Donation ordinaire

Donation ordinaire

Présentation succincte

Présentation succincte

– Définition de la donation ordinaire. – Une donation est l'opération qui permet une transmission à titre gratuit de biens ou de droits par une ou plusieurs personne(s) vivante(s) à une ou des autre(s), qui l'accepte(nt). Elle est une libéralité entre vifs.
Il s'agit de l'événement par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte, tel que le précise l'article 894 du Code civil.
Une donation entre vifs, quand elle est écrite, doit obligatoirement être passée devant notaire dans la forme ordinaire des contrats. Une donation écrite qui ne respecterait pas ce formalisme sera sanctionnée par la nullité absolue.
Toutefois, des donations non notariées demeurent pourtant valables. L'article 931 du Code civil dispose seulement que l'acte instrumentaire, support de la donation entre vifs, doit revêtir la forme authentique, à peine de nullité. Cet article ne vise pas le negotium lui-même. Aussi, une donation (negotium) est valable si elle remplit les seules conditions de fond des donations entre vifs.
Parmi ces donations non notariées, se trouvent le don manuel qui se réalise par la simple traditio, ou encore les donations déguisées et indirectes.
– Don manuel et pacte adjoint. – Le don manuel est sans doute la plus ancienne libéralité. L'ordonnance du chancelier d'Aguesseau de 1731 a consacré le caractère solennel de l'acte de donation sur tout le territoire du Royaume de France, tout en admettant que les dons manuels puissent continuer à se réaliser par la traditio. La validité d'un pacte adjoint à un don manuel, bien que reconnue depuis le XIX e siècle, peut laisser dubitatif. Il s'agit en l'occurrence de réaliser un don manuel dont on fixe certaines conditions par écrit, dans un pacte dit « adjoint ». Cette validité juridique s'explique par le fait que l'acte écrit (le pacte adjoint) n'est pas le support de la donation, qui se réalise par un fait : la remise de la chose de la main à la main. Aussi, cette opération (donation non écrite et pacte adjoint) échapperait au formalisme imposé par l'article 931 du Code civil et surtout à la sanction de la nullité.
Cette position pouvait éventuellement se justifier à une époque où le don manuel contenait une véritable traditio au sens originaire du mot : remise d'une chose corporelle, souvent de faible valeur. En effet, c'est bien le caractère modeste du don qui lui permettait d'échapper au formalisme de l'acte authentique.
Force est de constater qu'aujourd'hui, les dons manuels peuvent porter sur des valeurs importantes. Dès la création des titres au porteur, le don manuel a pu être le support d'une transmission de valeur importante. Puis, l'évolution des supports financiers ou sociétaires a conduit la Cour de cassation à admettre la validité d'une traditio « dématérialisée », pour des dons manuels par virements bancaires, ou par ordres de mouvement pour des actions. Or, ceux-ci peuvent porter sur des sommes bien plus importantes qu'il n'est envisagé à l'origine. Dès lors, l'absence de conseil d'un notaire peut être fortement préjudiciable tant au donateur qu'au donataire.
Quelle que soit sa forme, une donation reste un acte qui entraîne un dessaisissement sans aucune contrepartie par une personne au profit d'une autre. Et, en tant que telle, cette opération devrait systématiquement s'adjoindre le conseil d'un notaire, à plusieurs titres. Tout d'abord, une donation devrait toujours s'accompagner du conseil général du notaire quant à l'opération projetée, la proportionnalité de celle-ci, ou encore, quant à la vérification du libre consentement (la véritable intention libérale du donateur).
Mais, le notaire ingénieur a également un rôle prépondérant à jouer afin d'éviter aux clients les pièges des règles liquidatives de la libéralité et assurer leur protection (et celle des autres membres de leur famille).
En effet, et à titre d'exemple, si le pacte adjoint prévoit un démembrement de propriété du bien, dont le don manuel opère la traditio, il lui sera impossible d'y stipuler une réversion d'usufruit. Celle-ci s'analyse en une donation de biens présents à terme, et ne pourrait apparaître dans un pacte adjoint sous seing privé sous peine de nullité absolue.
Bien souvent, c'est ultérieurement que l'époux ou les époux découvrent ce manquement. Ils pensaient en se réservant l'usufruit se protéger jusqu'au décès… mais ce n'est pas le cas. Dès lors, il ne sera plus possible pour le notaire de modifier cette situation, et ce même en réincorporant le don manuel dans une donation notariée. En effet le donateur, au jour de la donation réincorporante, n'est plus titulaire de la pleine propriété et, à ce titre, il ne peut plus disposer de l'usufruit ou simplement l'aménager au profit d'un tiers ou de son conjoint.

Rappel des règles liquidatives des donations ordinaires

Rappel des règles liquidatives des donations ordinaires

– Atteinte à la réserve et rapport. – Les règles liquidatives concernant les donations et en l'occurrence une donation ordinaire (notariée ou non) dépendent du droit des successions. Elles relèvent de deux thèmes bien distincts qui peuvent parfois être confondus : la réunion fictive (qui concerne la problématique de la détermination de l'atteinte à la réserve) et le rapport (qui concerne la problématique du partage et de l'équité entre héritiers).

Détermination de l'atteinte à la réserve

– Première étape : détermination de la masse des biens. – En présence d'héritiers à réserve, il faut vérifier toute éventuelle atteinte à leur réserve héréditaire. Pour ce faire, il est nécessaire de reconstituer fictivement le patrimoine du défunt, à l'instant de son décès, comme s'il n'avait jamais disposé de celui-ci à titre gratuit de son vivant ou à cause de mort.
Aussi, l'article 922 du Code civil nous invite à réunir fictivement aux biens existants (ceux présents dans le patrimoine au jour du décès) les biens donnés de son vivant, savoir :
  • si les biens sont toujours présents dans le patrimoine de l'héritier donataire :
  • si les biens ne sont plus présents dans le patrimoine de l'héritier donataire. Deux situations se présentent :
– Deuxième étape : détermination des droits sur la masse. – Enfin, l'article 922 du Code civil nous indique que sur cette masse ainsi reconstituée sera appliqué le quantum de détermination de la réserve, selon la situation.
Pour rappel, l'article 916 du Code civil précise que les héritiers réservataires sont aujourd'hui :
  • les descendants en ligne directe pour 1/2 s'il n'y en a qu'un, pour 2/3 s'il n'y en a que deux, et 3/4 s'il y en trois et plus (C. civ., art. 913 et 913-1) ;
  • à défaut de descendants en ligne directe, le conjoint survivant pour 1/4 (C. civ., art. 914).
Antoine a, de son vivant, réalisé plusieurs donations à sa nièce pour une valeur totale de 200. À son décès, le patrimoine d'Antoine est évalué à 400.
Biens existants : 400
Donations à réunir : 200
Patrimoine reconstitué : 600
En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/4, soit 150.
Or, les enfants ne recevront que 133 (répartition des biens existants : 400/3). Il y a donc atteinte à leur réserve.
– Troisième étape : imputation des libéralités. – Les libéralités consenties par le défunt de son vivant à des non-successibles, et plus précisément à des non-réservataires relèvent de la part du patrimoine dont il pouvait disposer librement, donc de la quotité disponible. Ainsi, celles-ci s'imputeront donc sur la quotité disponible, déterminée selon les règles ci-dessus rappelées.
Détermination de la catégorie de l'imputation. Si la libéralité a été consentie à un héritier réservataire, elle pourra s'imputer, selon les cas et nous le verrons, sur sa part de réserve et/ou sur la quotité disponible. Cela sera notamment le cas lorsque la libéralité excède la réserve héréditaire. En effet, dans cette situation, le surplus de la libéralité s'imputera subsidiairement sur la quotité disponible à due concurrence, et si ce surplus dépasse la quotité disponible, la libéralité sera réductible (C. civ., art. 919-1, al. 1).
Et cette libéralité s'imputera également sur la quotité disponible, lorsque la donation à un héritier réservataire est consentie expressément « hors part successorale ». Si celle-ci dépasse la quotité disponible, l'excédent sera réductible (C. civ., art. 919-2).
Données de l'exemple chiffré :
Antoine a trois enfants, et a consenti une donation en avancement de part successorale à l'un d'eux.
Biens existants au décès : 400
Donation à réunir : 200
Patrimoine reconstitué : 600
En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/4, soit 150.
La réserve globale est des ¾, soit 450. Et la réserve individuelle de chaque enfant est de 150.
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Tableau d'Imputation d’une donation en avancement de part successorale à un enfant avec dépassement de sa réserve héréditaire
Données de l'exemple chiffré :
Même exemple que ci-dessus, mais cette fois, Antoine a consenti une donation hors part successorale à l'un de ses trois enfants.
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Tableau d'Imputation d’une donation hors part successorale à un enfant avec dépassement de la quotité disponible
Données de l'exemple chiffré :
Antoine a trois enfants, et a consenti une donation en avancement de part successorale à l'un d'eux.
Biens existants au décès : 200
Donation à réunir : 800
Patrimoine reconstitué : 1 000
En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/4, soit 250.
La réserve globale est des ¾, soit 750. Et la réserve individuelle de chaque enfant est de 250.
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Tableau d'Imputation d’une donation en avancement de part successorale à un enfant, avec dépassement de sa réserve héréditaire, et dépassement de la quotité disponible
L'ordre des imputations. Les libéralités s'imputent de la plus ancienne à la plus récente. Lorsque plusieurs libéralités ont été consenties le même jour, elles s'imputent ensemble et en cas de dépassement de la réserve, elles s'imputent au marc le franc (proportionnellement).
Données de l'exemple chiffré :
Antoine a trois enfants, et a consenti des donations en avancement de part successorale à deux enfants, à des dates différentes.
Biens existants au décès : 200
Donations à réunir : 260 et 350
Patrimoine reconstitué : 810
En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/4, soit 202,50.
La réserve globale est des ¾, soit 607,50. Et la réserve individuelle de chaque enfant est de 202,50.
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Tableau d'Imputation de deux donations (consenties à des dates différentes)
Même exemple que ci-dessus, mais cette fois, les deux donations ont été reçues le même jour.
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Tableau d'Imputation de deux donations (consenties à la même date)
Détermination du montant de l'imputation. Les donations sont imputées pour la même valeur que celle à laquelle elles ont été réunies à la masse des biens (V. supra, no ).
L'indemnité de réduction. Lorsqu'une libéralité est réductible, celui qui l'a reçue devra une indemnité de réduction à la succession, qu'il soit ou non présomptif héritier. L'indemnité de réduction permet de réintégrer à la succession la valeur du patrimoine du défunt qui n'aurait jamais dû en sortir, afin de constituer la réserve du ou des héritiers réservataires.
D'ailleurs, cette indemnité de réduction est taxable et devra apparaître dans la déclaration de succession, à l'actif successoral.

Équité entre les héritiers : le rapport successoral

Les donations ordinaires sont rapportables à la succession, qu'il y ait ou non atteinte à la réserve et réduction.
L'intérêt du rapport est de reconstituer entre les présomptifs héritiers – qui sont, rappelons-le, les seuls créanciers et débiteurs du rapport – la masse des biens (ou plutôt, la masse en valeur, depuis la réforme de 2006).
Le legs n'est pas rapportable, sauf convention contraire.
Depuis 1938, le rapport se fait en moins prenant.
Pour le rapport, on se place au jour du partage. Aussi, les valeurs sont celles des biens au jour du partage. Selon l'article 860 du Code civil, la valeur de l'indemnité de rapport se détermine en tenant compte de la valeur du bien donné à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation.
La donation-partage, ayant déjà opéré un partage, n'est pas rapportable à la succession. L'indemnité de réduction, quant à elle, sera rapportable à la succession.
– Support comparatif.