sa rédaction est sujette à interprétation ou enfin tout simplement parce qu’il n’en n’existe pas de règlement de copropriété, elle résulte des caractères de l’immeuble (caractéristiques techniques, nature des occupations) ou de sa situation (environnement immédiat à l’échelle de la rue ou du quartier)991. Ce point est fréquemment source de contentieux puisque les juges du fond disposent, dans ce cas, d’un pouvoir souverain d’appréciation.
b) Affectation des lots

10560 Si le règlement de copropriété définit, outre la destination de l’immeuble, celle des lots, le copropriétaire souhaitant la modifier doit, là encore, recourir à l’unanimité, toujours en raison de son caractère conventionnel992. Il s’agit, fort heureusement, d’un cas assez rare puisque l’affectation des lots résulte le plus souvent de l’état descriptif de division, dont la nature contractuelle reste débattue993. Dans ce cas, il doit être fait application du premier alinéa du I de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 : « chaque copropriétaire (…) use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ». En d’autres termes, un copropriétaire peut librement modifier l’affectation de son lot (définie par l’EDD) dès lors qu’il ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble, ne contrevient pas à une clause restrictive du règlement de copropriété justifiée par la destination de l’immeuble, ni ne cause un trouble anormal de voisinage. Notons cependant que, même dans ce cas, le projet de transformation, tel que nous l’envisageons, emportera très probablement une modification de la façade ou des parties communes. Dès lors, le projet nécessite une approbation en assemblée générale, à la majorité prévue par l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965.
10561 Les difficultés inhérentes au statut de la copropriété sont à ce jour connues des pouvoirs publics. En effet, le 28 octobre 2021, la Commission pour la relance durable de la construction de logements, dite « Commission Rebsamen », remettait le Tome II de son rapport. Sa proposition numéro 19 est ainsi rédigée : « Dans les territoires où ces opérations (i.e. transformation de bureaux en logements) correspondent à un intérêt général manifeste, étudier une modification de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 sur les copropriétés permettant à l’assemblée générale de décider à la double majorité une modification du règlement de copropriété pour autoriser l’usage de lots privatifs à titre de logements sans porter une atteinte disproportionnée aux droits des minoritaires. »994. Faisons le vœu que cette proposition soit entendue par le législateur.
II/ Le cas de la surélévation
10562 Grâce aux bonus de constructibilité que nous venons d’évoquer, l’opération de transformation peut souvent s’accompagner d’une surélévation de l’existant. C’est ainsi que, si l’immeuble concerné relève du régime de la copropriété, et à995 moins que le droit de surélever n’ait été réservé au profit de l’opérateur ou constitué en lot transitoire, il sera fait application des dispositions de l’article 35 de la loi du 10 juillet 1965. En premier lieu, l’aliénation du droit de surélever doit être approuvée par l’assemblée générale des copropriétaires à la double majorité de l’article 26, réduite à la majorité de l’article 25 si le bâtiment est situé dans un périmètre où le droit de préemption urbain est institué en application de l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme. Si l’immeuble comporte plusieurs bâtiments, un vote confirmatif en assemblée spéciale pour le bâtiment concerné sera requis, aux mêmes règles de majorité que ci-dessus. En second lieu, il doit être procédé à la purge du droit de priorité des copropriétaires des locaux situés, en tout ou partie, sous la surélévation996.

§ II – Transformation et droit de jouissance

10563 Le postulat de nos développements est que les opérations de transformation d’immeubles tertiaires en logements porteront prioritairement sur des bâtiments obsolètes et donc frappés d’une vacance locative. Dans cet ordre d’idée, l’immeuble devrait donc être libre d’occupant. Qu’en serait-il toutefois si, lors de l’étude du projet, un ou plusieurs locataires, a fortiori bénéficiaires de baux commerciaux, étaient en place ? Par principe, le bailleur ne peut délivrer congé qu’à l’expiration de la période de neuf ans du bail ou au cours de sa tacite prolongation. La situation peut alors devenir inextricable pour le propriétaire, surtout en cas de baux multiples ; elle peut même l’amener à renoncer à son projet.
C’est pourquoi un amendement, adopté lors du vote de la loi Elan de 2018, a instauré un nouveau cas de résiliation triennale à l’initiative du bailleur, codifié sous l’article L. 145-4 du Code de commerce : la transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation997. Moyennant le versement au preneur une indemnité d’éviction, le propriétaire peut ainsi retrouver plus rapidement la libre jouissance de l’immeuble998.
S’engager dans une opération de transformation nécessite enfin d’appréhender et d’anticiper les enjeux fiscaux qui s’y attachent.

Section III – Aspects fiscaux

10564 Il existe, en faveur des opérations de transformation en logements, des incitations fiscales diverses mais disparates (Sous-section I). Toutefois, celles-ci ne doivent pas faire oublier les règles applicables en termes de TVA et de droits d’enregistrement (Sous-section II).

Sous-section I – Les mesures fiscales incitatives

10565 Parmi les mesures incitatives figure principalement celle liée au régime des plus-values immobilières (§ I) mais d’autres mesures spécifiques peuvent également entrer en ligne de compte (§ II).

§ I – Au titre des plus-values immobilières

10566 L’une des principales mesures d’incitation fiscale dédiées à ces opérations trouve son siège à l’article 210 F du Code général des impôts. Ce texte prévoit l’application d’une imposition des plus-values au taux de 19 % (taux inférieur à celui de l’impôt sur les sociétés) en cas de cession réalisée dans les conditions suivantes :

le cédant doit être une personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés ;

le cessionnaire doit être une personne morale, quelle qu’elle soit999 ;

la cession doit porter sur des locaux (immeuble entier ou partie d’immeuble) de bureaux, commerciaux ou industriels ;

le cessionnaire doit s’engager à transformer les locaux en usage d’habitation dans les quatre ans qui suivent la date de clôture de l’exercice au cours duquel l’acquisition est réalisée ; délai prolongeable sur demande pour une année supplémentaire, renouvelable une fois.

10567 On regrettera que ce régime ait été conçu comme étant d’application temporaire1000 et limité aux seules zone tendues1001.
Il est pareillement dommageable de constater que l’article 28-II de la loi no 2017-1775 du 28 décembre 2017 instituant un abattement exceptionnel de 70 à 85 % sur les plus-values des particuliers en cas de cession en faveur de la création de logements ne s’applique pas à de telles opérations de transformation. En effet, en cas de cession d’un immeuble bâti, pour que l’abattement soit applicable, l’acquéreur doit s’engager dans l’acte à le démolir. Or, il est rare qu’une opération d’envergure trouve son origine dans la vente d’un grand ensemble détenu par un particulier ou assimilé. Au demeurant, toutes autres conditions étant remplies, de telles opérations pourraient bénéficier de l’exonération prévue par l’article 150 U-7° du Code général des Impôts en cas de création de logements sociaux.

§ II – Mesures spécifiques

10568 Certaines mesures se rapportent directement aux opérations de transformation (A) alors que d’autres ne font que s’y rattacher (B).
A/ Mesures propres aux opérations de transformation
10569 Le point commun de ces mesures est de peser sur le budget communal, en diminuant (I) ou en augmentant les recettes (II).
I/ La perte de recettes : l’exonération particulière de taxe foncière
10570 L’article 1384 F du Code général des impôts octroie la possibilité aux communes et EPCI à fiscalité propre, sur délibération, d’exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, pour une période de cinq ans, les locaux affectés à l’habitation principale issus de la transformation de bureaux1002. Cette exonération ne s’applique que sur la seule part revenant à la collectivité intéressée et, s’agissant de la part communale, des taxes additionnelles à cette taxe perçue au profit des établissements publics fonciers, des EPCI sans fiscalité propre dont les communes concernées sont membres, des communes ou des EPCI à fiscalité propre ayant institué la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.
II/ Une recette supplémentaire : « l’aide à la construction durable du plan France Relance »
10571 Pour les décisions de non-opposition à déclaration préalable ou permis de construire délivrés entre le 1er septembre 2020 et le 31 août 2021, autorisant un projet de transformation de bureau en logement et générant une densité de logement supérieure à un seuil spécifique, les communes ont perçu une aide forfaitaire de 150 euros pour chaque mètre carré de surface de plancher de logement autorisé dépassant ledit seuil de densité1003.
Malgré un montant octroyé total pour la première année de près de 142 millions d’euros, cette incitation ne semble pas avoir produit l’effet escompté puisque les dispositions régissant l’aide, prévues pour une période de deux années, ont fait l’objet d’une réécriture pour les projets entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2022. Le dispositif a été recentré sur les communes en zones A, A Bis et B1 et a pris la forme d’une contractualisation entre l’état et la commune. L’aide accordée est alors de 2 000 euros par logement autorisé dans le cadre d’une opération de transformation1004.
B/ Mesures rattachées aux opérations de transformation
10572 Ces mesures profiteront alternativement aux institutionnels (I) ou aux particuliers (II).
I/ En faveur des institutionnels
10573 Au titre de l’article 220 Z septies du Code général des impôts1005, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, certains opérateurs institutionnels1006 assurant la production de logements locatifs intermédiaires1007 en zones tendues (A, A Bis ou B1) ou à défaut, dans un ensemble immobilier comprenant également des logements locatifs sociaux, soit par une construction neuve, soit par la transformation de locaux à usage autre que d’habitation en logement1008, bénéficient d’une créance d’impôt sur les sociétés, non imposable, et égale au montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour une durée maximale de 20 ans1009.
II/ En faveur des particuliers
10574 Sous réserve du respect des règles propres à chaque dispositif, les acquisitions par les particuliers de logements issus de la transformation d’un immeuble antérieurement à un usage autre peuvent bénéficier des réductions d’impôts prévues au titre des régimes suivants :

opérations de restauration immobilière dites « Malraux »1010 ;

investissements « Denormandie ancien »1011 ;

investissements « Pinel »1012.

Nonobstant ces diverses mesures, les opérations de transformation en logements que nous évoquons peuvent être soumises à l’égard de la TVA ou aux droits de mutation.

Sous-section II – La TVA et les droits de mutation

10575 La transformation d’un immeuble à usage autre en logement aura nécessairement un impact pour son opérateur au regard de la TVA (§ I). Par ailleurs, lorsque cette opération s’accompagne d’une mutation que ce soit en acquisition ou en revente, celle-ci aura également une incidence sur la fiscalité lors de la cession (§ II).

§ I – Transformation et TVA

10576 Nous aborderons successivement le régime de droit commun (A) puis le régime spécifique aux logements intermédiaires et sociaux (B).
A/ Régime de droit commun
10577 – Assimilation ou non à la production d’un immeuble neuf. – C’est l’ampleur des travaux réalisés lors de la transformation qui entraine, ou non, la qualification de production d’un immeuble neuf. ’Il y a, au sens fiscal, production d’un immeuble neuf lorsque les travaux réalisés emportent remise à l’état neuf de l’une des quatre composantes suivantes1013 :

la majorité des fondations ;

la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage ;

la majorité de la consistance des façades, hors ravalement ;

l’ensemble des éléments de second œuvre dans une proportion de deux/tiers chacun, à savoir : huisseries extérieures, plomberie, électricité, chauffage, cloisons et planchers non-porteurs.

Si les travaux réalisés n’emportent pas qualification de la production d’un immeuble neuf, et sous condition que l’immeuble soit construit depuis plus de deux ans, les travaux réalisés à l’occasion de la transformation seront soumis à une TVA à taux réduit, par principe au taux intermédiaire de 10 %1014, voire de 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique.
À l’inverse, si les travaux de transformation sont d’une ampleur suffisante pour emporter la qualification d’immeuble neuf, ils seront soumis à la TVA au taux normal de 20 %.
10578 – Régularisations éventuelles. –  A priori l’application de la TVA à taux réduit est plus favorable que le taux normal de TVA pour l’opérateur réalisant les travaux. Cependant, une fois l’immeuble affecté à un usage d’habitation, il sortira du champ des activités soumises à TVA (sur option ou de droit), ce qui ne sera pas sans conséquence.
Par exemple, le propriétaire d’un immeuble tertiaire jusqu’alors affecté à une activité soumise à TVA et qui souhaite le transformer en habitation devra procéder à la régularisation de la TVA sur travaux antérieurs qui aurait été déduite si la transformation intervient au cours des vingt années qui suivent leur réalisation. S’agissant des travaux de transformation, il aura tout intérêt à faire en sorte que ces travaux lui permettent de bénéficier de la TVA à taux réduit en conservant la nature d’immeuble ancien.
10579 Si ce même propriétaire entend céder son immeuble, avant travaux, à un acquéreur qui effectuera la transformation après la cession, c’est ce dernier qui devra en mesurer les conséquences.
Il devra tenir compte de la « TVA en amont » si la cession porte sur un immeuble neuf (qui sera alors soumise de plein droit à TVA) ou sur un immeuble ancien mais soumise à TVA sur option par le cédant ou enfin si la cession n’est pas soumise à TVA mais que le vendeur « facture » une régularisation de TVA (pour des travaux de moins de vingt ans) par une charge augmentative1015. Il devra également prendre en compte la TVA grevant les travaux de transformation. Les effets diffèreront alors selon que lesdits travaux emporteront ou non la qualification de production d’immeuble neuf.
Incidence en cas de revente. Pour le cas où les travaux réalisés à l’occasion de la transformation ne correspondent pas à la production d’un immeuble neuf, la TVA supportée, le cas échéant à l’acquisition, et lors de la réalisation des travaux (au taux réduit) ne sera pas déductible. La revente, après réalisation des travaux, ne sera pas soumise à TVA.
Inversement, si ces mêmes travaux emportent la qualification de production d’un immeuble neuf, la TVA supportée, le cas échéant à l’acquisition, et lors de la réalisation des travaux (au taux normal) sera sans incidence pour l’acquéreur initial/transformateur en cas de revente, puisqu’elle sera soumise à TVA au taux normal.
Seuls des calculs comparatifs réalisés en amont de l’acquisition initiale permettent de déterminer la solution la plus adaptée (si du moins le coût des travaux à réaliser varie suffisamment pour influer sur l’une ou l’autre des qualifications).
B/ Régime spécifique des logements intermédiaires et sociaux
I/ Logements intermédiaires
10580 En application de l’article 279-0 bis A du Code général des impôts, les opérations de transformation de bureaux1016 en logements concourant à la production d’un immeuble neuf (au sens fiscal) peuvent bénéficier du taux réduit de TVA à 10 % applicable aux logements intermédiaires, toute autres conditions prévues par le texte étant par ailleurs respectées.
II/ Logements sociaux
10581 S’agissant des logements sociaux, par application des articles 278 sexies, 278 sexies-0 A et 278 sexies A du Code général des impôts, les opérations d’acquisition-amélioration ainsi que les opérations de location-accession concourant à la production de logements locatifs sociaux à partir d’immeubles à un usage autre, financées au moyen d’un prêt locatif social, bénéficient d’un taux de TVA réduit à 5,5 %.

§ II – Transformation et droits de mutation

10582 Lorsque l’opération de transformation s’accompagne d’une opération d’acquisition pouvant être suivie de revente, il y a lieu, à nouveau, de porter une attention particulière à la qualification des travaux réalisés.
Si les travaux réalisés emportent production d’un immeuble neuf au sens fiscal, l’acquisition de l’immeuble ne relève que du droit fixe de 125 euros moyennant un engagement de « construire »1017. Corrélativement, lors de la revente, les mutations seront soumises aux droits réduits de l’article 1594 F quinquies A du Code général des Impôts1018.
À l’inverse, si les travaux réalisés ne sont pas suffisants pour que l’opération soit fiscalement qualifiée de production d’un immeuble neuf, l’acquisition de l’immeuble peut être assujettie au taux réduit de 0,715 % moyennant la souscription d’un engagement de revente1019. À l’occasion de la revente, les mutations seront soumises aux droits ordinaires tels que prévus par l’article 1594 D du Code général des impôts.
10583 Les opérations de reconversion d’immeubles tertiaires en logements ne seront certainement pas LA solution de production de logements à l’heure du ZAN mais constitueront l’une des solutions nécessairement mises en application. Dès à présent, l’avenir nous appelle à concevoir et réaliser de véritables ’constructions réversibles.

958) Paris étant le seul département assurant un suivi des changements de destinations à cette époque.
959) V. étude : « La transformation et la mutation des immeubles de bureaux », Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise en Île-de-France (ORIE), févr. 2013.
960) V. « Le parc de bureaux parisiens et son potentiel de transformation », APUR, avr. 2015.
961) La vacance structurelle se définit par l’inoccupation majoritaire ou totale d’un immeuble de bureaux depuis au moins quatre ans.
962) V. « La vacance structurelle : comment accélérer la reconversion d’actifs immobiliers », ORIE, note semestrielle, juil. 2018.
963) V. « Reconvertir les bureaux et bâtiments d’activités en logements : un potentiel encore sous-exploité », Institut Paris Région (IPR), note rapide, nov. 2022 :

964) « La stratégie de développement de logements (…) doit, par-delà de l’encouragement de la construction neuve, s’appuyer sur le recyclage du foncier et la mutabilité de la ville. Il s’agit de développer la diversité fonctionnelle dans les quartiers et de lutter contre l’étalement urbain, plutôt que de raisonner uniquement en extension urbaine nouvelle de logements. Cette démarche passe notamment par une action renforcée sur l’immobilier existant, et plus particulièrement sur l’immobilier d’entreprise, qui représente un gisement de production important (…). Notre territoire fait en effet face à un accroissement important de la vacance de l’immobilier d’entreprise (…). Les dynamiques récentes en matière de production neuve de bureaux laissent à penser que ce phénomène va s’accentuer, en accélérant l’obsolescence des actifs immobiliers dits de deuxième main (…). Votre travail portera sur la région francilienne dans un premier temps, où la vacance tertiaire est la plus forte. Il aura ensuite vocation à s’élargir à l’ensemble des territoires métropolitains qui sont touchés par ce phénomène ».
965) « Dans la théorie, la transformation de bureaux vacants en habitations est une évidence. Dans la réalité, c’est une exception. La somme des freins et verrous de tous ordres, économiques, techniques, juridiques et règlementaires, font qu’aujourd’hui ces changements de destination restent exceptionnels. Il est urgent de lever ces blocages pour faciliter les solutions de conversion et l’équilibre économique des opérations. Le projet de loi (Elan) marque par ses dispositions l’ambition de libérer les capacités de faire des acteurs et soutenir les opérations de transformation de bureaux en logements. Face aux enjeux opérationnels, le projet de loi Elan veut être un facilitateur de solutions et un accélérateur de projets ».
966) V. communiqué de presse de l’IEIF, évaluation de l’impact potentiel du télétravail sur le parc et la demande de bureaux en Île-de-France à moyen terme, janv. 2021.
967) Il s’agit du seuil le plus haut enregistré, avec une augmentation de 9,7 % sur un an et 48,73 % sur 2 ans.
968) La FTI affiche pour ambition l’investissement de 1,5 milliards d’€ dans l’acquisition d’immeubles à transformer en logement en vue de « produire » 20 000 logements principalement dédiés au parc intermédiaire et social (salariés, jeunes actifs, travailleurs clés et étudiants). Ces opérations doivent réduire de 50 % l’impact carbone des logements produits. Source : site Action Logement, communiqué de presse, 15 juin 2021.
969) V. Norbert Franchon, Président du Directoire du Groupe Gambetta : « Transformation de bureaux en logements : de la poudre aux yeux ». Revue Le Moniteur Immo, 8 févr. 2021.
970) V. F. Leclercq, « Construire réversible », Canal Architecture, 2017.
971) On pense à l’immeuble « haussmannien ».
972) V. Rapport de la mission sur la qualité du logement – Référentiel du logement de qualité. L. Girometti – F. Leclercq. sept. 2021.
973) V. infra, nos 10543 et s.
974) Un/tiers des émissions en France émane du secteur du bâtiment et 72 % des déchets sont produits en France par le bâtiment, dont 32,5 millions de tonnes pour la démolition (ce qui est supérieur à la totalité des déchets des ménages sur un an).
975) On désigne par « économie circulaire » la production de biens et services durables, en limitant la consommation et le gaspillage des ressources ainsi que la production de déchets. Le concept s’oppose à celui dit du « tout jetable ».
976) C. urb., art. R. 151-27 à R. 151-29.
977) JO 25 nov. 2016, texte no 51, modifié par arrêté du 22 mars 2023.
978) « Pour apprécier la condition du changement de destination, le maire doit prendre en compte la destination initiale du bâtiment ainsi que, le cas échéant, tout changement ultérieur de destination qui a fait l’objet d’une autorisation » : CE, 12 mars 2012, n° 336263, Cne de Ramatuelle.
979) Y compris pour les communes ayant un PLU antérieur et non révisé après le 1er janvier 2016 (PLU « non alurisé ») : CE, 7 juill. 2022, no 454789, Ville de Paris ; JCP CU 2022, comm. 103, Santoni.
980) V. supra, nos 10528001 et s.
981) « Communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l’article 232 du Code général des impôts et dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant sur la liste prévue dernier alinéa du II de l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation et dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3 du présent code ».
982) Cette majoration initialement de 10 % a été portée à 30 % par loi Elan no 2018-1021 du 23 mars 2018.
983) C. urb., art. L. 302-9-1.
984) CCH, art. L. 303-2.
985) V. Instr. 28 mai 2014, NOR : ETLL1400077C (non publiée).
986) Pour de plus amples développements sur la sécurité incendie, V. infra, nos 10607 et s. (réversibilité ab initio avec l’IMH).
987) L. no 2018-727, 10 août 2018, pour un État au Service d’une société de confiance, art. 49.
988) Ce droit à l’innovation se distingue selon que l’objectif général à respecter emporte ou non des résultats minimaux à atteindre. Dans le premier cas (isolation acoustique ou performance énergétique par exemple), l’opérateur peut soit utiliser une solution technique déjà éprouvée et validée, soit utiliser tout procédé de son choix dès lors qu’il peut justifier que le résultat fixé est atteint. Dans le second cas, l’opérateur a une obligation de moyen. Il peut recourir à une solution de référence déjà définie par une norme (CCH, art. L. 112-5) (par exemple les normes incendies) ou utiliser une « solution d’effet équivalent » (CCH, art. L. 112-6 et s.), c’est-à-dire recourir à toutes solutions alternatives à la réglementation en vigueur, s’il prouve qu’il atteint les mêmes résultats que la solution de référence.
989) V. supra, nos 10435 et s.
990) V. infra, nos 10522 et s.
991) Rép. min. no 24693 : JOAN Q 19 avr. 1999 : « Il y a lieu de rechercher, compte tenu de l’environnement de l’immeuble, de sa conception, de son emplacement, de son mode d’occupation actuel et de la disposition des locaux intéressés eux-mêmes si ce changement de destination porte atteinte aux droits acquis des autres copropriétaires et à la destination de l’immeuble. »
992) Cass. 3e civ., 28 avr. 1993, no 91-11.296 ; Cass. 3e civ., 4 juill. 2012, no 11-16.051.
993) Cass. 3e civ. 7 sept. 2011, no 10-14-154. Et en sens contraire : Cass. 3e civ. 6 juill. 2017, no 16-16-849.
994) L’exposé de ses motifs est ainsi rédigé : « La modification des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 sur les copropriétés pour permettre à une majorité qualifiée de modifier le règlement de copropriété pour autoriser le changement d’usage se heurte à des difficultés d’ordre constitutionnel. Pour les copropriétaires minoritaires auxquels le changement d’usage serait imposé, il s’agit en effet d’une atteinte à leur droit de propriété qui ne peut être envisagé qu’avec une grande prudence.

La commission estime toutefois, au regard de l’intérêt général qui s’attache à la reconversion de locaux vacants en logements dans les zones connaissant un déficit d’offre de logements, qu’une modification de la loi de 1965 ne portant pas une atteinte disproportionnée aux droits des copropriétaires minoritaires devrait être mise à l’étude. Il pourrait être envisagé par exemple :
* de permettre à une majorité qualifiée d’élargir la liste des usages autorisés par le règlement de copropriété sans interdire les usages actuels de sorte que les droits des minoritaires sur leurs parties privatives ne soient pas restreints ;
* et/ou permettre dans le même esprit aux minoritaires de s’opposer à la modification des usages autorisés concernant leurs parties privatives ;
* limiter les mesures ci-dessus à des territoires où l’intérêt général est avéré, par exemple par la coexistence d’un déficit d’offre de logements et d’un excédent d’offre de bureaux. »
995) Les conventions réservant le droit de surélever ne sont plus autorisées depuis la création de l’article 37-1 de la loi du 10 juillet 1965, par l’article 208 de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « loi Elan ». Les conventions réservant le droit de surélever, conclues avant l’instauration de cet article, doivent être exercées dans un délai maximal de 10 ans à compter de leur conclusion (L. 10 juillet 1965, art. 37). Par application combinée de ces deux dispositions, aucune surélévation, issue d’une convention conclue juste avant l’instauration de l’article 37-1, ne sera possible après le 25 novembre 2028.
996) Cette disposition est entrée en vigueur par loi Alur pour résoudre les blocages jusqu’alors rencontrés. En effet, auparavant, les copropriétaires de l’étage supérieur du bâtiment à surélever bénéficiaient d’un véritable droit de veto puisque leur accord unanime était requis.
997) Son exposé indique : « Cet amendement vise à permettre aux bailleurs qui transforment un immeuble existant en un immeuble principal d’habitation (donc par exemple un immeuble de bureaux en un immeuble de logements) de donner congé aux locataires à chaque échéance triennale du bail. Cela facilitera la transformation des immeubles de bureaux en logements. L’amendement complète ainsi l’article L. 145-4 du Code du commerce qui permet déjà au bailleur de donner congé à l’expiration d’une période triennale dans certains cas. »
998) Une partie de la doctrine émet des réserves sur l’effectivité de ce nouveau congé en raison d’un renvoi pour l’invoquer, à des articles du Code de commerce ne faisant pas état justement d’une opération de transformation à proprement parler (L. 145-18, L. 45-21, L. 145-23-1 et L. 145-24). V. en ce sens Dalloz Action Droit et pratique des baux commerciaux 2021, p. 534. V. égal. Rev. Loyers et Copropriété, no 2, févr. 2019, alerte no 6, J. Monéger qui propose une réécriture à part entière de ce cas de congé.
999) Auparavant, le cessionnaire devait être une personne morale relevant de l’impôt sur les sociétés. Ce critère a cependant été jugé anticonstitutionnel. Cons. const., 31 juill. 2020, no 2020-854 QPC.
1000) Régime applicable jusqu’au 31 décembre 2024 pour une promesse signée jusqu’au 31 décembre 2023. Relevons cependant que ce régime est « temporaire » depuis le 30 décembre 2011…
1001) « Zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande de logements », à savoir les zones A et A bis définies à l’article R. 304-1 du CCH.
1002) En référence à l’article 231 ter, III, 1° du CGI, excluant ainsi la transformation des locaux commerciaux ou industriels.
1003) D. no 2021-1070, 11 août 2021.
1004) Cette nouvelle mouture de l’aide a abouti à l’engagement de 175 contrats « de relance du logement » pour plus de 1 000 communes (source ministère). Il n’a toutefois pas été possible de déterminer la part des contrats relatifs à la construction de logements neufs ou portant sur des opérations de transformations.
1005) L. no 2021-1900, 30 déc. 2021, art. 81, I, 1°, II et III.
1006) Organismes HLM, SEM, sociétés anonymes de coordination, organismes soumis au contrôle de la société Action Logement Immobilier, caisses de retraite et de prévoyance, établissements publics administratifs et personnes morales dont le capital est détenu en totalité, directement ou indirectement, par des personnes passibles de l’IS.
1007) Éligibles au taux intermédiaire de TVA dans les conditions de l’article 279-0 bis A du CGI.
1008) Par le biais de travaux concourant à la production d’un immeuble neuf.
1009) Ce dispositif remplace celui de l’exonération temporaire de longue durée de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévu à l’article 1384-0 A du CGI.
1010) CGI, art. 199 tervicies.
1011) CGI art. 199 novovicies.
1012) Id.
1013) CGI, art. 257 I-2-2°.
1014) V. BOI -TVA-LIQ-30-20-90-10, no 460.
1015) Par principe, la dispense de régularisation prévue par l’article 257 bis du CGI ne sera pas applicable à l’opération.
1016) À l’exclusion des immeubles commerciaux et industriels.
1017) CGI, art. 1594-0 G A.
1018) Taxe de 0,60 % sur le prix hors taxe et prélèvement de 2,14 % sur le montant de la taxe.
1019) CGI, art. 1020 et 1115.
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