Le transfert de l'obligation de réhabilitation au cessionnaire

Le transfert de l'obligation de réhabilitation au cessionnaire

– Un principe et une exception. – En matière d'obligation administrative d'un site ICPE, toute convention sur le transfert de cette obligation est inopposable à l'administration (§ I), sauf dans le cas précis de la procédure du tiers demandeur, création de la loi Alur (§ II).

Le principe de l'indisponibilité de l'obligation de remise en état

– Nature de l'obligation de remise en l'état et technique contractuelle. – L'idée que le débiteur de cette remise en état puisse transférer son obligation a pu pendant un certain temps susciter quelques initiatives, mais ces dernières se sont rapidement heurtées au refus du Conseil d'État d'admettre que le contrat de cession de cette obligation pouvait être opposable à l'administration. Le principe de cette inopposabilité a été posé par un arrêt de cette juridiction en date du 24 mars 1978, et a été confirmé par la Cour de cassation. Un auteur a pu parler au sujet de l'obligation de remise en état d'une obligation certes « transmissible », mais dont l'exploitant en titre ne « dispose pas ».
– La précarité des clauses de transfert. – Il faut donc spécialement attirer l'attention du rédacteur du contrat sur ce point : certes, les parties pourront toujours convenir d'une prise en charge financière par l'acquéreur des travaux de remise en état. Mais le dernier exploitant restera le seul responsable aux yeux de l'administration en cas de faute commise par le cessionnaire dans l'exécution des travaux, et il ne pourra pas, en outre, contester un arrêté préfectoral prescrivant par exemple des travaux complémentaires ou des mesures de surveillance complémentaires, ne pouvant disposer d'un intérêt à agir.

L'exception au principe d'indisponibilité : le dispositif du « tiers demandeur »

– Une innovation législative. – Nouveauté portée par la loi Alur et son décret d'application no 2015-1004 du 18 août 2015, l'article L. 512-21 du Code de l'environnement permet à un « tiers demandeur » de se substituer au dernier exploitant pour réaliser tout ou partie des travaux de réhabilitation d'un site en fonction de l'usage que ce tiers envisage pour le site concerné. Toutefois, le transfert au tiers demandeur n'est pas définitif : en effet, en cas de défaillance de ce dernier, le dernier exploitant retrouve sa qualité de débiteur de l'obligation de remise en état.
Pour la version complète de l'article L. 512-21 du Code de l'environnement :
  • le tiers demandeur doit obtenir l'accord du dernier exploitant sur l'usage envisagé, mais également celui du maire de la commune et du propriétaire du terrain lorsque l'usage envisagé n'est pas celui initialement prévu ;
  • il doit solliciter ensuite une demande d'accord préalable auprès du préfet ;
  • si le préfet donne son accord, le tiers demandeur lui transmet alors un dossier de demande de substitution ;
  • si le dossier est accepté, le préfet prend alors un arrêté de substitution qui, outre les travaux de réhabilitation, fixe également le montant et la durée des garanties financières et le délai de réalisation des travaux ;
  • enfin, une fois les travaux effectués, ceux-ci sont constatés par un procès-verbal de l'inspecteur de l'environnement qui aura pour effet de lever les garanties financières.
– Procédure. – Il faut tout d'abord rappeler que la loi prévoit que le tiers demandeur doit disposer de « capacités techniques suffisantes et de garanties financières couvrant la réalisation de travaux de réhabilitation ». La procédure de désignation du tiers demandeur a été légèrement modifiée par la loi Asap précitée, et comprend aujourd'hui cinq étapes qu'il n'est pas nécessaire de détailler ici, mais que l'on peut résumer ainsi :
– Les problématiques du lien contractuel entre le dernier exploitant et le tiers demandeur. – Ainsi que nous l'avons vu, le transfert de l'obligation de remise en état n'acquiert pas de caractère définitif, et le dernier exploitant retrouvera sa qualité de débiteur en cas de défaillance du tiers demandeur. Dans la plupart des cas, le tiers demandeur sera également l'acquéreur de l'unité foncière siège de l'ICPE, dans le but d'y développer une opération d'aménagement ou de promotion. Dès lors, comment organiser la relation contractuelle entre le tiers demandeur et le dernier exploitant, lorsque ce dernier est également le vendeur ?
C'est selon nous sur ce point que le notaire en charge de l'opération devra mettre en œuvre un certain nombre de mécanismes permettant d'assurer la meilleure sécurité juridique de l'opération et la bonne fin des opérations de réhabilitation du site.
– Points d'attention. – Il existe selon nous deux points d'attention sur lesquels l'acte de vente devra impérativement prévoir des stipulations particulières :
  • la répartition des responsabilités entre le tiers demandeur et le dernier exploitant : les travaux mis à la charge du tiers demandeur, également acquéreur, ne peuvent être que ceux de réhabilitation prescrits par l'arrêté préfectoral de substitution. Cela signifie donc que, par exemple, les travaux de mise en sécurité du site ne peuvent être transférés au tiers demandeur. Il conviendra, en conséquence, d'identifier parfaitement dans l'acte de vente les travaux de réhabilitation dont l'acquéreur sera débiteur vis-à-vis de l'autorité administrative. Et bien évidemment, il faudra que soit justifiée, aux termes de l'acte, la bonne exécution des travaux de mise en sécurité du site, au moyen de l'attestation produite par le bureau d'étude ;
  • la défaillance du tiers demandeur : elle n'est évidemment pas à exclure, même si les garanties financières ont par définition été constituées afin de permettre à l'autorité administrative de délivrer l'arrêté de substitution. Il conviendra néanmoins, selon nous, de s'assurer à nouveau, et préalablement au transfert de propriété, de la bonne constitution de ces garanties, et de les rappeler dans l'acte. Àce titre, et comme nous l'avons préconisé en matière de démantèlement d'unités de production d'énergie renouvelable (nous renvoyons ici à nos développements précédents : V. supra, nos et s.), la consignation d'une somme d'argent d'un montant équivalent au montant des travaux de réhabilitation nous semble constituer la garantie la plus efficace, car la plus simple à mettre en œuvre.