La représentation de l'époux incapable par les mandats judiciaires

La représentation de l'époux incapable par les mandats judiciaires

Les mandats judiciaires de droit commun

– Renvoi aux précédents congrès des notaires de France. – Pour plus de précisions sur ces mandats de droit commun, nous vous invitons à vous référer aux travaux effectués par les 113e et 116e congrès des notaires de France.
#Familles #Solidarités #Numérique : Le notaire au cœur des mutations de la société . – « Au fil du temps, la dépendance de la personne vulnérable s'accroît. Il est donc nécessaire d'adapter à chaque étape sa protection juridique. À cette fin, le législateur a prévu une gradation des différentes mesures ; une mesure de protection chassant l'autre. De là les trois grands régimes de protection judiciaires des majeurs dont on sait qu'ils sont du plus léger au plus contraignant : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle ; chacun d'eux ayant connu des modifications avec la loi du 5 mars 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2009. Et le dispositif a encore été complété par une nouvelle mesure de protection, l'habilitation familiale, résultant de l'ordonnance du 15 octobre 2015 et du décret du 23 février 2016 ».
Pour consulter les développements complets de la deuxième commission du 113e Congrès des notaires de France sur ce point :
Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 17/20 septembre 2017, Le notaire au cœur des mutations de la société, 2e commission, nos 2810 à 2872, p. 607 à 650.">Lien
Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits . – « Le législateur a bâti, au fil du temps, au gré des réformes, un système de protection organisé mais complexe, comportant en son sein toute une série de mesures dont le point commun résulte dans le fait, d'une part, qu'elles découlent toutes d'une décision judiciaire et, d'autre part, qu'elles peuvent être mises en place soit pour protéger le patrimoine, ce qui est classique, soit pour protéger la personne, ce qui est plus novateur, soit pour protéger les deux (C. civ., art. 415, al. 1er). En attendant l'avènement d'une possible « mesure unique de protection », (…) elles sont aujourd'hui au nombre de quatre : trois d'entre elles sont classiques ; la quatrième est plus récente ».
Pour consulter les développements complets de la première commission du 116e Congrès des notaires de France sur ce point :
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1468 à 1537, p. 232 à 277.">Lien

Les mandats judiciaires entre époux

– Définition et histoire. – Le mandat judiciaire entre époux est l'acte par lequel une personne est chargée par le juge de représenter son conjoint marié dans l'exercice des pouvoirs que le régime matrimonial attribue à celui-ci.
Les mandats judiciaires entre époux ont fait leur apparition dans la loi no 573 du 22 septembre 1942 sur les effets du mariage quant aux droits et devoirs des époux. En ces temps de guerre, le législateur avait pris conscience qu'il était nécessaire, dans l'intérêt de la famille, de permettre la passation d'actes alors même que le mari était absent.
Une seconde considération s'est ajoutée à l'occasion de la loi no 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme du droit des régimes matrimoniaux. Le mandat judiciaire doit aussi avoir vocation à permettre de remédier au blocage ou à la négligence volontaire de l'un des époux dans sa gestion des biens.
Cette double considération se retrouve indiscutablement dans les articles du Code civil ci-après visés, qui mettent en place des mandats judiciaires entre époux. Aujourd'hui, certains mandats judiciaires entre époux relèvent des dispositions propres au régime primaire impératif (§ I), tandis que d'autres ne s'appliquent que pour les époux mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts (§ II).
À ce titre, il est regrettable que « le millefeuille législatif [fasse] oublier l'utilisation des règles de base au praticien. Le retour aux sources est parfois un excellent moyen de trouver des solutions efficaces face à un époux hors d'état de manifester sa volonté. Exit le réflexe de la mise sous tutelle car il existe des modes alternatifs performants de protection. Il peut parfois être suffisamment pourvu aux intérêts d'un époux déficient grâce aux règles empruntées des régimes matrimoniaux. Le recours à un tel dispositif est psychologiquement mieux vécu par la famille parce qu'il a un effet naturel et habituel ».

Les décisions de justice dans le cadre du régime primaire impératif

– Quel que soit le régime matrimonial adopté par les époux. – Les dispositions qui suivent – des articles 217 et 219 du Code civil – s'appliquent à tous les époux quel que soit le régime matrimonial adopté par le couple.
– Époux hors d'état de manifester sa volonté. – Les dispositions des articles 217 et 219 du Code civil s'appliquent dès lors que l'un des époux est hors d'état de manifester sa volonté, c'est-à-dire ne peut pas exprimer son consentement en raison d'une incapacité, d'une absence ou de toute autre cause. Ces trois raisons sont celles exprimées aux termes de l'article 373 du Code civil (« Est privé de l'exercice de l'autorité parentale le père ou la mère qui est hors d'état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause »).
« Il peut s'agir d'un époux en état intellectuel et physique d'exprimer sa volonté, mais sans être en mesure de l'extérioriser du fait de son absence prolongée (ce peut être le cas d'un militaire par exemple). Il peut s'agir encore d'un époux hors d'état intellectuel ou physique d'exprimer sa volonté ».

Autorisation judiciaire : article 217 du Code civil

– Principe. – Un mandat judiciaire entre époux est consacré à l'article 217 du Code civil, en ces termes : « Un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d'état de manifester sa volonté ou si son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la famille.
L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorisation de justice est opposable à l'époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu'il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle ».
– D'application ponctuelle. – Ces dispositions visent uniquement les actes d'administration ou de disposition qui nécessitent le concours des époux car portant sur des biens communs ou indivis. Il s'agit des cas de cogestion pour lesquels l'accord des deux époux est indispensable.
Le juge délivrera une autorisation afin de permettre à un époux d'accomplir seul un acte déterminé pour lequel le concours ou le consentement de son époux incapable est normalement nécessaire. C'est, par exemple, le cas de la vente du logement familial, lequel est subordonné à la cogestion des époux en application de l'article 215, alinéa 3 du Code civil.
Ce texte est donc d'application ponctuelle lors d'une altération durable des facultés de l'un des époux.
– Renvoi au 113e Congrès des notaires de France.
Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 17/20 septembre 2017, Le notaire au cœur des mutations de la société, 2e commission, nos 2729 à 2735, p. 597 et 598.">Lien

Représentation judiciaire : article 219 du Code civil

– Principe. – Un mandat judiciaire entre époux est consacré à l'article 219 du Code civil, en ces termes : « Si l'un des époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté, l'autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge.
À défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l'autre ont effet, à l'égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires ».
– D'application pérenne. – Ces dispositions peuvent viser tous les actes portant tant sur des biens communs ou indivis que sur des biens propres ou personnels.
Cette habilitation judiciaire confère au conjoint de l'époux incapable soit un pouvoir de représentation général, soit un pouvoir de représentation spéciale.
Ce texte est donc d'application pérenne lors d'une altération durable des facultés d'un des époux.
– Renvoi au 113e Congrès des notaires de France.
Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 17/20 septembre 2017, Le notaire au cœur des mutations de la société, 2e commission, nos 2736 à 2752, p. 598 à 600.">Lien

Comparaison entre les articles 217 et 219 du Code civil

– Tableau comparatif des articles 217 et 219 du Code civil.

Les décisions de justice spécifiques au régime matrimonial légal de la communauté de biens réduite aux acquêts

– Uniquement pour les époux mariés sous le régime légal. – En marge des textes propres au régime primaire, les dispositions qui suivent – des articles 1426 et 1429 du Code civil – s'appliquent uniquement aux époux mariés sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts.
Ces dernières visent également à faire face aux situations de crise en présence d'un époux hors d'état de manifester sa volonté. Toutefois, tant la substitution judiciaire de l'article 1426 du Code civil (A) que le dessaisissement judiciaire de l'article 1429 dudit Code (B) sont d'application particulièrement limitée.

Substitution judiciaire : article 1426 du Code civil

– Principe. – Un mandat judiciaire entre époux est consacré à l'article 1426 du Code civil pour les époux mariés sous le régime légal, en ces termes :
« Si l'un des époux se trouve, d'une manière durable, hors d'état de manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l'inaptitude ou la fraude, l'autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l'exercice de ses pouvoirs. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande.
Le conjoint, ainsi habilité par justice, a les mêmes pouvoirs qu'aurait eus l'époux qu'il remplace ; il passe avec l'autorisation de justice les actes pour lesquels son consentement aurait été requis s'il n'y avait pas eu substitution.
L'époux privé de ses pouvoirs pourra, par la suite, en demander au tribunal la restitution, en établissant que leur transfert à l'autre conjoint n'est plus justifié ».
– D'application très limitée. – Ce texte vise la possibilité pour le conjoint de se voir confier par le juge la gestion des biens communs.
Il ne distingue pas les pouvoirs d'administration ou de disposition. Il peut être appliqué dans un cas particulier « induisant une réelle intention de nuire aux droits du conjoint dans la communauté, même dans le laxisme ».
Ce texte est donc d'application très limitée lors d'une altération durable des facultés d'un des époux.
– Renvoi au 113e Congrès des notaires de France.
Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 17/20 septembre 2017, Le notaire au cœur des mutations de la société, 2e commission, nos 2758 à 2776, p. 600 à 602.">Lien

Dessaisissement judiciaire : article 1429 du Code civil

– Principe. – Un mandat judiciaire entre époux est consacré à l'article 1429 du Code civil pour les époux mariés sous le régime légal, en ces termes : « Si l'un des époux se trouve, d'une manière durable, hors d'état de manifester sa volonté, ou s'il met en péril les intérêts de la famille, soit en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu'il en retire, il peut, à la demande de son conjoint, être dessaisi des droits d'administration et de jouissance qui lui sont reconnus par l'article précédent. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande.
À moins que la nomination d'un administrateur judiciaire n'apparaisse nécessaire, le jugement confère au conjoint demandeur le pouvoir d'administrer les propres de l'époux dessaisi, ainsi que d'en percevoir les fruits, qui devront être appliqués par lui aux charges du mariage et l'excédent employé au profit de la communauté.
À compter de la demande, l'époux dessaisi ne peut disposer seul que de la nue-propriété de ses biens.
Il pourra, par la suite, demander en justice à rentrer dans ses droits, s'il établit que les causes qui avaient justifié le dessaisissement n'existent plus ».
– D'application très limitée. – Ce texte vise la possibilité pour le conjoint de se voir confier par le juge la gestion et l'administration des biens propres de l'époux incapable.
Néanmoins, la particularité de cette mesure réside dans le fait que l'époux incapable conserve la possibilité de disposer de la nue-propriété de ses biens propres.
Il est donc d'application très limitée lors d'une altération durable des facultés d'un des époux.
– Renvoi au 113e Congrès des notaires de France.
Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 17/20 septembre 2017, Le notaire au cœur des mutations de la société, 2e commission, nos 2777 à 2796, p. 602 et 603.">Lien