Les clauses relatives à la détention du capital

Les clauses relatives à la détention du capital

– Plan. – Le pacte d'associés va permettre d'enserrer la détention du capital dans un cadre contractuel contraint. Certaines clauses vont tendre à cristalliser la répartition des droits sociaux (Sous-section I), quand d'autres vont avoir pour objectif de contrôler leurs mouvements (Sous-section II).

Les clauses assurant la cristallisation des participations

– La cristallisation du capital. – Ces clauses ont pour objectif de figer pendant un laps de temps donné les participations au sein de la société afin d'empêcher toute remise en cause des équilibres préétablis. Selon les cas, ces clauses ont pour objet soit d'interdire toute cession de titres, soit de prévenir tout franchissement de seuil à la hausse ou à la baisse par rapport à un certain niveau de participation.

La clause d'inaliénabilité

– Son contexte. – La clause d'inaliénabilité a pour objet d'interdire la cession des titres sur lesquels elle porte. L'objectif est de garantir la stabilité quant à l'identité et au poids respectifs des associés. Ce type de clause se justifie par le fait que la présence de certains actionnaires de référence peut être déterminante pour les minoritaires. Son objectif est alors de leur assurer le maintien d'un groupe majoritaire dans la société pendant une période donnée.
L'inaliénabilité stipulée peut être totale ou partielle.
– Ses limites. – Dans la mesure où cette clause déroge au principe de libre cessibilité des actions, application particulière du droit de disposer de ses biens, la clause d'inaliénabilité n'est valable que si elle est temporaire et justifiée par un intérêt sérieux et légitime.
La jurisprudence, qui a eu l'occasion de se prononcer sur la validité de ce type de clause, y compris dans le cadre d'une acquisition à titre onéreux, considère ces deux conditions comme de droit commun et qu'elles doivent s'appliquer à toutes les clauses d'inaliénabilité, même quand elles n'affectent pas un bien « donné ou légué » . La Cour de cassation a expressément reconnu la validité d'une telle clause le 31 octobre 2007, en jugeant que « dès lors qu'elle est limitée dans le temps et qu'elle est justifiée par un intérêt sérieux et légitime, une clause d'inaliénabilité peut être stipulée dans un acte à titre accessoire ».
– Un cadre légal limité. – Enfin, pour finir sur cette thématique des conditions de validité d'une clause d'inaliénabilité dans les sociétés par actions simplifiées et dans les sociétés européennes, la validité des clauses d'inaliénabilité est prévue par le législateur, qui l'admet dans la limite de dix ans.
– Les conséquences. – La clause d'inaliénabilité aura pour conséquence que les titres qui en seront l'objet ne pourront pas être donnés en garantie, sauf à ce que la clause limite expressément l'inaliénabilité aux cessions volontaires et autorise les cessions involontaires résultant de l'impossibilité pour le débiteur de faire face aux dettes qu'il a contractées.
– Les sanctions. – La sanction de la clause d'inaliénabilité extrastatutaire sera, le plus souvent, l'octroi de dommages et intérêts.
Classiquement, le demandeur devra prouver l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la violation de la clause d'inaliénabilité et ce préjudice.
Néanmoins, le juge pourra prononcer la nullité de la cession effectuée en violation de la clause d'inaliénabilité en cas de connaissance par l'acquéreur de l'existence de cette clause. Il appartiendra, bien sûr, au demandeur à l'action en nullité de rapporter la preuve de la connaissance de la clause d'inaliénabilité par l'acquéreur.

Une clause pouvant figurer dans les statuts d’une SAS

Ce type de clause d'inaliénabilité peut être statutaire. En matière de SAS, l'article L. 227-13 du Code de commerce prévoit que l'inaliénabilité statutaire peut être prévue pour une durée n'excédant pas dix ans.

La clause de non-acquisition

– La clause de non-acquisition. – Également dénommée « clause de non-agression », elle est celle par laquelle un actionnaire s'engage à ne pas acquérir d'actions supplémentaires. Elle vise à éviter qu'un actionnaire, souvent déjà majoritaire, n'augmente directement ou indirectement sa participation dans le capital de la société.
Cette clause est assez rarement utilisée en pratique.

La clause de plafonnement de participation et clause anti-dilution

– La clause de plafonnement. – Elle reprend le principe de la clause de non-acquisition, à la différence que le signataire s'oblige à ne pas acquérir ou souscrire d'actions supplémentaires au-delà d'un certain plafond de participation.
– La clause anti-dilution. – Également appelée « droit de souscription », elle applique une logique inverse à la clause de plafonnement : elle doit permettre à un actionnaire minoritaire de se voir garantir le maintien de son pourcentage de participation dans la société en cas d'augmentation de capital ou de fusion. Concrètement, les autres parties au pacte s'engagent à lui céder le nombre d'actions requis pour maintenir son niveau de participation à un prix égal au prix d'émission des nouveaux titres. Juridiquement, cet engagement prend la forme d'une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive d'augmentation de capital ou de fusion.
Cette clause est essentielle lorsque l'associé majoritaire décide d'une augmentation de capital en supprimant le droit préférentiel de souscription.

Les clauses assurant le contrôle des participations

– Le contexte. – À la différence des clauses ci-dessus étudiées, ces clauses ne visent pas à maintenir le statu quo dans la répartition du capital, mais à organiser les cessions par l'exercice d'un contrôle sur l'entrée de nouveaux associés et à donner la priorité aux associés actuels.
Il s'agit principalement des clauses de préférence (§ I), des clauses d'agrément (§ II), mais aussi des clauses de préemption (§ III). Ces trois types de clauses sont parfois confondus. Nous allons voir qu'elles ont des vocations différentes.

Les clauses de préférence

– Définition. – Un pacte de préférence est un contrat « par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».
– La clause de préférence et la clause de préemption. – Couramment, deux clauses de préférence sont concevables : la clause de préférence stricto sensu et la clause de préemption. L'une et l'autre vont donner à leur bénéficiaire le droit d'acquérir des actions que le débiteur de la clause déciderait de céder. Mais elles vont se distinguer par leurs conditions de mise en œuvre : alors que la clause de préemption va consister à se substituer à un acquéreur trouvé par le cédant, aux mêmes charges et conditions, la clause de préférence va permettre d'acquérir les titres à des conditions librement négociées, sans qu'un acquéreur soit trouvé.
– La clause de préférence et la clause d'agrément. – De même, la clause de préférence doit être distinguée de la clause d'agrément, notamment dans une société commerciale où elle est réglementée par les articles L. 228-23 et suivants du Code de commerce.
D'une façon générale, la clause d'agrément n'est admise que si la société dont les titres font l'objet d'un agrément n'est pas cotée en Bourse et si les titres concernés sont nominatifs.
Cette clause ne jouera pas de plein droit en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant.
Le délai laissé au bénéficiaire de la clause est de trois mois à compter de la demande, auquel s'ajoute un autre délai de trois mois accordé, cette fois-ci, à la société pour trouver un acquéreur en cas de refus d'agrément ; enfin, le cédant peut à tout moment renoncer à la cession de ses titres.
À l'inverse, les clauses de préférence vont relever d'une pure mécanique contractuelle au sein de laquelle la liberté sera quasi totale.

La société par actions simplifiée (SAS) permet de retrouver une liberté contractuelle

En matière de liberté statutaire, notamment sur la question de ces clauses d'agrément ou de préemption, la SAS offre une très grande souplesse que ne procure pas la société anonyme (SA).
On peut donc se poser la question de l'intérêt de recourir à un pacte statutaire en présence d'une SAS dans la mesure où les statuts peuvent contenir un pacte de préférence, un droit de préemption ou bien encore une clause d'agrément.
À notre avis, deux types d'arguments militent pour la présence d'un pacte d'associés en complément des statuts d'une SAS :
  • en premier lieu, comme nous l'avons vu ci-dessus, un pacte de préférence se distingue nettement d'une clause d'agrément et d'une clause de préemption dans la mesure où le pacte de préférence peut être mis en œuvre sans qu'un acquéreur extérieur soit trouvé. Ce ne sera pas le cas d'une clause d'agrément ou d'une clause de préemption (d'ailleurs un pacte de préférence extrastatutaire est très souvent doublé d'une clause de préemption incluse dans les statuts) ;
  • en second lieu, le pacte d'associés, comme nous l'avons déjà dit, va permettre une plus grande discrétion mais aussi de ne lier que certains associés par un pacte de préférence par exemple, sans être obligé de mettre en œuvre dans les statuts des actions préférentielles.
– Champ d'application. – Il relève du domaine purement contractuel, de telle sorte que la clause devra préciser :
  • les aliénations visées (cession en pleine propriété, en usufruit, en nue-propriété, mise en nantissement, apport, fusion, succession, liquidation de régime matrimonial, etc.) ;
  • les titres visés (actions simples, de préférence, titres donnant droit au capital)… ;
  • les cessionnaires visés.
– Les modalités de mise en œuvre. – Le pacte de préférence devra fixer les conditions dans lesquelles il s'applique.
En premier lieu, il conviendra de bien définir le ou les bénéficiaires du droit de préférence en prenant soin de déterminer un ordre de préférence en présence de plusieurs bénéficiaires avec des droits irréductibles puis réductibles.
En deuxième lieu, il conviendra de préciser les modalités de mise en œuvre, le délai et les formes pour les échanges.
En troisième lieu, le pacte de préférence indiquera un prix d'acquisition, lequel sera le plus souvent une formule permettant de tenir compte de la situation de la société au jour de la mise en œuvre de ce pacte. Il conviendra de ne pas oublier de traiter les conséquences d'une mésentente sur la fixation de ce prix en ayant recours, en cas de désaccord, à un expert désigné par les parties qui pourra être tenu, dans l'établissement de son rapport d'évaluation, par la méthode retenue par les parties dans le pacte de préférence.
– Les sanctions. – La violation d'un pacte de préférence peut entraîner plusieurs types de sanction.
  • En premier lieu, il pourra s'agir d'une indemnisation du préjudice subi par l'octroi de dommages-intérêts, la difficulté étant de démontrer et quantifier le préjudice subi. En pratique, cette première sanction ne sera jamais vraiment satisfaisante.
  • En deuxième lieu, il pourra s'agir de la nullité de la cession consentie en violation du pacte de préférence. Si, en raison de l'effet relatif des contrats, un tiers au pacte ne peut pas, en principe, être sanctionné au titre d'un engagement qu'il n'a pas souscrit, la Cour de cassation a néanmoins posé le principe selon lequel la nullité de la vente peut être ordonnée lorsque le tiers acquéreur a contracté dans des conditions illicites.Cette jurisprudence a été consacrée par l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, qui prévoit la nullité possible si le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.
  • En troisième et dernier lieu, la violation d'un pacte de préférence pourra être sanctionnée par la substitution. Il s'agit probablement de la sanction la plus satisfaisante pour le bénéficiaire du pacte de préférence.
Pendant longtemps, la jurisprudence s'est opposée à cette sanction, considérant que la violation d'une obligation de faire ou de ne pas faire devait se résoudre en dommages-intérêts sur le fondement de l'ancien article 1142 du Code civil.
Au fil du temps, la Cour de cassation a abandonné cette analyse et, dans un arrêt de principe datant de 2006, elle a admis le principe de la substitution du bénéficiaire du pacte de préférence à l'acquéreur, dans la mesure où le bénéficiaire du pacte est en mesure de démontrer le caractère illicite, c'est-à-dire la preuve de la connaissance du pacte par le tiers, et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.
Depuis, la réforme du droit des contrats a entériné définitivement cette solution en la codifiant sous l'article 1123, alinéa 2 du Code civil.

Les clauses d'agrément

– Son cadre. – L'agrément a pour objet de subordonner la cession des titres à l'accord des associés dans le cadre d'une décision collective. Il permet ainsi de contrôler les cessionnaires en filtrant les personnes jugées indésirables.
– L'impact de la forme sociale. – Dans certaines formes sociales, l'agrément est prévu par un texte, sans qu'il ait forcément un caractère d'ordre public. Pour n'évoquer que les principes, l'agrément dans une SARL est obligatoire pour les tiers étrangers à la société. Il n'est que facultatif et doit être prévu par les statuts si le cessionnaire est un coassocié ou bien le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant du cédant.
– L'agrément dans les sociétés par actions. – Dans les sociétés anonymes, les actions sont en principe librement cessibles. Toutefois, par exception, l'article L. 228-23 du Code de commerce permet, dans les sociétés dont les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, de soumettre à agrément les cessions de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital. À cet égard, l'ordonnance du 24 juin 2004 a procédé à une extension notable des possibilités d'agrément.
D'une part, les actions ne sont plus les seuls titres concernés, l'agrément pouvant s'appliquer à la cession de toute valeur permettant d'accéder au capital.
D'autre part, l'agrément est susceptible de s'appliquer aux cessions internes entre actionnaires. Il s'agit d'un argument qui incite souvent au choix de la SAS pour laquelle l'article L. 227-14 du Code de commerce prévoit que : « Les statuts peuvent soumettre toute cession d'actions à l'agrément préalable de la société ».
– La mise en œuvre. – La clause d'agrément devra déterminer l'organe chargé de sa mise en œuvre. Il pourra s'agir, selon la forme sociale et les organes de direction de l'assemblée générale, du conseil d'administration ou bien encore du conseil de surveillance.
Dans une société civile, la mise en œuvre pourra relever du pouvoir du gérant ou d'une assemblée générale.
– Le refus d'agrément. – Le refus d'agrément est une décision souveraine qui n'a pas à être motivée, de sorte que le tiers non agréé ne peut invoquer aucun droit à entrer dans la société, sauf abus, lequel suppose de démontrer une intention de nuire. Surtout, les cessions effectuées en violation d'une clause d'agrément statutaire sont expressément frappées de nullité.
En tout état de cause, une clause d'agrément ne peut aboutir à laisser l'associé sortant sans solution, celui-ci pouvant in fine céder ses titres au tiers non agréé, faute pour la société ou les autres associés d'avoir proposé une solution de sortie.

Les clauses de préemption

– Son cadre. – La clause de préemption, comme nous l'avons dit ci-dessus, est très proche du pacte de préférence. Sa différence essentielle réside dans le fait qu'elle va être mise en œuvre lorsque l'associé aura trouvé un acquéreur. Il aura l'obligation de proposer aux autres associés d'acquérir les titres en principe aux conditions offertes par le cessionnaire.
– Sa mise en œuvre. – Quelle que soit la forme sociale, la clause de préemption n'est jamais réglementée ; elle relève donc du pouvoir contractuel des parties. La jurisprudence a même admis qu'une clause de préemption puisse être réservée à certains seulement des associés.
– Les conséquences de la violation d'une clause de préemption. – La clause de préemption étant assez proche dans son esprit du pacte de préférence, il faut se poser la question de savoir si une substitution du bénéficiaire serait possible.
À ce jour, à notre connaissance, et autant que cela paraisse surprenant, la jurisprudence ne s'est pas prononcée sur cette question. On peut néanmoins considérer que la violation d'une clause de préemption étant proche dans sa forme de la violation d'un pacte de préférence, l'article 1123, alinéa 2 du Code civil puisse jouer et qu'ainsi le bénéficiaire de la clause de préemption puisse être substitué dans les droits du tiers acquéreur.
Le mécanisme de la substitution est prévu dans certains cadres légaux, notamment au sujet du droit de préemption du preneur d'un bail à ferme, mais également en matière de droit de préemption de la Safer.
Dans la mesure où nous sommes ici dans un contexte conventionnel, l'article 1123 du Code civil nous permettra de prévoir la substitution du bénéficiaire du droit de préemption dans les droits du tiers acquéreur sous réserve d'être en mesure de démontrer la fraude du tiers.

Proposition technique

Compléter la rédaction de l'article 1123, alinéa 2 du Code civil en y incluant la violation d'une clause de préemption.