L'aménagement de la prestation compensatoire

L'aménagement de la prestation compensatoire

On s'est longtemps interrogé pour savoir si les dispositions relatives à la prestation compensatoire étaient d'ordre public. Avant 1975, la Cour de cassation avait précisé que les créanciers d'aliments ne peuvent transiger ou renoncer à leurs droits. La prestation compensatoire, sauf cas du divorce sans juge, est forcément judiciaire comme mesure accessoire du prononcé du divorce.
Dans la continuité du vaste mouvement de contractualisation du droit du divorce engagé il y a une cinquantaine d'années, et renforcé par la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, il convient de s'interroger sur l'opportunité de planifier les conséquences pécuniaires de son divorce avant même de se marier, ou en cours de mariage, ce qui nous conduit à nous intéresser au contrat nuptial (Sous-section I) et à la prestation compensatoire soumise à l'arbitrage (Sous-section II).

Le contrat nuptial

Le contrat nuptial reste une notion étrangère à notre pratique, empruntée à la Common Law, sous la forme de prenups agreements. Il peut être défini comme un contrat, le plus souvent établi préalablement au mariage, et par lequel les futurs époux définissent les règles qui régiront leurs rapports patrimoniaux tant pendant l'union que lors de sa dissolution, et qui détermineront le sort des compensations financières et alimentaires en cas de divorce.
– L'exemple anglais. – Le droit anglais ne connaît pas la notion de régime matrimonial et le mariage n'a pas d'incidence sur les relations patrimoniales entre les époux. Par contre, en cas de divorce, le juge anglais peut décider qu'il faut rétablir un équilibre financier entre les époux et a la possibilité de procéder à une equitable distribution. Dans ce cadre, il peut décider d'attribuer à l'un des époux certains droits sur les actifs du couple, quelle que soit l'origine de ces biens. Afin de ne pas subir cet aléa, la pratique a développé les prenups pour prévoir, de façon anticipée, les conséquences patrimoniales de la séparation. Dans leur prenup, les époux peuvent fixer le sort de certains biens, décider par avance de l'attribution d'une somme déterminée à l'un des époux et fixer les modalités de calcul de cette somme.
La mise en œuvre du prenup nécessite que les époux soient chacun assisté de son conseil, qu'ils fournissent un inventaire patrimonial exhaustif pour que le contrat soit négocié de manière éclairée et équitable. Il est négocié avant le mariage, et un délai de réflexion entre sa conclusion et le mariage est nécessaire.
Globalement, le système français est favorable à l'aménagement des rapports patrimoniaux entre époux, et l'on peut envisager de nombreux aménagements, dont certains destinés à produire effet en cas de divorce (clause de partage inégal de communauté, création d'une société d'acquêts, clause de reprise des apports en cas de divorce…). Néanmoins il n'est pas possible, en dehors de toute instance, de prévoir des compensations financières et alimentaires en cas de divorce, contrairement aux pays de Common Law où, en l'absence de régime matrimonial à liquider, le seul outil de répartition et de distribution est la convention qui a été prévue par les parties avant le mariage.
– Les contrats nuptiaux en Europe. – La pratique des contrats nuptiaux est relativement répandue en Europe, de longue date en Allemagne et en Suisse, et de manière plus récente en Espagne, aux Pays-Bas et en Autriche, même s'il existe de fortes disparités entre ces pays quant à leurs contrats nuptiaux. Le droit allemand établit par exemple une claire distinction entre les clauses du contrat de mariage, dont l'objet est d'organiser la propriété, l'administration et la répartition des biens des époux pendant l'union et à sa dissolution, d'une part, et la clause facultative fixant le montant de la pension alimentaire qu'un époux versera à l'autre en cas de divorce, laquelle ne relèvera pas du régime matrimonial, d'autre part.
En droit interne anglais, les époux peuvent acquérir des biens en indivision, mais leurs quotes-parts indivises demeurent des biens propres. Il n'y a donc ni communauté ni séparation de biens. Le pouvoir des magistrats est colossal concernant la réallocation des biens des époux lors de leur séparation. En se fondant sur le Matrimonial Causes Act de 1973, les tribunaux étaient amenés à prononcer des ordonnances financières, en application d'une liste de critères destinés à satisfaire les besoins de chaque époux. Une fois ces besoins satisfaits, aucun ajustement supplémentaire ne pouvait être opéré.
L'arrêt White de la Chambre des Lords, rendu en 2000, a radicalement changé la donne et la jurisprudence a amorcé un virage vers un principe de redistribution équitable (sharing principle) : la satisfaction des besoins des époux conserve la priorité et domine le règlement des conséquences financières du divorce d'époux peu fortunés. L'idée d'une redistribution égalitaire des biens excédant ces besoins est apparue dans les autres cas.
En réaction à cette jurisprudence, ont proliféré des instruments destinés à éviter les effets dévastateurs de ce nouveau courant prétorien. Le concept de « biens non matrimoniaux » est apparu pour désigner ceux des biens que les époux convenaient d'écarter du partage égalitaire, puisque reçus par donation ou succession, ou fruits de l'activité professionnelle de l'un des époux. Pour autant, la validité des nuptial agreements n'a été admise qu'en 2010, sans leur reconnaître de force obligatoire : le juge doit reconnaître à l'accord nuptial un poids approprié eu égard aux circonstances qui ont présidé à sa conclusion, sauf à ce que le résultat en soit injuste ou inéquitable, et sous la réserve d'un consentement éclairé. Un rapport de la Law Commission a, le 27 février 2014, mis en place des qualifying nuptial agreements qui permettent aux époux, par un écrit, de régler leurs relations pécuniaires sans intervention du juge (sauf pour faire respecter les « besoins » de l'époux vulnérable, et dans l'intérêt des enfants).
La question de l'accueil de ces contrats nuptiaux dans l'ordre juridique français s'articule avec le mouvement de contractualisation évoqué plus haut et avec le recul des limites de l'ordre public conjugal. Pourvu qu'ils évoluent dans un contexte international, les époux peuvent désormais choisir la loi applicable à leur désunion et définir à tout moment la loi destinée à régir leurs obligations alimentaires. Ce choix favorise les accords préalables à tout contentieux et garantit une certaine stabilité de loi applicable qui ne sera pas remise en cause par les changements de situations intervenant dans la vie personnelle des parties. Si l'éventail du choix de loi est vaste, des restrictions sont posées quant aux effets dudit choix : il revient à la loi de la résidence habituelle du créancier d'aliments, au moment de la désignation, de déterminer s'il peut renoncer à son droit à des aliments. Ainsi, en l'état actuel de notre droit, si la résidence est en France, une renonciation anticipée serait condamnée. En outre, si le juge estime que la loi choisie par les époux « entraîne des conséquences manifestement inéquitables ou déraisonnables pour l'une ou l'autre des parties », la loi sera écartée au profit de celle désignée par les critères de rattachement objectifs.
Prenuptial agreements et droit français. – Ainsi donc le notaire français peut-il, à l'occasion de la liquidation d'un régime matrimonial, devoir prendre en compte un prenup, préalablement rédigé et signé par les époux pour établir la répartition des biens et les compensations financières entre époux. Le même notaire peut aussi être consulté pour rédiger un tel contrat au profit d'un couple ayant un élément d'extranéité. Il doit alors se poser différentes questions : cet acte est-il valable ? Que faut-il vérifier pour s'assurer de son efficacité ? S'agissant d'un contrat qui évolue le plus souvent dans un contexte international, quelle sera la loi applicable à ce contrat ? L'acte authentique est-il requis ? L'acte sera-t-il reconnu aussi bien devant des tribunaux français qu'étrangers ?
La première question qui se pose est celle de la validité de ces prenuptial agreements dans l'ordre juridique français. La jurisprudence française a établi une distinction selon que le prenup est soumis à la loi française ou à une loi étrangère. Dans le premier cas, la jurisprudence française est, comme indiqué ci-dessus, parfaitement claire : aucune convention de cette nature ne peut être conclue avant l'ouverture de la procédure de divorce puisque l'ordre public interne français affirme que la prestation compensatoire de droit français n'est pas disponible. Dans le second cas, la jurisprudence, en application de l'effet atténué de l'ordre public international, valide les prenups établis à l'étranger conformément à une loi étrangère qui les autorise : ainsi a-t-elle reconnu la validité de prenups conclus sous l'empire du droit anglais ou allemand. Par ailleurs si, en France, il est contraire à l'ordre public d'inclure dans son contrat de mariage des éléments relatifs au calcul de la prestation compensatoire, qui correspondraient à anticiper le montant de la prestation compensatoire, la question de la conformité à l'ordre public international est différente, celle-ci étant régie par le règlement du Conseil du 18 décembre 2008.
La seconde difficulté est que l'application des règles de droit international privé peut conduire les parties à se retrouver avec autant de juges compétents et de lois applicables que de questions juridiques soulevées. Ainsi plusieurs règlements seront applicables pour le prononcé du divorce afin de déterminer la juridiction compétente (Règl. « Bruxelles II bis » no 2201/2003, 27 nov. 2003) et pour connaître la loi applicable (Règl. « Rome III » no 1259/2010, 20 déc. 2010). Dans un second temps, pour régler les conséquences alimentaires du divorce, il faudra s'en remettre au règlement no 4/2009 du 18 décembre 2008 pour déterminer la juridiction compétente, et au Protocole de La Haye de 2007 pour déterminer la loi applicable. Enfin, pour liquider le régime matrimonial, il faudra s'en remettre soit à la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, soit au règlement de l'Union européenne sur ce point.
Prenuptial agreement et DIP. – Une fois ces points éclairés, reste que le prenuptial agreement a autant pour objet de répartir les biens entre époux en cas de rupture que d'envisager des compensations financières fondées sur la disparité de revenus des époux. Or le droit international privé soumet ces deux catégories juridiques distinctes que sont le régime matrimonial et l'obligation alimentaire à des lois différentes. Il faut donc s'interroger sur ce qui, dans les règlements pécuniaires entre époux, relève d'une question tantôt de régimes matrimoniaux, tantôt d'obligations alimentaires entre époux. La Cour de justice de l'Union européenne a posé les principes suivants dans une décision Van den Boogaard : si la somme d'argent tend à assurer l'entretien d'un des époux dans le besoin ou si les ressources et besoins de chacun sont pris en considération, la décision prise par le juge a un caractère alimentaire. Si la prestation vise uniquement à la répartition des biens entre époux, la décision concerne les régimes matrimoniaux. Lorsque la décision combine les deux fonctions, il appartient au juge de distinguer les aspects alimentaires et patrimoniaux.
Il est donc possible de « jouer » avec les différents règlements européens et de jongler avec leur applicabilité dans les différents pays de l'Union européenne en procédant à la désignation des lois applicables et, quand cela est possible, à la désignation du juge compétent pour aménager le règlement pécuniaire du divorce. La liberté croissante accordée aux époux à l'échelle internationale et européenne ne pourrait-elle pas finir par vaincre les résistances en droit interne et avoir pour conséquence de permettre en France d'anticiper les conséquences pécuniaires du divorce en ce qu'elles touchent au règlement pécuniaire de celui-ci et notamment à la prestation compensatoire ? Lors de la réforme du divorce de 2004, dans son rapport pour la commission des lois Patrice Gélard estimait qu'il s'agissait « d'une suggestion, quoiqu'intéressante » mais « qui ne paraît pas adaptée à l'état actuel de la société ». La transposition en droit français des prenuptial agreements permettrait pourtant d'anticiper la fixation de la prestation compensatoire qui reste une source d'insécurité juridique. La signature d'un contrat par les époux leur éviterait de devoir négocier les conséquences financières du divorce dans un climat de tension. Ce serait également une possibilité de protéger les biens des époux en anticipant leur répartition en cas de séparation du couple, les époux ayant convenu ensemble, selon leurs attentes respectives, des règles futures qui devront en cas de divorce régir leurs relations patrimoniales.

La prestation compensatoire soumise à l'arbitrage

À côté des modes alternatifs de règlement des différends, on trouve l'arbitrage qui pourrait être qualifié de « mode mixte de règlement des conflits ».
– Définition. – Les parties, par l'intermédiaire d'un juge qu'elles se choisissent, acceptent que ce dernier les départage. La sentence prononcée a autorité de la chose jugée et force exécutoire après exequatur. La décision prononcée s'impose aux parties si elles ne sont pas parvenues à se concilier. C'est une procédure contentieuse même si le juge reste une personne privée, un professionnel choisi par les parties compte tenu de la spécificité du litige qui les oppose et qui va statuer en droit et en équité. Sa sentence est sans appel.
Il est intéressant de constater que, dans la pratique, les juges encouragent la médiation familiale et la conciliation judiciaire, qui seraient un moyen efficace de « désengorger » les tribunaux. Les affaires familiales représentent en effet un pourcentage important des dossiers portés devant la justice.
En ce qui concerne l'arbitrage, il est surtout utilisé en droit des affaires et en droit international. On y a recours dans très peu de cas en droit de la famille.
D'origine conventionnelle, l'arbitrage est un mode alternatif de recours au juge permettant de confier à un tiers le pouvoir de trancher un litige. Pour pouvoir recourir à l'arbitrage, les parties doivent conclure une convention d'arbitrage qui prend la forme d'une clause compromissoire. Cela n'est envisageable qu'autant que le litige n'est pas encore né. Une fois le litige survenu, c'est vers le compromis d'arbitrage que les parties doivent s'orienter.
Les parties choisissent un tribunal arbitral à qui elles confèrent pouvoir de les départager par le prononcé d'une sentence. Cette décision a autorité de la chose jugée et force exécutoire.
– Historique. – L'arbitrage régnait en maître dans le droit de la famille avant la Révolution française puis dans le droit intermédiaire. En 1806, le Code de procédure civile le réserve aux professionnels, contraignant les familles à recourir aux juges.
La loi du 15 mai 2001 réforme les règles relatives à l'arbitrage, le législateur limitant ses effets aux litiges commerciaux. On ne souhaite pas alors permettre la clause compromissoire s'il y a un risque d'existence d'un rapport de force entre les parties. En 2016, la clause compromissoire est ouverte aux intérêts civils alors qu'elle n'était valable que dans les contrats conclus en raison d'une activité professionnelle.
Cependant beaucoup restent méfiants sur le développement de ce mode de résolution des différends en droit de la famille.
Pourtant, pourquoi les relations familiales tendues prennent-elles une voie judiciaire ? Justement parce qu'elles ne peuvent être souvent apaisées autrement que par le recours au droit et donc au juge. Or les tribunaux sont engorgés et il est impossible de maîtriser la durée et le coût d'une instance. Le recours à des experts, en cours d'instance, dans des matières où le juge n'est pas spécialiste permettrait aux justiciables d'aborder sereinement le procès qui reste souvent psychologiquement passionné dans ces matières sensibles de divorce ou d'indivisions conflictuelles.
Par ailleurs le législateur, conscient des inconvénients d'une justice trop lente, ne cesse de décharger les juges de certains contentieux pour ne les solliciter qu'en dernier recours. Les réformes récentes sur le changement de régime matrimonial ou le divorce sans juge démontrent bien ce mouvement de déjudiciarisation du droit de la famille.
Il est donc nécessaire de s'interroger sur la place que l'arbitrage peut avoir en droit de la famille (§ I) et sur son appréhension par la pratique notariale (§ II).

Droit positif et place de l'arbitrage en droit de la famille

– Domaine. – L'arbitrage en droit patrimonial de la famille n'est possible que dans le strict respect des articles 2059 et 2060 du Code civil : les parties doivent avoir la libre disposition de leurs droits et ne peuvent compromettre sur des matières intéressant l'ordre public.
Or il n'existe pas de définition précise des notions de droit disponible et d'ordre public. La jurisprudence a donc utilement précisé ces notions.
La jurisprudence a atténué le recours à la notion d'ordre public comme critère de distinction entre ce qui serait arbitrable et ce qui ne le serait pas. Elle reconnaît le droit de soumettre à l'arbitrage une matière relevant de l'ordre public si l'arbitre applique les règles d'ordre public et n'y porte pas atteinte. Il s'agit des règles obligatoires qui touchent à l'organisation de la nation, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique et aux droits et libertés essentiels de chaque individu.
– Droit disponible. – Il faut donc préciser la notion de droit disponible qui serait celui qui par nature est dans le commerce, sauf disposition contraire de la loi. On pense alors au droit de propriété, droit de créance, usufruit, servitudes conventionnelles, droits successifs et droits indivis. Restent par contre indisponibles tous les droits incorporels attachés à la personne et donc inaliénables : la capacité, le nom, la filiation, le prononcé du divorce, la liberté de tester…
La Cour de cassation a ainsi pu déclarer arbitrables des litiges portant sur la liquidation des régimes matrimoniaux ou des successions. La cour a aussi affirmé que la prestation compensatoire était un droit disponible, ce qui laisserait, à un arbitre désigné par les époux, la possibilité de fixer le montant de ladite prestation.
L'arbitrage en droit de la famille est une réponse aux demandes d'efficacité de nos clients dans cette matière, certes sensible, mais où ne peuvent être ignorés les soucis de rapidité, de coût et de confidentialité auxquels nos concitoyens sont attentifs dans leur quête d'apaisement psychologique. Les délais de traitement des dossiers dans des tribunaux encombrés comme le manque de moyens de la Justice, la nécessité de s'en remettre à des spécialistes dans des matières complexes de droit des successions ou de régimes matrimoniaux sont autant d'arguments qui doivent nous interroger et nous conduire à participer au développement de l'arbitrage dans les domaines d'intervention privilégiés des notaires. L'arbitrage n'est plus cantonné au monde des affaires et de l'entreprise.
L'autonomie croissante laissée aux individus, la contractualisation et la déjudiciarisation des affaires familiales ainsi que la promotion faites aux Mard militent pour une utilisation plus large de l'arbitrage en droit de la famille et nous amènent donc à nous questionner sur sa mise en œuvre.

La mise en œuvre de l'arbitrage

Le rôle du notaire, comme conseil et comme arbitre, prend une dimension essentielle. En raison de son statut et de ses règles déontologiques, de sa formation et de son expérience, il est tout indiqué pour participer à la mise en œuvre de l'arbitrage, que ce soit en cours d'instance ou en dehors de toute instance judiciaire.

L'arbitrage en cours d'instance

– Volonté des époux. – L'article 1466 du Code de procédure civile prévoit que les parties ont la possibilité de compromettre même en cours d'instance. Rien n'empêche donc les époux de conclure un compromis pendant l'instance en divorce tant que le juge n'a pas rendu une décision devenue définitive.
Reste que l'articulation entre la procédure arbitrale et la procédure devant le tribunal peut être complexe quand le litige soumis à l'arbitrage ne porte que sur certains aspects de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux. Le notaire aura donc un rôle de conseil important dans la rédaction du compromis d'arbitrage, et il devra veiller avec les parties à parfaitement définir l'objet du litige à arbitrer : les points soumisau tribunal arbitral ne seront pas portés devant le juge étatique puisque seul l'arbitre aura compétence pour les trancher.
Ainsi, pour la liquidation du régime matrimonial, la convention d'arbitrage ne peut être conclue qu'après l'assignation ou la requête conjointe en divorce.
L'arbitrage est d'autant plus justifié dans cette situation si les époux n'ont pas, par déclaration commune d'acceptation d'un partage judiciaire ou par dépôt d'un projet liquidatif notarié, demandé au juge du divorce de statuer sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux.
Le compromis doit alors déterminer l'objet du litige. Il doit également prévoir que la sentence liquidative du régime matrimonial ne produira ses effets qu'au jour où le prononcé du divorce aura acquis force de chose jugée.
Après divorce, le compromis peut également être signé pendant la procédure de partage judiciaire du régime.
Si la procédure d'arbitrage ne porte que sur la prestation compensatoire, la convention d'arbitrage ne peut être conclue tant qu'aucune instance en divorce n'est engagée.
Les époux peuvent signer cette convention après l'assignation ou la requête conjointe en divorce et avant le jugement de divorce. L'arbitrage peut aussi intervenir si le jugement de première instance a été porté en appel.
Tant que la sentence n'est pas prononcée, il faut être prudent sur les effets de l'arbitrage en cour : pendant la première instance ou pendant la procédure d'appel, lorsque l'appel porte aussi sur la cause de divorce, le compromis doit prévoir que les parties demandent un sursis à statuer. Dès que la sentence est rendue sur la prestation compensatoire, elle a l'autorité de la chose jugée et l'instance peut se poursuivre sur les autres demandes.
Il sera aussi recommandé de prévoir que la prestation compensatoire arbitralement fixée ne sera due qu'au jour où le prononcé du divorce aura acquis force de chose jugée.

L'arbitrage hors de toute instance

– La clause compromissoire. – On peut aussi imaginer qu'en dehors de toute instance, les époux aient envisagé le recours à l'arbitrage pour liquider leur régime matrimonial, organiser une indivision dans laquelle ils souhaitent maintenir certains biens, déterminer le montant des créances entre époux… On peut ainsi penser à insérer une clause compromissoire dans un contrat de mariage : les parties s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître à l'occasion de la liquidation de leur régime matrimonial. Cela nécessite que le client ait reçu un conseil éclairé sur les conséquences de l'insertion dans son contrat de mariage d'une telle clause. Il serait bon de s'inspirer des précautions qui sont prises lors de la rédaction d'un prenup, et que le notaire rédige des clauses adaptées à la situation des époux en précisant les motifs qui ont conduit les parties à insérer ces clauses au contrat de mariage. Il sera prudent de rédiger une consultation avant d'adresser un projet de contrat et sans doute, comme cela est pratiqué dans les pays anglo-saxons, de constater dans l'acte l'envoi du projet et le délai de « réflexion » qui a été laissé aux époux avant de signer le contrat.
Les parties pourront, si le litige est porté devant l'arbitre choisi, lui demander de statuer en équité, permettant de respecter la commune intention des parties largement exprimée dans la clause insérée à leur contrat de mariage.
Le Code civil doit, pour permettre la mise en œuvre de cette solution, prendre en compte de manière plus explicite la notion de ce qui est arbitrable ou non. Particulièrement en ce qui concerne le règlement pécuniaire des effets du divorce, il doit définir les droits des époux qui seraient indisponibles et ceux qui seraient disponibles et donc arbitrables, notamment ceux afférents à la liquidation technique des droits patrimoniaux.
L'intérêt principal de l'arbitrage en matière familiale, qui pourrait être assuré par le notaire, consisterait pour le citoyen en la simplification du règlement de la liquidation et du partage, qui aurait lieu avec un seul interlocuteur, choisi par les parties, formé aux règles de liquidation et de partage du régime matrimonial, présent sur la totalité du territoire et capable, de par ses fonctions, sa technicité et son expérience, de trancher en équité.