Faire de la société patrimoniale un extraordinaire outil de diversification

Faire de la société patrimoniale un extraordinaire outil de diversification

De nombreux investisseurs au capital de société constatent des plus-values importantes sur leurs droits sociaux, rémunération qui est le résultat du risque pris, au fil des années, d'avoir placé de la trésorerie et conservé ce type de support. Il peut s'agir de titres cotés en bourse ou de droits sociaux au capital de PME qui sont parfois l'outil de travail de l'investisseur.
La valorisation prise par ces derniers aboutit parfois à un déséquilibre patrimonial important, qui s'est souvent construit imperceptiblement, et que le notaire pourra détecter en pointant qu'il est le fruit d'une gestion peu optimisée voire risquée. Dans ce cas il sera nécessaire, si l'investisseur le souhaite, de désensibiliser son patrimoine de ces droits sociaux, afin d'éviter un aléa trop important sur la variation de valeur de ces derniers.
En outre, sur le plan purement successoral, la prudence commande de disposer d'une réserve de liquidités suffisantes qui permettra aux ayants-droit de régler les droits de succession sans être contraints de céder rapidement, et donc souvent dans de mauvaises conditions, les droits sociaux… quand ils auront réussi à trouver un acquéreur, ce qui n'est pas une étape aisée !
Nous exposerons en quoi l'assujettissement à l'IS de la société patrimoniale, pendant la phase de détention de l'entreprise (Sous-section I) comme au moment de la cession ou du retrait (Sous-section II), permet indéniablement de corriger aisément ce déséquilibre patrimonial.

Optimiser la perception des résultats de l'entreprise

– Le contexte. – L'entreprise est, en général la source quasi unique de revenus du dirigeant. Elle va lui permettre d'assurer son train de vie au quotidien mais aussi lui assurer des revenus futurs pour le jour ou il ne sera plus en activité. Le pilotage des résultats de l'entreprise doit donc se faire sur le court, le moyen et le long terme.
Au-delà de ces revenus, il convient également de s'interroger sur la couverture décès/invalidité et sur la retraite. Si les salariés ont, sur ces points, un statut en règle générale satisfaisant, il en va souvent très différemment pour le dirigeant d'entreprise. Il devra donc organiser par lui-même sa protection en cas d'incapacité ou de décès et sa retraite future.
– Méthodologie. –Il convient tout d'abord de déterminer le résultat net disponible avant impôt au sein de la société qui peut être affecté au dirigeant. En parallèle, le dirigeant va devoir fixer ses besoins pour assurer son train de vie, ainsi que ses souhaits en matière de prévoyance au regard d'une éventuelle incapacité ou d'un décès prématuré. Enfin, il devra se fixer un objectif de revenu pour la retraite.
– Les revenus immédiats. – Ceux-ci vont être versés par la société au dirigeant. Pour l'entreprise, il s'agira d'une charge déductible. Pour le dirigeant, il s'agira d'un revenu taxable à l'impôt sur le revenu. Pour partie, un arbitrage pourra être réalisé entre revenu d'activité et distribution de dividendes en ayant néanmoins présent à l'esprit qu'il sera difficile de justifier d'une année sur l'autre une variation importante de la rémunération pour une activité similaire. L'arbitrage qui pourra être réalisé entre rémunération et dividende devra donc avoir une certaine constance dans le temps.
– La prévoyance. – Il s'agit du poste sur lequel le dirigeant est le moins bien couvert. En cas d'arrêt de travail ou d'invalidité, les indemnités auxquelles il pourra prétendre sont dérisoires. Une couverture complémentaire est donc indispensable. Sauf s'il est assimilé salarié, la plupart du temps, le dirigeant se retournera vers une prévoyance individuelle dans le cadre d'un contrat Madelin dont les cotisations sont déductibles du revenu professionnel. Il s'agira donc d'un complément de revenu professionnel payé par l'entreprise au dirigeant.
En parallèle, il conviendra aussi de voir la répercussion que l'absence du dirigeant pourrait avoir pour l'entreprise elle-même. Il sera donc souvent conseillé de souscrire uneassurance homme-clé qui permettra à l'entreprise de bénéficier d'un capital permettant de recruter un nouveau dirigeant.
– La retraite. – Là encore, la retraite de base d'un dirigeant d'entreprise n'est pas à la hauteur des revenus qu'il a pu percevoir durant son activité professionnelle. Il va donc devoir anticiper ce poste. Plusieurs pistes sont possibles.
– Une retraite collective. – Tout d'abord, il pourra être fait appel aux produits liés à l'épargne salariale comme le plan d'épargne entreprise (PEE), le plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), ou enfin le plan d'épargne retraite d'entreprise collectif (PERE-CO). Tous ces supports vont nécessiter un accord collectif avec les salariés pour leur mise en place, ce qui peut parfois être un frein. Sans rentrer dans le détail de leur fonctionnement, ils sont néanmoins très intéressants car, dans une large mesure, exonérés de charges sociales et/ou d'impôt sur le revenu.
– Une retraite par capitalisation. – Si le chef d'entreprise souhaite un système plus individuel, il devra se poser la question de savoir s'il capitalise au sein de la structure IS ou s'il capitalise à titre personnel, c'est-à-dire après avoir payé l'impôt sur la distribution du dividende. Cette question sous-tend indirectement l'opportunité de recourir à une société holding pour « encapsuler » de la trésorerie qui remonterait de la société opérationnelle, sans fiscalité si ce n'est la quote-part des frais et charges. Ce type de schéma doit être mis en place avec beaucoup de précaution et ne peut pas avoir pour seule motivation de capitaliser dans une entité dédiée sous peine de tomber sous le coût du schéma non authentique visé par l'article 119 ter du Code général des impôts.
– Une opération d'OBO. – Enfin, le dirigeant pourra assurer une capitalisation par la réalisation d'une opération d'OBO. En clair, le dirigeant va revendre sa structure d'exploitation à une nouvelle société holding, dénommée Newco, ce qui lui permettra de dégager des liquidités pour assurer des besoins futurs. Le Conseil d'État, dans une décision du 27 janvier 2011, a confirmé que ce type d'opération n'est pas constitutif d'abus de droit, dans la mesure où l'opération est financée majoritairement par un recours à de la dette bancaire et non à un crédit vendeur.
Le chef d'entreprise dispose donc de toute une palette d'outils pour assurer un revenu immédiat, assurer une couverture en cas de maladie et d'invalidité, et se constituer des revenus complémentaires pour la retraite.

Optimiser, dans la durée, les opérations portant sur le capital de l'entreprise

– Restructurer le patrimoine en reportant l'imposition de la plus-value par « l'apport-cession ». – Fort du constat de la nécessité de désensibilisation aux droits sociaux, coupables du déséquilibre patrimonial évoqué, le conseil pourra être de céder ces droits sociaux pour dégager des liquidités, et avancer dans la stratégie de rééquilibrage. La cession aura dans cette hypothèse un impact fiscal important puisque la plus-value réalisée subira la fiscalité idoine.
Une opportunité a pourtant été ouverte au travers des dispositions de l'article 150-0 B ter du Code général des impôts. Son utilisation consiste à procéder à un apport de droits sociaux au profit d'une société à l'IS contrôlée par l'investisseur, laquelle peut être constituée pour les besoins de la cause, et sous toute forme sociale, y compris la société civile patrimoniale. Dans ce cadre, l'imposition de la plus-value constatée chez l'apporteur est reportée. La société bénéficiaire de l'apport constatera une éventuelle plus-value entre la valeur retenue lors de l'apport et le prix de vente.
Ce report durera, d'abord, tant que le contribuable conserve les droits sociaux émis en rémunération de l'apport et conserve son domicile en France. Il pourra être remis en cause si la société bénéficiaire de l'apport cède elle-même les droits sociaux qui lui ont été apportés. Cette dernière disposition peut sembler contradictoire avec l'objectif poursuivi, qui consiste justement à céder ces mêmes droits sociaux pour les « convertir » en liquidités.
Cependant, deux exceptions existent à ce terme du report d'imposition : si la cession intervient plus de trois ans après l'apport, ou si la société bénéficiaire de l'apport réinvestit plus de 60 % du produit de cession, dans les deux ans de celle-ci, dans une ou plusieurs activités économiques diverses.
Ainsi, la stratégie de réalisation de ce patrimoine composé de droits sociaux pourra être efficace totalement en cas de cession postérieure à trois années, ou à hauteur d'au moins 40 % en cas de cession dans le délai de trois années.
Dans ce dernier cas, le patrimoine sera tout de même désensibilisé des droits sociaux qui posaient initialement « problème », mais le patrimoine sera tout de même exposé au risque d'entreprise via l'obligation de réinvestissement. Cette donnée n'est pas à négliger lorsqu'il s'agit de volumes financiers importants, car un réinvestissement de 60 % est loin d'être négligeable.
Il peut devenir très complexe de trouver des investissements éligibles, relativement sécurisés et à des prix « d'entrée » raisonnables, notamment dans le contexte financier rappelé ci-dessus. Le conseil prudent sera de réaliser cette opération « d'apport-cession » très en amont de la cession (plus de trois années), ou seulement après avoir identifié les réinvestissements significatifs possibles.
Nous noterons qu'en cas de transmission à titre gratuit, le report d'imposition perdurera un temps en cas de donation et sera définitivement purgé en cas de transmission par décès.
– Bénéficier de la neutralisation fiscale des plus-values sur titres. – Soumise à une pression internationale forte sur le régime des holdings, la France s'est dotée d'une législation permettant à ces structures de neutraliser les conséquences fiscales des plus-values sur titres détenus par ces dernières. Cet enjeu était essentiel pour éviter la fuite des capitaux, puisque les structures de détention sont naturellement beaucoup plus mobiles que les citoyens.
  • il s'agit des titres qui, en créant un lien durable avec la participation, sont destinés à contribuer à l'activité du holding. Le droit comptable définit les titres de participation comme ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité du holding, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle ;
  • il existe une présomption si ces titres représentent plus de 10 % du capital de la société émettrice, ou plus de 5 % du capital et des droits de vote s'ils ont été inscrits en comptabilité au compte dédié ;
  • le holding doit les avoir conservés au moins deux ans.
Cette fiscalité favorable va donc permettre :
  • d'exonérer la plus-value d'une cession future (et souvent programmée) des titres de l'entreprise détenus par le holding ;
  • d'exonérer la plus-value en cas de réduction de capital de l'entreprise par annulation des titres détenus par le holding. Cette hypothèse est fréquente, car les entreprises rentables constituent souvent au fil des années des réserves importantes de trésorerie. Ces réserves deviennent souvent inutiles quand l'autofinancement ou le recours au financement externe est assuré par ailleurs.
La stratégie consistera donc à apporter une partie des droits sociaux de l'entreprise à une société patrimoniale, holding, assujettie à l'IS, en prévision d'opérations futures sur le capital.
Le holding va bénéficier des liquidités issues des opérations capitalistiques dans des conditions fiscales très attractives, et pourra les réinvestir aisément dans d'autres actifs patrimoniaux.
L'article 219 du Code général des impôts exonère d'IS les plus-values réalisées sur titres de participation. Les conditions pour bénéficier de cette qualification sont détaillées par la doctrine fiscale, mais peuvent être résumées comme suit :
Ces conditions réunies, la plus-value taxable à l'IS en cas de revente de ces titres sera exonérée (à l'exception d'une quote-part dite de « frais et charges » représentant 12 % du montant de la plus-value).
Les conseils du notaire seront ici essentiels pour anticiper ces opérations sur titres puisqu'il s'agira de se positionner au moins deux ans à l'avance et de déterminer quelle quote-part de titres doit être logée à l'actif du holding.
L'associé personne physique ne disposera plus de liquidités dans son propre patrimoine et devra donc déterminer, avant de loger les droits sociaux de l'entreprise à l'actif du holding, le montant des sommes nécessaires pour financer son futur train de vie.
– Faire perdurer la société patrimoniale, comme outil multi-usage. – Au-delà de la diversification patrimoniale atteinte grâce à l'utilisation habile de la société patrimoniale, d'autres usages sont tout à fait pertinents, une fois cédés les titres dont elle était propriétaire :
  • la société patrimoniale pourra octroyer à son dirigeant une rémunération pour son travail de recherche et de gestion d'actifs ;
  • la rémunération du dirigeant lui permettra de maintenir une couverture santé, et de continuer de cotiser en vue de sa retraite ;
  • la société patrimoniale pourra distribuer régulièrement des dividendes et assurer, sous cette autre forme, un revenu de remplacement au dirigeant.