L'authenticité encouragée, voire exigée à des fins d'opposabilité

L'authenticité encouragée, voire exigée à des fins d'opposabilité

Les attributs de l'authenticité font du notaire un acteur privilégié sur le terrain de l'opposabilité. Si son intervention est encouragée en matière mobilière (§ I), elle est incontournable, à de rares exceptions près, en matière immobilière (§ II).

S'agissant des cessions de parts sociales

Revenons un instant sur l'article 1865 du Code civil, renvoyant à l'article 1690 du même code en matière de cession de parts sociales de sociétés civiles.
– Cession de parts sociales par acte authentique et opposabilité. – Comme nous l'avons rappelé précédemment, l'article 1865 du Code civil, par renvoi à l'article 1690 du même code, confère à l'acte authentique un très grand avantage.
Le recours à l'acte authentique, constatant l'acceptation de la cession par le gérant de la société, permet de rendre concomitants le transfert de propriété des parts sociales et le transfert de la qualité d'associé au profit du cessionnaire.
Droit de propriété, droits politiques et droits financiers sont, grâce au caractère authentique de l'instrumentum, mutés en bloc, à une date certaine.
– L'acceptation par acte authentique à l'appui d'une délégation. – Si l'intervention du gérant à l'acte authentique ne pose pas de difficulté, la préparation d'une délégation, à cet effet, peut susciter quelques interrogations. S'agira-t-il effectivement d'une délégation de pouvoir ou d'une délégation de signature ?
– Délégation de pouvoir ou délégation de signature. – En consentant une délégation de pouvoir, le gérant confère à un tiers le droit d'accomplir, au nom et pour le compte de la société dont il est lui-même le représentant, un acte déterminé, relevant de sa compétence.
Cette délégation, prévue statutairement ou accordée par l'assemblée générale des associés, s'apparente dès lors à un acte intercalaire, causant l'effacement du gérant, le tiers détenant le pouvoir d'intervenir à l'acte à l'effet d'accepter la cession de parts, non pas du gérant mais de la société elle-même.
En intervenant à l'acte de cession de parts, le délégataire engage la société.
Si la délégation de pouvoir ne soulève pas de difficulté, il en va différemment de la délégation de signature.
La délégation de signature a une portée juridique tout autre.
Si un gérant confère une délégation de signature, le délégataire signera l'acte au nom et pour le compte du délégant. Le délégataire sera, en ce cas, mandataire du gérant. Il ne représentera pas la société.
Cependant, on notera que les cours d'appel de Grenoble et de Paris ont admis la possibilité d'une signification à une personne dûment habilitée, ce qui laisserait penser que l'on puisse avoir recours à une délégation de signature consentie par le représentant de la société à un tiers.
– Forme de la délégation. – Si le représentant de la société a recours à une délégation, la forme authentique s'imposera-t-elle ?
Certaines dispositions légales, nous le savons, requièrent l'établissement de mandats en la forme authentique.
Lorsque ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer, l'opinion doctrinale et jurisprudentielle majoritaire distingue deux cas de figure :
  • si l'authenticité de l'acte principal est prescrite par la loi en raison de sa solennité, dans un intérêt d'ordre public, ou encore dans l'intérêt des parties, pour assurer leursécurité ou protéger leur indépendance, la délégation doit être reçue, à peine de nullité, en la forme authentique comme l'acte lui-même ;
  • si l'authenticité de l'acte principal n'est, en revanche, requise qu'à des fins de publicité, avec pour objectif d'informer et de protéger les tiers, la délégation peut être rédigée sous signature privée.
Au cas d'espèce, l'intervention du représentant de la société à l'acte authentique portant cession de parts sociales n'étant requise qu'à des fins de publicité et d'opposabilité, la délégation pourra être établie suivant acte sous signature privée.
Compte tenu des deux arrêts de cour d'appel, et sous réserve de l'appréciation des tribunaux, rien ne semble interdire la représentation du dirigeant social en vertu d'une délégation de signature.

Acte sous signature privée ou acte authentique ?

L'acte authentique exigé pour l'acceptation de la cession par le débiteur cédé a pour objet une mesure de publicité : rendre opposable la cession à la société. Par conséquent, l'authenticité de la délégation de signature n'est pas exigée. Cette délégation peut donc être établie suivant acte sous seing privé.

La publicité foncière

La publicité foncière

Le rôle du notaire sur le terrain de l'opposabilité en matière immobilière ne mérite guère d'être développé tant il serait aisé de faire un amalgame entre notaire et publicité foncière en raison de son monopole.
– Les décrets des 4 janvier et 14 octobre 1955. – Par application du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et du décret no 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du premier, le notaire est appelé à recevoir les actes constatant des mutations immobilières, à l'occasion de la constitution, de la restructuration, de la dissolution d'une société ou de toute autre opération portant transfert de propriété d'un actif immobilier et les actes constatant la constitution, la modification ou l'abandon d'un droit réel immobilier ou d'une sûreté réelle immobilière, tout acte, sujet à publicité foncière, devant être dressé en la forme authentique.
On relèvera, toutefois, le deuxième alinéa de l'article 4 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 qui dispose que « (…) même lorsqu'ils ne sont pas dressés en la forme authentique, les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales préalables ou consécutives à l'apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société peuvent être publiés à la condition d'être annexés à un acte qui en constate le dépôt au rang des minutes d'un notaire ». L'acte de dépôt devra, bien évidemment, pour sa part, observer à la lettre les exigences de la publicité foncière en relatant notamment toutes les mentions obligatoires.
Par ailleurs, un renvoi au passage qui précède consacré à la forme de la délégation consentie à l'effet d'accepter une cession de parts sociales dans un acte authentique peut être fait à la lecture de l'article 1844-2 du Code civil qui dispose qu'une hypothèque ou une sûreté réelle peut être autorisée aux termes d'une délibération ou d'une délégation sous signature privée. Cela s'entend, l'authenticité n'étant requise qu'à des fins de publicité foncière.
Les développements qui précèdent ne font que renvoyer, somme toute, à des attributions notariales connues et éprouvées quotidiennement dans les offices.
Le notaire rédacteur semble relever du pléonasme. L'écrit demeure le terrain de prédilection de cet officier public et ministériel, chargé d'authentifier les actes pour le compte de ses clients. Cette compétence, dans sa dimension purement rédactionnelle, est une compétence certes partagée, nous l'avons vu, mais néanmoins évidente, ne souffrant aucune remise en cause, étant consubstantielle à sa mission.
Il existe, toutefois, des dispositions beaucoup plus originales poussant le notaire en dehors de sa zone de confort, pour certaines méconnues de la profession.