– Plan. – La responsabilité civile du dirigeant ne pourra être mise en œuvre qu'en cas de procédure de liquidation judiciaire. Dans ce cas, cette responsabilité pourra être engagée soit par la société elle-même et par ses associés (Sous-section I), soit par des tiers (Sous-section II). Enfin, le dirigeant pourra voir sa responsabilité spécifiquement engagée à l'occasion de l'ouverture d'une procédure collective (Sous-section III).
La responsabilité civile
La responsabilité civile
À l'égard de la société et des associés
– La responsabilité du dirigeant à l'égard de la société et des associés. – Elle peut être engagée dans les hypothèses suivantes :
- infraction aux dispositions législatives ou réglementaires ;
- non-respect du pacte statutaire ;
- faute de gestion.
Le principe veut que la société engage elle-même, ou par la voie d'un mandataire judiciaire ou d'un liquidateur judiciaire, l'action visant à réparer le préjudice que la société a subi. Mais on comprendra aisément que le dirigeant ne sera pas nécessairement enclin à engager au nom de la société qu'il dirige une action contre lui-même.
– Les personnes pouvant agir. – C'est pourquoi les textes prévoient que ces actions puissent être mises en œuvre à l'initiative des associés, qui peuvent se grouper et désigner un mandataire commun chargé de les représenter dans l'exercice de cette action, ou bien agir individuellement s'ils peuvent se prévaloir d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société.
Cette action civile peut être mise en jeu quand bien même le dirigeant avait obtenu régulièrement le quitus au titre de sa gestion à l'occasion de l'approbation des comptes sociaux.
À l'égard des tiers
– La responsabilité du dirigeant à l'égard des tiers. – À la différence de la responsabilité civile à l'égard de la société et de ses associés, la responsabilité du dirigeant à l'égard des tiers ne peut être engagée que si la faute est séparable de ses fonctions, qui a été définie par la Cour de cassation comme la « faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ».
À défaut d'établir l'existence d'une faute séparable, les tiers ne peuvent obtenir réparation de leur préjudice qu'en agissant en responsabilité contre la société. Celle-ci pourra alors se retourner contre les anciens dirigeants, dès lors qu'elle pourra leur reprocher une faute de gestion, sans qu'ils aient à démontrer que cette faute est séparable des fonctions de direction.
La responsabilité spécifique du dirigeant à l'occasion de l'ouverture d'une procédure collective
– La responsabilité du dirigeant dans le cadre de la procédure collective. – Plus que des responsabilités, on peut considérer qu'il s'agit de sanctions à l'égard du dirigeant dans la mesure où, si les faits n'avaient pas été commis, la société n'en serait probablement pas arrivée à déposer son bilan.
– L'action pour insuffisance d'actif. – En premier lieu, il s'agit de l'action pour insuffisance d'actif dont la mise en jeu nécessite que la société soit en liquidationjudiciaire. Il s'agit d'une action en responsabilité civile délictuelle spécifique, ayant pour objet la réparation du préjudice collectif subi du fait de l'insuffisance d'actif d'une personne morale. Elle reste, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 18 décembre 2008, la seule sanction patrimoniale affectant les dirigeants de personnes morales débitrices. Depuis l'ordonnance no 2010-1512 du 9 décembre 2010, l'action concerne aussi les EIRL.
L'action pour insuffisance d'actif peut se cumuler avec une action n'ayant pas le même objet, telle l'action en reddition des comptes, ou la solidarité fiscale prononcée contre le dirigeant social en application de l'article 1745 du Code général des impôts.
Il convient ici de préciser que cette sanction concerne tout dirigeant, personne physique ou morale, de droit privé ou public, ainsi que la personne physique représentant permanent d'une personne morale dirigeante. L'action à l'encontre d'autres personnes est en revanche irrecevable.
Enfin, l'action concerne également l'EIRL soumis à une liquidation judiciaire visant le patrimoine affecté, sous les mêmes conditions qu'un dirigeant social. L'entrepreneur répondra de la condamnation sur son patrimoine non affecté.
État de la jurisprudence sur l’action pour insuffisance d’actif
Même s'il existe peu de décisions en ce sens, l'action pour insuffisance d'actif est réservée à des fautes de gestion antérieures au jugement d'ouverture de la procédure (Cass. com., 14 mars 2000, no 97-17.753. – Cass. com., 24 mars 2021, no 19-21.471).
Les faits postérieurs au jugement sont passibles de poursuites sur le fondement des textes de droit de commun, qu'il s'agisse de l'article 1240 du Code civil (ex-art. 1382), ou des articles L. 223-22 ou L. 225-251 du Code de commerce.
Exemples jurisprudentiels de poursuites sur le fondement de l'action pour insuffisance d'actif :
- la poursuite d'une activité déficitaire irrémédiablement compromise empêchant tout redressement (Cass. com., 12 juill. 2011, no 09-72.406), mais pour autant que cette poursuite contribue à l'aggravation de l'insuffisance d'actif (Cass. com., 25 oct. 2017, no 16-17.584) ;
- le paiement préférentiel des comptes courants d'associé (Cass. com., 24 mai 2018, no 17-10.119) ;
- le fait de « piller » la trésorerie au bénéfice de la société mère (Cass. com., 7 oct. 2020, no 19-11.418) ;
- l'abstention volontaire de payer les loyers de la société pendant deux ans, la dette locative représentant 60 % du passif et l'absence de paiement ayant (évidemment) contribué à l'insuffisance d'actif (Cass. com., 26 févr. 2020, no 18-19.704) ;
- le fait pour le titulaire de l'attestation de capacité professionnelle pour l'activité de commissionnaire de transport de demander sa radiation du registre, privant la société de toute activité, sans s'être assuré que la co-gérante remplissait les conditions (Cass. com., 16 janv. 2019, no 17-22.651) ;
- si plusieurs dirigeants sont poursuivis, les fautes de chacun doivent être détaillées et la juridiction serait mal fondée à les sanctionner solidairement au motif que les « comportements retenus ont constitué autant de fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société » (Cass. com., 10 janv. 2012, no 10-28.067).
- dirigeant ou liquidateur direct ou indirect, en droit ou en fait, d'une personne morale de droit privé ;
- représentant permanent de personnes morales de droit privé ou dirigeant de personne morale de droit privé.
En vertu de l'article L. 654-2 du Code de commerce, cinq faits sont susceptibles de faire l'objet d'une poursuite sur le fondement de la banqueroute, à savoir :
- le recours à des moyens ruineux tels qu'un taux d'endettement excessif, ou bien pratiquer la cavalerie ;
- le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l'actif du débiteur ; ce sera le cas dans les hypothèses de dissimulation volontaire d'éléments du patrimoine dela société, d'actes de disposition sur le patrimoine de la société après l'ouverture d'une procédure collective, ou encore de la perception directe de règlements de la part de clients ;
- l'augmentation frauduleuse du passif du débiteur, en clair l'organisation de l'insolvabilité ;
- la tenue d'une comptabilité fictive ou le fait de faire disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la personne morale ;
- la tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales, y compris si cela concerne des exercices antérieurs à la date de cessation des paiements.
– La banqueroute. – En deuxième lieu, il s'agit de la banqueroute.
Le champ d'application de la banqueroute est large car non seulement il peut concerner l'entrepreneur individuel, mais il trouve également à s'appliquer au :
– La faillite personnelle. – En troisième lieu, il s'agit de la faillite personnelle pour les faits énumérés aux articles L. 653-4 et L. 653-5 du Code de commerce.
– L'interdiction de diriger. – En quatrième et dernier lieu, il s'agit de l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise et personne morale, pour les faits justifiant une faillite personnelle ou pour avoir omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
Après avoir étudié la responsabilité civile du dirigeant, attardons-nous maintenant sur la responsabilité pénale.