Accompagner un client étranger en France

Accompagner un client étranger en France

– Anticipation et points de vigilance d'une opération transnationale. – Un client étranger réalisant un investissement en France, en raison même d'une ignorance bien légitime des systèmes juridique et financier français, aura particulièrement besoin d'explications relatives au processus immobilier français, tant au moment de l'acquisition immobilière que lors de la revente. Un investissement dans un contexte international est, par ailleurs, de nature à générer plus facilement des litiges ou contentieux, s'il n'est pas appréhendé de façon globale et anticipée. Il nous appartient donc particulièrement d'exercer notre devoir de conseil et d'information avec vigilance, en faisant appel si nécessaire à des spécialistes ou confrères étrangers. En présence de clients étrangers ou d'une situation comportant un élément d'extranéité, il convient de garder à l'esprit plusieurs points d'attention. Ceux-ci varient bien sûr d'un dossier à l'autre, mais certaines problématiques demeurent récurrentes et des réflexes doivent exister, notamment en matière d'application des lois de police françaises, de nécessité de traduction, de lutte contre le blanchiment de capitaux ou de fiscalité. Nous ne pourrons pas envisager ici l'ensemble des problématiques liées à l'accompagnement d'un investisseur étranger en France, mais nous nous contenterons d'en citer quelques-unes, qui illustrent notre rôle d'anticipation et d'ingénieur notarial particulièrement prégnant en matière d'investissement immobilier international.

Informer le client étranger sur le processus immobilier

– L'investissement en France par un étranger. Une situation complexe par nature. – L'investisseur étranger méconnaît souvent, et fort légitimement, le système juridique français ainsi que le déroulement global d'une transaction immobilière en France. Cette méconnaissance est, par essence, source de conflits et de litiges, tant il apparaît que l'incompréhension suscite, d'une certaine façon, naturellement ces difficultés. Àcette méconnaissance peut s'ajouter l'incompréhension de la langue française, ce qui n'est pas de nature à faciliter la situation de l'investisseur étranger. Nous devons alors être particulièrement attentifs à notre devoir d'information et de conseil, en prenant le temps d'apporter des explications particulières et adaptées, et en tenant compte du fait que notre interlocuteur n'est pas naturellement sensibilisé à la matière ou surtout qu'il peut être induit en erreur dans sa compréhension par des références erronées à son environnement juridique classique.
Il sera opportun d'adresser à un client étranger, en début de dossier, une note, un schéma explicatifs retraçant avec des explications simples les étapes qui seront suivies jusqu'à l'acte final, ainsi que les délais et actions à respecter et accomplir, que ce soit côté notaire ou côté client.

Processus de vente immobilière et droit comparé

Si le processus de vente immobilière dans les pays de droit continental repose souvent sur les mêmes grands principes, les mêmes étapes principales, il recoupe aussi une diversité de particularités ; celles-ci peuvent être autant de pièges et de sources d'incompréhension lorsque l'on est amené à être acteur d'une vente immobilière dans un autre pays que celui que l'on connaît.
Le monopole en matière de vente immobilière ne bénéficie par exemple pas aux notaires autrichiens, hongrois ou tchèques. De même, si le recours à l'avant-contrat est presque systématique en France, Belgique, ou Italie, il reste rare en Espagne et en Suisse, et presque inexistant en Allemagne, Autriche ou Russie.
Autre angle de différence notable, bien sûr, celui du rôle respectif du contrat et de la publicité : transfert de propriété résultant de l'acte signé chez le notaire dans les pays de droit latin, alors qu'il résulte de l'inscription dans le registre public en Allemagne, Autriche, dans les départements français d'Alsace-Moselle et avec quelques nuances en Suisse. L'Espagne connaît quant à elle un système hybride, avec un transfert de propriété nécessitant la signature du contrat ainsi que la tradition de la chose.
Nous renvoyons ici au guide pratique sur le processus de vente immobilière dans les différents pays membres édité par l'Association des notaires des métropoles européennes (ANME) à l'occasion de ses vingt ans.

Déroulé d’un processus immobilier français

Choix de loi et d'avant-contrat

– Propositions du 115e Congrès des notaires de France. – Nous rappellerons ici la proposition portée par le 115e Congrès des notaires de France et adoptée suite à un vote favorable de 97 % des votants :
« Que les notaires adaptent leur pratique et leurs actes au contexte international en prévoyant la signature de promesses unilatérales de vente authentiques et une désignation de la loi applicable par les parties dans toutes les promesses de vente, les actes de vente et généralement, dans tous les contrats qu'ils dressent ».
– Désignation de la loi applicable. – En effet, la loi applicable à une promesse de vente reçue par un notaire français en France concernant un immeuble situé en France n'est pas forcément la loi française. Il est important de prévoir un choix de loi applicable dans les promesses de vente car, ne faisant pas naître des droits réels mais des droits personnels, elles ne bénéficient pas du rattachement opéré par le règlement européen dit « Rome I » à la loi du lieu de situation de l'immeuble. Àdéfaut de choix de loi, c'est la loi du lieu de résidence du vendeur (débiteur de la prestation caractéristique) qui est applicable.

Attention à l'application d'une loi étrangère à une promesse de vente authentique devant un notaire français portant sur un immeuble situé en France

Àdéfaut de choix de loi applicable, une loi étrangère pourrait s'appliquer à une promesse de vente signée devant un notaire français et portant sur un immeuble situé en France si le cédant réside à l'étranger par exemple.
– Choix de la forme de la promesse unilatérale de vente authentique. – Comme mis en avant et argumenté dans les travaux du 115e Congrès des notaires de France, dans un contexte international, notamment en présence d'un promettant domicilié à l'étranger, le recours à la promesse unilatérale de vente authentique va permettre de faciliter l'exécution de l'acte en cas de défaillance de l'une des parties.

Insérer une clause d'élection de for ?

Une clause attributive de juridiction – ou clause « d'élection de for » – permet le choix des tribunaux compétents. En droit interne français elle n'est admise qu'entre commerçants, mais elle est validée par la jurisprudence dans un litige international.
Elle est toutefois à utiliser avec précaution, notamment car :
  • une clause d'élection de for ne doit pas faire échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française ;
  • la France est liée par de nombreux règlements européens et traités internationaux contenant des dispositions relatives à des clauses attributives de juridiction et entraînant la mise à l'écart du droit commun.
La clause d'election de for relève du règlement Bruxelles I bis no 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judidiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Elle n'est pas possible dans le cas d'un droit réel immobilier.

Choix de la langue de l'acte, interprète et traduction

– Une obligation de rédiger les actes notariés en français. – L'obligation pour tout notaire d'officier en langue française résulte du décret du 2 thermidor an II, mais peut aujourd'hui également se fonder sur l'article 2, alinéa 2 de la Constitution issue de la loi constitutionnelle no 92-554 du 25 juin 1992 précisant que le français est la langue de la République. Ce texte a étendu à tous les actes publics l'obligation de l'usage du français.
Le notaire français ne peut donc pas rédiger ses actes dans une langue étrangère. Il doit soit rédiger l'acte en double colonne (français/langue étrangère, en précisant que seule la version française fait foi), soit traduire directement l'acte au fur et à mesure de sa lecture s'il maîtrise la langue parlée par ses clients étrangers, soit recourir aux services d'un traducteur. Dans tous les cas il conviendra d'indiquer en mention finale la méthode employée pour s'assurer du consentement éclairé des parties.
– Un acte bilingue proposée par le 115e Congrès des notaires de France. – Une des propositions du 115e Congrès des notaires de France était « que soit confirmée par la loi la possibilité de recourir à une version bilingue, à la demande des parties, à condition que la langue française continue à faire foi ». Il n'y a pas encore eu d'évolution législative depuis en la matière, mais en pratique cela est utilisé.
– La particularité de l'Alsace-Moselle. – En Alsace-Moselle, les notaires peuvent dresser des actes notariés en langue allemande « lorsque toutes les parties correspondantes ignorent le français et requièrent que l'acte soit rédigé en allemand ».
– Comparaison avec d'autres systèmes. – Les actes en double colonne (ou avec « traduction en mi-marge », pour reprendre les termes employés dans la proposition susvisée du 115e Congrès des notaires de France) existent déjà en Italie, Allemagne, Royaume-Uni, Hollande, Maroc… entre autres.
– Ne pas omettre la présence d'un interprète. – Il appartient au notaire de s'assurer que chaque partie à l'acte qu'il reçoit a une connaissance suffisante de la langue française afin de comprendre ses engagements. Àdéfaut, il engage sa responsabilité professionnelle.

Client étranger et interprète

Lorsque le notaire constate qu'un client n'est pas en mesure de comprendre suffisamment la portée de ses engagements du fait d'une mauvaise compréhension de la langue française, il doit (sauf s'il maîtrise la langue du client) prévoir la présence d'un interprète, afin d'éviter notamment un litige futur à cet égard.

Respect des lois de police françaises

– Définition d'une loi de police. – L'article 9 du règlement européen « Rome I » définit la loi de police comme « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics (…) au point d'en exiger l'application à toute stipulation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat (…) ».
– S'interroger sur la qualification de loi de police et son application dans un contexte international. – En présence d'un élément d'extranéité tel qu'une partie domiciliée à l'étranger ou de nationalité étrangère, ou surtout lorsque les parties auront décidé de soumettre leur contrat à une loi étrangère, il conviendra de s'interroger sur l'application ou non des lois de police françaises ou en tout cas sur leurs modalités d'application. Il n'est en effet pas rare qu'un étranger de passage à Paris ait un coup de cœur pour un appartement, signe un avant-contrat, et souhaite se rétracter de retour chez lui.
– Loi SRU, loi Alur et loi de police. – Concernant les dispositions des articles L. 271-1 (issues de la loi dite « SRU ») et L. 721-2 (issues de la loi dite « Alur ») du Code de la construction et de l'habitation, la prudence (puisque cette question n'a pas encore été tranchée en jurisprudence) conduit à les considérer comme des lois de police et à les appliquer dès lors que l'immeuble est situé en France (et même si les parties ont décidé de soumettre le contrat à une loi étrangère).
– Article 215, alinéa 3 du Code civil et loi de police. – Les dispositions protectrices du régime matrimonial de base relèvent du domaine des lois de police. Dès lors, en présence d'un vendeur étranger, si l'immeuble est situé en France, il conviendra d'obtenir le consentement de son conjoint s'il s'agit du logement de la famille.
– Loi Scrivener et loi de police. – Nous abordons ci-avant la question de l'application des dispositions de la loi Scrivener en cas de vente d'immeuble présentant un élément d'extranéité (V. supra, nos et s.).
– Diagnostics immobiliers et loi de police. – Le vendeur peut-il éluder la réalisation des diagnostics techniques prévus par l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation lorsque les parties ont soumis le contrat de vente de l'immeuble situé en France à une loi étrangère ? Il semble devoir être considéré que la réalisation des diagnostics s'impose pour des raisons d'intérêt public, de sorte que la qualification de loi de police doit être retenue .

Loi de police et contexte international

Dans un contexte international, lorsque la qualification d'une loi de police française est incertaine, il convient de l'appliquer par précaution ou de prévoir une reconnaissance de conseils donnés en cas de refus des parties.

Informer le client étranger sur la fiscalité applicable

Lorsque nous conseillons un client étranger réalisant une opération immobilière en France, nous devons attirer son attention en amont et anticiper avec lui la fiscalité qui lui sera applicable, tant en France lors de l'acquisition, la détention et la cession, mais également à l'étranger le cas échéant.
– Information sur la fiscalité applicable en France lors de la mutation immobilière. – Un client étranger non résident en France réalisant un investissement en France sera presque toujours soumis à la même fiscalité qu'un acquéreur résident, à quelques exceptions près, comme en matière de TVA.
Nous devrons toutefois attirer son attention sur :
  • la fiscalité applicable en France lors de la détention immobilière : cette question est traitée ci-dessus (V. infra, nos et s.) ;
  • la fiscalité applicable en France lors de la cession : cette question est traitée ci-dessus (V. supra, nos et s.) ;
  • les conséquences à l'étranger de son acquisition en France.

Mineurs et majeurs protégés étrangers et autorisations de juridictions étrangères

La situation d'un mineur étranger détenteur d'un immeuble en France est de plus en plus fréquente au fur et à mesure de l'internationalisation des transactions, et notamment suite au décès du parent qui avait acheté une résidence secondaire en France.
– Tenir compte de l'application de la loi nationale ainsi que des conventions internationales ou des règlements européens en présence de mineurs ou majeurs protégés de nationalité étrangère ou résidant à l'étranger. – La représentation et la protection des incapables relèvent du statut personnel régi par la loi nationale, sous réserve de l'application de conventions internationales ou des règlements européens, et notamment :
  • de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur la compétence des autorités et la loi applicable à la protection des mineurs ;
  • de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 relative notamment aux autorités compétentes (en principe celles de l'État de résidence de l'enfant) pour la protection de la personne et des biens et la détermination de la loi applicable par ces autorités ;
  • du règlement dit « Bruxelles II bis » donnant notamment compétence en principe aux juridictions de l'État dans lequel l'enfant a sa résidence habituelle ;
  • conventions bilatérales auxquelles la France est partie.

La représentation du mineur étranger dans une opération immobilière

Dans le cadre d'une opération immobilière, la question de la représentation du mineur étranger doit être étudiée au vu des conventions internationales et règlements européens afin de déterminer la loi applicable à cette représentation et si une autorisation d'une juridiction étrangère est nécessaire à la signature de l'acte.
Attention :
  • un mineur de nationalité française peut avoir besoin d'une autorisation pour acquérir un bien en France ;
  • la résidence habituelle du mineur peut changer et donc les solutions évoluer au cours du temps.

Représentation du mineur étranger achetant un bien en France. Exemples

Regards croisés franco-allemands
Un mineur de nationalité française résidant en Allemagne se porte acquéreur d'un bien immobilier en France : en application de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, c'est la loi allemande (loi de la résidence habituelle) qui devra être appliquée à la question de la représentation du mineur à cette occasion. Le droit allemand (art. 1643 BGB [Code civil allemand]) prévoit que l'acquisition d'un immeuble par un mineur doit être autorisée par le tribunal (par le juge du tribunal familial [Familiengericht]), compétent par application du règlement dit « Bruxelles II bis » en tant que juridiction de l'État membre de résidence habituelle.
Alors qu'à l'inverse un mineur de nationalité allemande résidant en France n'aura pas besoin d'autorisation pour acquérir un bien immobilier en France (hors emprunt avec garantie réelle), puisqu'en droit français, pays de la résidence habituelle, le placement de capitaux au nom d'un enfant mineur n'est pas soumis à autorisation.
Regards croisés franco-suisses
Un mineur de nationalité suisse résidant en France recueille un immeuble situé en France dans la succession de son père. En application de la loi française de la résidence habituelle du mineur, une autorisation judiciaire (du juge français aux affaires familiales) sera nécessaire pour la vente de l'immeuble.
Alors qu'un mineur français ayant sa résidence habituelle en Suisse pourra vendre le bien situé en France sans autorisation judiciaire, la loi suisse conférant à la mère détentrice de l'autorité parentale la faculté de vendre sans autorisation un immeuble appartenant à son enfant (C. civ. suisse, art. 297 et 318).

Acquisition internationale et anticipation successorale

– Penser dès l'acquisition à la transmission future dans un contexte international. – Lorsque des clients étrangers procèdent à un investissement immobilier en France, il conviendra d'envisager déjà avec eux le sort de ce bien à l'avenir, et ses modalités de transmission civile et fiscale en cas de décès.
Il peut notamment leur être conseillé de modifier la loi applicable à leur régime matrimonial pour ce qui concerne le ou les biens immobiliers situés en France, permettant l'application d'un régime de communauté universelle avec clause d'attribution au conjoint survivant, ou une tontine ou société tontinière, renonciation anticipée à l'action en réduction (Raar), pour éviter la réserve.

Procurations à distance, légalisation et apostille : évolutions récentes

– Plan. – Des évolutions récentes rendent plus aisée la signature d'un acte reçu en France par des parties domiciliées à l'étranger, lorsqu'elles ne sont pas en mesure de se déplacer. Si l'on peut se réjouir de ces progrès qui simplifient des démarches parfois compliquées, il faut rester vigilants et attentifs dans le cadre de leur utilisation, que ce soit pour veiller à anticiper les éventuels litiges pouvant en résulter, ou pour ne pas altérer en chemin l'étendue de notre devoir d'information et de conseil et notre mission d'officier public ministériel. Fin 2020, sous l'impulsion de la crise sanitaire, des décrets ont aménagé les dispositions en matière de procurations authentiques à distance, d'une part (§ I), et de légalisation, apostille et certification de signature, d'autre part (§ II). Nous soulignerons quelques points de vigilance, conseils et réflexes pour anticiper le contentieux en la matière.

Procurations authentiques à distance

– Texte. – Mises en place en période de crise sanitaire et pour un temps limité, les procurations authentiques à distance ont été instaurées durablement par décret du 20 novembre 2020. Sans être réservées aux Français de l'étranger, elles pallient notamment les difficultés résultant de la suppression des fonctions notariales des consuls à l'étranger. Ce texte pérennise le dispositif autorisé à titre exceptionnel et temporaire par le décret du 3 avril 2020.
– La question de l'usage des procurations sous seing privé. – Il a été souligné que « la comparution à distance est bien préférable à la procuration sous seing privé qui ne permet pas toujours de s'assurer, en l'absence de contact visuel, de la parfaite compréhension et de la capacité du mandant ». Pour certains auteurs, l'acte notarié à distance permet d'assurer une plus grande sécurité juridique aux parties en comparaison de la procuration sous signature privée qui fragilise considérablement la chaîne de l'authenticité (dont il constitue le « maillon faible »).
Doit-on alors préférer les procurations authentiques à distance aux procurations sous seing privé ? Il est en tout état de cause nécessaire de se (re)poser la question de l'usage parfois trop développé des procurations sous seing privé, sans avoir pris le temps et la précaution de délivrer préalablement au mandant les informations et conseils qui lui sont nécessaires pour la bonne compréhension de l'étendue de la procuration et de l'acte pour les besoins duquel elle est consentie.

Procuration notariée et devoir de conseil

Même si la procuration est signée à distance par le client, le notaire doit lui délivrer les mêmes informations, s'assurer de son consentement éclairé et de sa compréhension de l'acte pour les besoins duquel la procuration est établie. Par ailleurs, le recours à une procuration sous seing privé ne doit pas entraîner l'absence de délivrance d'explications et conseil par le notaire sur le contenu de l'acte pour les besoins duquel elle est consentie.
– Acte authentique à distance et droit international privé. – Lorsqu'un procédé de signature « à distance » est utilisé, il peut y avoir un franchissement de frontière lorsque le signataire est à l'étranger, caractérisant ainsi un élément d'extranéité. Mais la compétence du notaire est déterminée en fonction du lieu de la réception de l'acte authentique, et non de l'émission du consentement consigné dans cet acte. Le notaire est donc « habilité, pour un temps, à recevoir des actes transfrontières, ce qui, compte tenu de la suppression des attributions notariales des consuls, est d'ailleurs de nature à résoudre des difficultés qui se posent aux Français de l'étranger hors toute mesure de confinement ».

Légalisation et apostille

– Plan. – Nous aborderons ici la question de la nouvelle compétence des notaires français en matière de légalisation et apostille (A), ainsi que le développement des e-apostilles (B).

La nouvelle compétence des notaires en matière de légalisation et apostille

Chaque année en France, 440 000 actes publics français destinés à être produits à l'étranger sont légalisés ou apostillés.
– Le décret du 17 septembre 2021. – Dans le prolongement de l'ordonnance no 2020-192 du 4 mars 2020 portant réforme des modalités de délivrance de la légalisation et de l'apostille (qui a permis la délivrance de ces formalités par une seule et même autorité pour tous les actes publics établis sur le territoire national), le décret no 2021-1205 du 17 septembre 2021 est venu octroyer cette compétence aux notaires. Ce sera donc une même autorité qui délivrera légalisation et apostille. Et il appartiendra aux notaires de déterminer si c'est une légalisation ou une apostille qui sera exigée pour la production de l'acte public à l'étranger (ou si aucune formalité n'est nécessaire, comme indiqué ci-après).
Ce décret entrera en vigueur au 1er septembre 2023.
– L'apostille, une exception qui fait oublier le principe : la Convention de La Haye du 5 octobre 1961. – La Convention de La Haye du 5 octobre 1961, qui lie actuellement cent vingt États, remplace la formalité de la légalisation par une formalité plus simple, l'apostille.
– Le règlement du 6 juillet 2016 et la suppression de la légalisation. – Applicable depuis le 16 février 2019, ce règlement européen supprime la légalisation pour les documents publics issus des États membres de l'Union européenne.
Tableau récapitulatif de l'état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation :
Ou :

S'assurer que l'exigence de légalisation est supprimée

Pour être certain que le processus de légalisation est supprimé, il convient de vérifier :
  • qu'un texte dispense de toute légalisation l'acte qui doit être produit ;
  • que ce texte est applicable dans l'État d'origine de l'acte et dans l'État dans lequel il doit être produit.

e-apostille et e-registre

– Le développement des e-apostilles et e-registres des apostilles. – Afin de faciliter le contrôle de l'origine de l'apostille et de lutter contre la fraude dans ce domaine, le programme d'apostille électronique (e-APP) et d'e-registre a été lancé en 2006 par la Conférence de La Haye.
La gestion et l'assistance technique pour l'e-APP sont fournies par le Bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé (HCCH).
– L'e-apostille pour un document électronique ou papier. – Au vu de l'explosion du nombre de documents électroniques émis dans le monde, l'e-apostille permet d'apostiller des actes publics électroniques en conservant les avantages que ces documents présentent en termes de facilité de transmission. Mais l'e-apostille peut également être émise pour un acte public établi sur papier.
– L'e-registre des apostilles électroniques. – Quant au e-registre, il s'agit d'un registre électronique auquel le destinataire d'apostilles peut avoir accès en ligne, ce qui facilite le contrôle de l'origine des apostilles.
– Programme e-apostille. – Trente-cinq États ont déjà mis en œuvre le programme e-apostille, soit 30 % des États parties à la Convention de La Haye. L'état de mise en œuvre du programme e-apostille est consultable sur le site de la Conférence de La Haye (www.hcch.net">Lien). Il en est de même des liens permettant d'accéder au registre électronique des États parties au programme.
– Le décret du 17 septembre 2021 et l'e-apostille électronique . – Le décret précité du 17 septembre 2021 donnant compétence aux notaires pour la délivrance des légalisations et apostilles à compter du 1er septembre 2023 prévoit que ces formalités seront principalement délivrées sous forme électronique, après consultation par les autorités compétentes de la base de données des signatures publiques. Le registre électronique (e-registre) des légalisations et apostilles sera créé par le Conseil supérieur du notariat.

Belgique et e-apostille

En Belgique, et ce depuis le 1er mai 2018, les apostilles sont délivrées uniquement sous format électronique.

Les trois types d’e-registre d’apostilles électroniques

Actuellement, les e-registres peuvent se classer en trois principales catégories en fonction des informations qui s'affichent en réponse à la demande d'un destinataire qui souhaite vérifier l'origine d'une apostille. Soit l'e-registre n'affiche que des informations de base confirmant qu'une apostille portant le numéro et la date correspondants a bien été émise. En général, il s'agit d'une réponse de type « oui » ou « non ». L'e-registre apporte la certitude que l'apostille existe, non qu'elle circule avec le bon document. Soit l'e-registre ne se contente pas de confirmer qu'une apostille portant le numéro et la date correspondants a bien été émise. Il fournit également des informations sommaires sur l'apostille et/ou sur l'acte public (lieu d'émission de l'acte, autorité émettrice, etc.). Soit, pour les États qui ont développé le système le plus avancé, l'e-registre permet également de vérifier numériquement l'apostille et/ou l'acte public sous-jacent, avec une image scannée du document et de l'apostille. Il est alors possible de vérifier que l'apostille circule avec le bon document.

Récapitulatif des principaux points de vigilance en matière d'opération immobilière internationale

Nous récapitulons dans le tableau ci-après les principaux points de vigilance ainsi que les principales questions à se poser et à examiner dans le cadre d'une opération immobilière se déroulant dans un contexte international.

Le notaire « family officer », interlocuteur de confiance d'un client étranger

Family office et clients étrangers. – L'intérêt et la pertinence du développement de services de family office par les notaires, notion définie et évoquée ci-après par la deuxième commission (V. infra, nos et s.), prennent particulièrement sens vis-à-vis d'une clientèle étrangère, parfois plus exigeante, souvent plus en attente d'un interlocuteur de confiance. Un investisseur étranger aura particulièrement besoin d'un accompagnement sur-mesure, d'un suivi adapté à sa situation particulière et souvent plus complexe.
Particulièrement en présence de clients étrangers, le notaire a un rôle d'interlocuteur de confiance à jouer :
  • au stade de l'acquisition : en étant force de propositions sur les structures adaptées au contexte international, sur les points de vigilance fiscaux ainsi qu'en délivrant une information claire et adaptée à des clients non familiarisés avec l'environnement juridique français ;
  • pendant la détention : en assurant un suivi de la gestion du bien immobilier détenu, parfois à distance, que ce soit comme bien d'usage (pouvant alors aller jusqu'à un service de « conciergerie » pour la gestion des factures ou le suivi et la présence aux assemblées de copropriété) ou comme bien locatif (avec une gestion immobilière active) ;
  • lors de la revente ou en vue de la transmission, en proposant des solutions adaptées et optimisées, tant sur les plans civil que fiscal, tenant compte des particularités et éléments d'extranéité.