Les clauses relatives à la place de l'investisseur

Les clauses relatives à la place de l'investisseur

La clause d'information

La clause d'information

– Le contexte. – Dans les opérations de capital-investissement notamment, ce type de clause est devenu monnaie courante.
Légalement il existe un droit d'information, mais celui-ci n'est pas suffisamment complet pour se dispenser d'une clause d'information extrastatutaire qui sera beaucoup plus complète.
En pratique ce droit est renforcé au moyen d'une clause d'information prévoyant que la société s'engage, par le biais de son dirigeant, à fournir à l'actionnaire les informations spécifiques qu'il demande. Ainsi, l'investisseur pourra-t-il recevoir les états mensuels ou trimestriels, les budgets prévisionnels, l'ensemble des rapports d'activité de telle ou telle division, filiale ou direction de la société. La société peut aussi s'engager à divulguer spontanément tout fait susceptible de modifier la marche générale de l'entreprise ou sa situation financière.
– Sa mise en place. – La mise en place d'une telle obligation peut se faire par le biais d'une promesse de « porte-fort » prévue à l'article 1204 du Code civil. Elle consiste à donner sa promesse qu'un tiers (en l'occurrence, la société) se comportera d'une façon déterminée.
En pratique, c'est bien la société qui s'engage vis-à-vis de l'investisseur minoritaire, ce qu'a confirmé une cour d'appel qui avait condamné une société pour défaut de communication d'informations conformément à un pacte auquel elle n'était pas partie.
– Le non-respect de la clause. – Seuls des dommages-intérêts pourront être prononcés à l'encontre du débiteur de l'obligation d'information sous réserve pour le bénéficiaire d'apporter la preuve d'un préjudice causé par l'absence du comportement promis.

Les clauses d'autorisation et de consultation préalables

La clause d'autorisation préalable

– Le cadre. – Les associés majoritaires se portent fort de ce que les organes compétents de la société ne prendront pas certaines décisions, nommément listées, sans l'accord exprès de l'investisseur ou d'un autre organe au sein duquel il siège.
Ce type de clause peut-être à double tranchant car elle peut valoir, dans des cas extrêmes, à l'investisseur minoritaire d'être assimilé à un dirigeant de fait et donc de voir sa responsabilité civile et pénale engagée.
– Le type de décisions concernées. – Très couramment, il s'agira de tout ce qui touche aux modifications statutaires et aux décisions de gestion les plus significatives (les emprunts supérieurs à un certain montant, les dépenses d'investissement…).
– La sanction. – Il n'existe pas vraiment de sanction en cas de non-respect de cette clause. En effet, la délibération ou la décision prise par la société, sans respecter la clause d'autorisation préalable, ne viole pas une disposition statutaire. L'article L. 235-1 du Code de commerce ne prévoit pas non plus la nullité d'une délibération prise en violation de dispositions d'un pacte d'actionnaires.
Tout au plus l'investisseur pourra-t-il obtenir des dommages-intérêts de la part de l'actionnaire majoritaire, débiteur de cette obligation, sous réserve de démontrer l'existence d'un préjudice. Une clause pénale pourrait être conseillée, sous réserve du pouvoir modérateur du juge.
Pour ces raisons, il sera préférable que cette clause se trouve dans le pacte statutaire, ce qui renforcera très significativement son efficacité en cas de violation.

La clause de consultation préalable

– Le contexte. – Le pacte d'actionnaires peut prévoir que l'associé majoritaire devra consulter et prendre avis auprès de l'investisseur préalablement à un certain nombre de décisions qui seront énumérées.
Il s'agit d'une simple obligation de faire, difficilement sanctionnable.

Les clauses pour organiser la présence de l'investisseur dans les organes de décision de la société

Les clauses qui organisent la présence de l'investisseur dans l'un de ces organes prennent principalement deux formes :
  • les majoritaires peuvent se porter fort du vote de l'assemblée générale chargée de nommer les mandataires ;
  • ils peuvent aussi s'engager à voter pour la nomination des représentants de l'investisseur. Il s'agit alors de ce que l'on appelle une « convention de droit de vote ».
– Le contexte. – L'investisseur peut souhaiter siéger au sein de divers organes de la société que sont le conseil d'administration, le conseil de surveillance, un éventuel collège ou organe consultatif.
Même si la jurisprudence en a validé le principe, la convention de droit de vote, parce qu'elle est un élément fondamental de l'associé, doit être très circonscrite. Une clause qui priverait purement et simplement un associé de son droit de vote serait nulle, comme une clause dont la durée serait excessive.
– Efficacité de la clause. – L'article 1221 du Code civil prévoit que : « Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ». En conséquence, le non-respect d'une convention de droit de vote pourra faire l'objet d'une exécution forcée en nature, ce qu'avait déjà admis la jurisprudence il y a de nombreuses années.
Quand on connaît la complexité de l'exécution forcée, on privilégiera de faire figurer ce type de clause dans les statuts, notamment au travers d'actions privilégiées.

Les clauses relatives à la distribution d'un dividende

– Le contexte. – Un pacte d'associés peut prévoir plusieurs clauses régissant la distribution d'un dividende, l'objectif principal étant bien souvent de protéger les droits de l'investisseur minoritaire, mais aussi d'éviter que l'associé majoritaire ne procède à des distributions excessives, qui pourraient entraver le développement de la société.
Ce terme englobe plusieurs hypothèses.
– Le dividende minimum. – La première clause concerne la distribution d'un dividende minimum. Aux termes de cette clause, les associés majoritaires s'engagent à garantir un dividende aux associés minoritaires.
Cette clause prend souvent la forme d'une promesse de porte-fort en vertu de laquelle les majoritaires s'engagent à déterminer, une fois l'exercice social achevé, un montant prédéfini de dividendes garantissant aux minoritaires une rémunération et un taux de rendement des capitaux investis.
Cette clause peut ainsi prévoir un montant minimum à répartir, mais également un montant temporairement bloqué au sein de la société. Elle peut en outre interdire la distribution de dividendes dans certaines circonstances. Enfin, on peut préciser dans la clause que la répartition des bénéfices est conditionnée à certains objectifs de rentabilité, ou de fonds propres.
Dans le cas où la société ne peut distribuer de dividendes, faute de bénéfice distribuable, il peut être prévu un report du droit à dividende non servi sur les exercices suivants, qui se cumulera alors au dividende qui sera versé au titre de ces exercices. Il s'agit de ce que l'on appelle dans la pratique un « dividende prioritaire et cumulatif ».
Ce type de clause peut parfaitement trouver sa place dans des statuts.
– La clause de non-distribution de dividendes. – Il s'agit d'une clause originale, destinée à empêcher la distribution de dividendes tant que la société n'a pas atteint une situation financière déterminée. Elle est généralement établie à l'instigation des établissements de crédit acceptant de financer la société.
En pratique, c'est une convention dont l'objet est de bloquer la distribution de bénéfices. Dans la mesure où elle conditionne le crédit octroyé à l'entreprise et qu'elle permet d'affecter le bénéfice à l'autofinancement ou au désendettement, elle est conforme à l'intérêt social de la société.
– Clause de stabilité des capitaux propres. – La troisième clause concerne la stabilité des capitaux propres. Cette clause engage les associés majoritaires : dans l'hypothèse où les capitaux propres de la société baisseraient sous un seuil défini par le pacte, ils seront tenus de reconstituer lesdits capitaux propres, au moins jusqu'à ce seuil.

La garantie de fidélité de l'entrepreneur

La garantie de fidélité de l'entrepreneur

La clause « homme clé »
– Le contexte. – La clause « homme clé » consiste en un engagement du cédant ou de l'entrepreneur, dirigeant opérationnel propriétaire de son entreprise, de devenir salarié de la société, ou à le demeurer s'il l'est déjà, afin de l'accompagner en raison de son rôle essentiel dans son fonctionnement et son développement.
– La validité d'une telle clause. – Ce type de clause a rarement fait l'objet d'une validation par la jurisprudence. Certains se posent donc la question de son efficacité dans la mesure où elle pourrait porter atteinte à la liberté du travail. Pour éviter tout risque de remise en cause, il sera essentiel que cette clause soit motivée par la pérennité de l'entreprise et limitée dans le temps.
La clause d'inaliénabilité
La clause d'inaliénabilité développée ci-dessus, et sur laquelle nous ne reviendrons pas, pourra être un outil pour stabiliser un temps donné la détention capitalistique de la société.
Le notaire pourra utilement conseiller le recours à une telle clause lorsque, par exemple, un cadre dirigeant devient actionnaire avec des objectifs de développement de l'entreprise. On pourrait dans ce cadre concevoir que ce cadre dirigeant ne puisse pas céder ses actions avant un temps donné correspondant aux objectifs qui lui sont fixés.
La clause de non-concurrence
La clause de non-concurrence devra être examinée au regard de deux périodes : celle pendant laquelle l'actionnaire majoritaire est associé (§ I), mais également celle où l'actionnaire majoritaire quitte la société (§ II).
La clause de non-concurrence pendant la période d'investissement
– Le contexte. – Lorsqu'un investisseur participe au capital d'une société, il souhaitera s'assurer que le dirigeant n'ira pas lui faire concurrence en développant une activité similaire ou connexe dans un autre environnement.
En l'absence de toute stipulation de cette nature, la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur la question en indiquant que les associés d'une SARL et les associés d'une SAS ne sont soumis à aucune obligation de non-concurrence à l'égard de la société.
Pour ce qui concerne le dirigeant de la société, la jurisprudence lui impose une obligation de non-concurrence, déduite de l'obligation de loyauté envers la société.
Il sera donc important de se poser la question de l'opportunité d'une telle clause dans un pacte extrastatutaire, qui est en pratique très fréquente, pour ne pas dire systématique.
La clause de non-concurrence au moment où l'actionnaire majoritaire quitte la société
– Le contexte. – Si la vente d'un fonds de commerce tend à obliger légalement le cédant à une obligation de non-concurrence, et ce même en présence d'une disposition contraire, il n'existe rien de tel en matière de cession de titres de sociétés. C'est donc les clauses du contrat qui devront prévoir une telle hypothèse.
– Les limites de la clause. – Cette clause, portant atteinte au droit de travailler et d'entreprendre, devra être justifiée par un intérêt sérieux et légitime, être limitée dans le temps, dans l'espace et quant à l'activité concernée ; ces trois critères étant cumulatifs. Le juge a donc le pouvoir d'annuler la clause de non-concurrence à l'issue d'un contrôle de proportionnalité.
Par ailleurs, depuis 2002, la jurisprudence exige que lorsque la clause de non-concurrence concerne un salarié, elle doit être assortie d'une contrepartie financière, y compris si le salarié est actionnaire au jour de la conclusion du pacte d'associés.
– La violation de la clause. – En cas de violation de la clause de non-concurrence, le bénéficiaire de ladite clause peut obtenir la cessation des activités incriminées, assortie de dommages et intérêts.
En raison de la difficulté qu'il peut y avoir à évaluer le préjudice, il peut être conseillé de stipuler une clause pénale de façon à renforcer l'efficacité de cette clause, assortie ou non d'une promesse d'achat permettant à l'investisseur de sortir de la société en cas de non-respect de la clause de non-concurrence.
– Le bénéficiaire de la clause. – En raison de l'effet relatif des contrats, le bénéficiaire ne peut être qu'un autre associé, partie au pacte, et non la société, sauf à bénéficier d'une stipulation pour autrui. Néanmoins, la jurisprudence assimilant les fautes contractuelles aux fautes délictuelles, la violation de la clause pourrait être invoquée aussi bien par le contractant que par un tiers, ce qui permettrait à la société d'obtenir une indemnisation sur le fondement du non-respect de la clause de non-concurrence.