Le droit de gage des créanciers sur les biens du conjoint, partenaire ou concubin

Le droit de gage des créanciers sur les biens du conjoint, partenaire ou concubin

La forme de l'union va avoir une influence directe sur l'étendue du droit de gage des créanciers de l'entrepreneur individuel.

Le conjoint de l'entrepreneur individuel

– Les risques du conjoint. – Le conjoint commun en biens est probablement celui qui est le plus exposé à la procédure collective de son époux(se).
Le fondement de cette exposition du conjoint de l'entrepreneur réside dans l'article 1413 du Code civil, lequel dispose que : « Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu ». Aucune distinction n'existe entre les dettes « professionnelles » et « personnelles ». Toutes peuvent être recouvrées sans exception sur les biens communs.
Si l'on rajoute à cela le principe de présomption de communauté qui veut qu'un bien soit commun sauf à prouver son origine propre, ce qui ne sera pas toujours aisé pour les biens meubles, nous voyons que le patrimoine du conjoint pourra être lourdement impacté par la procédure collective de son conjoint.
– Les limitations. – Deux limitations existent en régime de communauté :
  • la première limitation tient aux gains et salaires du conjoint qui sont en principe exclus du gage des créanciers, même si cette limitation est aujourd'hui très hypothétique en raison de la jurisprudence de la Cour de cassation ;
  • la seconde limitation tient au fait que l'entrepreneur individuel n'engage que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de son conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres, sauf s'il est engagé solidairement (C. civ., art. 1415).
– Le conjoint séparé de biens. – Pour les époux mariés sous le régime de la séparation de biens, le principe réside dans l'étanchéité entre les biens de chacun des conjoints, tant en actif qu'en passif.
Le conjoint de l'entrepreneur ne bénéficiera pas d'une présomption de propriété de ses biens lui permettant d'échapper aux créanciers de son conjoint mais, au contraire, il devra établir la consistance de son patrimoine pour le soustraire de la procédure collective ouverte à l'encontre de son conjoint.
Partant de là, et considérant que le conjoint de l'entrepreneur a pu établir la consistance et la propriété de ses biens, quels sont véritablement ses risques au regard de la procédure collective de son conjoint ?
– Les risques. – Le premier risque est l'extension de la procédure collective motivée par la confusion des patrimoines des époux et prévue à l'article L. 621-2 du Code de commerce. Ce risque est réel et concret car, en pratique, rares sont les couples qui se comportent d'un point de vue patrimonial, avec une étanchéité totale entre leurs patrimoines. Il convient de parcourir la jurisprudence pour, rapidement, se rendre compte qu'il s'agit d'une vraie faiblesse au moment d'une procédure collective qui va se traduire soit par une confusion des actifs et des passifs, soit par une anomalie des relations financières. La conséquence est sans appel : le conjoint de l'entrepreneur va alors engager ses biens personnels pour l'apurement du passif professionnel.
Le deuxième risque va naître de l'existence d'une société créée de fait entre les époux. Il n'est pas rare que chez les commerçants, les artisans, mais aussi les professions libérales ou les agriculteurs, le conjoint participe aux activités de l'entreprise individuelle du conjoint. Il y a eu la volonté de fait d'exploiter en commun l'entreprise individuelle qui a fait naître une société créée de fait.
Le dernier risque pour le conjoint séparé de biens réside dans les garanties qu'il pourra donner au titre des dettes de son conjoint entrepreneur. Très souvent le banquier incitera l'entrepreneur à solliciter son conjoint pour qu'il se porte caution ou co-emprunteur sous l'argument que cela facilitera l'obtention d'un financement permettant le développement de l'entreprise. Dans un tel cas de figure, depuis la loi no 2003-721 du 1er août 2003, le champ d'application des dispositions applicables au traitement du surendettement des particuliers a été étendu aux engagements de « cautionner la dette d'un emprunteur individuel ou d'une société ». Le conjoint garant, en état de cessation des paiements, pourra bénéficier de la procédure de rétablissement personnel qui engendrera l'effacement des dettes non professionnelles du débiteur subsistant à l'issue de la clôture de la procédure.

Le partenaire de Pacs et le concubin de l'entrepreneur individuel

– Un statut proche de l'époux séparé de biens. – Pour l'essentiel, le statut du partenaire de Pacs ou du concubin va se rapprocher de celui de l'époux séparé de biens. Comme lui, il pourra être engagé dans la procédure collective par le biais d'une extension de procédure ou bien encore sur le fondement de la société créée de fait.
Bien souvent il sera également en indivision avec le débiteur soumis à la procédure collective, et il conviendra donc de faire cohabiter les règles de l'indivision avec celles de la procédure collective.
– Les biens indivis hors procédure collective. – Nous rappellerons simplement que les biens indivis sont par principe exclus de la procédure collective du débiteur indivis. L'article 815-17 du Code civil, introduit par la loi du 31 décembre 1976, a confirmé ce principe selon lequel les créanciers d'un héritier ne peuvent saisir la part de leur débiteur dans les immeubles de la succession.
Lors d'une procédure collective, cette règle n'est pas sans poser des difficultés lorsque c'est le fonds de commerce qui est en indivision et que la procédure collective est ouverte contre un indivisaire exploitant. Comment assurer la continuité de l'activité et l'apurement du passif lorsqu'il n'est pas possible de saisir l'actif objet de la procédure collective ?
– Les exceptions. – Il existe deux exceptions à cette règle selon laquelle l'actif procédural doit être étendu aux biens qui font l'objet du gage commun des créanciers du débiteur.
La première exception est prévue par les articles L. 631-3 et L. 640-3 du Code de commerce. La masse indivise peut-être engagée lorsque la procédure collective est antérieure à la naissance de l'indivision.
La seconde exception tient au fait que la procédure collective est ouverte à l'égard de l'ensemble des indivisaires, permettant ainsi d'inclure dans la procédure collective les biens indivis.
Après avoir examiné les conséquences de la procédure collective pour la personne qui partage la vie de l'entrepreneur individuel, étudions les implications que cette procédure collective aura sur la gestion des biens du couple.