– Histoire. – L'histoire nous apprend que la tendance s'est radicalement inversée, quant aux droits du conjoint survivant, à partir de l'année 2002. D'où un intérêt pour les donations entre époux de biens à venir qui a évolué au fil du temps.
Les comprendre
Les comprendre
Les droits successoraux du conjoint survivant entre 1804 et 2002
– Code Napoléon. – En 1804, le Code civil accorde une faible place au conjoint survivant en tant qu'héritier ; il est placé dans la catégorie des successeurs irréguliers ; celui-ci n'est appelé à la succession qu'à défaut de parents successibles au douzième degré.
– Loi du 9 mars 1891. – La loi du 9 mars 1891 amorce une amélioration de la vocation successorale du conjoint survivant. D'une part, elle lui accorde l'usufruit du quart ou de la moitié de la succession, en fonction de la proximité du lien de parenté des héritiers par le sang avec lesquels le conjoint se trouve en concours ; d'autre part, le conjoint survivant peut bénéficier d'un droit de créance alimentaire contre la succession lorsqu'il se trouve dans le besoin.
– Loi du 24 avril 1958. Avènement des donations au dernier vivant. – La loi du 24 avril 1958 reconnaît au conjoint survivant la qualité d'héritier, en quittant la catégorie des successeurs irréguliers dépourvus de la saisine et contraints de solliciter un envoi en possession. Dans ce contexte, les libéralités entre époux – et spécialement les donations dites « au dernier vivant » – représentent un remède indispensable à la faiblesse de ses droits successoraux.
– Loi no 63-699 du 13 juillet 1963 augmentant la quotité disponible entre époux. – La loi du 13 juillet 1963 augmente la quotité disponible spéciale entre époux, en présence de descendants, à l'option à trois branches, laquelle est désormais composée de la quotité disponible ordinaire en propriété, de l'usufruit universel ou du quart en propriété et des trois quarts en usufruit de la succession. Les donations au dernier vivant prennent alors véritablement tout leur sens.
Les droits successoraux du conjoint survivant depuis 2002
Deux lois majeures…
– Loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001. – La loi du 3 décembre 2001, entrée en vigueur le 1er juillet 2002, a considérablement amélioré la vocation successorale du conjoint survivant.
Ce dernier recueille dorénavant, en présence des descendants du de cujus, le quart en propriété ou l'usufruit universel de la succession, et en présence de ses père et mère, la moitié des biens en propriété. Il prime les collatéraux privilégiés, sous réserve du droit de retour prévu, au profit de ces derniers, sur les biens reçus du défunt par ses ascendants par succession ou donation. Il est même convié à la table de la réserve héréditaire dès lors que le défunt ne laisse ni descendants ni père et mère.
– Loi no 2006-728 du 23 juin 2006. – La loi du 23 juin 2006, dont la majorité des dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2007, a consolidé la qualité d'héritier réservataire du conjoint.
Ce dernier y accède dorénavant, à la faveur de la suppression de la réserve des ascendants, dès lors que le de cujus est décédé sans postérité. En vertu de l'article 914-1 du Code civil : « Les libéralités, par actes entre vifs ou par testament, ne pourront excéder les trois quarts des biens si, à défaut de descendant, le défunt laisse un conjoint survivant, non divorcé ».
Ajoutons que lorsqu'il n'est pas réservataire, l'accroissement des droits du conjoint survivant est aujourd'hui possible via la renonciation anticipée des descendants à l'exercice de l'action en réduction des libéralités consenties par le défunt à son époux (Raar).
… une nouvelle donne pour les intérêts des donations entre époux de biens à venir
– Une seule question. Plusieurs réponses. – Existe-t-il encore, en l'état du droit positif, un intérêt à recourir aux donations entre époux de biens à venir ?
La réponse à cette unique question est affirmative, et ce d'autant plus que contrairement au passé, l'intérêt des donations entre époux de biens à venir consiste non plus exclusivement à augmenter les droits successoraux du conjoint survivant (I), mais parfois à les réduire (II).
– Préambule : tenir en échec le droit de retour légal reconnu aux frères et sœurs du défunt par l'article 757-3 du Code civil. – À titre liminaire, il convient de rappeler que, les libéralités entre époux – et notamment celles universelles – permettent, en dépit des incertitudes entourant sa nature juridique, de tenir en échec le droit de retour légal reconnu aux frères et sœurs du défunt par l'article 757-3 du Code civil.
Augmenter les droits successoraux de son conjoint
– Recevoir plus. – En premier lieu, les libéralités conjugales permettent, comme par le passé, d'augmenter les droits successoraux du conjoint survivant.
En vertu de l'article 1094-1 du Code civil, l'époux qui laisserait des enfants ou descendants peut disposer en faveur de son conjoint de droits en pleine propriété (à hauteur de la quotité disponible ordinaire), mais également de droits en usufruit (jusqu'à l'usufruit de la totalité des biens).
Réduire les droits successoraux de son conjoint
– Recevoir moins. Faculté de cantonnement. – En second lieu, les libéralités conjugales permettent, dorénavant, de réduire les droits successoraux du conjoint survivant.
Depuis la loi no 2006-728 du 23 juin 2006, l'article 1094-1, alinéa 2 du Code civil, prévoit que : « Sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles ». Le conjoint survivant gratifié peut désormais cantonner son émolument à une partie de ce dont il a été disposé en sa faveur par son époux.
Cette nouvelle faculté accordée au conjoint survivant gratifié par donation entre époux s'intitule « la faculté de cantonnement ». Celle-ci offre à la donation entre époux un intérêt conséquent. Par suite, les raisons pour lesquelles, avant 2007 (date d'entrée en vigueur de la loi de 2006), lesdites donations entre époux étaient préconisées ne sont dorénavant plus les mêmes. Avant 2007, l'objet des donations entre époux était d'augmenter les droits du conjoint survivant ; aujourd'hui leur objet est, dans certains cas, de réduire ces droits.
De fait, les libéralités de biens à venir diffèrent de la vocation successorale légale du conjoint, laquelle n'offre pas cette faculté de cantonnement. En effet, l'option successorale étant indivisible, le conjoint ne peut qu'accepter sa vocation légale, y renoncer, ou l'accepter à concurrence de l'actif net. Il ne peut en aucun cas la moduler.