La cession de l'immeuble pollué en dehors des réglementations ICPE ou relative aux déchets

La cession de l'immeuble pollué en dehors des réglementations ICPE ou relative aux déchets

– Un risque de contentieux élevé. – La vente d'un immeuble qui ne relève pas de la réglementation des ICPE ou de celle des déchets, et qui fait l'objet d'une réelle suspicion environnementale, présente un risque réel d'insécurité juridique. Àtitre d'illustration, on peut citer l'exclusion de la qualification de déchets des terres non excavées, ou encore la réticence de la Cour de cassation à exonérer de sa garantie des vices cachés un vendeur d'immeuble pollué par son exploitant mais non soumis au régime des ICPE, ainsi que nous avons pu le voir en première partie (V. supra, nos et s.).
Pour la pratique notariale, la sécurisation d'une telle transaction doit se faire à deux niveaux : tout d'abord au stade précontractuel par la recherche d'informations susceptibles d'éclairer le consentement des parties (§ I), puis au stade de la rédaction du contrat au moyen de la stipulation d'une garantie de passif environnemental, ou au contraire d'un transfert (§ II).

L'information précontractuelle en matière environnementale

– Consultation de documentation. – Un premier niveau d'information peut être contenu dans des documents facilement accessibles : les bases de données environnementales (Basol, Basias, ICPE, SIS, Géorisques) doivent faire l'objet d'un examen attentif dès lors qu'un risque environnemental est suspecté.
Sur ce point, il convient de rappeler que la loi no 2014-399 du 24 mars 2014, dite « loi Alur », impose à l'État l'élaboration des secteurs d'information sur les sols (SIS) qui comprennent les terrains pollués justifiant la mise en œuvre d'études de sols et de mesures de gestion.
Le vendeur d'un immeuble situé dans un tel secteur doit alors en avertir par écrit son acquéreur, sous peine, en cas d'existence de pollution rendant le terrain impropre à sa destination, soit de résolution de la vente, soit de restitution d'une partie du prix, ou encore de la possibilité pour l'acquéreur d'exiger la réhabilitation du terrain aux frais du vendeur si celle-ci ne paraît pas disproportionnée par rapport au prix de vente.
Par ailleurs les anciens titres de propriété, baux ou tout acte conférant un droit réel ou personnel, peuvent également contenir des informations précieuses quant au passé environnemental de l'immeuble objet de la vente.
Le vendeur doit en outre être interrogé sur les connaissances dont il dispose au sujet de l'immeuble.
– Établissement d'un audit environnemental. – Si ce recueil d'informations révèle une suspicion aggravée en matière de pollution, il ne faudra pas hésiter, selon nous, à recommander aux parties l'établissement d'un audit environnemental.
Cet audit devra être confié à un bureau d'étude spécialisé en sites et sols pollués, répondant à la norme NF X 31-620-5.
Une fois les conclusions de l'audit connues, il conviendra de faire chiffrer le coût des travaux de traitement de la pollution détectée. En outre, si ce traitement est d'un commun accord entre les parties réalisé par le vendeur avant tout transfert de propriété, il ne faudra en aucun cas évoquer dans l'acte de vente la cession d'un terrain dépollué. Nous avons effectivement vu en première partie de nos développements qu'une telle mention pouvait engager la responsabilité du vendeur au titre de son obligation de délivrance conforme, dans l'hypothèse où une pollution résiduelle existerait toujours, voire une pollution d'une autre nature qui n'aurait pu être décelée par l'audit environnemental réalisé. Il conviendra donc simplement de relater l'audit environnemental réalisé, ses conclusions, et les travaux menés pour traiter la pollution décelée. Il faut ici rappeler que la notion de dépollution n'est pas définie par la loi, et que seule doit être envisagée « la compatibilité des sols avec un usage donné ».

Le traitement conventionnel du risque environnemental

– La gestion du risque. – En matière de vente immobilière présentant un risque environnemental, deux hypothèses sont à considérer : la première consiste à ne pas conserver ce risque à la charge du vendeur. L'acte de vente devra alors comprendre une clause contenant une garantie de passif environnemental (A). La seconde consiste à organiser le transfert du risque à la charge de l'acquéreur (B).

La garantie de passif environnemental

  • l'engagement du vendeur de réaliser lui-même les travaux de réhabilitation en cas de détection de pollution postérieurement au transfert de propriété ;
  • l'indemnisation de l'acquéreur, en réparation du préjudice subi par la détection d'une pollution, et le coût financier de la réhabilitation de l'immeuble vendu afin de le rendre compatible avec l'usage que l'acquéreur entend lui donner et tel qu'indiqué dans l'acte.
– Conservation par le vendeur du risque environnemental. – L'insertion d'une garantie de passif environnemental peut être prévue dans une vente immobilière bien évidemment, mais également dans le cadre d'une cession de contrôle d'une société, elle-même détentrice d'un patrimoine immobilier susceptible de subir un risque relatif à une éventuelle pollution. Cette clause couvre le passif environnemental existant antérieurement à la cession. Une telle clause signifie que le passif environnemental restera à la charge du vendeur. Cette clause peut prévoir :
– Régime de la garantie de passif. – Comme toute garantie de passif, elle ne pourra couvrir que le passif existant et non révélé à la date de la cession : il faudra en conséquence que soit rapportée la preuve de l'existence de la pollution à une époque antérieure au transfert de propriété. Elle devra également être limitée dans le temps et dans son montant.
Il conviendra également, selon nous, de limiter cette clause aux pollutions incompatibles avec l'usage que l'acquéreur souhaite donner au bien acquis, de sorte que la découverte d'une pollution qui serait incompatible avec un nouvel usage dont il n'avait pas été fait mention dans le contrat de cession ne puisse permettre la mise en jeu de la garantie.

Le transfert des risques

– Détermination du risque. – Organiser le transfert du risque environnemental à la charge de l'acquéreur revient à ce que la vente se fasse « en l'état ». Il conviendra dès lors que le vendeur ne puisse ensuite être poursuivi, que ce soit au titre d'un manquement à son obligation de délivrance conforme ou au titre de son obligation de garantie des vices cachés s'il n'est pas en mesure de s'en exonérer. La sécurisation de la convention sera à ce prix. Il convient de rappeler par ailleurs les obligations spéciales d'informations auxquelles le vendeur d'immeuble est tenu au titre des articles L. 514-20 (ICPE) et L. 125-7 (SIS) du Code de l'environnement. Ces obligations d'information sont des obligations de résultat, un manquement pouvant être sanctionné par la résolution de la vente, d'une part, mais également par une restitution partielle du prix ou encore la réhabilitation du site aux frais du vendeur dès lors que le coût ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.
Dès lors, outre les recherches et consultations documentaires déjà évoquées (V. supra, nos et s.), et en présence d'une forte probabilité d'existence d'un risque environnemental, il sera nécessaire de faire procéder à un audit environnemental de l'immeuble vendu, et ce préalablement à toute formalisation de la vente. Le contenu de cet audit sera à établir en fonction de l'historique du site. Rappelons qu'une recherche de pollutions n'est pas universelle, et qu'en la matière on ne peut trouver que ce que l'on cherche.
Une fois l'audit environnemental établi, l'acquéreur pourra alors évaluer les conséquences financières d'une prise en charge du traitement du terrain, pour le cas où l'état de celui-ci serait incompatible avec l'usage qu'il souhaite lui donner. Les conditions de la vente (et notamment le prix) pourront alors être fixées en toute transparence et connaissance de cause, minimisant, voire évitant un possible développement contentieux du contrat.
Enfin, en cas de transfert du risque environnemental à l'acquéreur, il conviendra de prévoir au profit de ce dernier une subrogation dans les droits que détenait le vendeur contre un ancien propriétaire exploitant : à défaut, ce dernier ne pourra agir contre le responsable de la pollution.