Le juge, en faveur d'une contribution aux charges du ménage des partenaires séparés de biens

Le juge, en faveur d'une contribution aux charges du ménage des partenaires séparés de biens

– Principe légal. – L'article 515-4 du Code civil prévoit, depuis la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 publiée au Journal officiel du 24 juin 2006 et entrée en vigueur le 1er janvier 2007, que les partenaires s'engagent à une aide matérielle réciproque, proportionnelle à leurs facultés respectives, si le contrat de Pacs n'en dispose autrement.
– Évolution jurisprudentielle. – Très récemment, les juges de la Haute juridiction, dans un arrêt remarqué, se sont prononcés sur l'interprétation de l'article 515-4 du Code civil. Aux termes de cette décision, se dessinent, dorénavant, les contours de l'aide matérielle réciproque entre partenaires, que l'on pourrait qualifier de « petite sœur » de la contribution aux charges du ménage des époux. Le juge prend, sur ce terrain, le parti d'une « matrimonialisation » du Pacs.
La formule utilisée n'est pas sans faire penser à celle de l'article 214 du Code civil prévoyant la contribution aux charges du mariage. C'est d'ailleurs ce raisonnement par analogie qu'a adopté la Cour de cassation aux termes de l'arrêt du 27 janvier 2021. Les jugent le Pacs teintent d'un esprit communautaire, même si les partenaires ont opté, dans leur contrat, pour le régime de la séparation des patrimoines. L'analogie avec les époux séparés de biens est évidente.
– Création prétorienne : les contours de l'aide matérielle réciproque. – Jusqu'à présent, il semblait acquis que la notion d'aide matérielle réciproque recouvrait l'entraide des partenaires pour faire face aux besoins de la vie du couple, et notamment le paiement du loyer de la résidence commune, des charges y afférentes, le règlement des charges personnelles incompressibles du quotidien et toutes les dépenses de la vie courante des partenaires, telles que les frais de nourriture, de vêtements, de logement, de santé, etc. Aucune décision ne s'était prononcée sur le financement du bien immobilier des partenaires. C'est chose faite : il est désormais admis en jurisprudence que l'aide matérielle réciproque entre partenaires fasse l'objet d'une interprétation extensive puisque le raisonnement est finalement identique à celui qui s'applique aux époux séparés de biens, sur le fondement de la contribution aux charges du mariage.
Les règlements relatifs à l'acquisition en indivision d'un bien immobilier opérés par un partenaire participent de l'exécution de l'aide matérielle dans le couple et n'ouvrent pas droit à une créance pour ce partenaire. La Cour de cassation approuve la cour d'appel, laquelle a souverainement estimé que les paiements effectués par le partenaire l'avaient été en proportion de ses facultés contributives et décidé que les règlements relatifs à l'acquisition du bien immobilier opérés par celui-ci participaient de l'exécution de l'aide matérielle entre partenaires. Elle en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu'il ne peut prétendre bénéficier d'une créance à ce titre. L'aide matérielle est donc au Pacs ce que la contribution aux charges entre époux est au mariage.
– Exemple chiffré.

La contribution aux charges du ménage des partenaires : l'aide matérielle réciproque – immeuble indivis des partenaires séparés de biens – dépenses d'investissement – résidence principale

Au cours de l'union, A et B, partenaires séparés de biens, acquièrent un bien immobilier en indivision, à hauteur de moitié chacun. Le bien est acquis pour 100 000,00 €, sans apport, au moyen d'un prêt bancaire commun. Ledit bien sert de logement au couple et à la famille. Finalement, l'emprunt est remboursé uniquement par B.
Lors de la rupture, il convient de répondre à une triple question successivement (si oui à une question, passer à la suivante ; si non à une question, pas besoin de répondre aux questions suivantes, une créance sera admise) :
  • Le bien acquis est-il destiné à l'usage de la famille ? Oui, dès lors qu'il s'agit du logement du couple ou de la famille.
  • Était-ce une dépense d'investissement ? Oui, un remboursement de l'emprunt par versements successifs est considéré comme une dépense d'investissement.
  • Est-ce que la dépense effectuée par B a excédé ses facultés contributives, au regard des revenus perçus par chaque partenaire pendant les années du Pacs, ainsi que les économies réalisées par A ?
Si non, alors B assume le financement du bien à hauteur de 100 % et A à hauteur de 0 %. Il ne reçoit aucune indemnité de A.
Si oui, alors une créance pourra être constatée afin que B n'assume pas le financement du bien à hauteur de 100 %.