– Plan. – L'ingénierie notariale trouve un large domaine d'application en matière d'impôt sur la plus-value immobilière, que ce soit concernant les régimes d'exonération ou les techniques juridiques d'optimisation (donation avant cession, quasi-usufruit, démembrement de propriété, combinaison de ces techniques, etc.). Sans vouloir dresser ici un panorama exhaustif, nous axerons les développements qui suivent sur les réflexes, les difficultés et sources de contentieux pour anticiper et conseiller au mieux nos clients dans ce domaine, notamment en matière de temporalité de la cession (§ I) ou de cession d'immeuble démembré (§ II).
Cession immobilière et problématiques de plus-value
Cession immobilière et problématiques de plus-value
Impôt sur la plus-value et temporalité de la cession
– Point de vigilance : promesse synallagmatique et plus-value. – Nous soulignerons ici l'importance d'être vigilants sur la détermination de la date de cession pas toujours maîtrisée en cas d'acquisition suite à une promesse synallagmatique en matière de calcul de l'impôt sur la plus-value.
– Détermination de la date de cession et consensualisme. – La date de cession constitue le fait générateur de plusieurs impositions, notamment en matière d'impôt sur la plus-value. La question de sa détermination précise se pose particulièrement lorsque l'acte authentique est précédé de la signature d'une promesse synallagmatique.
La formation de la vente résulte en principe du consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix, et entraîne un transfert immédiat de la propriété de l'immeuble. Ce n'est que si les parties ont entendu faire de la signature de l'acte authentique une condition de leur consentement que la formation du contrat sera différée à l'accomplissement de l'acte notarié. Mais, en pratique, les parties choisissent la plupart du temps (ou l'on choisit pour elles) de dissocier la formation du contrat et ses effets, retardant la date du transfert de propriété à la date de signature de l'acte authentique. Ces notions sont abordées dans les développements sur le consensualisme et la vente solennelle (V. infra, nos
et s.).
– Application en matière de plus-value. – La fixation de la date de la cession va notamment déterminer la durée de détention. Il est donc primordial d'établir si la cession a eu lieu lors de la signature de la promesse synallagmatique ou lors de la signature de l'acte authentique. Le Conseil d'État s'est prononcé sur cette question dans un arrêt du 29 décembre 2020 particulièrement important, pris en chambres réunies ; en l'absence de dispositions fiscales particulières, il fait une stricte application des règles civiles : lorsque l'avant-contrat révèle le consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix, le transfert de propriété, qui détermine le fait générateur de la plus-value imposable, est réputé avoir lieu à compter de la signature de la promesse
.
– Inefficacité des énonciations de l'acte authentique si les termes de la promesse sont clairs. – Le Conseil d'État précise que lorsque les termes de la promesse sont clairs (promesse synallagmatique de vente sans condition suspensive révélant clairement le consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix), le caractère immédiat du transfert de propriété (et donc le début du délai de détention de l'acquéreur pour la détermination de la plus-value (ou sa fin pour le vendeur) n'est pas remis en cause par des énonciations contraires de l'acte authentique (qui mentionnerait un transfert de propriété au jour de sa signature) ou des éléments postérieurs. En synthèse, en présence de deux actes contradictoires (mais chacun suffisamment clair) sur la date du transfert de propriété, le premier est constitutif du fait générateur et le second demeure sans effet. Si les parties souhaitent différer les effets de la vente (et donc allonger le délai de détention du vendeur notamment), leur intention doit résulter de l'avant-contrat.
– Conséquences pratiques et ingénierie notariale. – Au regard des explications précédentes, nous relèverons :
- qu'il conviendra d'être particulièrement vigilants sur la date de signature d'une promesse synallagmatique de vente sans condition suspensive concernant un bien soumis à l'impôt sur la plus-value immobilière, pour le calcul du nombre d'années de détention ;
- que le recours à une promesse unilatérale de vente, notamment en cas de promesse de longue durée, aura un impact non négligeable sur la durée de détention, puisqu'il n'y a pas vente tant qu'il n'y a pas eu de levée d'option de l'acquéreur ;
- qu'une intervention du notaire dès la signature de l'avant-contrat, prenant notamment la forme d'une promesse synallagmatique authentique, serait de nature à atténuer le risque. En effet, le report à la signature de la vente définitive du transfert de propriété est une pratique bien établie chez les notaires, qui s'explique notamment par le report corrélatif du transfert des risques de la chose. Le Conseil d'État faisant dans ce cas une stricte application des règles civiles, l'intervention du notaire dès l'avant-contrat synallagmatique permettrait d'éviter ce risque d'un aléa sur le délai de détention si tel n'est pas le souhait des parties.
– Schéma récapitulatif. – Nous résumons dans le schéma ci-dessous l'importance de la rédaction de l'avant-contrat sur le calcul du délai de détention en matière d'impôt sur la plus-value.
Impôt sur la plus-value et promesse synallagmatique
Lorsqu'une promesse synallagmatique de vente révèle le consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix (à défaut de condition suspensive), le transfert de propriété, qui fixe le départ du délai de détention pour la détermination de la plus-value imposable, est réputé avoir lieu dès la signature de la promesse. La rédaction de l'avant-contrat (prévoyant ou non un transfert de propriété à la date de signature de l'acte authentique) et la date de signature de la promesse seront déterminantes pour le calcul du nombre d'années de détention.
Une garantie serait dans ce cas de recourir à une promesse unilatérale de vente.
Impôt sur la plus-value et vente d'un immeuble démembré
– Ingénierie notariale et vente de l'immeuble démembré. – Les notaires sont très régulièrement confrontés à la vente d'un immeuble détenu en démembrement de propriété, que le démembrement de propriété ait une origine successorale ou conventionnelle. Toutefois, cette opération courante nécessite souvent plus qu'une autre d'être anticipée et réfléchie avec les parties, et l'ingénierie notariale trouve ici à s'exprimer pleinement. En pareille hypothèse, il convient de s'interroger notamment sur le sort du prix de vente (A) et sur la fiscalité en matière de plus-value générée par l'opération (B), ces questions étant partiellement liées (C).
Ingénierie notariale et vente de l'immeuble démembré
Lors de la vente d'un immeuble détenu en démembrement de propriété, le notaire devra analyser en amont avec les parties venderesses leurs objectifs et contraintes, afin de décider, dans une convention préalable, du sort du prix de vente, lequel pourra avoir une conséquence sur le redevable de l'impôt de plus-value.
– L'accord de l'usufruitier et du nu-propriétaire. – Rappelons ici que la vente de la pleine propriété de l'immeuble démembré ne peut avoir lieu que si usufruitier et nu-propriétaire y consentent tous deux, puisque contrairement au régime de l'indivision, l'un ne peut obliger l'autre à vendre.
Vente d'un immeuble démembré et sort du prix de vente
L'ingénierie notariale : questionnaires, comparatifs chiffrés et convention de répartition du prix
– Le sort du prix de vente et les trois options possibles. – Préalablement à la vente de l'immeuble démembré (et juridiquement en principe avant toute décision de mise en vente ou mandat de vendre et, a fortiori, avant toute signature d'avant-contrat), l'usufruitier et le nu-propriétaire doivent opérer un choix entre trois solutions :
- la répartition du prix de vente conformément au principe édicté par l'article 621 du Code civil ;
- la constitution d'un quasi-usufruit par report de l'usufruit sur le prix également prévu à l'article 621 du Code civil ;
- le maintien du démembrement et le remploi du prix de vente en application de la théorie de la subrogation réelle.
– L'importance d'une convention prévoyant le sort du prix de cession. – En vertu de l'article 617 du Code civil, la cession d'un bien démembré emporte consolidation et extinction du démembrement de propriété. Dès lors, sauf convention contraire, le prix de cession doit être réparti entre usufruitier et nu-propriétaire, en application de l'article 621 du Code civil. Il devrait être conseillé de prévoir, préalablement à toute signature d'un mandat de vente, une convention entre usufruitier et nu-propriétaire, aux termes de laquelle les parties conviendront du sort du prix de cession. Les termes de la convention varieront selon la volonté des parties, mais aussi la raison d'être, les motifs de la cession et les conséquences fiscales y attachées.
– Les questions à poser aux parties. – Au titre de l'ingénierie notariale, et afin d'atteindre les objectifs poursuivis par les clients vendeurs, le notaire, pour établir une convention réglant le sort du prix de vente, se doit d'interroger les parties et de leur poser notamment les questions suivantes :
Àl'usufruitier : quelles sont les raisons de la cession et ses attentes en termes de perception du prix de cession :
- réinvestissement en pleine propriété dans un bien immobilier / un produit financier ? Quel est le montant nécessaire ?
- réinvestissement avec le nu-propriétaire, en maintenant le démembrement de propriété ?
- besoin de trésorerie, pourquoi et pour quel montant ? (nouveaux projets, départ en maison de retraite, installation à Ibiza, location… ?)
- choix d'un usufruit fiscal, d'un usufruit économique ou d'un quasi-usufruit ?
Au nu-propriétaire : de la même façon, quelles sont les raisons de la cession et ses attentes en termes de perception du prix de cession ? Besoin de trésorerie, en pleine propriété et à quelle hauteur ?
Les intérêts de chacun étant parfois divergents, le notaire ingénieur du droit deviendra parfois médiateur des parties afin de dégager une solution acceptable pour tous, et non porteuse d'un différend ou d'une contestation futurs.
– Comprendre et analyser la situation des vendeurs de l'immeuble démembré. – Afin de bien cerner les attentes et contraintes de chacun, il pourra être opportun d'adresser aux parties un questionnaire spécifique, qui permettra de formuler ensuite des propositions ciblées et anticipées.
Un questionnaire spécifique à destination des vendeurs d’un immeuble démembré
– Envisager les conséquences de chaque hypothèse avant de décider. – Dans la convention de répartition du prix de vente, il sera utile d'exposer systématiquement toutes les solutions possibles afin que chacun puisse choisir et connaître les avantages et les inconvénients et déterminer in fine les arbitrages effectués. La convention exposera également les conséquences en matière d'impôt sur la plus-value, qui est, avec la répartition du prix de vente, l'autre sujet à bien analyser et anticiper lors de la vente de l'immeuble démembré, comme nous le détaillons ci-après.
Rédiger la convention de répartition du prix de vente de l'immeuble démembré
Nous proposons ci-dessous un modèle de convention de répartition du prix de vente de l'immeuble démembré. Cette convention comprend les rubriques suivantes :
1/ les parties ;
2/ exposé des faits ;
3/ motivations – objectifs des parties ;
4/ les différentes possibilités de répartition du prix de vente ;
5/ les différentes méthodes de calcul et les solutions au cas d'espèce ;
6/ les conséquences fiscales en matière d'impôt sur la plus-value et de droits de succession ;
7/ le choix des parties sur la méthode retenue pour la future cession.
Procéder à des comparatifs chiffrés avant de décider
Proposition de convention de sort du prix de vente de l’immeuble démembré
Analyser et anticiper les conséquences de l'extinction de l'usufruit
Lors de la vente de l'immeuble démembré, il sera également nécessaire d'analyser les conséquences de l'extinction du démembrement :
- sauf convention de quasi-usufruit, la quote-part du prix de vente remise à l'usufruitier deviendra taxable chez le nu-propriétaire lors de l'ouverture de la succession de l'ancien usufruitier (si la somme n'a pas été dépensée sans contrepartie). La vente du bien peut donc annihiler partiellement les intérêts fiscaux du démembrement originel.
- Ainsi, le choix de la répartition du prix de vente ne permet pas de bénéficier d'un des intérêts majeurs du démembrement de propriété dans une optique de stratégie d'optimisation de la transmission, puisqu'elle peut empêcher le bénéfice de l'article 1133 du Code général des impôts (qui permet, au décès de l'usufruitier, une réunion de l'usufruit à la nue-propriété sans taxation) ;
- conséquence fiscale au titre de l'impôt sur la plus-value (analysée ci-après).
Évaluation fiscale ou économique de l'usufruit
– Réfléchir à la méthode d'évaluation de l'usufruit à choisir. – Le barème fiscal de l'article 669 du Code général des impôts ne s'impose que pour le calcul des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière dans le cadre d'une mutation à titre gratuit, et non en matière de répartition du prix de vente. Pour conseiller au mieux nos clients, il nous appartient dans chaque cas de déterminer avec eux s'il est préférable de procéder, en fonction de leur situation, à une évaluation fiscale ou économique de l'usufruit
. En effet, pour le calcul de l'impôt sur la plus-value, il sera souvent préférable d'opter pour une évaluation économique quand elle conduit à majorer la valeur de l'usufruit, si les droits correspondants peuvent être cédés avec le bénéfice d'une exonération d'impôt sur la plus-value. Cela sera notamment le cas quand l'immeuble démembré constitue la résidence principale de l'usufruitier. L'évaluation économique de l'usufruit est notamment basée sur le taux de rendement du bien et l'espérance de vie (précise) de l'usufruitier. Ce sont les critères retenus par M. le Doyen Aulagnier pour élaborer sa méthode de calcul des droits démembrés. Des simulateurs de calcul ont également été développés par la profession notariale.
Lien vers le portail NotAccess via l'accès ID.not pour utiliser le simulateur Hectaur de calcul de l'usufruit économique :
Calcul d'un usufruit économique : l'outil de calcul Hectaur
« Hectaur = Hypothèses et calculs de taux, d'annuités, d'usufruit et de rente »
Le simulateur Hectaur contient trois modules, dont un consacré à l'usufruit économique (les deux autres modules s'appliquant aux calculs de rente viagère, d'une part, et aux montant, durée et taux d'un prêt immobilier d'autre part). Le module « Usufruit économique » permet des calculs liés à l'espérance de vie et au taux de rendement du bien, selon que le démembrement est viager ou temporaire. L'application est réservée aux notaires et collaborateurs, et disponible sur le portail NotAccess, via l'accès ID.not (sous « Calculs financiers-Hectaur »).
Répartition du prix et responsabilité du notaire
Au vu des avantages, dans nombre de cas, d'une évaluation économique de l'usufruit (et non fiscale), la responsabilité d'un notaire répartissant un prix de vente de manière fiscale au détriment d'un usufruitier pouvant bénéficier d'un usufruit économique plus avantageux pourrait être mise en cause.
Sort du prix de vente d'un immeuble démembré et impôt sur la plus-value
Lors de la vente d'un immeuble détenu en démembrement de propriété, la question du redevable de l'impôt sur la plus-value générée par la cession doit être analysée en parallèle de celle de la répartition du prix de vente évoquée ci-dessus. Qui de l'usufruitier ou du nu-propriétaire sera redevable de l'impôt sur la plus-value ? Il n'existe aucun texte en la matière à ce jour.
– Rappel de la doctrine administrative. – Lors de la vente d'un immeuble démembré, et particulièrement lors de la cession conjointe de l'usufruit et de la nue-propriété, la doctrine administrative énonce ce qui suit :
« En cas de cessions conjointes par le nu-propriétaire et l'usufruitier de leurs droits démembrés respectifs avec répartition du prix de vente entre les intéressés, l'opération est susceptible de dégager une plus-value imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés.
Le prix de cession à retenir est le prix réel tel qu'il est stipulé dans l'acte. Le prix global doit être ventilé de façon à faire apparaître distinctement le prix de cession de la nue-propriété et celui de l'usufruit, en fonction de la valeur réelle au jour de la vente.
Àtitre de règle pratique, il est admis que cette ventilation puisse être effectuée en appliquant le barème prévu par l'article 669 du CGI, en tenant compte, bien entendu, de l'âge de l'usufruitier au jour de la vente ».
– Une absence de solution pour deux des trois options de sort du prix de vente. – La doctrine administrative rappelée ci-dessus n'envisage donc expressément qu'une des trois options possibles du sort du prix de vente de l'immeuble démembré vues ci-dessous : celle de la répartition du prix de vente entre l'usufruitier et le nu-propriétaire. Qu'en est-il en cas de remploi du prix de vente en démembrement ou en cas de constitution d'un quasi-usufruit sur le prix de vente ?
Ou faut-il considérer que la doctrine administrative, en prévoyant que « le prix global doit être ventilé de façon à faire apparaître distinctement le prix de cession de la nue-propriété et celui de l'usufruit » souhaite imposer cette « méthode » dans les deux autres options possibles, même s'il n'y a pas répartition proprement dite ?
Il existe ici une incertitude, qui n'est pas tranchée par l'administration fiscale ni par la loi. Àdéfaut de répartition effective du prix de vente, l'usufruitier doit-il être seul redevable de l'impôt sur la plus-value totale ? Ou le prix de cession doit-il être ventilé malgré le quasi-usufruit et l'impôt sur la plus-value payé d'une part par l'usufruitier et d'autre part par le nu-propriétaire ? La doctrine est partagée. Il est tentant d'appliquer les mêmes règles qu'en matière de plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux, rappelées ci-après. Mais si l'administration fiscale avait voulu prévoir un même traitement, pourquoi ne l'a-t-elle pas précisé ? La jurisprudence ne semble pas avoir apporté de réponse de son côté à ce jour, et « les contribuables qui souhaiteraient retenir, en cas de cession conjointe de droits démembrés sur un immeuble avec remploi du prix et report du démembrement ou constitution d'un quasi-usufruit sur le prix, la position selon laquelle un seul titulaire des droits démembrés serait taxable sur la plus-value seraient bien avisés d'accompagner leur déclaration d'une mention expresse afin d'éviter les pénalités éventuelles en cas de divergence d'interprétation avec l'administration ».
– Schéma récapitulatif. – Nous récapitulons dans le schéma ci-après le sort du prix de vente d'un immeuble démembré et les incidences quant au redevable de l'impôt sur la plus-value.
– Le cas particulier des titres sociaux démembrés. – Il n'en va pas de même en cas de cession conjointe par l'usufruitier et le nu-propriétaire de titres sociaux démembrés. Dans cette situation, la solution est prévue par une doctrine administrative stable. Outre le cas particulier du démembrement d'un portefeuille de valeurs mobilières, la plus-value est imposable soit au nom du nu-propriétaire en cas de remploi, soit au nom de l'usufruitier en cas de quasi-usufruit, soit au nom des deux respectivement à hauteur de leur quote-part, en cas de partage du prix de cession. Les parties peuvent donc conventionnellement anticiper la situation et convenir d'un choix.
– Cession de titres sociaux démembrés et calcul de plus-value. – En cas de cession de titres sociaux démembrés, le premier terme de la plus-value de cession est toujours constitué par le prix de cession de la pleine propriété des titres cédés. Pour la détermination du prix d'acquisition, il faut distinguer deux hypothèses :
- en cas de répartition du prix, une double plus-value est calculée et le prix d'acquisition respectif est calculé à raison des droits respectifs (sauf si l'un des cédants a disposé de la pleine propriété avant leur démembrement, car dans ce cas il est admis que le prix d'acquisition du droit démembré soit calculé en appliquant le barème de l'article 669 du Code civil au prix d'acquisition en pleine propriété) ;
- en cas de constitution d'un quasi-usufruit ou de report du démembrement, le prix d'acquisition des titres est constitué :
Une clarification législative nécessaire
Il existe une incertitude en matière de règles d'imposition des plus-values immobilières lors de la cession conjointe de l'usufruit et de la nue-propriété. Il convient que le législateur intervienne et tranche la question du redevable de l'impôt de plus-value en fonction des différentes modalités d'attribution du prix de cession d'un immeuble démembré.
– Ingénierie notariale et redevable de l'impôt de plus-value lors de la vente de l'immeuble démembré. – Dans l'attente d'une clarification législative, le notaire devra :
- soumettre et expliquer la controverse à ses clients lorsqu'il s'agira de déterminer le procédé suivi ;
- déterminer, par convention préalable entre usufruitier(s) et nu-propriétaire(s), qui aura la charge finale de l'impôt de plus-value, et dans quelles proportions.
Le tout notamment quand, selon le cas d'espèce, la question a un impact financier important (par ex., si le bien constitue la résidence principale de l'usufruitier, impliquant une exonération de plus-value si l'on considère que l'usufruitier est le seul redevable de l'imposition).
Cession de l'immeuble démembré et redevable de la plus-value
Lorsque l'usufruitier et le nu-propriétaire cèdent conjointement leurs droits démembrés respectifs dans un immeuble, après être convenus de la constitution d'un quasi-usufruit ou d'un maintien d'un démembrement avec obligation de remploi, il existe une controverse sur l'identité du redevable de l'impôt de plus-value immobilière. Cette source de contentieux doit être anticipée et la signature d'une convention entre les parties sur les modalités de paiement de l'impôt paraît indispensable.
Les limites fiscales d'une convention entre usufruitier et nu-propriétaire relative au sort du prix de vente de l'immeuble démembré et à l'impôt de plus-value
Déterminer l'identité du redevable d'un impôt ne relève pas d'une convention entre personnes privées, mais uniquement de la loi (ou de manière plus précaire, de la jurisprudence ou de la doctrine fiscale). La convention entre les parties ne peut déterminer que l'identité de celle d'entre elles qui supportera la charge financière de l'impôt. La convention relative au sort du prix de vente et à la charge financière de l'impôt de plus-value devrait tenir compte de l'aléa des textes fiscaux, de la jurisprudence ou de la doctrine. Àdéfaut, dans l'hypothèse où la convention ferait peser la charge fiscale sur une des parties qui, demain, ne serait pas identifiée comme redevable, ce transfert de charge – et donc de valeur – pourrait être inefficace, voire assimilé à une donation.
Par exemple, si le quasi-usufruitier était identifié conventionnellement comme ayant la charge de l'impôt et qu'il s'avérait que le nu-propriétaire était in fine le redevable (total ou partiel), plusieurs conséquences seraient à envisager : (i) un nouveau calcul de l'impôt serait à effectuer, avec une éventuelle demande de restitution, dans le délai de réclamation, par le quasi-usufruitier, (ii) la prise en charge initiale par le quasi-usufruitier pourrait être assimilée à une donation taxable, et (iii) la convention devrait, le cas échéant, prévoir de matérialiser un abandon partiel du quasi-usufruit, pour donner les moyens suffisants au nu-propriétaire de régler le coût fiscal puisque, par principe, il n'aurait pas encaissé de liquidités issues du prix lors de la vente.
Vente d'un immeuble démembré, plus-value et questions connexes
Vente d'un immeuble démembré, plus-value et usufruit successif
En cas de cessions conjointes par le nu-propriétaire et l'usufruitier de leurs droits démembrés respectifs avec répartition du prix de vente entre les intéressés, l'opération est susceptible de dégager une plus-value imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés. Mais qu'en est-il dans le cas particulier de la cession d'un bien grevé d'un usufruit successif ?
La question a été posée au ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance par le sénateur Malhuret. Dans une contribution récente, Michel Leroy analyse l'imposition devant être supportée par l'usufruitier successif en fonction des différents sorts du prix de vente de l'immeuble démembré.
Vente d'un immeuble démembré et usufruit temporaire
– Confirmation de la doctrine administrative et précision. – Confirmant la doctrine administrative, la cour administrative d'appel de Marseille, dans une décision du 18 février 2021, vient tirer les conséquences d'une cession concomitante de l'usufruit temporaire et de la nue-propriété d'un bien (en ce qu'elle entre dans le champ d'application et la taxation des dispositions de l'article 13, 5 du Code général des impôts, qui dispose que le produit de la cession à titre onéreux d'un usufruit temporaire est imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie de revenus à laquelle elle se rattache, écartant ainsi le régime des plus-values immobilières des particuliers).
L'arrêt apporte une précision intéressante : la cession d'un premier usufruit temporaire sur un actif immobilier sera ainsi taxée au titre des revenus fonciers, même si elle s'accompagne de la cession concomitante de la nue-propriété du même actif, dans le cadre d'une opération globale fiscalement cohérente.
Une vigilance accrue sera dès lors nécessaire au moment de la régularisation de ce type d'opération, puisque ni son caractère « global » ni l'absence d'abus ne feront échec à la taxation de l'article 13, 5 du Code général des impôts.
Le 112e Congrès des notaires de France avait proposé à cet égard d'exclure du champ d'application de l'article 13, 5 du Code général des impôts les cessions à titre onéreux d'usufruit temporaire consenties concomitamment à la cession de la nue-propriété, à la condition que le cédant ne conserve aucun droit réel sur l'immeuble cédé, directement ou indirectement.
Vente d'un immeuble démembré, plus-value et exonération pour résidence principale
– Pas d'exonération pour première cession d'un logement autre que résidence principale quand on détient un droit démembré sur sa résidence principale. – Nous mentionnons ici l'arrêt du Conseil d'État du 15 juillet 2021 ayant décidé que la détention par le cédant d'un droit démembré (ou d'un droit indivis) sur sa résidence principale fait obstacle au bénéfice de l'exonération de plus-value réalisée lors de la première cession d'un logement autre que sa résidence principale (prévue par l'article 150 U, II, 1o bis duCode général des impôts). Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité à cet égard, le Conseil d'État a jugé que cette différence de situation était justifiée et en rapport direct avec l'esprit de la loi.