La protection imposée des espaces naturels

La protection imposée des espaces naturels

– Recensement des dispositifs. – Pour l'essentiel, nous pouvons citer les dispositifs suivants :
  • les espaces boisés classés ;
  • les espaces naturels sensibles ;
  • les réserves naturelles ;
  • ainsi que les arrêtés préfectoraux de protection de biotopes.
Il ne nous semble pas utile ici de revenir sur le régime de ces différents outils de protection, car ils ont fait l'objet d'une étude particulièrement exhaustive dans le cadre du rapport du 114e Congrès des notaires de France, auquel nous renvoyons :
https://rapport-congresdesnotaires.fr/2018-rapport-du-114e-congres/2018-co2-p1-t2-st1-c2/#co2-p1-t2-st1-c2-s1">Lien.
Toutefois, il nous semble important de faire un bref rappel des principaux points d'attention de ces dispositifs.
– Une protection imposée sans réelle contrepartie. – Le point commun de ces dispositifs est qu'ils sont imposés par l'autorité administrative compétente, sans organiser de relation contractuelle entre la collectivité et le propriétaire ayant pour objet la protection ou la sauvegarde de la zone. En la matière, le rôle du notaire sera moins de conseiller son client que de l'informer, d'une part, de l'existence de tels dispositifs dans le cadre d'un dossier d'acquisition et, d'autre part, des conséquences juridiques que cela entraîne.
Ces dispositifs peuvent trouver leur origine soit dans le droit de l'urbanisme (§ I), soit dans le droit de l'environnement (§ II).

Les dispositifs relevant du droit de l'urbanisme

– Les espaces boisés classés. – Les espaces boisés classés (EBC) sont créés par l'autorité compétente en matière d'élaboration du plan local d'urbanisme, c'est-à-dire la commune ou l'établissement public intercommunal délégataire en matière d'urbanisme. Leur régime est établi aux articles L. 113-1 à L. 113-7 du Code de l'urbanisme, et aucune indemnisation n'est prévue pour le propriétaire subissant ce classement, à l'exception d'un fort complexe système d'échange avec la collectivité aux termes duquel un terrain à bâtir pourrait être octroyé au propriétaire cédant l'EBC. Cette procédure est très rarement utilisée et ne permet pas en réalité de compenser le préjudice patrimonial subi par le propriétaire d'une unité foncière se voyant classée en EBC. Ce dernier peut également être autorisé à construire sur une superficie n'excédant pas un dixième de la superficie totale du terrain. Mais dans ce cas, l'autorisation est délivrée par décret et non par arrêté du maire de la commune. Là encore, la procédure n'est que trop rarement utilisée.
– Espaces naturels sensibles. – Les espaces naturels sensibles (ENS) sont créés par le département et font l'objet d'un droit de préemption spécifique au bénéfice de cette même collectivité. Du reste, la politique en matière d'ENS est essentiellement une politique de maîtrise foncière publique. Dès lors, une personne privée n'a pas vraiment vocation à être propriétaire d'une unité foncière située dans un ENS. Par conséquent, aucun mécanisme d'indemnisation ou de compensation n'est prévu par les articles L. 113-8 à L. 113-14 du Code de l'urbanisme régissant ces espaces. Seul le prix de cession, dans le cadre de l'exercice par le département de son droit de préemption, indemnisera le propriétaire.

Les dispositifs relevant du droit de l'environnement

– Les réserves naturelles. – Codifiées aux articles L. 332-1 à L. 332-27 du Code de l'environnement, les réserves naturelles peuvent être de deux types : nationales ou régionales, et il convient d'y ajouter les réserves naturelles de Corse, qui font l'objet d'une réglementation spéciale. L'intérêt pour une personne désirant acquérir des unités foncières en vue de leur préservation est que la demande de classement en réserve naturelle peut être faite par le propriétaire : si cette possibilité est explicitement indiquée par l'article L. 332-2-1 dudit code en ce qui concerne la création d'une réserve naturelle régionale, il n'est rien prévu de tel à l'article L. 332-1 du Code de l'environnement concernant la création d'une réserve nationale. Dès lors, l'initiative de demande de création reste libre, et peut donc être l'œuvre du propriétaire. Les conditions de classement sont dictées par l'article L. 332-1 précité : « (…) lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu'il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader ».
Par ailleurs, la création d'une telle zone doit s'entendre de manière extensive, en application de la théorie de l'écrin et du joyau qui permet d'agréger au site protégé « les parcelles qui contribuent à sa sauvegarde ».
Une fois la réserve créée, un gestionnaire sera désigné (souvent un établissement public, une collectivité territoriale, ou une association de propriétaires de terrains classés, ou une association loi 1901, voire le propriétaire lui-même). En pratique, ce sont essentiellement les associations et personnes publiques. Le gestionnaire établira un plan de gestion qui sera soumis à l'avis du Conseil national de protection de la nature.
La faiblesse du dispositif tient en l'absence d'obligation pour l'État de consigner les engagements financiers à la gestion de la réserve naturelle, et ce alors même que cela constitue une mission de service public. Seules les réserves naturelles maritimes bénéficient par ailleurs d'un financement externe par le biais de la taxe prévue à l'article 285 quater du Code des douanes, due par les entreprises de transport public maritime et assise sur le nombre de passagers embarqués. Par conséquent, il semble délicat pour le notaire devant accompagner son client dans un investissement à but environnemental de conseiller à ce dernier d'acquérir une unité foncière puis de requérir le classement en réserve naturelle : d'une part, la procédure de classement est complexe et peut susciter l'opposition de propriétaires voisins et, d'autre part, les incertitudes quant au financement de la gestion et de la conservation de la zone précarisent fortement la gestion à long terme du site.
Pour une vision globale des réserves naturelles sur le territoire national : http://www.reserves-naturelles.org">Lien.
– Les arrêtés de protection des biotopes et d'habitats naturels et zones prioritaires pour la protection de la biodiversité. – La mise en œuvre de ces dispositifs est confiée au préfet. Le but commun est de protéger non les espèces en elles-mêmes, mais principalement leur habitat, en imposant des obligations restreignant l'usage de la parcelle objet de l'arrêté. Le régime juridique des arrêtés de protection des biotopes et d'habitats naturels est codifié aux articles L. 411-1 et R. 411-15 et suivants du Code de l'environnement. Concernant les zones prioritaires pour la biodiversité, le régime juridique est établi par les articles R. 411-17-3 à R. 411-17-6 et R. 415-2-1 du même code.
Les arrêtés s'imposent au propriétaire et ceux-ci ne sont pas consultés pour leur élaboration. Il est vrai que la procédure d'adoption est considérablement allégée, ne prévoyant pas d'enquête publique ni de concertation avec les propriétaires, qui n'ont pas à être informés préalablement.
Les obligations imposées par l'arrêté n'ouvrent en outre aucun droit à indemnisation pour le propriétaire, et ceux-ci sont écartés de toute gestion collective de la zone objet de l'arrêté (sauf dans le cadre d'un arrêté de création de zone prioritaire de biodiversité, la création de la zone pouvant entraîner des obligations positives de gestion).